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25/01/2012 | FRANCE | N°11/09173

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 25 janvier 2012, 11/09173


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 25 JANVIER 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/09173



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Avril 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/11619





APPELANT



Monsieur [C] [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par la SCP

OUDINOT-FLAURAUD (avoués à la Cour)

assisté de Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1938





INTIME



CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES MARITIME, prise en la personne de ses rep...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 25 JANVIER 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/09173

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Avril 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/11619

APPELANT

Monsieur [C] [Z] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par la SCP OUDINOT-FLAURAUD (avoués à la Cour)

assisté de Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1938

INTIME

CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES MARITIME, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Gilbert THEVENIER (avoué à la Cour)

assistée de Me Philippe YON, avocat au barreau de PARIS substituant la SCP ADK DESCHODT KUNTZ & ASSOCIES (Me François KUNTZ), avocats au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte GUYOT, Présidente

Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte GUYOT, président et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.

Par acte en date du 5 août 2010, le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE-CIFFRA ( plus loin 'le CIFFRA' ), venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN-CIFFRA, a fait assigner Monsieur [H] aux fins de remboursement de deux prêts.

Par conclusions d'incident, Monsieur [H] a demandé au juge de la mise en état,

- de se dessaisir au profit du Tribunal de Grande Instance de Marseille, à raison d'une connexité,

- de surseoir à statuer, sur l'action du CIFFRA, en l'attente d'une décision du Tribunal de Grande Instance de Marseille, instruisant une plainte, déposée par lui, contre la société APOLLONIA.

Par l'ordonnance entreprise, contradictoire, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris a :

- débouté les parties de toutes leurs demandes,

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.

- réservé les dépens.

Le 16 mai 2011, Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été signée le 30 novembre 2011.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 novembre 2011, auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [H] fait valoir :

- que les prêts du CIFFRA s'inscrivent dans une vaste escroquerie, dont il a été l'une des victimes, mettant en cause la société APOLLONIA, agent immobilier, et mandataire des banques, dont l'intimée, qu'une information est en cours, devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, dans le cadre de laquelle il s'est constitué partie civile, qu'APOLLONIA a fait signer un 'package' d'investissements immobiliers constitués de lots de copropriété différents, financés par des établissements différents, au moyen, entre autres choses, des prêts du CIFFRA, que l'abus de confiance et l'escroquerie en bande organisée ont pu prospérer, du fait d'APOLLONIA, de notaires et de banques, dont l'intimée,

- qu'il a fait assigner en responsabilité, par acte du 25 mai 2010, APOLLONIA, toutes les banques, dont l'intimée et les notaires, aux fins de réparation de son préjudice, que, dans une affaire similaire, une cour d'appel a reconnu l'entière responsabilité des banques, cet arrêt ayant été 'confirmé' par la Cour de cassation,

- qu'en raison de l'inefficacité de ses actes de prêt, constitutifs de faux en écriture publique et, en dépit de la procédure pénale en cours, le CIFFRA tente d'obtenir le remboursement des sommes prêtées, invoquant la nécessité d'interrompre la prescription, alors qu'une demande reconventionnelle, devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille suffirait, que le 'negotium' du prêt du CIFFRA est le résultat des infractions qui sont l'objet de l'information en cours, à Marseille, que des mises en examen sont intervenues, dont celles d'APOLLONIA, de notaires et de responsables ou cadres de banque, dont le CIFFRA,

- qu'il existe une connexité, au sens de l'article 101 du CPC, entre l'action engagée par le CIFFRA et celle, en responsabilité, qu'il a engagée devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, qu'il existe, en effet, un lien étroit entre ces deux actions, l'action en paiement d'une banque étant connexe à une action en responsabilité dirigée contre elle, qu'un lien ténu suffit à ce qu'il soit fait droit à une telle exception, qu'en l'espèce, ce lien est étroit, puisque l'acquisition des lots et les prêts correspondants de la banque ne peuvent être dissociés des autres acquisitions, que l'ensemble fait partie du 'package' vendu par APOLLONIA, que les prêts octroyés par le CIFFRA s'inscrivent dans ce 'package', l'ensemble des prêts, et non les siens seuls, devant être considéré, que ses propres demandes, faites devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, procèdent des mêmes prêts, que tous les prêts de toutes les banques ont été octroyés dans les mêmes conditions frauduleuses, avec l'intervention des mêmes notaires,

- que la nécessité d'une appréciation globale de la situation a été relevée par le Tribunal de Grande Instance de Marseille, par le juge d'instruction du même tribunal, que c'est entrer dans la logique d'APOLLONIA que de 'saucissonner' les opérations,

- qu'il est d'une bonne administration de la justice de faire droit à sa demande de constat d'une connexité, dès lors que la présente affaire est similaire à des centaines d'autres dossiers dont est saisi le Tribunal de Grande Instance de Marseille, et que d'autres juridictions ont retenu cette connexité,

- qu'il est nécessaire d'apprécier globalement le comportement conjugué des différents intervenants, qu'il ne s'agit pas d'une simple action en remboursement d'un prêt, mais de la responsabilité de plusieurs intervenants dans une situation d'endettement anormal, résultant d'une escroquerie complexe, que statuer sur la demande du CIFFRA fera échapper au Tribunal l'examen de la responsabilité de tous les intervenants, qu'il y aurait, dans ce cas, une dénaturation grave de l'objet des débats, un risque de contradiction de décisions, que le Tribunal de Grande Instance de Paris vient de reconnaître le bien-fondé d'une telle position,

- que les demandes procèdent d'un même lien contractuel, qu'il entend remettre en cause l'action en paiement par l'effet d'une compensation fondée sur les dommages et intérêts qu'il réclame, qu'il sollicite, par ailleurs, la déchéance des intérêts au taux conventionnels, ce qui remet en cause la créance invoquée par le CIFFRA,

Sur l'ordonnance entreprise,

- que le fait que les demandes n'aient pas la même nature est partiellement faux et inopérant, du fait qu'il ne s'agit pas là d'une condition de la connexité,

- que le fait qu'il ne demande pas l'annulation des ventes ou des prêts est sans incidence sur la connexité, qu'il fonde son action civile, devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, sur le dol, ayant la possibilité de solliciter le paiement de dommages et intérêts, que la responsabilité du CIFFRA n'est pas seulement recherchée à raison de ses fautes personnelles, mais également au regard des fautes commises par son mandataire, APOLLONIA, à laquelle elle a versé une commission de plus de 2 millions d'euros,

- que plusieurs juridictions ont fait droit à des demandes similaires de connexité, que la jurisprudence rendue dans le dossier CEGC, dont par la présente Cour, n'est pas transposable, en l'espèce, la Cour s'étant fondée sur le fait que cette banque, subrogée de GE MONEY BANK, était un tiers à la formation du contrat, qu'à l'époque, par ailleurs, les investisseurs ignoraient l'existence de la plainte avec constitution de partie civile de la CEGC, et FRENCH RIVIERA, IOB de GE MONEY BANK n'était pas encore mise en examen,

- que plusieurs juridictions sont revenues sur leur première appréciation du dossier, que le juge de la mise en état de Paris ordonne, désormais, systématiquement le renvoi à Marseille des dossiers considérés,

Subsidiairement,

- que le sursis à statuer, en l'attente d'une décision pénale définitive s'impose, en application de l'article 4 du CPP, que l'action en paiement du CIFFRA implique l'examen des conditions dans lesquelles son prêt a été souscrit, que l'issue de l'instruction pénale influencera nécessairement l'issue du litige, que l'appréciation de la demande en paiement de la banque ne pourra, alors, être que différente, que le CIFFRA a fait l'objet d'une perquisition, que des mises en examen d'anciens responsables du CIFFRA ont eu lieu, que CIFFRA ne communique aucune demande de prêt, ou fiche de renseignement, qu'il doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense, à arme égale avec l'intimée,

- que le sursis s'impose également, en vertu de l'article 312 du CPC, ce sursis étant obligatoire, dès lors qu'il est argué de faux, ce qui est le cas en l'espèce, s'agissant de la procuration et de l'acte de prêt du 21 janvier 2004, le notaire concerné étant mis en examen, qu'il ne peut faire état de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence, ayant confirmé la mise en examen des notaires, CIFFRA se retranchant derrière le secret de l'instruction,

- que le sursis à statuer s'impose également, au titre du respect des droits de la défense, du principe de la contradiction et de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le CIFFRA, en s'opposant au sursis, tente de retirer aux victimes, dont il fait partie, les moyens de défense contenus dans la procédure pénale, que CIFFRA ne communique pas le mandat conclu entre elle et APOLLONIA, qu'il importe peu qu'il ne soit pas condamné pénalement, que les preuves des faits et les explications de la banque figurent au dossier pénal, que le CIFFRA ne peut soutenir que l'information n'est ouverte que contre APOLLONIA et les notaires, qu'il est, aujourd'hui gravement inquiété, que la banque ne peut minimiser la portée des dispositions d'ordre public protectrices des emprunteurs, que c'est parce que ces règles ont été violées qu'il est massivement surendetté,

- que la banque ne peut prétendre au remboursement des fonds, au motif qu'ils auraient été libérés, alors que les prêts n'existent que par la commission de graves infractions, que ces infractions donnent lieu à une créance de dommages et intérêts, ce qui remet en cause la créance alléguée, que cette libération n'aurait pas dû intervenir, comme l'admet une autre banque,

- que la décision de sursis à statuer ne portera pas atteinte aux droits de la banque, la créance invoquée étant garantie par des inscriptions d'hypothèques sur les lots financés, et des inscriptions de privilèges, qu'elle ne saurait soutenir que ces garanties sont insuffisantes,

- que, sans les infractions, le prêt n'aurait pas existé,

Sur les arguments du CIFFRA,

- que le CIFFRA lui reprochant de ne se fonder que sur des articles de presse, cette affirmation est contradictoire avec son opposition à sa demande de connexité et de sursis à statuer, que cet argument démontre que le CIFFRA sait qu'il ne peut faire valoir de preuves qui sont protégées par le secret de l'instruction,

- que le CIFFRA invoquant sa signature des offres de prêts, la procédure pénale déterminera les conditions dans lesquelles il a pu signer ces offres,

- que le CIFFRA affirmant qu'il cherche à se soustraire à ses obligations, il a été justement jugé qu'il s'agissait d'un argument dilatoire, non établi,

- que le CIFFRA ne conteste pas le fait qu'il a envoyé les offres de prêts à APOLLONIA et non à lui, qu'il a octroyé ses prêts, par APOLLONIA, dont l'intervention est de son fait, qu'il a rémunéré APOLLONIA, que l'intimé est, donc, responsable des agissements frauduleux d'APOLLONIA, que l'intimé ne conteste pas le fait que les offres 'acceptées' ont été retournées par APOLLONIA et non par les emprunteurs, que le CIFFRA n'a eu aucun contact avec les emprunteurs et n'a effectué aucun contrôle des dossiers remis à APOLLONIA,

- que le CIFFRA faisant valoir que sa demande n'étant pas fondée sur des actes authentiques, l'article 312 du CPC ne peut être invoqué, des actes authentiques sont bien nécessaires à l'examen de sa demande.

Il demande à la Cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

En conséquence,

- de se dessaisir au profit du Tribunal de Grande Instance de Marseille,

- de renvoyer, en l'état, le litige au Tribunal de Grande Instance de Marseille, 10ème chambre cabinet RG 10/ 07210,

Subsidiairement,

- de surseoir à statuer,

En tout état de cause,

- de condamner le CIFFRA à lui payer la somme de 3.000 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner le CIFFRA aux dépens, dont distraction au profit de la SCP OUDINOT FLAURAUD, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Dans ses dernières conclusions en date du 30 septembre 2011, auxquelles il convient de se reporter, le CIFFRA fait valoir :

- que Monsieur [H] ayant souscrit deux prêts auprès de lui, pour financer des acquisitions à caractère immobilier, il n'a pas respecté l'amortissement de ces prêts et a été destinataire d'une mise en demeure rendant immédiatement exigible sa créance, qu'il est, de ce fait, redevable de la somme de 420.559, 16 €, outre intérêts,

- qu'une instruction étant en cours, si la procédure devait révéler que les actes notariés sont des faux, ces actes perdraient leur force exécutoire, ce qui lui interdirait de recouvrer les sommes qui lui sont dues, qu'il est, donc, fondé à demander la condamnation à paiement de Monsieur [H], qu'il a été contraint, pour interrompre la prescription, de saisir le Tribunal de Grande Instance de Paris, pour obtenir cette condamnation,

- que le Premier président de cette Cour ayant ordonné le sursis à exécution d'une mainlevée d'hypothèque, la Cour a confirmé la validité de cette mesure et, donc, des actes souscrits par Monsieur [H],

