Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 25 JANVIER 2012
(n° 17 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/00746
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2009 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2007F00642
APPELANTE
SAS SOCINTER
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
Ayant pour siège social :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par la SCP FANET SERRA, avoué à la Cour,
assistée de Me BOURAYNE Cyril, avocat au barreau de PARIS, toque P 369
INTIMÉE
STE WALLACE CORPORATION LIMITED
prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant pour siège social :
[Adresse 8]
[Localité 7]
NOUVELLE ZELANDE
représentée par Me GRAPPOTTE BENETREAU Anne, avoué à la Cour, toque K111
assistée de Me PIQUET Julie, avocat au barreau de PARIS, toque P 483
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 Novembre 2011 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur JACOMET conseiller faisant fonction de Président chargé d'instruire l'affaire et Madame SAINT SCHROEDER conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère.
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président et signé par Véronique GAUCI, greffière, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
La cour est saisie de l'appel , déclaré le 13/01/2010 , d'un jugement rendu le 03/11/2009, par le tribunal de commerce de Créteil.
La SAS SOCINTER qui a notamment l'activité d' intermédiaire de commerce en produits alimentaires et notamment de viandes et poissons frais, congelés ou réfrigérés, a commandé en avril 2006 à la société de droit néo-zélandais WALLACE CORPORATION LTD, plusieurs tonnes de viande d'agneau fraîche réfrigérée sous vide qui ont été expédiées par voie maritime depuis leur port de chargement à [Localité 5] ( Nouvelle Zélande) à leur port de destination à [Localité 9] ( Belgique ) par la société CP SHIPS en application de l'Incoterm CIF, la marchandise étant ensuite transportée par voie terrestre à [Localité 6] et [Localité 4].
Cette marchandise a été transportée en trois containers, référencés 1595,1583,1555 contenant respectivement 11697,38 kg, 10766,10 kg et 12187, 44 kg et a été réceptionnée par la société SOCINTER les 13/06, 07/06, et 26/04/2006, ce dernier container ayant été revendu à la société SERVIAL le 28/04/2006.
Des pièces produites ressortent les données suivantes en ce qui concerne ces trois containers :
CONTAINER 1595 :
sa réception a eu lieu à [Localité 6] le 13/06/2006,
une analyse microbiologique a été demandée le jour même au laboratoire SILLKULLER de [Localité 3] qui a procédé à cette analyse huit jours plus tard, soit le 19/06/2006 en concluant à la présence d'entérobactéries, supérieures à 15 000 0000 pour deux lots sur trois,
ces résultats ont été transmis le 29/06/2006 à la société WALLACE CORPORATION par la société SOCINTER qui indique avoir retiré les lots de la commercialisation et demande qu'une analyse soit effectuée désormais avant chaque expédition, l'assureur de
la société WALLACE CORPORATION, la société HARMSON & DEGROOT a mandaté le 30/06/2006 la société AM GROUP pour effectuer une expertise, la date limite de consommation (DLC ) des lots de ce container expirait le 13/07/2006 ;
CONTAINER 1583
sa réception a eu lieu le 07/06/2006 en France, et les lots de ce container avaient fait
l'objet d' un certificat de conformité numéro 2 du 06/05/2006,
l'analyse microbiologique a été demandée le 08/06/2006 et les résultats qui auraient été communiqués les 15 et 16/06/ 2006 seraient satisfaisants pour 5 analyses sur six, en ce qui concerne les entérobactéries mais non pour les examens bactériologiques,
par lettre du 10/07/2006 la société SOCINTER fait état d'une odeur nauséabonde détectée par un de ses clients et transmet les résultats du laboratoire SILLKULLER puis décide de retirer les lots ;
