Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 14 FEVRIER 2012
(no 42, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14112
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 09/15942
APPELANTE
S.C.P. JOSS VAN CAMELBEKE agissant poursuite et diligence de son gérant
6 rue Sibour
75010 PARIS
représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN (avoués à la Cour)
assistée de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435
INTIMEE
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE REGIONALE BRETAGNE ATLANTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux
5 et 7 Place de la Libération
BP 115
56003 VANNES CEDEX
représentée par la SCP SCP TAZE-BERNARD BELFAYOL BROQUET (avoués à la Cour)
ayant pour avocat Me QUENTIL-HENRY, avocat au barreau de LORIENT, qui a fait déposer son dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 décembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SOCIÉTÉ FINANCIÈRE RÉGIONALE POUR L'HABITAT DE BRETAGNE ATLANTIQUE, aux droits de laquelle se trouve la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE ATLANTIQUE (CIFBA), recherche la responsabilité de la SCP notariale VAN CAMELBEKE du fait que, à l'occasion de la vente, le 8 août 2003, d'un lot de copropriété grevé de plusieurs inscriptions, dont la sienne comme prêteur de deniers, ce notaire, institué séquestre des fonds pour désintéresser les créanciers inscrits, n'a pas conservé la totalité du prix de vente, dont il a remis une partie au vendeur, ce qui a eu pour conséquence, après que cet établissement a poursuivi la vente de l'immeuble en vertu de son droit de suite, que les acquéreurs ont diligenté une procédure de purge et qu'un ordre amiable a eu lieu le 23 mai 2008, que ce notaire n'avait plus suffisamment de fonds pour rembourser la CIFBA de la totalité de sa créance.
Par jugement du 2 juin 2010, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la SCP VAN CAMELBEKE à payer à la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE ATLANTIQUE la somme de 21 812,47 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2009, représentant la différence entre le montant de sa créance et ce qu'elle a perçu, ainsi que celle de 3 000 € d'indemnité procédurale.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la SCP VAN CAMELBEKE en date du 8 juillet 2010,
Vu ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2010 selon lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement, elle demande la condamnation de la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE ATLANTIQUE à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 21 septembre 2011 par lesquelles la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE ATLANTIQUE (CIFBA) demande la confirmation du jugement quant à la responsabilité et la condamnation prononcée mais sollicite que les intérêts au taux légal courent à compter du 23 mai 2008 et demande la condamnation de la SCP notariale à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que la SCP VAN CAMELBEKE fait valoir, pour l'essentiel, qu'elle n'a commis aucune faute puisque, au temps de la vente, elle a pris l'attache de la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE RÉGIONALE POUR L'HABITAT DE BRETAGNE ATLANTIQUE qui a fourni le décompte de sa créance pour 120 050,95 €, somme qui a figuré en annexe de l'acte du 8 août 2003 et a été séquestrée, et que la CIFBA a été informée de la vente en cours, que les acquéreurs ont ensuite, sans que la SCP en soit informée, conduit une procédure de purge aboutissant à un ordre amiable au cours de laquelle la banque a été admise pour une somme largement supérieure à celle initialement indiquée, soit 147 271,45 €, qu'elle n'a donc pu lui délivrer que la somme qu'elle détenait encore soit 125 000 €, mais que l'ordre amiable est sans autorité à son égard et que la somme obtenue ainsi excède les droits hypothécaires de la banque puisqu'elle inclut des intérêts au taux contractuel pour une durée supérieure à trois ans, en contravention avec l'article 2432 du code civil, et que l'ordre amiable n'aurait pas dû les inclure au delà, qu'elle a donc été parfaitement diligente et efficace puisqu'elle a conservé sous séquestre la somme de 125 000 € alors que la banque avait droit à 112 573,85 €, le montant pour lequel elle a été colloquée étant irrégulier ;
Que pour s'y opposer la CIFBA soutient que le notaire a commis une faute en n'incluant pas dans le calcul la clause pénale, acquise, et que, si l'ordre amiable ne lui est effectivement pas opposable, il ne peut décider du montant des créances à la place du tribunal, qu'il "est très vraisemblable" qu'il n'a pas exercé son devoir de conseil en n'avertissant pas les acquéreurs de l'existence d'inscriptions et de ce qu'il était opportun de purger les hypothèques, ce qui aurait permis le paiement dès l'origine au lieu de la pousser à exercer son droit de suite, qu'il n'a pas plus averti les créanciers inscrits de la vente, leur faisant perdre la possibilité d'exercer les actions utiles et qu'elle n'aurait pas accepté de débloquer des fonds tant qu'elle n'était pas désintéressée, que si les intérêts ne sont garantis que sur trois ans, le surplus reste néanmoins dû ; qu'elle détaille les éléments de son préjudice ;