- que le juge de la mise en état de Paris a été saisi d'une action en responsabilité dans un dossier similaire, que tous les dossiers ne sont pas renvoyés à Marseille, que le prétendu endettement anormal invoqué par l'appelant est peu crédible, alors que ce dernier ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, que Monsieur [H] a soulevé les mêmes arguments devant le juge de l'exécution et la Cour d'appel de Paris, mais a été débouté,

Sur la connexité

- que les actions invoquées par Monsieur [H] sont, par nature, différentes, la demande de ce dernier tendant à l'octroi de dommages et intérêts et la sienne tendant au remboursement de la somme prêtée, que les fondements de ces demandes sont différents, que Monsieur [H] n'a aucune créance envers lui, qu'il n'a jamais justifié d'un endettement anormal, alors que l'emprunteur a l'obligation contractuelle de rembourser ses prêts, qu'il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, ne justifie pas d'une demande d'admission devant la commission de surendettement, qu'il est dentiste, propriétaire de sa résidence, de son cabinet dentaire et de résidences locatives, qu'il n'a, donc, aucune difficulté financière,

- que des juridictions ont rejeté l'exception de connexité,

- que, s'agissant de la bonne administration de la justice, les agissements dont se plaint Monsieur [H] sont sans lien avec le fait qu'il a acquis des biens, dans le cadre d'une opération de défiscalisation, que ces biens ont été financés avec les deniers prêtés par des banques et qu'en tout état de cause, il a une obligation contractuelle de rembourser les prêts,

- que Monsieur [H] espère le renvoi devant la juridiction de Marseille, devant laquelle il a demandé et obtenu un sursis à statuer, en l'attente de l'issue de la procédure pénale, ce qui lui a permis d'échapper au remboursement de prêts, que cette manoeuvre est dilatoire,

- que sa propre procédure, destinée à interrompre la prescription, était justifiée,

- que la question des responsabilités sera tranchée par le juge pénal ou le Tribunal de Grande Instance de Marseille, que la responsabilité des autres parties est sans incidence sur l'obligation qu'a l'appelant de le rembourser, que sa propre responsabilité n'est qu'une éventualité incertaine,

- que, sur la dénaturation de l'objet des débats, il n'appartient pas à Monsieur [H] de décider de la nature des procédures engagées par les autres parties qu'elles-mêmes,

- que, sur le risque de contrariété de décisions, Monsieur [H] est tenu de rembourser, alors que sa demande indemnitaire n'est que virtuelle, que si les parties venaient à être condamnées par des juridictions différentes, elles auraient la possibilité de compenser leurs créances,

- que Monsieur [H] ne démontre pas que les affaires qu'il invoque présentent, entre elles, une corrélation telle que la solution de l'une doit nécessairement influer sur la solution de l'autre, que Monsieur [H] tente de gagner du temps, qu'il n'a jamais communiqué les éléments concernant le crédit d'impôt dont il a bénéficié, le montant du remboursement de TVA et le montant des loyers qu'il perçoit,

Sur le sursis à statuer,

- que le juge de la mise en état n'est pas tenu de surseoir à statuer, au regard des termes actuels de l'article 4 du CPP, la règle selon laquelle le pénal tient le civil en l'état n'ayant plus lieu d'être,

- que l'appelant ne démontre pas que la procédure pénale puisse avoir une incidence sur le procès civil, ce qu'a retenu une juridiction, que les notaires mis en cause par les prétendues victimes ont été autorisés à reprendre leurs fonctions, que l'appelant ne prouve pas être concerné par les procurations arguées de faux, qui n'ont rien à voir avec la présente instance, que rien ne prouve que l'instruction en cours va mener à une quelconque condamnation des banques, que la procédure pénale aura pour objet, notamment, les actes authentiques argués de faux, alors que la présente instance a pour objet le remboursement d'un prêt, que si les actes authentiques sont reconnus faux, ils seront requalifiés en actes sous seing privé, que c'est sur le fondement de tels actes qu'il fonde, quant à lui, sa demande, que si ces actes sont annulés, Monsieur [H] devra procéder au remboursement des sommes prêtées,

- que Monsieur [H] invoquant un démarchage agressif, il n'a pas, quant à lui, le pouvoir de forcer Monsieur [H] à acquérir des appartements, que ce dernier ne saurait prétendre pouvoir bénéficier de fonds et acquérir des biens, sans remboursement, que le surendettement invoqué par ce dernier n'est pas établi,

- que Monsieur [H] ne communique que des articles de presse, ce qui est insuffisant à démontrer que les actes authentiques dont il bénéficie, quant à lui, sont des faux, alors que sa propre demande se fonde sur des actes sous seing privé,

- qu'à ce stade, les emprunteurs sont dans l'impossibilité de justifier de leur argumentation, ce qu'ont reconnu des juridictions, s'agissant, entre autres, de Monsieur [H],

- que, s'agissant de l'article 312 du CPC, la demande de Monsieur [H] n'est pas fondée sur un acte authentique, susceptible d'être qualifié de faux.

