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15/02/2012 | FRANCE | N°04/02625

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 15 février 2012, 04/02625


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 15 FEVRIER 2012



(n° 51 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 04/02625



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2003

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200360182





APPELANTS





S.A.S. BRICORAMA FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représe

ntants légaux

[Adresse 23]

[Localité 5]





S.A.S. BRICORAMA [Localité 20]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 11]

[Localité 20]





S.A.S. BRICORAMA [Local...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 15 FEVRIER 2012

(n° 51 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/02625

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2003

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200360182

APPELANTS

S.A.S. BRICORAMA FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 23]

[Localité 5]

S.A.S. BRICORAMA [Localité 20]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 11]

[Localité 20]

S.A.S. BRICORAMA [Localité 17]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 22]

[Localité 17]

S.A. S. BRICORAMA [Localité 18]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 18]

S.A.R.L. EPI SERVICES

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 11]

[Localité 20]

S.C.I. ELLEMMO

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 11]

[Localité 20]

Monsieur [M] [G]

[Adresse 12]

[Localité 20]

Monsieur [W] [V]

[Adresse 3]

[Localité 20]

Madame [W] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 20]

Mademoiselle [W] [H]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Monsieur [W] [D]

[Adresse 3]

[Localité 20]

Monsieur [W] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 20]

Monsieur [X] [B]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Madame [L] [F]

[Adresse 4]

[Localité 14]

Madame [E] [S]

[Adresse 13]

[Localité 8]

Monsieur [U] [R]

[Adresse 4]

[Localité 14]

Rep/assistant : la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY (avoués à la Cour)

assisté de Me MENGUY Gilles, avocat au barreau de PARIS- toque L304

plaidant pour la SCP GAST & MENGUY, avocats

et de Me LAGARDE Xavier, avocat au barreau de PARIS - toque J149

INTIMEE

S.A. MR BRICOLAGE venant aux droits de la société B3 SERVICES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 19]

Rep/assistant : la SCP OUDINOT-FLAURAUD (avoués à la Cour)

Rep/assistant : Me LANCIAUX Marc, avocat au barreau de PARIS - toque

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 6 décembre 2011 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, Président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.ROCHE, président

- M.VERT, conseiller

- Mme LUC, conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRET

- contradictoire

- prononcé publiquement par M. ROCHE, président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. ROCHE, président et Mme CHOLLET, greffier.

LA COUR,

Vu l'arrêt du 15 novembre 2006 par lequel la Cour de céans a, notamment, ordonné une expertise confiée à Madame [N] ;

Vu le rapport d'expertise déposé par cette dernière le 29 décembre 2009 ;

Vu l'arrêt de la même Cour du 1er décembre 2010 ;

Vu les rapports complémentaires déposés par Madame [N] les 2 mars et 20 juillet

2011 ;

Vu les conclusions présentées le 2 novembre 2010 par MM et Mmes [U],

[L], [M], [X], [E], consorts [W] ainsi que par les sociétés EPI SERVICES, ELLEMO, BRICORAMA [Localité 20], BRICORAMA FRANCE, BRICORAMA [Localité 17] et BRICORAMA [Localité 18] et tendant à faire :

A titre principal,

- dire que la société Mr BRICOLAGE, venant aux droits de la société B3 SERVICES,

ne démontre ni l'existence de son préjudice tel qu'il a été défini par l'arrêt du 15

novembre 2006, ni l'existence d'un droit indemnitaire au titre des restitutions

consécutives à l'annulation de la cession du 28 mai 2001, ni l'existence d'un préjudice

indemnisable en conséquence de la méconnaissance du pacte de préférence ;

- juger en conséquence que la société Mr BRICOLAGE ne peut prétendre à la moindre

indemnité en conséquence de l'annulation de la cession du 28 mai 2011 ;

- condamner l'intéressée à restituer la provision de 500.000 € versée en exécution de l'arrêt du 15 novembre 2006 avec intérêts au taux légal à compter de la signification

de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire,

- juger que le préjudice subi s'analyse en la perte d'une chance pour la société que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré ;

