RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 09 Février 2012
(n°2, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05807
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 07/06541
APPELANT
Monsieur [E] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106
INTIMÉE
SAS LES LABORATOIRES [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Thierry BREZILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : J.013
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR
Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [E] [I] à l'encontre d'un jugement prononcé le 13 mai 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué sur le litige qui l'oppose à la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] sur ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui a débouté Monsieur [E] [I] de toutes ses demandes.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
Monsieur [E] [I], appelant, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] au paiement des sommes suivantes :
- 13 750 € à titre de rappel de prime,
- 3 461,58 € au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire,
- 30 190,11 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- les congés payés de 1/10ème afférents à ces sommes,
- 56 315,41 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 200 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. LES LABORATOIRES [J], intimée, conclut à la confirmation du jugement et requiert une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 2 janvier1995, Monsieur [E] [I] a été engagé en qualité d'assistant commercial par la S.A.S. LES LABORATOIRES [J], société créée par son père, Monsieur [H] [I], qui en est alors le président.
En 1997, Monsieur [E] [I] a exercé des fonctions de general manager pour la zone des Etats-Unis.
En 2003, la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] a été rachetée par le groupe Estée Lauder, Monsieur [H] [I] devant exercer les fonctions de président de la société pendant 5 ans. Monsieur [E] [I] a continué à travailler aux Etats-Unis comme salarié d'Estée Lauder.
En dernier lieu et selon contrat du 1er septembre 2005, il a réintégré la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] pour y exercer les fonctions de directeur international export moyennant une rémunération annuelle fixée à la somme de 100 000 €, outre un bonus de 20 % en fonction de la réalisation d'objectifs.
Dans un contexte de différend commercial, Monsieur [H] [I] a été démis de ses fonctions le 29 mars 2007 et remplacé par Monsieur [D] [L] courant avril 2007.
Le 18 mai 2007, la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] convoquait Monsieur [E] [I] pour le 30 mai 2007 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure était prononcée par lettre du 4 juin 2007 pour faute grave se fondant sur le grief d'insubordination.
SUR CE
Sur la qualification du licenciement.
Il est reproché à Monsieur [E] [I] de s'être rendu à Dallas pour rencontrer un client important, sans en avoir parlé au président de la société, sans prévenir le correspondant pour les Etats-Unis ni se faire accompagner par lui et malgré un ordre d'annuler le rendez-vous.
La matérialité des faits est établie par l'échange de courriels entre Monsieur [D] [L], président de la S.A.S. LES LABORATOIRES [J], et Monsieur [E] [I] le 15 mai 2007.
Concernant l'organisation du voyage, qui devait le conduire au Canada et à New-York, Monsieur [E] [I] indique à Monsieur [L] dans sa réponse du 15 mai 2007 que son planning (dont il ne dit pas au demeurant qu'il incluait l'étape contestée) avait été transmis avant son départ et il lui rappelle qu'à l'occasion de l'échange verbal à ce sujet avec lui, "nous ne sommes pas rentrés dans les détails". Au point 3 de son courriel du 15 mai 2007, après avoir exposé le caractère judicieux d'une rencontre avec "[K] [M], DMM Cosmetics & Fragrance de Neiman Marcus" à Dallas, il indique "j'ai pris cette décision" puis "j'ai trouvé opportun de la rencontrer" et encore "cette initiative". Il est ainsi manifeste qu'il n'a pas évoqué l'éventualité de ce rendez-vous avant de partir et qu'il en a décidé à sa guise.
Concernant une concertation avec Madame [G] [F], Monsieur [E] [I] soutient aujourd'hui qu'il n'avait pas à rendre compte de son activité à une subordonnée et qu'au demeurant il n'existe aucune directive en ce sens s'imposant à lui. Dans son courriel du 15 mai 2007, il écrivait : "Ne pouvant joindre que très difficilement [G], j'ai pris cette décision". Il s'en déduit qu'il avait parfaitement conscience de devoir avertir cette correspondante, qui n'est pas au sens propre sa subordonnée puisque, "CM USA", elle représente les intérêts du groupe Estée Lauder dans son ensemble aux Etats-Unis, la firme Neiman Marcus étant également cliente d'Estée Lauder, de sorte que la nécessité de s'accorder avec elle tombait sous le sens. Par ailleurs Monsieur [E] [I] ne donne aucune indication précise sur les difficultés qu'il aurait rencontrées pour joindre cette personne. Il apparaît manifestement qu'il a entendu organiser le rendez-vous litigieux sans en référer à quiconque.
Recevant du président de la société l'ordre d'annuler le rendez-vous, Monsieur [E] [I] répond : "Il serait discourtois de ma part de ne pas me rendre à un rendez vous avec [K] [M] et il me paraît inconvenant d'annuler à la dernière minute. Bien entendu, je ne manquerai pas de vous informer des détails de notre entretien lors de mon retour". Aujourd'hui, glosant sur les heures d'envoi des deux courriels telles qu'elle apparaissent sur les copies produites, mentions qui n'ont pourtant aucun caractère probant, Monsieur [E] [I] cherche à faire admettre qu'il n'a reçu l'ordre d'annuler le rendez-vous litigieux qu'après être revenu de celui-ci. Les termes de sa réponse du 15 mai 2007 démontrent à l'évidence le contraire. Il n'indique alors nullement que le rendez-vous s'est déjà tenu. L'argumentaire qu'il développe tend au maintien d'un rendez-vous qui pourrait encore être annulé mais qu'il est opportun, à ses yeux, de conserver et les tournures de phrase utilisées renvoient à un événement futur et non passé : "cette initiative est dans l'intérêt...", et non était, "il serait discourtois...", et non il aurait été, "il me paraît inconvenant" et non il m'aurait paru. De même la dernière phrase n'a de sens que si elle est rédigée avant l'entretien.
Monsieur [E] [I] ne peut s'exonérer de la faute commise en invoquant l'intérêt de l'entreprise dont en l'occurrence l'appréciation en dernier ressort relevait du président et non de lui, même s'il n'adhérait pas à la position prise.
En prenant une initiative qu'il a cherché à dissimuler, en s'opposant frontalement à un ordre clair et précis du président de la société, en laissant entendre de surcroît que sa démarche obéissait également à un intérêt personnel, Monsieur [E] [I], à son niveau de responsabilité et de rémunération, a commis une faute d'une particulière gravité justifiant un licenciement immédiat et sans indemnité.
Il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes de ce chef.
Sur le rappel de prime.
Monsieur [E] [I] demande le paiement prorata temporis de la prime d'objectif au titre de la dernière année, non achevée, de la relation de travail. Aux termes du contrat, cette prime a un caractère annuel pour des objectifs annuels. Il n'est pas démontré qu'une convention ou un usage dans l'entreprise permet de déroger à ce caractère au profit de Monsieur [E] [I] qui, au surplus, ne fournit aucun élément sur la réalisation des objectifs fixés, que ce soit en référence au dernier document signé par lui de ce chef en septembre 2005 ou à celui du 19 juillet 2006, qu'il n'a pas signé, mais fixe un objectif inférieur au précédent.
Le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Succombant en son recours, Monsieur [E] [I] sera condamné aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de Monsieur [E] [I] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] peut être équitablement fixée à 1 800 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [E] [I] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la S.A.S. LES LABORATOIRES [J] la somme de 1 800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT