RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 14 Février 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09300
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/06064
APPELANT
Monsieur [X] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
INTIMÉE
SAS ISS PROPRETÉ VENANT AUX DROITS DE LA SA ISS ABILIS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D 223 substitué par Me Sabine GONCALVES, avocat au barreau de PARIS, toque : D 223
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente
Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
M. [X] [L] a été engagé à compter du 5 mai 1998, en qualité de chef d'équipe, par la société ISS Abilis France.
M. [L] a été élu délégué du personnel le 12 décembre 2001 et réélu le 5 décembre 2003.
Il a été désigné par la CFTC en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise et délégué syndical le 18 janvier 2002.
Le contrat de travail de M. [L] a été transféré à compter du 1er janvier 2005 à la société Neova.
Le 27 décembre 2004 M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes dirigées à l'encontre de la société ISS Abilis France tendant en dernier lieu au paiement de :
- 20.557,00 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2004,
- 2.055,70 au titre de l'incidence des congés payés,
- 1.258,24 euros en réparation du préjudice subi relatif au mandat syndical,
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre reconventionnel, la société ISS Abilis France a réclamé le paiement de :
- 26.743,56 euros en remboursement d'heures de délégation indûment payées,
- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement avant dire droit du 4 mai 2006, le conseil de prud'homme a ordonné la communication par M. [L] :
- d'un accord d'entreprise ou un usage justifiant de la prise des heures de délégation en dehors des heures de travail,
- de la justification et la ventilation de ses heures de délégation de janvier 2000 au 30 novembre 2004.
Par jugement du 3 mai 2007, le conseil de prud'hommes a débouté chacune des parties de l'ensemble de ses demandes et condamné M. [L] aux dépens.
M. [L] a interjeté appel de cette décision. Il demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement et de :
- condamner la société ISS Abilis France à lui verser :
- 20.557,00 euros au titre des majorations pour heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2004,
- 2.055,70 au titre de l'incidence des congés payés,
- 85.000 euros à titre d'indemnité relative au repos compensateur,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.212-5-1 du code du travail,
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les intérêts au taux légal,
- débouter la société ISS Abilis France de ses demandes reconventionnelles.
La société ISS propreté, aux droits de la société ISS Abilis France, conclut à l'infirmation partielle du jugement, à l'entier débouté de M. [L] et à la condamnation de celui-ci à lui payer :
- 26.743,56 euros en remboursement d'heures de délégation indûment versées,
- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience.
Motifs de la décision
Sur les heures supplémentaires pour la période de janvier 2000 à novembre 2004
M. [L] fait valoir que les heures de délégation qu'il a effectuées « lui ont été payées aux échéances normale de la paie mais sans les majorations [qui leur étaient] applicables » et sans le bénéfice des repos compensateurs afférents. Selon lui, en effet, au vu de ses horaires de travail et des heures auxquelles se tenaient les « différentes réunions (CE, CHSCT...) », il ne pouvait effectuer ses heures de délégation qu'en dehors de ses heures de travail.
Les mandats détenus par M. [L] au titre de son élection comme délégué du personnel et de sa désignation comme délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise lui permettaient chacun de bénéficier, pour l'exercice de ces fonctions, d'heures de délégation, cumulables entre elles, définies par les articles L.424-1 devenu L.2315-1, L.412-20 devenu L.2143-13, L.434-1 devenu L.2325-6 du code du travail.
Aux termes des articles L.424-1 alinéa 2 devenu L.2315-1, L.412-20 alinéa 5 devenu L.2143-17, L.434-1, alinéa 3 devenu L.2325-7 du code du travail, les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale ; l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.
Les heures de délégation étant payées comme temps de travail, il s'ensuit que, lorsqu'elles sont prises en dehors de l'horaire de travail en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées comme heures supplémentaires.
Ces heures étant payées à l'échéance normale, si l'employeur entend contester l'usage qui en a été fait, il doit payer les heures de délégation avant de saisir le juge prud'homal. Il lui appartient dès lors d'apporter la preuve que le représentant du personnel n'a pas utilisé tout ou partie de son crédit d'heures conformément à l'objet de son mandat.
Toutefois, les textes du code du travail visés ci-dessus, qui imposent à l'employeur de payer à l'échéance normale le temps de délégation alloué aux salariés détenteurs d'un mandat de représentation du personnel ne dispensent pas les bénéficiaires de ce versement d'indiquer, sur la demande de l'employeur au besoin formée par voie judiciaire, des précisions sur les activités exercées pendant ces heures.
Il résulte des bulletins de salaire de la période considérée que l'employeur a payé en même temps que le salaire des heures supplémentaires y compris correspondant à des heures de délégation mentionnées sous la rubrique « autres heures » (conformément aux préconisations de la circulaire ministérielle du 28 août 1988) et qu'il a également payé des majorations pour heures supplémentaires aux taux de 25% et de 50%.
Le salarié verse aux débats :
- des décomptes manuscrits mensuels de janvier 2000 à novembre 2001 indiquant, outre son identité et son appartenance syndicale, un nombre global d'heures de délégation pour chacun de ses mandats, ces décomptes, non datés, étant établis sur papier libre et portant sa signature,
- des décomptes comportant les mêmes indications mais sur des formulaires à entête « CFTC-ISS » renseignés à la main et signés par lui pour la période de janvier 2002 à novembre 2003,
- des « bons de délégations » mensuels pré-imprimés, renseignés à la main et signés par lui, listant des dates et heures, établis sur papier à entête de la société ISS, pour la période de décembre 2003 à décembre 2004,
- des listes mensuelles dactylographiées sur papier libre et non datées, indiquant mois par mois de janvier 2000 à décembre 2004, des dates, des heures et des lieux (exemple : 02/01/04 : de 12h à 17h (5h) Leroy Merlin de [Localité 5]).
Ces pièces, qui n'ont pas date certaine, ne précisent ni les mandats de représentation auxquels se rattachent les dates et heures qu'elles mentionnent, ni la nature des activités exercées, étant précisé que chaque crédit d'heure est attaché à un mandat précis et qu'il ne peut y avoir de confusion à cet égard dans l'utilisation qui en est faite. Elles ne permettent pas à l'employeur de s'assurer que les heures de délégation qui y sont mentionnées ont été utilisées pour l'exercice des mandats du salarié.
Elles sont également insuffisantes pour mettre la cour en mesure de vérifier que le salarié a consacré à l'exercice de ses mandats des heures supplémentaires excédant celles mentionnées sur ses bulletins de salaire avec les majorations correspondantes.
De surcroît, les calculs établis par M. [L] à l'appui de sa réclamation sont imprécis, certaines de leurs données sont incohérentes et ils sont invérifiables, en particulier en ce qui concerne le calcul par semaine civile.
C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [L] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur les repos compensateurs
Les demandes de ce chef sont nouvelles en cause d'appel
Le bulletins de salaire versés aux débats mentionnent les repos compensateurs acquis. M. [L] ne peut donc reprocher à l'employeur de ne pas l'avoir mis en mesure de les prendre en ce qui concerne les heures supplémentaires payées. Il a été débouté ci-dessus de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires.
Ses demandes relatives aux repos compensateurs doivent en conséquence être rejetées.
Sur les demandes reconventionnelles de la société ISS propreté
La société ISS Abilis France n'a jamais demandé à M. [L], alors qu'il était encore son salarié, de justifier de l'utilisation des heures de délégation qu'il lui déclarait et qu'elle payait lorsqu'il s'agissait d'heures supplémentaires.
Elle indique dans ses écritures qu'elle s'est toujours acquittée à leur échéance du paiement des heures de délégation de M. [L] sans solliciter d'explication conformément au principe de la présomption de bonne utilisation, et que ce n'est que dans le cadre de la présente procédure qu'elle a constaté que le salarié n'était pas en mesure de justifier de leur utilisation.
Elle n'est pas à l'origine de la procédure actuelle.
Ainsi, non seulement sa demande ne s'inscrit pas dans le cadre des articles L.424-1 alinéa 2 devenu L.2315-1, L.412-20 alinéa 5 devenu L.2143-17, L.434-1, alinéa 3 devenu L.2325-7 du code du travail, mais elle se présente comme un moyen opportuniste formé exclusivement en réponse aux demandes du salarié.
C'est à juste titre que les premiers juge l'ont rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies ; les demandes à ce titre doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré ;
Ajoutant,
Déboute M. [L] de toutes ses demandes nouvelles en cause d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [L] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE