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31/01/2012 | FRANCE | N°09/07477

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 31 janvier 2012, 09/07477


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 31 Janvier 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07477



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 07/02779





APPELANTE

Madame [F] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Khalifa ADJAS, avocat au barreau de PARIS, toqu

e : E1433

Aide juridictionnelle Totale n° 2011/42558 du 02/11/2011





INTIMÉE

Délégation Suisse près l'OCDE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Helyett LE NABOUR, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 31 Janvier 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07477

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 07/02779

APPELANTE

Madame [F] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Khalifa ADJAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1433

Aide juridictionnelle Totale n° 2011/42558 du 02/11/2011

INTIMÉE

Délégation Suisse près l'OCDE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Helyett LE NABOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P.134

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente

Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par Madame Kala FOULON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

[F] [U] a été engagée par la Délégation suisse près l'O.C.D.E. , le 30 mars 1999, en qualité de secrétaire-employée de Chancellerie, suivant un contrat de travail à durée indéterminée alternativement à temps partiel et à temps complet.

Par courrier du 12 février 2007 remis en main propre, elle est convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 20 février 2007.

Suivant une lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 mars 2007, elle est licenciée pour faute grave avec des motifs ainsi énoncés :

' Comme je vous l'ai rappelé lors de notre entretien, vous avez rejoint la Délégation suisse près l'Organisation de Coopération et de Développement Economique le 1er septembre 1999, en qualité de secrétaire.

Depuis le 6 septembre 2006, une nouvelle assistante Madame [X] [I] a été engagée par la Délégation suisse en remplacement de Madame [W] [S], partie en congé maternité.

Etant la plus ancienne des secrétaires , je vous avais demandé de présenter le service à Madame [I] et de lui faire visiter les locaux. A la suite de cette demande vous vous êtes présentée devant Monsieur [P] pour lui faire part de votre étonnement et de récriminations amères arguant du fait que vous n'aviez pas, à l'époque de votre embauche, bénéficié de ce service.

D'autres incidents graves m'ont été répercutés par Madame [I]. Vous avez pris connaissance du contenu de sa boîte e-mail et transféré sur votre ordinateur une liste d'invités. Vous avez ensuite prétendu que Madame [I] n'avait pas établi cette liste d'invités au supérieur hiérarchique qui la lui demandait.

Je vous ai indiqué mon mécontentement sur ces agissements lors d'un entretien le 5 décembre 2006. J'avais cru que vous aviez pris conscience du fait que vos débordements proprement scandaleux devaient être les derniers.

Force m'a été de constater que j'avais fait erreur puisque Monsieur [P] m'a indiqué qu'après quelques semaines d'accalmie et à compter du mois de janvier 2007, vous n'aviez pu vous empêcher de recommencer vos manoeuvres de harcèlement.

Vous avez par ailleurs dit à Madame [I] que vous aviez eu une attitude 'dégueulasse' à son égard.

En outre, et rentrant d'un arrêt de travail, vous avez demandé une répartition équitables des charges. Prenant en compte cette demande, Monsieur [P] vous a proposé de réduire votre charge de travail. Vous avez refusé l'aménagement proposé et l'avez invectivé de manière injurieuse, traitant Monsieur [P] de 'faux-cul'.

En outre, Madame [I] m'a à son tour relaté le climat délétère que vous faisiez régner dans nos locaux, depuis votre retour.

Durant l'entretien préalable , vous avez certes nié les faits reprochés mais vous comprendrez aisément que vos dénégations n'ont guère de portée.

Il découle de ce qui précède que je ne puis tolérer plus avant un tel comportement générateur de troubles graves à la sérénité et au climat professionnel qui doivent régner dans une aussi petite entité que la nôtre. Les invectives , les violences verbales n'y ont pas droit de cité et je trouve profondément déplorable que vous ayez cru pouvoir vous y livrer en toute impunité.

Pour l'ensemble de ces raisons, je suis conduit à prononcer votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.'

Contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail, [F] [U] va saisir, le 12 mars 2007, la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Par jugement contradictoire en date du 15 mai 2009, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- dit que le licenciement d'[F] [U] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la Délégation suisse près l'O.C.D.E.à verser à [F] [U] les sommes suivantes :

* 2 869,40 € préavis,

* 286,94 € congés-payés afférents,

* 1 137 € indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- débouté [F] [U] de ses autres demandes.