BRICOLAGE de percevoir les dividendes des sociétés HDB ;

- dire que le préjudice subi ne peut être supérieur à 10 % desdits dividendes et sera chiffré au maximum à la somme de 35.000 € ;

- débouter Mr BRICOLAGE de sa demande liquidation d'astreinte ;

- condamner l'intéressé à restituer la provision de 500.000 € versée en exécution de l'arrêt du 15 novembre 2006 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de

la décision à intervenir, déduction faite de la somme de 35.000 € ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que le préjudice subi s'analyse en la perte d'une chance pour la société Mr

BRICOLAGE d'obtenir les gains espérés de la cession des titres des sociétés HDB et

de l'absorption de ces derniers au sein du groupe Mr BRICOLAGE ;

- juger que le préjudice subi ne peut être supérieur à 10 % des dits gains ;

- débouter Mr BRICOLAGE de sa demande de liquidation d'astreinte ;

- juger qu'au titre de la perte de chance de percevoir des commissions et de réaliser une

plus-value immobilière, le préjudice doit être arrêté respectivement aux montants

maximum de 9.299 € et 143.839,2 € ;

- condamner Mr BRICOLAGE à restituer la provision de 500.000 € versée en exécution de l'arrêt du 15 novembre 2006 avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, déduction faite de 9.299 € et 143.839,2 €.

Vu les conclusions de la société Mr BRICOLAGE du 4 aout 2011 et tendant à faire :

- débouter la société BRICORAMA France, MM. [M], [X],

[U] et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et

conclusions ;

- condamner solidairement la société BRICORAMA France, MM. [M],

[X], [U] et Mme [L] au paiement des sommes suivantes:

* 9.799.053 € à titre de dommages-intérêts conformément aux conclusions de l'expert ;

* 875.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour concurrence déloyale ;

* 2.557.673 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour entrave au développement ;

* 1.755.011 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'actualisation du préjudice ;

* 1.755.011 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la persistance du préjudice ;

* 10.350 € au titre de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 22 février 2006 ;

* 150.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il convient, tout d'abord, de rappeler que, par l'arrêt susvisé du 15 novembre 2006, la Cour de céans avait énoncé que seuls les cédants, ceux-ci au titre de leur engagement contractuel, et la société BRICORAMA, celle-là sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, avaient engagé leur responsabilité envers la société Mr BRICOLAGE et lui devaient réparation des préjudices qui avaient pu en résulter pour l'acquéreur évincé et qu'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article 1142 du Code civil et dire que l'indemnité due à la société Mr BRICOLAGE en compensation de ces préjudices lui serait versée, in solidum, par la société BRICORAMA France et par les cédants ; que le même arrêt avait précisé « Considérant que la société Mr BRICOLAGE demande pour sa part à être indemnisée du manque à gagner résultant de la privation de l'exploitation des actifs des cinq sociétés, ainsi que des préjudices qu'elle a subis au titre de la concurrence déloyale dont elle a fait l'objet de la part de la société BRICORAMA et ce à compter de la fin de l'année 2001 ; qu'elle demande aussi que soit dressé un état actualisé du patrimoine des sociétés cédées afin de déterminer quels sont les biens et actifs de décembre 2000 qui demeurent existants et sous le contrôle direct ou indirect de la société BRICORAMA, et si les biens et actifs ont fait l'objet de cessions et à quel prix, ou ont définitivement disparu pour d'autres cause qu'une cession ;que la demande de la société Mr BRICOLAGE est bien fondée dans son principe ; qu'il y a lieu d'ajouter à ce préjudice, les privations de toute nature ' notamment les dividendes et plus-values ' résultant de l'impossibilité de substitution de l'intimée dans les droits acquis par la société BRICORAMA sur le capital des sociétés cédées, enfin de rechercher si la non réalisation des cessions au profit de la société Mr BRICOLAGE a entravé les chances de développement de cette dernière dans l'affirmative et dans quelle mesure » ; que, toutefois, et avant dire droit sur les demandes d'indemnisation formées par la société Mr BRICOLAGE, ledit arrêt avait ordonné une expertise confiée à Madame [N] à l'effet notamment de : « chiffrer les préjudices résultant pour la société Mr BRICOLAGE de la perte en capital, du manque à gagner ainsi que de l'entrave éventuellement apportée à ses chances de développement par suite de la privation des titres et des actifs des cinq sociétés, de leur exploitation par la société BRICORAMA depuis le 28 mai 2001, et de la concurrence déloyale ainsi exercée au détriment de Mr BRICOLAGE, cette évaluation prenant en compte, notamment, les plus values réalisées sur ces titres en capital, les résultats d'exploitation des sociétés franchisées dans les quatre années précédant la cession, et l'évolution de la concurrence depuis lors dans le secteur économique et géographique concerné, jusqu'en 2006 » ;