CONTAINER 1555
sa réception a été effectuée par la société SERVIAL le 28/04/2006 qui indique que la DLC est fixée au 08 05 2006,
cette date est confirmée le 12/05/2006 par un certificat vétérinaire qui ne concernerait toutefois pas l'abattoir de la société WALLACE CORPORATION et un deuxième certificat vétérinaire a alors été établi, qui a été transmis en télécopie le 11/05/2006 à la société SERVIAL,
par lettre du 12/04/2006, la société WALLACE CORPORATION a indiqué que, en ce qui concerne la DLC elle n'avait jamais dépassé 73 jours après emballage alors que le délai de 77 jours était prévu,
le certificat de la NEW ZEALAND FOOD SAFETY AUTHORITHY atteste une date de production entre 24/02 et 01/03/2006 ce qui signifierait que si la DLC est bien du 08/05 2006 le délai de 73 jours a bien été respecté,
la société SERVIAL a fait procéder le 26/05/2006 à une analyse microbiologique par le laboratoire MICROSEPT dont les résultats ont confirmé l'absence de bactéries pathogènes,
le 19/06/2006, la société SOCINTER désigne le cabinet [N] pour contrôler la qualité de la viande des lots de ce container,
le 24/08/2006, la société SERVIAL refuse de payer la facture en mettant en cause un défaut d'étiquetage et en se prévalant du résultat des analyses bactériologiques, cette facture est restée impayée.
Le 12/07/2006 la société WALLACE CORPORATION a proposé que, pour les containers 1583 et 1595 lui soit réglée à titre amiable une indemnité de 10000 €.
Au vu de l'assignation délivrée par la société SOCINTER le 20/04/2007, le tribunal de commerce de Créteil, par le jugement déféré du 03/11/2009 a constaté la résolution des contrats relatifs aux factures ST 1595 du 10/05/2006 et ST 1583 du 03/05/2006, condamné la société WALLACE CORPORATION à payer à la société SOCINTER la somme de 51650,34 € avec intérêts au taux légal à compter du 02/10/2005 et débouté la société SOCINTER du surplus de ses demandes, condamné cette dernière à payer à la société
WALLACE CORPORATION la somme de 52 096,42 € et débouté WALLACE du surplus de ses demandes, ordonné la compensation entre ces condamnations, partagé les dépens par moitié.
Par dernières conclusions du 11/03/2011, la société SOCINTER SOCINTER, appelante, demande à la cour, de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résolution des contrats relatifs, objet des factures ST 1583 et ST 1595 des 03 et 10/05/2006, de constater la résolution du contrat, objet de la facture ST 1555 - 1592 du 23/05/2006, de condamner la société WALLACE CORPORATION à la somme de 89 017, 48 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal du 02/10/2006, date de la mise en demeure, d'ordonner la capitalisation des intérêts année par année à compter du 20 04 2007 date de l'assignation, de condamner la société WALLACE CORPORATION à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de régler les dépens.
Par dernières conclusions du 20/04/2011, la société WALLACE CORPORATION, intimée, au principal, appelante incidemment, demande à la cour de dire que seul le comportement fautif de la société SOCINTER qui a rejeté les lots de viande en violation du règlement CEE 178 / 2002 sans prévenir les autorités compétentes est à l'origine de l'abandon des tonnes de viande qu 'elle a livrées, de débouter la société SOCINTER de toutes ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 122 197, 23 € pour mémoire en principal, subsidiairement de débouter la société SOCINTER qui ne justifie pas des préjudices allégués de toutes ses demandes, très subsidiairement de ramener à la somme de 69 017,48 € le montant de la condamnation à laquelle elle pourrait éventuellement être condamnée à titre de dommages et intérêts, en tout état de cause, de condamner la société SOCINTER à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens.