Considérant qu'il est constant que l'acte dressé le 8 août 2003 par la SCP VAN CAMELBEKE, emportant vente d'un appartement entre la SCI Paris 17 d'une part et M. X... et Melle Y... d'autre part, a constitué le notaire séquestre du prix, soit 176 000 €, afin de désintéresser les créanciers inscrits ; qu'il n'est pas contesté qu'il a pris l'attache de la CIFBA, créancier inscrit le 20 janvier 1999 du chef du vendeur pour la somme de 720 000 francs en principal et 216 000 francs d'accessoires, afin de connaître le montant de sa créance, ni que cette société lui a répondu en lui produisant un "décompte des sommes dues au 31 août 2003" faisant apparaître qu'elle revendiquait un capital restant dû de 96 220,20 € et des arriérés de 9 466,04 €, outre des frais accessoires, pour un montant total de 120 050,95 € ;
Considérant que pour caractériser la faute qu'elle impute à la SCP VAN CAMELBEKE, la CIFBA énonce que, en s'arrêtant à ce montant sans tenir compte de la clause pénale qui lui était acquise, elle a sous-estimé le montant de sa créance tel que l'a validé le tribunal dans la procédure d'ordre amiable ;
Qu' il convient toutefois de relever que, contrairement à cette affirmation, le montant de la clause pénale est inclus dans le décompte qu'elle lui a fourni, de sorte que ce reproche est infondé ;
Considérant que la CIFBA, au delà, ne formule aucun grief précis à l'encontre du notaire sauf, de manière générale, celui de ne pas s'être acquitté de ses obligations de séquestre avec diligence puisqu'il s'est libéré de fonds envers le vendeur sans s'assurer du montant exact de sa créance et sans lui permettre d'être intégralement désintéressée ;
Considérant qu'en réalité la différence de calcul, et donc le préjudice dont se prévaut la CIFBA, provient exclusivement du montant des intérêts conventionnels dus sur le capital garanti, soit la somme de 25 108,72 €, arrêté par la procédure d'ordre ;
Considérant à ce sujet que la SCP VAN CAMELBEKE, non contredite en ce qu'elle énonce que cet ordre ne lui est pas opposable, invoque à juste raison les dispositions de l'article 2432 du code civil qui dispose "Le créancier... hypothécaire inscrit pour un capital produisant intérêt et arrérages, a le droit d'être colloqué, pour trois années seulement, au même rang que le principal..." et en déduit exactement que le privilège de la CIFBA ne couvrait que les intérêts au taux conventionnel de la somme principale de 96 220,20 € au taux de 5,70% pendant trois années soit la somme de 16 453,65 € et non celle de 25 108,72 € retenue par le tribunal au cours de la procédure d'ordre ; que le surplus, soit la somme de 8 655,07 €, qui est, certes, dû à la CIFBA n'étant pas couvert par la garantie ne doit pas, dès lors, être inclus dans le calcul ; qu'il est, en tout état de cause, sans lien avec la faute, même entendue largement, imputée à la SCP VAN CAMELBEKE ;
Considérant en conséquence que le notaire, qui, au delà du décompte fourni par la banque, aurait dû, au vu de l'état hypothécaire mentionnant le taux d'intérêt contractuel, opérer le calcul des droits tel qu'il le fait dans ses écritures afin de séquestrer le montant suffisant pour, dans le respect des textes qu'il invoque, désintéresser la CIFBA à la hauteur de ses droits hypothécaires, a commis une imprudence dont il doit réparation des conséquences préjudiciables comme l'a retenu le tribunal ;
Que cependant, pour les motifs précédemment exposés, le préjudice subi en lien causal avec cette imprudence, n'est pas le montant posé par les premiers juges mais s'établit à la somme de 13 157,40 € représentant la différence entre le prix perçu de 125 458,98 € et celui que la CIFBA aurait dû percevoir, 138 616,38 (147 271,45 € somme résultant de l'ordre-8 655,07 €) ; que la décision des premiers juges sera réformée en ce sens ; que les intérêts postérieurs à la procédure d'ordre, pour les motifs déjà exprimés, sont sans lien avec le manquement invoqué ; que la CIFBA sera déboutée de sa demande à ce titre, le jugement étant confirmé en ce qu'il a fait partir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Considérant que, au vu de la solution adoptée, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le notaire avait commis une faute et l'a condamné à la réparer,
L'infirme quant au montant de la condamnation et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la SCP VAN CAMELBEKE à payer à la CIFBA la somme de 13 157,40 € (Treize mille cent cinquante sept euros et quarante centimes), cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2009,
La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT