La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2012 | FRANCE | N°10/18267

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 14 février 2012, 10/18267


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2012



(n° 20, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 2010/18267



Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 07 avril 2010 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ayant cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 04 décembre 2008 par la Cour d'appel de

PARIS (15ème chambre - section B) ayant statué sur l'appel d'un jugement rendu le 19 décembre 2006 par le Tribunal de Commerce de PARIS (12ème chambre)- RG n...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2012

(n° 20, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2010/18267

Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 07 avril 2010 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ayant cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 04 décembre 2008 par la Cour d'appel de PARIS (15ème chambre - section B) ayant statué sur l'appel d'un jugement rendu le 19 décembre 2006 par le Tribunal de Commerce de PARIS (12ème chambre)- RG n° 2003026438

APPELANT :

- M. [N] [C]

Né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 4] (92)

Nationalité : Française

Demeurant : [Adresse 5]

Représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistée de Maître Olivier TOURY,

avocat au barreau de VERSAILLES

et

INTIMÉE :

- La société FINANCIERE MEESCHAERT, S.A.

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : [Adresse 1]

Représentée par la SCP FANET SERRA,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistée de Maître Hélèna DELABARRE,

avocate au barreau de PARIS

SELARL NOMOS

[Adresse 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 novembre 2011, en audience publique, devant la

Cour composée de :

- M. Christian REMENIERAS, Président

- Mme Pascale BEAUDONNET, Conseillère

- Mme Sylvie MESLIN, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

ARRÊT :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * * * *

Vu l'appel déclaré le 7 juillet 2010 par M. [N] [C] d'un jugement rendu le 19 décembre 2006 par le tribunal de commerce de Paris, 12ème chambre, qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à la société anonyme Financière Meeschaert, ci-après société Meeschaert, une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 14 novembre 2001 par la société Meeschaert.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le même jour par M. [N] [C].

Vu la clôture de l'instruction ordonnée le 22 novembre 2011.

SUR CE,

M. [N] [C] a le 8 avril 1999, souscrit deux contrats de mandat de gestion de portefeuilles titres auprès de la société prestataire de service d'investissement dénommée société Meeschaert, l'un n° 122668-2 hors plan d'épargne en actions et l'autre n° 122668-10 dans le cadre d'un tel plan outre un contrat n° 122668-1 d'ouverture de compte non géré.

Il a le 17 septembre 2001, donné l'ordre à la société Meeschaert de procéder à la liquidation intégrale de son portefeuille géré. Cette liquidation a été suivie du ré-investissement des liquidités obtenues en placements monétaires conformément à ses demandes.

Le 5 octobre 2001, la société Meerschaert a mis fin aux mandats de gestion.

Le 8 août 2002, M. [N] [C] a transféré ses portefeuilles chez un prestataire différent.

Se prévalant de lourdes pertes financières attribuées à une gestion désastreuse, cet investisseur a par acte extrajudiciaire du 21 mars 2003, fait assigner son prestataire d'investissement devant le tribunal de commerce de Paris et requis sa condamnation subséquente au paiement, sous exécution provisoire, de 47 524 euros en indemnisation de son préjudice financier, 100 000 euros au titre de son préjudice moral et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 décembre 2006, le tribunal de commerce de Paris l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur appel de M. [N] [C], la cour de céans autrement composée a, par arrêt du 4 décembre 2008, confirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et condamné M. [N] [C] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel.

Par arrêt du 7 avril 2010, la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions.

Le motif unique de cassation est le suivant : ' Vu les articles 1147 du code civil, 58 de la loi du 2 juillet 1996 et 19 du règlement COB n° 96-03, alors applicables ; (...) Attendu que pour rejeter la demande de M. [C] au titre du manquement par la société à son obligation de s'enquérir de la situation financière de son client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés, l'arrêt retient que si le mandat litigieux, ne précise pas expressément que la gestion du portefeuille est à orientation dynamique, il précise les objectifs de la gestion, à savoir le placement à moyen ou long terme permettant l'accroissement de l'épargne, ce qui correspond à une gestion à orientation dynamique, tout en excluant les opérations à risque;/ Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la banque avait procédé, lors de la conclusion des mandats de gestion, à l'évaluation de la situation financière de M. [C], de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs concernant les services demandés, ni qu'elle lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.'

