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02/02/2012 | FRANCE | N°09/09664

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 02 février 2012, 09/09664


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 02 Février 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09664 LL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 20411705





APPELANTE

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Leila HAMZAOUI, avocat au barreau

de PARIS, toque : P0584



INTIMÉE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

[Adresse 6]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 02 Février 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09664 LL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 20411705

APPELANTE

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Leila HAMZAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0584

INTIMÉE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Mme [L] [G] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Directeur de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 3]

non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2011, en audience publique, après le rapport oral du Président, devant la Cour composée de :

Madame Jeannine DEPOMMIER, Président

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Christel DUPIN Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Altran Technologies d'un jugement rendu le 25 juin 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Paris-Région parisienne ;

LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale au sein de la société Altran Technologies, l'Union pour le Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Paris -l'URSSAF- a notifié à cette société un redressement de cotisations ; qu'une mise en demeure lui a été envoyée, le 2 mars 2004, pour avoir paiement de la somme de 1.049.730 euros au titre des cotisations afférentes à la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002 et de celle de 104.973 euros au titre des majorations de retard ; que la société a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui a fait droit à sa demande au titre du plan d'épargne d'entreprise mais a rejeté sa réclamation sur les autres points ; qu'entre temps elle avait saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale des questions restant en litige sur les frais professionnels ;

Par jugement du 25 juin 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a débouté la société Altran Technologies de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à l'URSSAF de Paris la somme de 476.120 euros au titre des cotisations et celle de 79.200 euros au titre des majorations de retard.

La société Altran Technologies fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler le chef de redressement relatif aux frais professionnels de repas et celui relatif aux frais professionnels de transport ainsi que la mise en demeure du 2 mars 2004, de constater qu'aucune cotisation n'est due au titre du redressement notifié le 15 janvier 2004 et de condamner l'URSSAF de Paris à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de son appel, la société décrit la nature de son activité et son mode de fonctionnement qui repose essentiellement sur le travail de consultants affectés auprès des sociétés clientes qui leur confient la réalisation de programmes nécessitant des compétences spécifiques en matière de technologies, recherches et développement. Elle insiste notamment sur le fait que ces salariés sont mobiles en permanence et travaillent sur les différents sites des sociétés clientes. Elle relève aussi le caractère précaire et imprévisible de la durée de leur affectation qui change avec chaque marché remporté. Elle en déduit que leurs dépenses de repas et de transport constituent des frais professionnels supplémentaires inhérentes à leurs fonctions, de sorte que leur prise en charge par la société ne doit pas être soumise aux cotisations de la sécurité sociale. Elle considère, en effet, que les sommes versées aux consultants pour les rembourser de leurs frais de repas sont des charges à caractère spécial au sens de l'arrêté du 26 mai 1975 car, se trouvant en permanence en déplacement pour leur travail, ils ne peuvent regagner leur lieu habituel de travail ou leur résidence. Elle revendique, pour les allocations forfaitaires de repas et de déplacement versées aux salariés, la présomption d'utilisation conforme prévue par l'article 1er de l'arrêté du 26 mai 1975, en précisant que ce texte ne fixe aucune durée de déplacement pour son application. Elle se prévaut également de la convention collective de la branche dont l'article 50 prévoit que les déplacements hors lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire. Enfin, elle conteste l'argumentation selon laquelle l'entreprise cliente serait le lieu de travail habituel du consultant en soulignant le fait qu'ils sont très fréquemment soumis à un changement d'affectation et n'ont aucune certitude quant à la durée de leur mission. Elle fait également grief à l'URSSAF d'avoir considéré arbitrairement qu'un salarié ne pouvait plus être en déplacement à partir du moment où son affectation dépassait 6 mois alors que la durée de déplacement ne doit pas être prise en compte et qu'une telle position contrevient au principe d'égalité.

L'URSSAF de Paris conclut à la confirmation du jugement attaqué. Elle estime, en effet, que les conditions de travail des consultants employés par le groupe Altran ne les mettent pas en situation de déplacement professionnel au sens de l'arrêté du 26 mai 1975 dans la mesure où ils sont détachés dans les sociétés clientes pour de longues périodes de travail et que le lieu de leur détachement devient, de fait, le lieu de leur travail habituel. Elle ajoute que l'exonération des cotisations suppose que les salariés soient contraints d'exposer des charges spéciales inhérentes à leur emploi, ce qui n'est pas le cas ici et conteste la possibilité pour la société Altran d'invoquer la présomption d'utilisation conforme prévue par l'article 2 de l'arrêté du 26 mai 1975. Elle relève enfin que les déplacements entre le domicile et le lieu de travail ne constituent pas des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi mais sont des dépenses personnelles.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