Considérant qu'il s'ensuit que, sauf à méconnaître directement l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt susvisé, lequel est devenu définitif, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 26 mars 2008, déclaré non admis le pourvoi formé contre cette décision, les appelants ne sauraient désormais utilement prétendre que la société Mr BRICOLAGE ne pouvait revendiquer nul préjudice alors précisément que le principe de celui-ci a été arrêté ; qu'il ne saurait d'avantage être soutenu qu'il ne s'agirait en tout état de cause que d'une perte de chance, l'arrêt susvisé ayant d'ores et déjà énoncé les éléments constitutifs du dommage subi, lequel comprend les pertes d'exploitations actualisées de 2001 à 2006 de trois magasins, la valeur des sociétés en 2006, les commissions non perçues entre 2001 et 2006, outre l'immobilier, la concurrence déloyales subie et l'entrave au développement ;

Considérant, en premier lieu, que si les appelants contestent les résultats de l'expertise effectuée par Madame [N] au motif que cette dernière a considéré que les chiffres d'affaires des trois fonds considérés pouvaient progresser après leur reprise par Mr BRICOLAGE, il convient de relever que les parties furent d'accord pour estimer que les trois fonds HDB étaient mal gérés avant leur cession (note de synthèse de l'expert du 20 juillet 2009, évoquée et reprise au rapport p.83) et que leurs résultats ne pouvaient donc que progresser en cas de changement de gestion, que la nouvelle direction soit BRICORAMA ou Mr BRICOLAGE ; que l'expert a constaté sur ce point, d'une part, que les prévisions établies par l'intimée (prévisionnel DSA) projetaient des chiffres en progression en cas d'acquisition de ces fonds, d'autre part, que les résultats effectifs obtenus par la société BRICORAMA après sa prise de possession des magasins en cause furent semblables aux résultats prévisionnels tirés des projections DSA « le montant de chiffre d'affaires des trois magasins dans le résultat normatif 2002 de BRICORAMA et dans les états prévisionnels pour 2002 sont très proches (...) »; que s'agissant de ce document d'évaluation DSA, si l'expert a considéré qu'il constituait une base de réflexion sérieuse dans l'estimation des valeurs que la Cour lui avait donné mission de dégager, il n'a pas manqué de la confronter aux argument des appelants; que c'est ainsi que:

- le compte rendu de réunion du 7 mai 2009 indique que pour dresser le tableau destiné à analyser les résultats des trois magasins, l'expert a retenu comme base de réflexion « pour BRICORAMA les résultats normatifs de 2002 présentés dans l'annexe E du rapport PRICEWATERHOUSE du 8 octobre 2007 (') et pour Mr BRICOLAGE, les états prévisionnels pour l'année 2002 établis par DSA, filiale de TABUR SA » (rapport d'expertise ' annexe 7, p. 2) ;