LA COUR

Considérant que l'appelant fait grief aux premiers juges de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes alors qu'il estime avoir établi que la société Meeschaert a été en sa qualité de prestataire de services d'investissement au sens des dispositions de l'article L.531-1 du code monétaire et financier, défaillante non seulement dans l'exécution de son obligation pré-contractuelle d'information d'autant qu'il ne peut être qualifié d'opérateur averti mais aussi, dans celle de son obligation de diligence et de prudence apte à garantir une bonne gestion des actifs qu'il lui avait confiés ;

1. sur le respect de l'obligation pré-contractuelle d'information

Considérant que l'appelant reproche à la société Meeschaert de ne pas l'avoir renseigné de manière adaptée sur les profils de gestion et les choix d'investissement possibles et de ne pas s'être enquis de ses objectifs de placement ou encore du niveau de risque qu'il était prêt à prendre, de sa situation financière, de sa connaissance des marchés boursiers et de son expérience personnelle en ce domaine et enfin, de ne pas avoir précisément indiqué dans les mandats qu'il a signés les objectifs et le profil de gestion correspondants ;

1.1. en ce qui concerne le respect de cette obligation en général

Considérant que M. [N] [C] remarque qu'aucun élément du dossier n'établit l'exécution correcte de cette obligation préalable et fait grief aux premiers juges d'avoir, nonobstant les dénégations qu'il avait exprimées à ce sujet, retenu qu'il avait indiqué au moment de souscrire les mandats litigieux, souhaiter une gestion dynamique de ses placements, essentiellement orientée en actions et en investissements prioritairement axés sur des entreprises du secteur technologique ;

Qu'il soutient être un investisseur boursier néophyte ainsi que l'établit son parcours professionnel antérieur à la signature des actes litigieux et ne disposer alors d'aucune expérience spécifique du secteur technologique et de ses risques puisqu'il se trouvait à l'époque des faits, directeur d'exploitation d'une société commercialisant des articles de pêche sportive par correspondance ;

Considérant que la société Meeschaert objecte que M. [N] [C] n'est pas le néophyte qu'il prétend ; qu'elle indique avoir par ailleurs eu avec son client plusieurs échanges préalables à la signature des mandats litigieux dans le souci d'appréhender précisément sa situation, de connaître ses attentes et de l'informer des différents types de gestion possibles ;

Qu'elle affirme que lors de l'une de ces réunions préalables tenue en présence de M. [K] chargé de la relation client et de la constitution du dossier de l'appelant et de M. [H] spécialiste de la gestion de portefeuilles, M. [N] [C] a indiqué que les sommes qu'il souhaitait investir provenaient de la cession d'une société leader du secteur de l'édition de logiciels de gestion destinés aux PME-PMI (la société CIEL) dont il avait été l'un des co-fondateurs et dirigeants au groupe anglais SAGE (éditeur anglais de logiciel) ;

Qu'elle appuie ses dires en versant aux débats l'attestation rédigée le 1er août 2004 par M. [R] [H] confirmant qu'au cours de cette réunion préalable, l'appelant avait expliqué avoir précédemment signé un contrat de gestion de portefeuille avec la Société Générale mais que ce contrat n'avait pas suffisamment répondu à ses attentes en termes d'orientation dynamique ; qu'elle ajoute avoir alors été informée que son mandant souhaitait une gestion clairement orientée vers le secteur des TMT (technologie, médias, télécoms) qu'il connaissait et souligne que les mandats litigieux n'ont pas été signés lors de cette réunion mais quelques jours plus tard ;

Vu les textes légaux et réglementaires en vigueur au jour de la signature des mandats de gestion litigieux et notamment, les articles 58 de la loi du 2 juillet 1996 et 19 du règlement COB 96-03 qui instituent à la charge du prestataire d'investissement une obligation de s'enquérir de la situation du mandant, de son expérience en matière d'investissement, de ses objectifs et de celle de lui fournir une information adaptée à cette situation ;

Considérant en l'espèce que les mandats signés par M. [N] [C] comportent :

-pour le premier souscrit dans le cadre d'un PEA, un article 2 intitulé 'Objectif' retenant que 'la gestion du compte sera effectuée conformément à la législation en vigueur sur le PEA./ L'objectif assigné à la gestion est le placement en capitaux à moyen et long terme en actions françaises, bénéficiant des avantages liés à la fiscalité du PEA' et un article 3 précisant ' Pour la gestion du portefeuille, le mandant autorise le mandataire à exécuter de sa propre initiative les opérations énumérées ci-après (...) Toutes les autres opérations sont interdites, notamment celles portant directement sur les marchés à terme, d'indices ou d'options ainsi que les opérations de report et de vente ou d'achat à découvert.',

-pour le second souscrit hors PEA, un article 2 intitulé 'Objectif' énonçant que 'ce mandat de gestion de portefeuille est destiné à répondre aux besoins des particuliers souhaitant placer leurs capitaux à moyen et long terme et voir croître leur épargne. Les investissements sont effectués essentiellement en actions françaises et étrangères, en placements rattachés à l'or, en obligations libellées en francs ou en devises, en placements monétaires./ Les orientations exprimées par le mandant ou des suggestions précises en ce qui concerne le choix et la nature des titres sont reçues par le mandataire qui s'en réserve l'application.' et un article 3 expliquant que ' ... les autres opérations sont interdites, notamment celles portant directement sur les marchés à terme, d'indices ou d'options ainsi que les opérations de report et de vente ou d'achat à découvert./ Toutes sommes et toutes valeurs à provenir des opérations devront être déposées sur le compte.';

Qu'il en ressort de manière certaine que ces mandats ne visaient pas des opérations financières à haut risque ;

Considérant que M. [N] [C] ne conteste pas la réalité de la réunion préalable à la signature des mandats litigieux mais s'abstient d'en indiquer précisément l'objet ; que de son côté, l'intimée verse à hauteur d'appel une télécopie transmise par son client le 7 avril 1999 à laquelle se trouvaient joints plusieurs documents (situation d'un compte PEA à profil de gestion dynamique géré par la Société Générale, le compte de liquidation de ce PEA en mars 1999, le relevé de ce compte au 31 mars 1999, un bordereau d'achat en bourse étrangère de 9 600 actions SAGE GROUP réalisé le 4 février 1999 par M. [N] [C] lui-même à partir d'un compte titre non géré ouvert à la Société Générale pour un montant brut de 211 200 livres GB soit, après application des frais de courtage, 309 807 euros correspondant à un montant s'élevant à l'époque à plus de 2 millions de francs), assortis d'une lettre d'accompagnement reprenant les énonciations suivantes ' suite à notre entretien de ce jour ' ;

Que si la société intimée est par ailleurs en mesure de produire la déclaration de revenus de son client pour l'année 1998, accompagnée de justificatifs fournis par la Société Générale attestant, pour cette même année 1998, de la réalité de cessions de titres réalisés par l'appelant à hauteur de 6 850 460 francs soit 1 044 345, 89 €, il est exact que cette circonstance ne peut justifier l'exécution de son obligation pré-contractuelle d'information puisque M. [N] [C] établit n'avoir transmis ce document qu'en décembre 1999 soit bien au-delà de la conclusion des contrats litigieux (huit mois après) ; qu'il reste cependant qu'aux termes de son curriculum vitae, M. [N] [C] apparaît avoir été fondateur et actionnaire de la société CIEL, société leader dans l'édition des logiciels de gestion destinés aux PME-PMI et que lors de la signature des mandats de gestion litigieux il était président d'une autre société Morillon (dont il avait acquis 35 379 actions pour 3 501 965 francs soit 533 871, 12 € avant de les céder pour un montant inférieur en raison des mauvais résultats de l'entreprise) ;

Considérant qu'il s'évince de ces divers éléments que la société Meeschaert s'est à tout le moins informé du parcours de son client, de son environnement professionnel et personnel, de l'origine des fonds placés, de la composition du portefeuille constitué par le précédent mandataire (la Société Générale) lors de la négociation des mandats de gestion litigieux ; que par ailleurs, M. [N] [C] avait déjà, antérieurement à la signature des dits mandats, investi à titre personnel des montants importants dans des sociétés cotées du secteur des TMT et n'ignorait donc pas les risques inhérents à ce type d'investissements;

