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02/02/2012 | FRANCE | N°10/14545

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 02 février 2012, 10/14545


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14545



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009046256





APPELANTE



Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 7] 31

agissant poursuites e

t diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par : Me Luc COUTURIER, avoué

assistée de Me Thomas NECKEBROECK, avocat a...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14545

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009046256

APPELANTE

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 7] 31

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par : Me Luc COUTURIER, avoué

assistée de Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de Toulouse

INTIMÉE

Société GROUPE IDEC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : la SCP PETIT LESENECHAL, avoué

assistée de Me Bernard VATIER de la AARPI VATIER & ASSOCIES Association d'Avocats à Respons abilité Professionnelle Individuelle, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère

Madame Caroline FEVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

***************

Le 27 octobre 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et du [Adresse 5] a escompté deux lettres de change d'un montant de 750.000 euros chacune, qui lui ont été remises par la SAS Loft bénéficiaires des deux effets, émises par le Groupe Idec dans le cadre d'une négociation visant à une prise de participation de 20 % du Groupe Idec dans le capital social du Groupe Loft. La première à échéance au 31 décembre 2008 a été payée et la seconde à échéance au 31 janvier 2009 a été rejetée par le tiré lors de sa présentation.

Par acte d'huissier en date du 3 juillet 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et du [Adresse 5] a fait assigner la société Groupe Idec en paiement de l'effet rejeté.

Par jugement en date du 23 juin 2010, le tribunal de commerce de Paris a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et du [Adresse 5] de l'ensemble de ses demandes, ordonné la mainlevée du protêt publié au registre du commerce de Blois, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et du [Adresse 5] à payer la société Groupe Idec la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et du [Adresse 5] aux dépens.

La déclaration d'appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 8] a été remise au greffe de la Cour le 13 juillet 2010.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 25 janvier 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 8] (ci-après Crédit Agricole) demande l'infirmation du jugement déféré et à la Cour, statuant à nouveau, de :

- condamner le Groupe Idec à lui payer la somme de 750.000 euros avec intérêts à compter du 30 janvier 2009,

- débouter le Groupe Idec de ses demandes,

- condamner le Groupe Idec à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 25 novembre 2010, la SAS Groupe Idec demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande du Crédit Agricole en paiement de la somme de

750.000 euros au titre de la lettre de change à échéance du 31 janvier 2009, ordonné la mainlevée de la publication du protêt publié au greffe du tribunal de commerce de Blois et en ce qu'il lui a alloué une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et, sur son appel incident, de :

- condamner le Crédit Agricole au paiement de la somme de 750.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2011.

Par courrier en date du 22 novembre 2011, la société Groupe Idec a communiqué un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 9 mars 1995 à l'appui de ses demandes.

Par courrier en date du 29 décembre 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 8] a demandé le rejet de cette pièce communiquée en délibéré.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que la production de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 9 mars 1995 communiqué le 22 novembre 2011 par la société Groupe Idec pendant le délibéré postérieurement à l'ordonnance de clôture du 18 octobre 2011 et aux débats, qui se sont tenus le 14 novembre 2011, est irrecevable, même s'il s'agit d'un arrêt de cour d'appel dont il n'est pas justifié qu'il ait été publié, et sera rejetée ;

Considérant que le Crédit Agricole soutient que la lettre de change est par nature transmissible par endossement, lequel ne peut être subordonné à une condition ; qu'il doit être pur et simple de sorte que la condition selon laquelle la traite en cause ne pouvait être valablement endossée que, sous réserve de l'accord du tiré, doit être réputée non écrite en application de l'article L.511-8 alinéa 4 du code de commerce ; que l'accord du tiré n'est pas requis entre celui qui remet la traite et celui qui la reçoit ; que l'endossement de la traite est valable et doit produire ses effets ; que l'article L.511-10 du même code ne pose une interdiction qu'entre l'endosseur et le bénéficiaire de l'endos, à qui il peut être interdit de l'endosser, et ne permet pas au tiré, qui a accepté, de refuser de payer l'effet ; qu'en tout état de cause, il est établi que le Groupe Idec a donné son accord à la cession de l'effet et à son endossement ; que l'acceptation de la traite ajoute un débiteur cambiaire supplémentaire au porteur de la lettre, de sorte que le tiré accepte de la payer à son échéance au porteur et qu'elle soit endossée ; que la lettre de change a été émise par le Groupe Idec dans le cadre du protocole du septembre 2008 lui permettant d'entrer dans le capital social de Groupe Loft à hauteur de 20 % ; que cet effet a été accepté pour qu'il puisse être remis à l'escompte ; qu'en matière commerciale, la preuve est libre et que l'accord du groupe Idec à l'endossement de la lettre ressort des éléments de la cause ; qu'il n'avait pas à vérifier l'accord du tiré avant d'escompter l'effet, contrairement à ce qui a été jugé en première instance ; que, manifestement, le Groupe Idec a refusé de payer la seconde lettre de change en raison du redressement judiciaire du Groupe Loft publié au Bodacc le 27 janvier 2009;

que, sur la demande reconventionnelle du groupe Idec, elle fait valoir qu'en payant l'effet à son échéance sans contestation, il a reconnu sa dette et ne peut plus la contester ; qu'il n'est établi aucune volonté de nuire par l'inscription du protêt sur une autre société, qui n'est pas partie à l'instance, faute de paiement en vertu d'un effet non endossable, et qu'aucun préjudice n'est justifié ;