- le rapport d'expertise précise également que « Maître [A] (BRICORAMA) dans ses dires successifs a contesté très fortement cette pertinence (des évaluations opérées par DSA). C'est pour cette raison que les travaux d'expertise, en particulier les réunions du 28 novembre 2008 et du 7 mai 2009, ont porté sur l'examen de ces états établis par la société DSA appartenant au groupe TABUR (...) » ; que de même, l'expert a procédé à une analyse critique du contenu de ce rapport comme en témoigne les mentions suivantes dans sont rapport initial :

- « La pertinence et la fiabilité de ces états doivent toutefois être démontrées au vu des données disponibles avant 2001 et au vu des résultats de gestion réalisés par BRICORAMA après l'acquisition des sociétés » (rapport expertise p.22),

- « Néanmoins, l'ouverture en mai 2003 du magasin LEROY MERLIN n'a pas été

intégrée (dans la rédaction des états DSA). Elle n'était pas au demeurant programmée au moment de l'élaboration des états prévisionnels DSA » (rapport expertise p. 35),

- « Je rappelle que la majoration du loyer de [Localité 20] qui est portée sur l'état PRICE NORMATIF pour 88k€ après le résultat d'exploitation n'est pas intégrée dans les états DSA » (rapport expertise p. 54) ;

qu'ainsi, ledit document n'a été retenu qu'à titre informatif et comparatif, sa prise en compte n'ayant été faite qu'au regard des résultats effectifs et concrets des magasins gérés par la société BRICORAMA ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'il est également reproché à l'expert de ne pas avoir arrêté son calcul du manque à gagner de la société Mr BRICOLAGE en terme de pertes d'exploitation aux dates de fermeture des fonds de [Localité 17] et d'[Localité 18], les choix spécifiques de gestion opérés par la société BRICORAMA ne s'imposent pas à la société Mr BRICOLAGE, qu'au demeurant l'expert souligne : « Mr BRICOLAGE a soutenu au cours des opérations d'expertise, que le groupe n'aurait pas fermé les deux magasins de [Localité 17] et [Localité 18]. Aucune démonstration n'a été produite par BRICORAMA et ses Conseils pour contester cette affirmation de Mr BRICOLAGE » (Rapport expertise p. 87) ; qu'ainsi l'expert a pu pertinemment considérer que les deux fonds litigieux de [Localité 17] et d'[Localité 18] auraient pu poursuivre leur activité sous la direction du groupe Mr BRICOLAGE ; que l'expertise a, par ailleurs et

contrairement aux dires des appelants, régulièrement pris en compte le rappel de loyer supporté par le fonds de [Localité 20] à partir de 2004 ;

Considérant, en troisième lieu, que si les appelants contestent les appréciations expertales afférentes aux valeurs des sociétés HDB, il sera liminairement relevé que l'expert a pris soin d'exposer la méthodologie qu'il entendait suivre avant de présenter ses conclusions (rapport expertise p. 62 et 63) ; qu'annoncée en cours d'expertise, cette méthode de travail n'a fait l'objet d'aucune contestation des Conseils de BRICORAMA; que, plus précisément, l'expert précise :

- rapport p. 19 : « Pendant toute l'expertise, aucune des parties n'a contesté ma méthode si ce n'est au niveau des hypothèses retenues pour la croissance et l'activité des sociétés. Je dois cependant indiquer qu'un des Conseils de BRICORAMA qui n'a jamais participé aux réunions d'expertise et qui a été sollicité au dernier moment dans les conditions exposées au paragraphe 5.1 du présent rapport, a estimé contre toute attente et au mépris de tous les travaux accomplis, que la méthodologie suivie ne permettait pas de remplir la mission qui m'avait été confiée par la Cour d'Appel de Paris (rapport de M. [O] du 30 septembre 2009, pages 4 à 7) ».