Qu'au-delà du fait que la seule attestation de l'un de ses salariés ne saurait suffire à démontrer que la société Meeschaert s'est pleinement acquittée de son obligation d'information envers un client, le fait que ce dernier ne puisse, au regard de son expérience passée être qualifié de néophyte et qu'il ait changé de prestataire d'investissement joint au fait qu'il ne précise pas l'objet de la réunion préalable à la signature des mandats litigieux, tendent à établir qu'il a exprimé des souhaits précis sur le mode de gestion qu'il attendait et sur le type d'investissements qu'il souhaitait réaliser ; que finalement rien ne permet de considérer que les affirmations exprimées à ce sujet par la société Meeschaert sont inexactes ;

Considérant que pour ces diverses raisons, s'agissant d'investissements excluant les opérations spéculatives sur les marchés à terme, aucun manquement de l'intimée à l'exécution de son obligation pré-contractuelle d'information n'est établi ; que le mandant pouvant être qualifié d'investisseur averti au regard de son expérience passée, la société intimée n'était tenue envers lui d'aucun devoir de mise en garde spécifique ;

Que ce moyen sera donc écarté ;

1. 2. sur le respect de cette obligation au regard de l'obligation spécifique de conformité des mandats de gestion à la réglementation applicable

Considérant que M. [N] [C] soutient que les mandats de gestion d'investissement qui lui ont été proposés par l'intimée ne sont pas conformes aux dispositions réglementaires alors applicables en ce sens qu'ils ne mentionneraient pas précisément les objectifs de gestion recherchés ; qu'il indique d'une part, que le mandat de gestion de portefeuille ' Plan d'Epargne en Actions ' établi par la société Meeschaert se borne à mentionner sous le titre '2-L'objectif/La gestion de compte sera effectuée conformément à la législation en vigueur sur le PEA. L'objectif assigné à la gestion est le placement en capitaux à moyen et à long terme en actions françaises bénéficiant des avantages liés à la fiscalité du PEA' et d'autre part, que le mandat de gestion du portefeuille hors PEA précise sous le même titre ' 2- L'objectif / Ce mandat de gestion de portefeuille est destiné à répondre aux besoins des particuliers souhaitant placer des capitaux à moyen et à long terme et voir croître leur épargne', ce qui,selon ses dires, est largement insuffisant ;

Considérant que la société Meeschaert relève que la critique de son adversaire ne porte que sur la définition contractuelle de l'objectif de gestion, sans viser les informations obligatoires concernant, les catégories d'instruments financiers, les modalités d'information du mandant pendant la gestion du portefeuille, la durée du mandat, ses modalités de reconduction et de résiliation et enfin le mode de rémunération du mandataire ; qu'elle affirme qu'aux termes des énonciations portées sur les mandats de gestion signés par M. [N] [C], la gestion s'inscrivait à l'évidence dans un objectif de rendement performant à moyen et à long terme, avec des investissements pouvant être effectués essentiellement en actions ;

Vu l'article 11 du règlement COB 96-02 applicable à l'époque des faits ;

Considérant qu'il ressort bien des énonciations ci-dessus rappelées insérées aux mandats souscrits auprès de la société intimée que la gestion requise de celle-ci s'inscrivait dans un objectif de rendement performant à moyen et long terme avec des investissements pouvant être effectués, pour l'un et l'autre mandat, essentiellement en actions ; que ces énonciations correspondent, nonobstant les dénégations de M. [N] [C], à une orientation dynamique de son portefeuille excluant les opérations à fort risque ; que ces mêmes énonciations apparaissent avoir, conformément à la réglementation applicable à l'époque des faits, été suffisamment explicites ; que c'est à bon droit que la société intimée fait remarquer que M. [N] [C] reconnaît de manière expresse, aux termes des deux mandats litigieux, 'avoir pleine connaissance des conséquences pouvant découler de l'exécution des opérations faisant l'objet du présent mandat de gestion ' ;

Que pour ces raisons, le moyen tiré de la non conformité des mandats souscrits sera écarté ;

2. sur la gestion des actifs

2..1. sur les objectifs de gestion et les opérations de gestion réalisées

Considérant que M. [N] [C] fait valoir que les objectifs de gestion des mandats souscrits n'ont pas été respectés, la société Meeschaert ayant à l'évidence pratiqué une gestion spéculative de ses comptes ; qu'il maintient que son mandataire n'a pas, en cours d'exécution des mandats de gestion qui lui avaient été consentis, correctement rempli l'obligation d'information lui incombant ; qu'il conclut être aujourd'hui en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices, matériel et moral, que ces manquements lui ont occasionné ;