SUR CE
Considérant que, pour critiquer le jugement, la SAS SOCINTER, prétend que ;
- la réglementation communautaire telle que rappelée est applicable aux importations litigieuses, qu'il y a lieu en outre de se référer à l'analyse qu'en a faite le cabinet TERREUM,
- la société WALLACE CORPORATION n'a pas justifié d'analyses portant sur la détection des entérobactéries, et donc de la conformité des marchandises importées à la réglementation communautaire,
- vainement la société WALLACE CORPORATION reproche au cabinet TERREUM une absence d'examen personnel et une absence d'indépendance pour avoir procédé à une analyse similaire dans une autre instance étant observé que dans la procédure litigieuse les examens ont été effectués par d'autres intervenants que celui qui a effectué ces examens dans cette autre procédure, et que ces intervenants ont argumenté leurs conclusions,
- pour le container 1595 les analyses microbiologiques ont été effectuées dans des conditions fiables par le laboratoire SILLKULLER et ont révélé un taux d'entérobactéries anormalement élevé sur deux échantillons sur 3 soit 1 500 000 C/ g tandis que le cabinet AM GROUP a conclu à une contamination d'origine et non liée au transport maritime ce qu'a confirmé l'expertise sur pièces du cabinet TERREUM étant observé que les mesures de sauvetages mises en oeuvre lui ont permis de réduire sa perte,
- pour le container 1583 la société WALLACE CORPORATION n'a fait connaître ses analyses que les 15 et 16/06/2006, que le laboratoire SILLKULLER a relevé une présence importante de bactéries lactiques et une concentration élevée d'entérobactéries tandis que le cabinet TERREUM a conclu à des contaminations bactériennes dépassant largement le taux d'acceptabilité de sorte que le caractère insalubre de la marchandise est clairement établi, qu'elle ne pouvait se contenter de l'affirmation de WALLACE CORPORATION d' une erreur d'analyse, que l'impossibilité de distinguer les lots ne pouvait que conduire à rejeter la totalité de la marchandise étant observé qu'elle avait informé dès le 10/07/2006 la société WALLACE CORPORATION de ce qu'un client avait décelé une odeur anormale,
- pour le container 1555, que seule la facture pour un montant de 36 562,32 € à la société SERVIAL doit être prise en compte, que la société WALLACE CORPORATION a procédé à un étiquetage non conforme, n'a pas respecté la date limite de consommation qui était le 08/05/2006, qu'il existait des incertitudes et incohérences sur les dates de production et de péremption qui ne pouvaient que conduire à rejeter la totalité de la marchandise,
- ainsi c'est la totalité des contrats qui devaient faire l'objet d'une résolution, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal qui n'a retenu que la résolution des deux premiers,
- vainement il lui est reproché d'avoir mis en oeuvre une stratégie de rejet de marchandises faute d'avoir trouvé des acheteurs français puisque la non conformité de la marchandise était avérée, elle a mis en mesure la société WALLACE CORPORATION de participer aux expertises et constats effectués, qu'en sa qualité d'intermédiaire elle s'adapte bien évidemment au marché qui se caractérise en France par une moindre consommation de viande d'agneau l'été,
- son préjudice est justifié pour un montant de 89 017, 48 € soit d'une part la somme de
74 569,19 € correspondant au remboursement de la marchandise des deux premiers containers après déduction du produit des ventes de sauvetage, d'autre part, au titre de la ' vente SERVIAL ' d' une somme de 8531, 21 € provenant de la différence entre la facture d'achat par elle et de revente, outre une somme de 5917,08 € correspondant aux frais de destruction ;
Considérant que la société WALLACE CORPORATION réplique que :