Il demande à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

- de débouter Monsieur [H] de ses demandes,

- de condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 3.000 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner Monsieur [H] aux dépens, dont distraction au profit de Maître THEVENIER, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC,

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la connexité

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 101 du CPC, relatif à la connexité, s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes, un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ;

Que Monsieur [H] a, par assignation en date du 25 mai 2010, saisi le Tribunal de Grande Instance de Marseille, au contradictoire de plusieurs défendeurs, dont le CIFFRA, lui ayant octroyé des prêts, pour voir, pour l'essentiel, ordonner le sursis à statuer et, sur le fond :

- dire que les défendeurs ont engagé leur responsabilité à son égard,

- dire que les intérêts ayant couru sur les prêts octroyés devraient être recalculés au taux d'intérêt légal et non au taux conventionnel, à compter de la date de mise à disposition desdits prêts, sur leur totalité et sur toute la durée de remboursement,

- condamner solidairement les défendeurs à lui payer, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier, la somme de 1.346.164, 90 €, et 87% HT des intérêts courant, au taux légal, au titre de ces prêts,

- condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 100.000 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral ;

Que, dans le cadre de cette instance, Monsieur [H] fait valoir, notamment, que les banques, dont le CIFFRA, sont responsables, du fait de leur mandataire, la société APOLLONIA, et responsables de leur propre fait, faute de mise en garde, de contrôle, d'investigations, faute, également, d'avoir recherché si les loyers et le remboursement de TVA, liés à l'obtention des prêts qu'elles lui ont octroyés, permettaient d'en assurer le remboursement ; qu'il fait, également, valoir que, les banques ayant rémunéré APOLLONIA, ces rémunérations ont été dissimulées et auraient dû être comprises dans le TEG, conformément aux dispositions de l'article L 313-1 du Code de la consommation, ce qui devrait donner lieu à déchéance des intérêts conventionnels ;

Que le préjudice matériel dont Monsieur [H] se prévaut, dans le cadre de cette instance engagée devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, consiste en une surévaluation des biens vendus et en une inadaptation des ventes intervenues, en raison, notamment, des financements excessifs accordés, les loyers ne pouvant permettre le remboursement des emprunts qu'à hauteur d'un capital nettement inférieur à celui prêté, cette circonstance générant un surendettement considérable ;

Que, dans le cadre de la même instance, Monsieur [H] se prévaut, également, d'un préjudice moral, résultant, notamment, des réclamations des banques, du prononcé, par elle, des déchéances du terme, alors qu'elles se sont constituées parties civiles, contre APOLLONIA, dans une instance pénale dirigée, notamment, contre cette dernière ;

Considérant que l'instance engagée par le CIFFRA, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris est consécutive au non respect, par Monsieur [H], des conditions d'amortissement de deux prêts qu'il lui a consentis, ce qui l'a conduit à lui adresser une mise en demeure valant déchéance du terme ; que cette instance tend au paiement, par Monsieur [H], de la somme de 157.729, 28 €, augmentée d'intérêts conventionnels, à compter du 31 mai 2010 et de la somme de 262.829, 88 €, augmentée des mêmes intérêts, à compter du 31 mai 2010, au titre du remboursement des deux prêts considérés ;

Considérant que le CIFFRA fait, en premier lieu, valoir qu'une information pénale étant en cours, si cette procédure devait révéler que les actes notariés sont des faux, ces actes perdraient leur force exécutoire, ce qui lui interdirait de recouvrer les sommes qui lui sont dues et qu'il est, donc, fondé à demander la condamnation à paiement de Monsieur [H] ; qu'il confirme, ainsi, expressément, le lien existant entre l'instance engagée, par lui, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et celle engagée, par Monsieur [H], devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, tendant à la réparation d'un préjudice résultant de faits, ayant donné lieu, par ailleurs, à l'ouverture de l'information pénale considérée ;