Considérant en premier lieu que M. [N] [C] conteste la pertinence des prises de positions opérées dans le secteur des TMT, celle du pourcentage élevé d'actions et enfin celle d'un désengagement sans conseil à partir de 2001 ; qu'il rappelle que les prestataires d'investissement doivent respecter les règles de bonne conduite dans le souci de garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations réalisées au nom de ces derniers et ainsi exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;

Qu'il souligne qu'en l'espèce, son mandataire qui avait précisément pour mission de déterminer le niveau de risque adapté aux mandats litigieux en fonction de l'importance du patrimoine de son mandant, du niveau de performance souhaité par ce dernier et de la nature de ses projets, n'a manifestement pas agi avec la diligence et la prudence nécessaires puisqu'il ressort des documents communiqués, qu'entre avril et décembre 2000, plus de 84 % des achats réalisés concernaient le marché des valeurs technologiques ; que la société Meeschaert ne peut davantage expliquer valablement les opérations de report qu'elle a réalisées au mépris des stipulations contractuellement convenues, du chef de plusieurs valeurs (Atos, Business Objects, Cap Gemini, GFT Informatique, Lagardère, St Microelectronics N.V Trader Com N.V) ; qu'elle a encore procédé à la liquidation de son portefeuille sans aucun discernement alors qu'il lui appartenait de mettre son mandant en garde contre les conséquences de la décision qu'il prenait et d'assurer un contrôle de risque pour limiter les pertes ;

Considérant que la société Meeschaert objecte de son côté avoir été conduite à résilier les mandats litigieux lorsque par ses interventions, son client ne l'a plus mise en mesure de remplir exactement la mission de gestion qui lui avait été confiée ; qu'elle affirme avoir agi avec diligence tout au long de l'exécution de ses mandats dans l'intérêt de son client, expliquant que par nature, les actions du secteur technologique ne sont pas plus risquées que celles de tout autre secteur ;

Qu'elle souligne qu'en réalité, le marché boursier a connu en 2000/2001 des turbulences brutales que les opérateurs n'avaient pas été en mesure d'anticiper si bien que seule cette baisse des marchés, subie par l'ensemble des acteurs, explique la dévalorisation du portefeuille de M. [N] [C] ; que cette dévalorisation s'est soldée par une perte effective du fait de la décision de liquidation intégrale que ce dernier a prise le 17 septembre 2001 ;

Qu'elle expose avoir quant à elle réorienté de manière progressive les investissements initialement réalisés sur des valeurs TMT vers des titres plus défensifs, sans abandonner l'orientation initiale de la gestion engagée puisqu'un abandon brutal aurait immanquablement impliqué la liquidation du portefeuille litigieux au plus mauvais moment et condamné toute possibilité de profiter d'une remontée ultérieure des cours ; qu'elle affirme et explique avoir procédé à une gestion cohérente et réfléchie des avoirs confiés, en prenant en compte, conformément à la durée d'investissement dans lequel se plaçait l'objectif du mandat confié, l'intérêt de son mandant à moyen terme ; qu'elle affirme que M. [N] [C] tente aujourd'hui de déduire l'existence d'une faute de gestion qu'elle aurait prétendument commise, en se basant sur des pertes résultant de la liquidation qu'il a lui-même commandé le 17 septembre 2001 ;

Vu les articles 1134, 1135 et 1992 du code civil ;

Considérant que les conventions légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles obligent, non seulement à ce qui y est exprimé mais encore, à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ;

Que le mandataire répond par ailleurs non seulement du dol mais également, des fautes qu'il commet dans sa gestion ; qu'il est de principe que l'obligation incombant aux gestionnaires de compte d'agir avec compétence, soin et diligence au mieux des intérêts de leurs clients, leur impose de mener une gestion conforme aux objectifs prévus et basée sur un raisonnement logique et stratégique, active, personnalisée et suivie ; qu'eu égard à la nature aléatoire des placements boursiers, le gestionnaire de portefeuilles n'est enfin tenu, sauf stipulation contractuelle contraire, que d'une obligation de moyens;