- les entérobactéries ne font pas partie des germes pathogènes qui seuls permettent de déterminer si la viande est impropre à la consommation, que les analyses d'entérobactéries ne sont pas exigées par la réglementation néo- zélandaise tandis que cette réglementation a été reconnue conforme ' aux standards européens ', que le règlement CE de 2002 ne s'applique pas à la viande d'agneau vendue sous vide tandis que celui de 2005 ne fixe aucun taux d'entérobactéries au delà duquel il est recommandé de ne pas communiquer la viande d'agneau vendue sous vide, de sorte que la société SOCINTER qui a rejeté unilatéralement des lots de viande sans en informer les autorités compétentes, en violation du règlement de 2002 ne peut se plaindre d'aucune violation de la réglementation,
- la société SOCINTER ne justifie d'aucun contrôle de la viande à l'arrivée et n'établit pas les conditions de transport et de stockage avant les prélèvements effectués, étant observé qu' il résulte des contrôles effectués préalablement à la livraison, qu'en sortie d'abattage la viande n'était pas impropre à la consommation et qu 'arrivés sur le territoire de la CE les lots de viande commandés ont été autorisés à être commercialisés,
- pour le container 1555, le délai de 73 jours après emballage qui se substituait à la date limite de consommation a été respecté étant observé que le défaut d'étiquetage de deux cartons sur 928 n'est pas une contravention essentielle au contrat de vente, que la société
SOCINTER a accepté sans réserve ce container, il n'est pas démontré que les analyses du laboratoire MICROSEPT concernent ce container, ces analyses ayant été effectuées au demeurant le 23/05/2006, dix jours après l'expiration de la date de limite de consommation, le prix de vente ne pouvant être déterminé par la facture alléguée pour un montant de 36652,32 € qui porte la référence ST 1592 et non 1555.
- pour le container 1583 aucune analyse n'a été effectuée à réception, que les lots de ce container ont été commercialisés jusqu'au 10/07/ 2006 soit pendant six semaines, qu'à cette date, celle de limite de la consommation pour la majorité des lots était dépassée, que ce n'est qu'à cette date qu'un client dont l'identité n'a pas été précisée se serait plaint, que ce n'est qu'alors que la société SOCINTER s'est prévalue du rapport du laboratoire SILLKULLER dont les conclusions des 14, 15, 16 juin 2006 n'avaient pas été un obstacle à la commercialisation,
- pour le container 1595 aucune analyse n'ayant été effectuée à réception et le laboratoire SILLKULLER ayant relevé la présence d'entérobactéries sans mettre en évidence des germes pathogènes, le 19/06/2006, la société SOCINTER a commercialisé ce lot jusqu'au 28/06/2006, que cette dernière ne justifie pas de la perte de sa marge que la vente de sauvetage pourrait s'expliquer par l'absence d'acheteurs,
- la société SOCINTER, en réalité a mis en place une stratégie de rejet de lots de viande d'agneau en provenance de la Nouvelle Zélande en juin et juillet en refusant de commercialiser les lots, lorsque la date de limite de consommation était proche d'expirer, au prétexte de non conformité sanitaire, sans permettre à la société WALLACE CORPORATION d'en contester les analyses, si cette dernière n'acceptait pas de réduire ses prix de vente,
-le rapport de M. [N], désigné comme expert judiciaire dans une autre procédure est empreint de partialité tandis que les conclusions du cabinet TERREUM sont dénuées de pertinence, ce dernier n'ayant effectué aucun prélèvement ni analyse et s'exprimant sur l'évolution de la réglementation applicable en des termes strictement identiques à ceux de M. [N],
- le préjudice allégué par la société SOCINTER n'est pas justifié,
- elle justifie en revanche, en ce qui la concerne d'importants préjudices, à raison du non paiement de la facture d'un montant de 54 843,48 € se rapportant au container 1555, des frais de procédure qu'elle a dû exposer pour un montant de 17 353, 75 €, d'une atteinte à son image de marque pour un montant de 50 000 €.