Que, le CIFFRA se prévalant de ce que les actions invoquées par Monsieur [H] sont, par nature, différentes, la mise en oeuvre des dispositions de l'article 101 n'exigent nullement une identité d'action ou de demandes entre les affaires en cause, mais un lien suffisant entre elles ;

Que le premier juge ne pouvait, donc, écarter l'exception de connexité qui lui était soumise au motif que le fondement juridique des demandes formées, par le CIFFRA, et par Monsieur [H], ou leur objet, étaient différents ;

Que l'instance civile engagée, par Monsieur [H], devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille étant, pour partie, dirigée contre le CIFFRA, à raison, notamment, des conditions d'octroi des prêts dont cette dernière demande le remboursement, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, les affaires portées devant ces deux juridictions distinctes ont, entre elles, un lien évident ;

Que Monsieur [H] sollicitant, dans le cadre de l'instance engagée, par lui, à Marseille, la substitution d'un taux d'intérêt légal au taux conventionnellement prévu, dont le CIFFRA demande l'application dans le cadre de l'instance qu'elle a engagée à Paris, le lien invoqué par l'appelant, à l'appui de sa demande de dessaisissement, est, à cet égard, manifeste, puisque peut résulter des instances considérées, une appréciation différente du quantum de la créance dont se prévaut l'intimée ;

Que, dans le cadre de l'instance engagée à Marseille, Monsieur [H] sollicite la condamnation, notamment, du CIFFRA, au paiement de dommages et intérêts, dont la compensation peut être constatée ou ordonnée avec le montant de la créance invoquée par cette banque ;

Que le montant des dommages et intérêts réclamés, par Monsieur [H], devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, est calculé, par lui, en fonction du montant des prêts qui lui ont été accordés et de ce qu'aurait dû être ce montant ; que cette circonstance constitue un autre lien entre les instances considérées ;

Que le premier juge ne pouvait, donc, écarter l'exception de connexité qui lui était soumise, au motif que la solution du litige soumis au juge marseillais n'avait pas d'influence sur celle de l'instance engagée à Paris ;

Que les arguments du CIFFRA, relatifs à l'absence de difficultés financières de Monsieur [H], à la réalité ou non de son surendettement, au fait qu'il a acquis des biens financés, en partie, par lui, au caractère incertain de sa propre responsabilité, au caractère justifié de sa propre procédure, à l'issue de la procédure pénale en cours à Marseille, à la preuve, établie ou non, des faux allégués, à la suffisance ou non des justificatifs produits par l'appelant, sont sans rapport avec la question de connexité soumise à la Cour et relèvent de l'appréciation des juridictions, civiles et pénale, statuant au fond, la Cour n'étant, ici, que juridiction de la mise en état ;

Que si le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Marseille, saisi par Monsieur [H], a, comme le dit le CIFFRA, ordonné le sursis à statuer, à raison de l'existence de l'information pénale en cours devant cette juridiction, cette décision n'a pas eu pour conséquence de dessaisir ladite juridiction, mais de suspendre l'instance civile engagée devant elle ; que le dessaisissement sollicité peut, donc, être ordonné sur le fondement de l'article 101 du CPC, en dépit de la décision de sursis à statuer considérée ;

Que Monsieur [H] justifie, donc, de façon suffisante, de ce qu'il existe, entre les affaires portées devant les deux juridictions distinctes, de Marseille et Paris, un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de faire droit à la demande de Monsieur [H], tendant au dessaisissement du Tribunal de Grande Instance de Paris, fondée sur la connexité de ces affaires ;

Qu'il n'y a lieu, en conséquence, de statuer sur la demande, subsidiaire, formée par Monsieur [H] ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [H] les frais irrépétibles qu'il a exposés en appel ;

Que le CIFFRA, qui succombe, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Fait droit à l'exception de connexité invoquée par Monsieur [H],

Ordonne le dessaisissement du Tribunal de Grande Instance de Paris, au profit du Tribunal de Grande Instance de Marseille, 10ème chambre,

Condamne le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE-CIFFRA aux dépens de l'incident soumis au premier juge,

Y ajoutant,

Condamne le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE-CIFFRA à payer à Monsieur [H] la somme de 2.000 €, au titre des frais irrépétibles que ce dernier a exposés en appel,

Condamne le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE-CIFFRA aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/09173
Date de la décision : 25/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°11/09173 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-25;11.09173 ?
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