SUR QUOI LA COUR :

Considérant qu'en application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'il ne peut être opéré sur les sommes ainsi versées de déductions au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par un arrêté interministériel ;

Considérant que, selon l'arrêté du 26 mai 1975 applicable au litige, pour être exclues de l'assiette de cotisations sociales, les indemnités forfaitaires versées par l'employeur au titre du remboursement des frais professionnels doivent être destinées à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi et être utilisées de manière effective conformément à leur objet ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence des charges de caractère spécial exposées par les salariés du fait de leurs fonctions ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort du contrôle de l'URSSAF que les ingénieurs et consultants, réalisant des missions de longue durée dans les entreprises clientes, reçoivent systématiquement de leur employeur des indemnités de repas exclues de l'assiette des cotisations et, pour ceux qui utilisent leur véhicule personnel pour se rendre à leur lieu de travail, des indemnités kilométriques également exclues ;

Considérant que pour justifier cette exonération, la société Altran soutient que les consultants sont constamment en déplacement professionnel sur les différents sites des clients et n'ont aucune certitude quant à la durée de leur affectation ;

Considérant toutefois que la société reconnaît que ces consultants sont recrutés pour travailler au sein des entreprises clientes, le temps de la réalisation de projets technologiques ou de recherche développés par ces entreprises ; que ces projets mettent en oeuvre des moyens de grande ampleur et peuvent souvent s'échelonner sur plusieurs mois voire plusieurs années ; qu'en l'espèce, l'URSSAF n'a tenu compte que des affectations de consultants d'une durée supérieure à six mois ;

Considérant qu'il n'est pas justifié que, durant leur affectation dans l'entreprise cliente, les consultants soient soumis à des contraintes spéciales les exposant à des dépenses supplémentaires de nourriture et de transport qu'ils n'auraient pas engagé autrement ;

Considérant que le seul fait que leur travail s'accomplisse en dehors des locaux de l'entreprise qui les emploie ne permet pas de les assimiler à des travailleurs en déplacement alors qu'ils occupent, en réalité, des fonctions sédentaires dans les laboratoires et bureaux d'études des entreprises clientes qui les accueillent ;

Considérant que ces salariés demeurant en permanence au même poste chez les entreprises clientes, pour de longues périodes, l'URSSAF a considéré à juste titre que leur lieu de travail habituel était celui de ces entreprises clientes et qu'ainsi ils ne pouvaient bénéficier des frais professionnels accordés aux salariés se déplaçant loin de leur lieu de travail ;

Considérant qu'en effet, l'arrêté du 26 mai 1975 n'admet le remboursement de frais professionnels que si les salariés sont empêchés de rejoindre leur lieu de travail habituel ou leur résidence et sont donc obligés de subir des frais supplémentaires ; qu'en l'espèce, les consultants ne se trouvent pas dans cette situation dès lors qu'ils n'ont d'autre lieu de travail habituel que celui de l'entreprise cliente ;

Considérant qu'en outre, le fait que les salariés soient amenés à changer d'affectation à l'issue de chaque marché de service conclu par la société Altran avec ses différents clients ne modifie pas leur situation, compte tenu de la longue durée de ces marchés ;

Considérant ensuite que les articles de la convention collective de la branche ne peuvent prévaloir sur les dispositions impératives de la législation de la sécurité sociale en matière de frais professionnels ;

Considérant qu'enfin, il ne peut être reproché à l'URSSAF de n'avoir redressé que les frais remboursés aux salariés chargés de la réalisation de programmes d'une durée supérieure à six mois alors qu'il s'agit d'une simple tolérance ; qu'une telle mesure tient compte du caractère durable de la situation de ces salariés et ne porte donc pas atteinte au principe d'égalité ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales les indemnités de repas versées aux consultants qui n'avaient, en réalité aucune charge spéciale de nourriture à supporter ; que, de même, l'URSSAF a justement soumis à cotisations les indemnités kilométriques versées aux salariés alors qu'il n'y avait aucune justification de dépenses supplémentaires ;

Que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société Altran qui succombe en son appel sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'en matière de sécurité sociale, la procédure est sans frais et ne donne donc lieu à aucune condamnation à dépens ;

PAR CES MOTIFS :

- Déclare la société Altran Technologies recevable mais mal fondée en son appel ;

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Déboute la société Altran Technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la société Altran Technologies au paiement de ce droit ainsi fixé.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 09/09664
Date de la décision : 02/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°09/09664 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-02;09.09664 ?
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