Qu'il s'ensuit que le seul fait que la plus-value escomptée n'ait pas été réalisée, ne saurait engager la responsabilité du gestionnaire dès lors que celui-ci a exercé son mandat avec la diligence et la prudence requises ;

Considérant qu'en l'espèce, il est exact qu'aux termes des mandats qui lui avaient été confiés, la société Meeschaert n'était pas liée par les suggestions de son mandant ; qu'il ressort en outre de l'attestation établie par M. [R] [H] qui opérait quotidiennement sur les comptes de l'appelant et des relevés d'opérations et de portefeuilles produits par ce dernier, qu'en 1999 le portefeuille du mandant était, conformément aux attentes de M. [N] [C] essentiellement orienté vers le secteur des TMT (valeurs Technologie/Medias/Telecoms) ; que dès avril 2000, la société Meeschaert a commencé à alléger les titres à contenu technologique sans modifier radicalement le profil de gestion initialement choisi afin de ne pas provoquer la liquidation de nombreuses valeurs sur un marché en chute ; qu'il n'est pas établi qu'il était alors possible de dire avec certitude que cette baisse des valeurs technologiques préfigurait une tendance à long terme ; qu'en mars 2001, les opérateurs constatant qu'aucune remontée ne s'amorçait sur ces valeurs, la société Meechaert a modifié la stratégie de gestion du compte de M. [N] [C] pour passer d'un gestion dynamique long terme vers une gestion défensive long terme et ainsi privilégier les valeurs du secteur de la distribution tout en restant sélective sur les leaders du secteur technologique ;

Considérant que la gestion du portefeuille réalisée par l'intimée apparaît dans ces conditions avoir été réalisée de manière cohérente, en prenant en compte l'intérêt de son mandant à moyen/long terme, ce qui correspondait à la durée d'investissement dans lequel était placé l'objectif défini par les mandats litigieux ; que les griefs de l'appelant se rapportent à une période d'une année fixée entre septembre 2000 et septembre 2001 alors que les mandats ont été conclus en mai 1999 et qu'une hausse importante avait été enregistrée du chef de la première année ; qu'au surplus, l'évolution ultérieure des comptes de M. [N] [C] n'a pas été sensiblement différente de celle des indices de référence des marchés sur les secteurs TMT ; qu'enfin, aucun préjudice n'apparaît démontré du fait de prétendues opérations de report réalisées en avril 2000 ;

Que dès lors, eu égard aux circonstances de l'époque marquée par une envolée des marchés boursiers, aucune faute de gestion n'apparaît pouvoir être établie contre la société Meeschaert d'autant que le mandant connaissait bien le secteur des TMT ; que le pourcentage en actions n'est pas contraire au mandat confié puisque celui-ci n'interdisait pas de manière certaine le placement des actifs concernés en actions ; qu'enfin, il n'appartenait pas à la société Meeschaert de refuser d'exécuter un ordre précis de son client lorsque celui-ci lui a le 17 septembre 2001 demandé de liquider son portefeuille si aucun risque inconsidéré n'apparaissait pouvoir être a priori déduit de cette décision ; que tel était le cas à l'époque de cette décision puisqu'aucun élément du dossier n'établit que des prestataires de service d'investissement pouvaient à cette date, prévoir l'évolution à court et moyen terme de la situation mondiale et des marchés boursiers ;

Considérant que sur ces considérations, le grief tiré d'une mauvaise gestion par la société Meeschaert des actifs de son mandant sera écarté ;

2.2. sur le respect de l'obligation d'information en cours d'exécution du contrat de mandat de gestion de portefeuille

Considérant que M. [N] [C] soutient en deuxième lieu que le premier compte rendu de gestion de ses portefeuilles sous mandat ne lui a été transmis qu'en février 2000 et que, quoi qu'il en soit, aucun des comptes rendus qui lui ont été transmis ne comportent d'indication sur la politique de gestion suivie par le mandataire ; que le premier document transmis sous l'intitulé ' analyse de portefeuille' ne fait ressortir aucune analyse spécifique personnalisée ;

Qu'il précise encore ne pas avoir disposé d'informations périodiques individualisées sur la politique de gestion de la société Meeschaert ;

Considérant que la société Meeschaert conteste ce grief et soutient avoir exécuté avec diligence l'obligation d'information qui lui incombait au cours de la gestion du portefeuille qui lui avait été confié et avoir ainsi respecté les stipulations des articles 5 du mandat n° 122668-10 et 4 du mandat n° 122668-2 ;

Qu'elle précise justifier par les nombreux documents qu'elle verse aux débats avoir régulièrement adressé à son client les avis d'opérés permettant à celui-ci d'être informé de chaque opération réalisée pour son compte outre, les relevés trimestriels de situation du portefeuille faisant apparaître sa composition et sa valorisation ainsi que les comptes rendus de gestion semestriels indiquant l'évolution de ce portefeuille en considération du semestre suivant, les différentes catégories de supports le composant, sa ventilation et les principaux mouvements intervenus au cours du semestre passé ;

Qu'elle souligne encore que la gestion des mandats litigieux n'a véritablement démarré qu'en mai 1999, ce qui explique que les premiers comptes rendus n'ont été établis qu'en février 2000 ; que l'appelant ne conteste avoir reçu ni les avis d'opéré, ni les relevés trimestriels de septembre 1999 ni les comptes rendus de gestion semestriels des périodes postérieures qu'elle lui a systématiquement adressés ; qu'elle lui a encore transmis, chaque fois qu'il lui en faisait la demande et au-delà de ses obligations contractuelles, des analyses complètes de chacune des valeurs de son portefeuille et notamment, les 7 mai 1999 puis 6 avril 2001, l'analyse intégrale de la composition du portefeuille assortie de commentaires et de préconisations pour chaque valeur ; qu'elle a courant novembre 2000, mis en place des fiches d'orientation synthétisant le type de gestion mise en oeuvre pour chacun de ses clients et a, comme à chacun d'entre ces derniers, adressé à M. [N] [C] les fiches qui le concernaient et notamment celle afférente au mandat de gestion hors PEA portant la mention ' gestion dynamique Actions Technologie avec pondération SAGE GROUP ' ; que l'appelant, qui ne conteste pas en avoir été destinataire, avait donc, spécialement pour la période critiquée, une connaissance précise de l'orientation dynamique en actions technologiques de la gestion mise en oeuvre en son nom ; qu'il ne s'y est jamais opposé nonobstant les relations extrêmement fréquentes qu'il entretenait avec la personne chargée de la gestion de ses intérêts au sein de la société ; que quoi qu'il en soit, à la différence de nombreux clients, M. [N] [C] faisait montre d'un certain interventionnisme et souhaitait une gestion interactive de ses actifs ;

Considérant que l'examen du portefeuille non géré de M. [N] [C] révèle, que celui-ci avait constitué son portefeuille d'actions pour un pourcentage proche de 100 % et que ces actions, constituées de valeurs très peu diversifiées, étaient essentiellement concentrées sur le secteur technologique ; qu'il est par ailleurs établi par les différents documents que la société Meerschaert produit aux débats et dont la description est reprise au paragraphe précédent que celle-ci a assuré de manière suivie, l'information de son client; que les termes de la conversation téléphonique enregistrée le 17 septembre 2001 entre M. [N] [C] et M. [R] [H], son conseiller au sein de la société Meeschaert sont empreints d'un ton familier attestant de relations habituelles entre les deux hommes ; que l'appelant ne peut donc à bon droit soutenir ne pas avoir été régulièrement informé de la composition de son portefeuille essentiellement investi en actions du secteur technologique, de l'évolution de son portefeuille et des opérations réalisées ; qu'il n'a d'ailleurs pendant l'exécution des mandats litigieux émis aucune protestation ;

Considérant que le grief tiré d'une information défaillante et insuffisante en cours de mandat sera pour ces raisons, écarté ;

Considérant qu'en définitive il y a lieu de débouter M. [N] [C] de l'intégralité de ses demandes et ainsi, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

Considérant que M. [N] [C] qui succombe sera condamné aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Fanet Serra ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande de condamner M. [N] [C] au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles de 5 000 euros ;

Par ces motifs, la Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 19 décembre 2006 en toutes ses dispositions,

Condamne M. [N] [C] aux entiers dépens de cette instance, avec faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Fanet Serra, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] [C] à payer à la société anonyme Financière Meeschaert une indemnité de cinq mille euros (5 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

Benoît TRUET-CALLU

LE PRÉSIDENT

Christian REMENIERAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/18267
Date de la décision : 14/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°10/18267 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-14;10.18267 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award