La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2012 | FRANCE | N°10/03340

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 01 février 2012, 10/03340


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 01 Février 2012

(n° 7 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03340-BVR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section Encadrement RG n° 06/01063





APPELANTE et INTIMÉE

L'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Pasca

l GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205 substitué par Me Pierre MARILLIER, avocat au barreau de PARIS







APPELANT et INTIMÉ

Me [K] [Z] - Mandataire liquidateur de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 01 Février 2012

(n° 7 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03340-BVR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section Encadrement RG n° 06/01063

APPELANTE et INTIMÉE

L'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205 substitué par Me Pierre MARILLIER, avocat au barreau de PARIS

APPELANT et INTIMÉ

Me [K] [Z] - Mandataire liquidateur de la SAS ASM ATELIERS DE SAINT-MICHEL -

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Etienne WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1053

INTIMÉ

Monsieur [W] [R] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Bruno BOURGEAT, avocat au barreau d'EVRY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement en date du 17 décembre 2009, auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :

- constaté l'existence d'une clause de non concurrence entre monsieur [X] et la société ASM Ateliers de Saint Michel,

- réduit la créance du salarié au titre de la contrepartie financière de cette clause à la somme de 75.000 euros et, après compensation d'une somme de 19.575 euros due par celui ci à son employeur au titre d'une condamnation pénale, fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 55.424,09 euros,

- fixé en outre en sa faveur une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP [I] et [Z], es qualités de mandataire liquidateur et l'AGS CGEA IDF Est ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 28 novembre 2011, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

!!!!!!!!!

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants.

Monsieur [W] [X] a été embauché le 2 mai 1972 par la société Atelier de Serrurerie Lhermitte Bremond en qualité de dessinateur projeteur.

A la suite de difficultés financières, la société a fait l'objet d'un premier rachat par ses 14 salariés en 1985 et pris le nom de Atelier Saint Michel avec pour objet social la construction métallique, serrurerie, charpente en fer, clôture métallique ...;

Monsieur [W] [X] en deviendra successivement directeur général adjoint puis PDG jusqu'en 1994.

En 1995, de nouvelles difficultés ont entraîné un second rachat de la société par ses salariés; devenant société ASMSN, elle a été dirigée par Mme [X] du 25 novembre 1997 au 18 octobre 2000, son époux monsieur [W] [X], étant nommé directeur technique et commercial à compter du 17 février 1995.

Le capital de la société ASMSN était détenu à 44,83 % par les époux [X] et leurs enfants .

En octobre 2000, les consorts [X] ont cédé leurs parts ; Mme [X] a été remplacée par monsieur [F].

Le 22 juin 2001, la société ASMSN et monsieur [W] [X] ont formalisé un avenant au contrat de travail prévoyant une revalorisation de la rémunération du salarié et la stipulation d'une clause dite de ' non concurrence'.

Cependant, l'audit comptable effectué à la demande du nouveau dirigeant devait révéler à l'encontre des époux [X], un certain nombre d'anomalies et d'irrégularités dans la gestion de l'entreprise.

C'est dans ces conditions que le 9 novembre 2001, monsieur [W] [X] a été licencié pour faute lourde pour s'être fait rembourser des frais sans justificatifs, utilisé les fonds de l'entreprise à des fins personnelles, fait travailler des salariés de la société dans sa résidence personnelle, favorisé l'enrichissement sans cause de la SCI, propriétaire des locaux loués à la société ASM et dans laquelle il est associé, enfin détourné de l'argent liquide.

Le 4 décembre 2001, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement .

Le 4 janvier 2002, la société ASMSN a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction notamment des chefs d'abus de biens sociaux.

.

Par jugement en date du 19 décembre 2002, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à venir .

Le juge d'instruction ayant le 10 mai 2007, renvoyé monsieur et Mme [X] devant le tribunal correctionnel d'Evry, ces derniers ont été condamnés par jugement en date du 16 octobre 2007, à 2.000 euros d'amende pour Mme [X], deux mois d'emprisonnement avec sursis et 2.000 euros d'amende pour monsieur [W] [X] pour les faits reprochés.

Devant le conseil de prud'hommes de nouveau saisi, monsieur [W] [X] a abandonné ses demandes au titre du licenciement mais sollicité le versement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence contenue dans son avenant du 22 juin 2001 pour un montant de 149.000 euros .

Le 17 novembre 2008, la société était placée en liquidation judiciaire, la SCP [I] et [Z] en la personne de maître [Z], étant désignés es qualités de mandataires liquidateurs.

Analysant la clause litigieuse, non comme une clause de garantie d'emploi mais comme une clause la clause de non concurrence, le conseil de prud'hommes, dans le jugement déféré en a réduit toutefois le montant à la somme de 75.000 euros .

C'est dans ces conditions que se présente l'appel interjeté par les organes de la procédure et l'AGS.