Considérant que la société Groupe Idec fait valoir qu'elle a, en vain, demandé la production de l'original des effets en cause et que la copie produite démontre qu'aucun d'eux n'a été signé par le tireur, de sorte qu'ils sont nuls en application de l'article L.511-1 du code de commerce ; que la traite dont il est demandé paiement par le banquier escompteur indique qu'elle n'est pas endossable sauf accord du tiré ; que le Crédit Agricole a escompté les effets sans avoir son accord préalable et ne peut lui en demander le paiement ; que le tiré accepteur a ainsi limité son engagement aux seuls rapports tireur-tiré et n'est pas engagé envers les endossataires du titre;

que le premier effet à échéance au 31 décembre 2008 qui n'est pas revêtu de la signature du tiré a été payé à tort ; que le Crédit Agricole a perçu un paiement indu dont il lui doit restitution en application de l'article 1378 du code civil ; qu'ayant reçu le paiement de mauvaise foi en connaissance de l'irrégularité de l'effet et sans avis préalable, il doit lui rembourser le montant de la traite majoré des intérêts à compter du jour du paiement ; que la publication du protêt, faute de paiement, est fautive et s'apparente à un harcèlement pour la contraindre à payer ; que cette voie de fait lui a causé un préjudice dont elle est fondée à obtenir réparation ;

Considérant que, même si les deux effets en cause, que la société Groupe Idec ne conteste pas avoir émis, ne sont pas produits en original, il ressort des copies produites par le Crédit Agricole, dont une copie certifiée conforme à l'original par huissier de justice concernant l'effet à échéance du 31 janvier 2009, qu'ils sont signés par le tiré qui les a acceptés et par le tireur, ce qui n'avait pas été contesté jusqu'à l'instance d'appel, à la différence des copies de copies produites par la société Groupe Idec qui ne comportent plus, curieusement, les mêmes mentions;

Considérant qu'au regard des pièces produites par le Crédit Agricole qui ne sont pas arguées de faux, il convient de considérer que les effets sont réguliers et comportent toutes les mentions exigées par l'article L.511-1 du code de commerce ;

Considérant que les effets émis sont acceptés par le tiré, qui a apposé la mention manuscrite 'bon pour acceptation' avec sa signature, et comportent une mention dactylographiée pré-imprimée 'traite non endossable sauf accord du tiré';

Considérant qu'en application de l'article L.511-8 du Code de commerce, toute lettre de change, même non expressément tirée à ordre, est transmissible par la voie de l'endossement qui doit être pur et simple et que toute condition, à laquelle il est subordonnée, est réputée non écrite;

Considérant que les deux lettres de change en cause, émises par le Groupe Idec le 23 octobre 2008, sont à l'ordre de la SAS Loft et qu'elles n'ont pas été déclarées non acceptables par le tireur ; qu'au jour de leur émission, elles ont été acceptées par le tiré qui a garanti l'existence de la provision, dont la preuve est ainsi établie à l'égard des endosseurs conformément à l'article L.511-7 du code de commerce, et s'est ainsi engagé irrévocablement à payer chacune des traites à son échéance ;

Considérant que l'acceptation d'une lettre de change par le tiré emporte nécessairement son accord sur l'endossement ultérieur de l'effet par le bénéficiaire, qui en est le premier porteur, en vertu du principe de la libre circulation de l'effet transmissible par la voie de l'endossement;

Considérant que si la mention 'traite non endossable sauf accord du tiré' qui est pré-imprimée sur les effets en cause, a un sens au regard du droit cambiaire, c'est pour que l'effet soit accepté par le tiré préalablement à son endossement par le bénéficiaire qui en est le porteur, ce qui est le cas en l'espèce ;

Considérant en conséquence, que la société Groupe Idec, en sa qualité de tiré-accepteur de l'effet présenté au paiement par le Crédit Agricole, qui en est devenu le légitime porteur à la suite de l'escompte de l'effet au profit de la SAS Loft qui en était le bénéficiaire, ne peut lui opposer un accord à l'endossement qu'elle a déjà donné par son acceptation préalable de l'effet;

Considérant que c'est à tort que la société Groupe Idec refuse le paiement de la lettre de change émise le 23 octobre 2008 à échéance au 31 janvier 2009 en application de l'article L.511-19 du code de commerce ; qu'elle doit être condamnée à en payer le montant de 750.000 euros au Crédit Agricole, qui en est devenu le porteur, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2009 ; qu'il ne peut être reproché au Crédit Agricole d'avoir fait constater le refus de paiement de tiré-accepteur par un protêt conformément aux dispositions de l'article L.511-39 du code de commerce ;

Considérant que la société Groupe Idec est, en conséquence, mal fondée à demander le remboursement de la traite à échéance au 31 décembre 2008 qu'elle a acceptée et qu'elle a payée à sa première présentation par le Crédit Agricole ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de condamner la société Groupe Idec à lui payer la somme de 8.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Groupe Idec, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Rejette des débats la pièce produite en cours de délibéré par la SAS Groupe Idec constituée par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 9 mars 1995,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Groupe Idec à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 8] la somme de 750.000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008 jusqu'à parfait paiement,

Déboute la SAS Groupe Idec de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la SAS Groupe Idec à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 8] la somme de 8.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SAS Groupe Idec aux dépens de première instance et d'appel et, pour ceux d'appel, avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/14545
Date de la décision : 02/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°10/14545 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-02;10.14545 ?
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