Considérant que, comme l'a exactement retenu le tribunal, les ventes litigieuses relèvent de l'application de la convention de Vienne du 11/04/1980 aux termes de laquelle :
le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité, et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat et dont l'emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat, les marchandises n'étant conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement les marchandises du même type ( article 35 ),
le vendeur est responsable de tout défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur même s'il apparaît ultérieurement (article 36 ),
l'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible, eu égard aux circonstances (article 38 ),
l'acheteur peut déclarer le contrat résolu si l'inexécution par le vendeur de l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la présente convention
constitue une contravention essentielle au contrat (article 49 ),
une contravention au contrat commise par l'une des parties est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce que celle-ci était en droit d'attendre du contrat, à moins que la partie en défaut n'ait pas prévu un tel résultat et qu'une personne raisonnable de même qualité placée dans la même situation ne l'aurait pas prévu non plus ( article 25 ),
Considérant que la réglementation applicable est celle dite du' paquet d'hygiène', par application des règlements CEE 178 /2002, 852/2004, 853 /2004 et 2073/ 2005 ;
Considérant que par application du premier de ces textes, aucune denrée alimentaire n'est mise sur le marché communautaire si elle est dangereuse, qu'elle est dite dangereuse si elle est impropre à la consommation humaine, qu'à cet effet, il est tenu compte de la question de savoir si elle est inacceptable compte tenu de l'utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d'origine externe ou autre ou par putréfaction, détérioration ou décomposition, que si une denrée dangereuse fait partie d'un lot ou d'un chargement de même catégorie ou correspondant à une même description, il est présumé que la totalité des denrées alimentaires de ce lot ou chargement sont également dangereuses, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux ;
Considérant que par application des règlements précités de 2004 l'utilisation des principes HACCP soit, dans sa traduction française du Système d'Analyse des Dangers et de Maîtrise des Points Critiques, est de nature à renforcer la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire, tandis que les guides de bonne pratique constituent un outil précieux qui aide les exploitants du secteur alimentaire à respecter les règles d'hygiène alimentaire à toutes les étapes de la chaîne alimentaire et à appliquer les principes HACCP ;
Considérant que par application du dernier de ces règlements les exploitants doivent respecter les critères microbiologiques et assurer la sécurité des denrées alimentaires dans une approche préventive par la mise en oeuvre des bonnes pratiques et des procédés HACCP, que si l'annexe 1, qui concerne les critères de sécurité des denrées alimentaires, ne prend pas en compte les entérobactéries, l'annexe 11, qui se rapporte aux critères
d' hygiène des procédés pour les carcasses de bovins, d'ovins, de caprins et d'équidés,
s'y réfère en retenant des limites maximales de 1, 5 log ufc/ cm2 et 2, 5 log ufc/ cm2 selon la méthode ISO 21528 -2, le stade d'application étant celui des carcasses après habillage et avant ressuage ;
Considérant en outre qu'il n'est pas utilement contredit que selon les recommandations du CERMA dans l'analyse qu'en a donné le professeur [H], les maxima admissibles dans le cadre des pièces conditionnées sous vide en ce qui concerne les entérobactéries 30 °C/g pour les pièces conditionnées sous vide étaient en critères m de 1000 ;
Considérant qu' il s'ensuit que la société SOCINTER était fondée à écarter comme non conforme à la réglementation communautaire les produits importés dont il était avéré qu'ils dépassaient ce seuil et ne respectaient pas l'étiquetage tandis que cette non conformité si elle était avérée, constituait une contravention essentielle au contrat en justifiant la résolution ;