MOTIFS

Considérant que la clause litigieuse contenue dans l'avenant du 22 juin 2001qui a parallèlement prévu une augmentation de salaire, est ainsi rédigée :

clause de non concurrence

Monsieur [W] [X], s'engage en cas de départ contraint ou volontaire de la société, avant le 1er mars 2004, à ne pas concurrencer cette dernière, soit en qualité de dirigeant d'entreprise, soit en qualité d'associé ou d'actionnaire d'une entreprise concurrente et ce tant à titre personnel que par personne interposée pendant 5 ans à dater de son départ et sur tout le territoire national français.

En contrepartie de la clause de non concurrence, la société ASMSN s'engage à verser à monsieur [W] [X] une indemnité égale au salaire mensuel brut de monsieur [W] [X] ( 5.335,72 euros ) multiplié par le nombre de mois séparant le départ de monsieur [W] [X] du 1er mars 2004 quelque soit la cause de ce départ ( démission ou licenciement)

Enfin en cas de départ de monsieur [W] [X] à la date convenue, ce dernier observera l'interdiction de non concurrence décidée ci dessus en ramenant la durée à 28 mois et ce sans autre indemnité que l'augmentation de rémunération décidée au paragraphe précédent.

Considérant que monsieur [W] [X] fait valoir qu'il a cessé son travail le 16 novembre 2001 ; que n'ayant pas été libéré de sa clause de non concurrence alors qu'il en a dûment respecté les obligations, il s'estime légitime à percevoir la contrepartie contractuelle, peu important selon lui, qu'il ait été licencié pour faute lourde; qu'il réclame donc la somme de 149.400 euros représentant 28 mois de salaire et couvrant la période du 16 novembre 2001 au 1er mars 2004 ;

Que Maître [Z] et les AGS s'opposent à ce paiement en faisant valoir que cette clause s'analyse en une clause de garantie d'emploi obtenue dolosivement en contrepartie de la cession de parts consentie par monsieur [W] [X] pour lui assurer un revenu jusqu'à sa retraite ;

Et considérant que la clause litigieuse conclue le 22 juin 2001par les parties, dont la cour doit interpréter la commune volonté, n'est pas une clause de non concurrence mais une clause de garantie d'emploi ;

Considérant en effet tout d'abord qu'en formalisant un engagement de monsieur [W] [X] à ne pas concurrencer la société ASMSN soit en qualité de dirigeant, d'associé ou d'actionnaire sans prévoir d'interdiction de s'engager en qualité de salarié pour le compte de la concurrence, elle ne vise qu'à protéger la société d'un éventuel investissement de l'intéressé dans la direction d'une société concurrente ou dans son capital, sans le priver d'une activité salariée dans son secteur de compétence, ou sans même en restreindre le périmètre, ce qui est le fondement même d'une clause de non concurrence afférente à un contrat de travail ;

Qu'à cet égard, ayant été conclue au moment de la cession par monsieur [W] [X] de ses parts au niveau dirigeant, elle reflète le pacte économique et financier entre l'ancien et le nouveau dirigeant de la société ;

Considérant ensuite qu'elle ne comporte aucune faculté de renonciation de la part de l'employeur, mettant à la charge de ce dernier, quelque soit le motif de la rupture, licenciement et même démission de monsieur [W] [X], intervenu avant le 1er mars 2004, le versement au profit de ce dernier, de l'intégralité de son salaire soit 5.335 euros mensuel, pendant 32 mois, que ce salaire d'ailleurs, aux termes d'un même avenant, était sensiblement augmenté ;

Considérant que la clause contestée instaure bien, au profit du salarié, une garantie d'emploi et de salaire jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite, le1er mars 2004 ;

Et considérant que la garantie d'emploi constitue une clause pénale susceptible d'être révisée par le juge si elle est manifestement excessive ;

Considérant en l'espèce que la contrepartie prévue au titre de la garantie d'emploi, soit 149.000 euros, est manifestement excessive puisque la clause a été conclue alors même que monsieur [W] [X] avait pendant plusieurs années détourné des fonds de la société, ce que le nouveau dirigeant ignorait, que les obligations pesant sur la société étaient disproportionnées par rapport à sa capacité financière et enfin que cette dernière, en état de cessation des paiements, se trouve aujourd'hui en liquidation judiciaire ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments ,le montant de la somme qui sera due à monsieur [W] [X] pour non respect de la garantie d'emploi, sera ramenée à 20.000 euros, cette somme se compensant, comme l'a prévu le conseil de prud'hommes et comme le demandent les parties, avec la somme de 19.575,91 euros que monsieur [W] [X] doit par ailleurs au titre de sa condamnation pénale ;

Considérant que cette somme doit faire l'objet d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire, l'arrêt étant opposable au CGEA dans les limites de sa garantie légale;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction entre les instances enrôlées sous les numéros 10/ 03340 et 10/03455 ,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau ,

Fixe le montant de la créance de monsieur [W] [X] sur le passif de la société ASMSN à la somme de 20.000 euros,

Ordonne la compensation de cette somme avec celle de 19.575,91 euros que monsieur [W] [X] doit par ailleurs au titre de sa condamnation pénale,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Dit que l'arrêt est opposable au CGEA dans les limites de sa garantie légale,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais non répétibles et de ses dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/03340
Date de la décision : 01/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°10/03340 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-01;10.03340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award