- rapport p. 79 et 80 : « A titre préliminaire, je constate que la société BRICORAMA a été assistée pendant toutes les opérations d'expertise par le Cabinet PRICE WATERHOUSE COOPERS et que pour le dernier dire récapitulatif de Maître [A] en date du 30 septembre 2009, la société BRICORAMA a sollicité l'assistance complémentaire de 3 nouveaux Conseils qui ont produit 3 rapports distincts portants sur les thèmes qui avaient déjà été traités, dans les dires précédents et analysés par conséquent par le Cabinet PRICE WATERHOUSE COOPERS et débattus de manière contradictoire pendant l'expertise... » que dans son dernier rapport du 20 juillet 2011, l'expert ajoute : « Je rappellerai seulement que Monsieur [O], qui n'a jamais participé aux opérations d'expertise, a préconisé (') une méthode forfaitaire qui était en parfaite contradiction avec la méthode déjà retenue par la Cabinet conseil PRICE WATERHOUSE COOPERS qui a accompagné depuis le début les opérations d'expertise la société BRICORAMA » ;

Considérant, enfin, qu'il est aussi fait grief à l'expert de ne pas avoir pris en compte l'incidence de l'évolution de la concurrence au voisinage des fonds HDB alors précisément qu'il ressort des énonciations mêmes du rapport critiqué que les calculs effectués ont intégré les évolutions survenues et que les projections de résultats des fonds de [Localité 17] et d'[Localité 18] ont fait l'objet d'abattements pour tenir compte de l'ouverture de points de vente concurrents (Rapport expertise p. 51 et 52) ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la société BRICORAMA et les autres appelants critiquent les résultats de l'expertise quant à l'évaluation du montants des commissions non perçues par la société Mr BRICOLAGE, il sera observé que l'appréciation de ce chef de préjudice a fait l'objet d'une analyse particulièrement précise et détaillée de la part de l'expert, lequel a présenté et exposé la méthodologie retenue à cet effet, celle-ci n'ayant fait l'objet d'aucune contestation durant les opérations expertales elles-mêmes ;

Considérant, de la même manière, que si les appelants s'opposent aux conclusions de l'expert quant aux estimations immobilières effectuées par le sapiteur, Monsieur [J], leurs contestations se bornent à la présentation d'une série d'opinions subjectives non corroborées et insusceptibles de permettre d'écarter les chiffres proposés par le rapport d'expertise à la suite de calculs précis contradictoirement élaborés ;

Considérant qu'il en résulte que la Cour fera siennes les évaluations expertales, retenues à la suite d'opérations particulièrement minutieuses, techniques et largement débattues, du préjudice subi par la société Mr BRICOLAGE et l'arrêtera aux sommes de :

- 3.275.408 euros au titre des pertes d'exploitation actualisées de 2001 à 2006 pour les trois magasins concernés ;

- 4.417.744 euros au titre de la valeur des sociétés en 2006 hors immobilier ;

- 699.275 au titre des commissions non perçues de 2001 à 2006 ;

Considérant, en revanche, que si la valeur des actifs immobiliers sis à [Localité 21] et à [Localité 18] a pu justement et respectivement être estimée à 1.770.000 et 1.120.000 euros, l'immeuble situé à [Localité 15] a été démoli en 2006 et la commune en a fait l'acquisition pour 460.000 euros ; que seule cette somme devra être prise en considération pour l'évaluation à effectuer du préjudice de ce chef, lequel sera par suite estimé à 3.350.000 euros (1.770.000 + 1.120.000 + 460.000) ; que, de même, si la société Mr BRICOLAGE a ainsi été privée de la perception des loyers correspondants, il n'y a pas lieu de prendre en considération ceux afférents à l'immeuble de [Localité 16], lequel n'était pas louable comme surface commerciale ; que, dès lors, la perte de loyers indemnisable sera limitée à 138.423 euros ;

Considérant, en cinquième lieu, que si la société Mr BRICOLAGE sollicite 'l'actualisation' de son préjudice ainsi que l'indemnisation de la 'persistance' de celui-ci, il sera rappelé que l'arrêt du 15 novembre 2006 demandait à l'expert d'arrêter son chiffrage à la fin de l'année 2006 ; qu'en effet l'appréciation de celui-ci doit se faire à cette dernière date, toute projection mécaniste ultérieure ou tout autre calcul 'prorata temporis' méconnaîtrait l'aléa inhérent à la vie des affaires, toute activité commerciale étant nécessairement sujette aux variations liées tant aux lois du marché qu'aux qualités personnelles des dirigeants, de même que le caractère certain du dommage, condition à toute indemnisation de celui-ci ;