Considérant que sont dénuées de portée les critiques portées à l'encontre de M. [N] et du cabinet TERREUM dès lors que M. [N] n'est pas intervenu en qualité d'expert judiciaire dans le présent litige mais dans une autre procédure et que ses conclusions n'ont que la valeur d'un simple élément d'information dont la cour apprécie le caractère probatoire, que le cabinet TERREUM n'est intervenu que comme conseil technique de la société SOCINTER en sorte que les notes techniques de ce cabinet n'ont également que la valeur qui peut être attaché aux affirmations d'une partie ;
Considérant que pour le container 1555:
- seule la facture du 23/03/2006 pour un montant de 36 652,32 € et non celle à la même date pour un montant de 54 843, 48 € doit être prise en compte, dès lors que ces factures se rapportent à la même identification des marchandises, et du container, et qu 'il résulte d'un mel du 09/06/2006 que, à la suite de négociations le prix de vente avait été ramené pour les 928 caisses au prix de 3,00 € la caisse au lieu de 4,5 € ce qui avait conduit à remplacer la facture initialement émise,
- l 'erreur d'étiquetage constatée sur deux cartons par les services vétérinaires est avérée, dès lors que ceux-ci portaient une date de production du 24/02/2006, d'emballage du
27/02/2006, de date de consommation ( best before ) au 11/05/2006, alors que comme rappelé par le tribunal, les parties étaient convenues de respecter un délai de 73 jours après emballage, que selon le certificat de l'autorité sanitaire de Nouvelle Zélande la date de production était située entre le 24/02 et le 01/03/2006 en sorte que la date limite de consommation aurait dû être au 08/05/2006 ;
- ces cartons provenant d'un même container et la société WALLACE CORPORATION ne démontrant pas que cette même erreur n'aurait pas affecté l'ensemble des cartons qui devait être rejeté par application des dispositions des règlements précités,
Considérant qu'il s'en suit, que la vente, objet de ladite facture ne peut qu 'être résolue et les marchandises non vendues détruites et que la société SOCINTER est fondée à obtenir le remboursement entre la différence entre la facture d'achat pour un montant de
36 652,32€ et le prix de revente pour 45 093,53 € à la société SERVIAL soit le montant de 8531, 21 € outre le prix non utilement contredit de la destruction de la marchandise non vendue pour 5917,08 € ;
Considérant que pour le container 1595 :
- la marchandise a été réceptionnée à [Localité 6] le 13/06/2006, que son analyse a été demandée immédiatement au laboratoire SILLKULLER qui a procédé à des prélèvements le jour même, qui ont été analysés le 19/06/2006, les résultats étant portés à la connaissance de la société SOCINTER le 26/06/2006, ce qui constitue des délais admissibles, que, quelque soit la date à laquelle les résultats ont été transmis à la société WALLACE CORPORATION, le taux d'entérobactéries révélé sur deux examens sur trois qui atteignait 1 500 000 pour 1000 n'était pas satisfaisant sans que cette analyse ait pu être contredite, qu'il ne peut être reproché à la société SOCINTER d'avoir offert à la vente ces produits dans l'attente des résultats, eu égard à l'exigence d'écouler sans délai une marchandise alimentaire, que le cabinet AM GROUP mandaté par l'assureur de la société WALLACE CORPORATION le 28/06/2006 a émis l'avis le 30/06/2006 que la présence du microbe entérobactéries semble démontrer que la contamination a été causée par les conditions avant expédition à savoir l'abattage / la coupe,
- la société WALLACE CORPORATION ne justifie d'aucune analyse au regard des entérobactéries avant expédition,
Considérant qu'il s'en suit que, au regard de la contamination en entérobactéries caractérisée et de la seule cause indiquée justifiant, par application des règlements communautaires, de rejeter la totalité de la marchandise le tribunal était fondé à retenir la résolution du contrat objet de la dite vente ;
Considérant que pour le container 1583 :
- la marchandise de ce container, livrée le 08/06/2006, avait des dates limites de consommation s'échelonnant entre le 06 et le 12/07/2006, et avait fait l'objet d'un
certificat de l'autorité sanitaire de Nouvelle Zélande attestant leur conformité au règlement 19 /732 de la CEE,
- six prélèvements ont été effectués le même jour qui ont été analysés le 12/06/2006 par le laboratoire SILLKULLER qui a conclu le 16/06/2006 qu'un échantillon n'était pas satisfaisant en raison du taux de bactéries lactiques supérieur à 3 000 000 000 pour un critère à 1000,