Par des conclusions visées le 21 novembre 2011 puis soutenues oralement lors de l'audience, [F] [U] demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et, y ajoutant, de débouter l'employeur de toutes ses demandes, fins et prétentions, d'écarter l'attestation de M.[O] et la note de Mme [I] irrégulières eu égard à l'article 202 du code de procédure civile, de dire et juger que les faits allégués, cause du licenciement sont atteints par la prescription, de dire que le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :* 1 434,70 € inobservation de la procédure de licenciement,

* 14 434,70 € dommages et intérêts licenciement abusif,

* 3 000 € préjudice moral, outre les intérêts légaux et la capitalisation de ceux-ci ainsi que l'octroi de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions visées le 21 novembre 2011 puis soutenues oralement lors de l'audience, la Délégation suisse près l'Organisation de Coopération et de Développement Economique ( O.C.D.E. ) demande à la cour de dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave et, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait seulement sur une cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement des sommes perçues à tort à savoir : indemnité compensatrice de préavis et congés-payés afférents et indemnités de licenciement, de débouter l'appelante de toutes ses demandes , outre l'octroi de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Estimant que la lettre de licenciement n'avait pas été valablement signée par [H] [D] , 'pour ordre' (mention p.o. précédant la signature) du chef de la Délégation, dans la mesure où il n'est pas justifié du pouvoir donné à cette personne à cette fin, [F] [U] réclame une indemnité pour non-respect de la procédure d'un montant de 1 434,70 € correspondant à un mois de salaire. Cette question est débattue oralement devant la cour qui a mis dans le débat la violation d'une garantie de fond qu'est susceptible d'entraîner cette irrégularité de forme. La cour constate que [H] [D] qui se présente comme le supérieur hiérarchique de la salariée - ce fait n'étant pas contesté- est à la fois signataire de la convocation à l'entretien préalable et de la lettre de licenciement, la mesure ayant été menée dans ces conditions à son terme , la Délégation suisse ayant soutenu ensuite la présente procédure .Il y a lieu de considérer cependant que le mandat de signer la lettre de licenciement donné à [H] [D] pour le compte du chef de la Délégation n'est pas versé aux débats, le licenciement étant dès lors affecté d'une irrégularité de forme qui est également une irrégularité de fond, le délégataire n'ayant pas la qualité pour agir à défaut de justifier d'une délégation exprès à cette fin de son mandant, cette exigence découlant directement de la mention 'pour ordre' précédant la signature de la personne ayant signé la lettre de licenciement qui n'est par ailleurs, au vu des éléments versés aux débats, pas la même que celle qui a signé les divers contrats de travail, excluant ainsi l'application de toute notion de parallélisme des formes. Dès lors, la lettre de licenciement, signée par une personne non habilitée à cette fin, ne saurait être retenue ici comme constituant, par les motifs qu'elle énonce, le fondement de la rupture, celle-ci étant de ce fait dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation de la rupture illégitime :

[F] [U] sollicite à ce titre l'octroi de la somme de 14 434,70 € correspondant à dix mois de salaire.

La Délégation suisse, pour sa part, conclut au débouté de cette demande en estimant que la salariée n'établit en aucune manière la réalité d'un préjudice lié à son licenciement.

La cour constate que la salariée présentait une ancienneté de huit années et était âgée de 41 ans au moment du licenciement. Elle verse aux débats des attestations de l'ASSEDIC montrant qu'elle a été indemnisée au titre du chômage depuis la rupture jusqu'en avril 2008 , soit pendant plus d'une année. Elle ne s'explique cependant pas sur ses recherches d'emploi. En revanche, il y a lieu de considérer que les circonstances ayant entouré la rupture à caractère brutal et globalement péjoratif ont causé un réel préjudice à [F] [U] qui a été atteinte dans son état de santé comme en attestent des arrêts de travail pour un syndrôme dépressif. En conséquence, il doit être alloué la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail.

Sur l'indemnisation d'un préjudice moral distinct :

Invoquant un licenciement 'élaboré malicieusement par ses supérieurs' et la réalité d'un état dépressif qui, selon elle, en est résulté, [F] [U] réclame, sur ce point, l'octroi de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts. La cour constate ici que le non-respect formel du licenciement qui corrobore la notion 'd'élaboration' blâmable de celui-ci par son supérieur hiérarchique direct a été sanctionné par la déclaration d'illégitimité de celui-ci par défaut de motifs énoncés conformément aux textes applicables. Ainsi, les dommages et intérêts accordés dans le cadre de l'application de la loi ont intégré la totalité des préjudices subis. La demande d'indemnisation d'un préjudice moral distinct est, en conséquence, rejetée.

Sur les autres demandes :

En ce qui concerne l'indemnité de préavis et les congés-payés afférents ainsi que l'indemnité légale de licenciement, il y a lieu de constater que l'employeur s'est déjà acquitté de ces sommes dans le cadre de l'exécution provisoire . Au vu de la présente décision, ily a lieu de confirmer la décision entreprise sur ces points, la Délégation n'en contestant pas les montants.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

La réforme sur ce seul point et statuant à nouveau :

Condamne la DELEGATION SUISSE PRES L'ORGANISATION DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES ( O.C.D.E. ) à payer à [F] [U] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec éventuelle capitalisation de ceux-ci en vertu des dispositions de l'article 1154 du code civil,

Y ajoutant :

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu d'en faire application au vu de la décision du 2 novembre 2011 accordant l'aide juridictionnelle totale à [F] [U],

Laisse les dépens à la charge de la DELEGATION SUISSE PRES L'ORGANISATION DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES (O.C.D.E.).

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/07477
Date de la décision : 31/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/07477 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-31;09.07477 ?
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