Considérant, en sixième lieu, que l'acquisition fautive et irrégulière par la société BRICORAMA des trois fonds de commerce litigieux a privé la société Mr BRICOLAGE de la présence commerciale de son enseigne sur chacun de ces emplacements et, donc, de la représentation de celle-ci sur la région parisienne ; qu'au regard du caractère particulièrement concurrentiel du marché de la grande distribution des articles de bricolage, la faute commise par les appelants, lesquels ont pris possession de magasins implantés de longue date et privé ainsi la société intimée d'une présence commerciale dans la zone concernée, a entraîné une distorsion obligée dans le jeu du marché considéré ; qu'à ce propos l'expert a lui-même reconnu: 'le groupe TABUR/ Mr BRICOLAGE a été privé de l'opportunité de créer son réseau en Ile de France (...) L'acquisition de magasins était un avantage décisif, d'autant que les fonds de commerce exploités par les trois sociétés étaient détenteurs d'une autorisation attribuée par la Commission départementale d'équipement commercial (CDEC)' ; qu'au vu des documents ainsi produits et des explications fournies la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer à 100.000 euros le préjudice subi par la société Mr BRICOLAGE du chef de la concurrence déloyale ;

Considérant que la même violation par la société BRICORAMA du droit de préemption dont disposait la société Mr BRICOLAGE, laquelle a été privée de trois représentations commerciales de son enseigne du fait de cessions opérées en fraude de ses droits, a généré un préjudice distinct constitué par l'entrave à son développement économique, obligeant l'intéressée à exposer des 'frais de substitution' nécessités par l'implantation de nouveaux points de vente présentant la même potentialité commerciale que ceux détournées par la société BRICORAMA ; que ces frais divers, comprenant notamment des coûts de prospection à l'effet de trouver des sites disponibles de même valeur commerciale et marchande, de négociation et d'acquisition de fonds, et plus généralement, de mise en place de la logistique tant juridique qu'administrative et commerciale nécessaire au lancement de l'activité dans les sites prospectés seront également évalués à la somme globale de 100.000 euros ;

Considérant, enfin, que par arrêt devenu définitif ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, la Cour de Céans a débouté la société Mr BRICOLAGE de sa demande aux fins de liquidation de l'astreinte ayant assorti l'injonction énoncée dans l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2006 rendue sur incident de communication de pièces ; que l'intimée n'est donc pas recevable à réclamer à nouveau ladite liquidation;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préjudice subi par la société Mr BRICOLAGE et actualisé à fin 2006 s'élève à 12.080.850 euros (3.275.408 + 4.417.744 + 699.275 + 3.350.000 + 138.423 + 100.000 + 100.000), somme dont il convient de déduire celle de 5.579.798 correspondant au prix de cession des sociétés et de l'immobilier 2006 ainsi que le loyer magasin de [Localité 20], soit 6.501.052 euros, montant au paiement duquel, en deniers ou quittances valables, la société BRICORAMA, [R] [U], [F] [L], [G] [M] et [B] [X] seront in solidum condamnés, les parties étant déboutées du surplus de leurs conclusions respectives ;

PAR CES MOTIFS

- Condamne in solidum la société BRICORAMA, [R] [U], [F] [L], [G] [M] et [B] [X] à verser à la société Mr BRICOLAGE à titre de dommages-intérêts la somme de 6.501.052 euros ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives,

- Condamne in solidum la société BRICORAMA, [R] [U], [F] [L], [G] [M] et [B] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertises, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- Les condamne sous la même solidarité à payer à la société Mr BRICOLAGE la somme de 30.000 euros au titre des frais hors dépens ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 04/02625
Date de la décision : 15/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°04/02625 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-15;04.02625 ?
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