- le 10/07/2006, un client de la société SOCINTER a retourné la marchandise comme nauséabonde ce qu'a répercuté cette dernière le 11/07/2006 à la société WALLACE CORPORATION qui s'est plainte d'une information tardive et a mis en cause une erreur du laboratoire, immédiatement contestée par la société SOCINTER avant de proposer, le lendemain une offre transactionnelle de 10 000 € sous condition que SOCINTER retire ses plaintes concernant trois autres livraisons dont notamment le container 1595,
- la société SOCINTER prétend n'avoir pas eu connaissance à cette date des résultats des analyses,
- la société SOCINTER n'a pas, en définitive accepté cette offre en sorte qu'elle ne peut utilement soutenir que la société WALLACE CORPORATION a admis sa responsabilité ;
- il n'est pas utilement contredit que partie de la marchandise a été commercialisée pour un poids de l'ordre de 6100 kilos avant le 10/0/ 2006, que sur les onze tonnes de ce container, cinq tonnes ont été retournées par un client et que 4 800 kilos non commercialisés ont été détruits dont il ressort que c'est la quasi intégralité des cinq tonnes retournées qui auraient été détruites soit 4818 kilos pour un montant non contesté de 1542, 03 €,
Considérant qu'il s'ensuit que la société WALLACE CORPORATION ne contredit pas utilement le rapport d'analyse du laboratoire SILLKULLER puisque ses conclusions sont compatibles avec le certificat de l'autorité sanitaire de Nouvelle Zélande, que la contamination a pu intervenir au cours du transport, sur lequel la société WALLACE CORPORATION s'est abstenue de s'expliquer tandis que la date des prélèvements et de leur analyse et leur proximité avec la livraison exclut une contamination dont l'origine serait postérieure à cette livraison ;
Considérant que de même, eu égard à ce qui vient d'être dit, le délai de communication des résultats à la société WALLACE CORPORATION qui est, en l'espèce, sans incidence n'est pas de nature à exclure la responsabilité de la société WALLACE CORPORATION à raison du taux anormal de bactéries lactiques rendant la viande importée impropre à la consommation humaine ;
Considérant qu'en tout état de cause, par application des règlements communautaires, à supposer que la marchandise détruite ne soit pas celle retournée par le client qui s'était plaint, la société SOCINTER était fondée à la détruire ;
Considérant que par voie de conséquence la société SOCINTER, en application de la convention de Vienne qui régit le présent litige était fondée à obtenir la dite résolution de vente pour violation par le vendeur d'une de ses obligations essentielles ;
Considérant que, au regard de la responsabilité retenue de la société WALLACE CORPORATION à l'origine de la résolution des trois ventes, à raison de la non conformité de la marchandise qui en était l'objet, constitutive d'une contravention essentielle à ses obligations contractuelles, cette dernière se prévaut vainement d'une stratégie mise en place par la société SOCINTER pour rejeter les lots de viande qu'elle importait ;
Considérant qu 'au titre de son préjudice, la société SOCINTER, réclame :
- au titre de la résolution des deux containers 1595 et 1583 une somme de
51 650,34 €, correspondant au remboursement du prix de vente après déduction des reventes faites sur le marché de la transformation, que lui a accordée le tribunal,
- les frais divers et la perte de marge pour un montant de 22 918, 53 €, au titre de ces deux contrats,
-au titre du container 1155 ( vente SERVIAL ), la somme de 8531,21€ correspondant à la différence entre le prix d'acquisition et celui de la revente à la société SERVIAL, outre la somme de 5917, 08 € pour les frais de destruction ;
Considérant que, pour contester ces montants, la société WALLACE CORPORATION se prévaut de ce que la société SOCINTER aurait commercialisé partie de la marchandise, que les frais ne sont pas justifiés, que la perte de marge n'est pas prouvée tandis que les frais de destruction ne peuvent résulter d'un simple calcul ;
Considérant que, eu égard à ce qui a été précédemment indiqué, la société SOCINTER est fondée en ses demandes au titre de la vente dite SERVIAL,
Considérant qu'avec raison le tribunal a retenu au titre des deux autres containers la somme de 51 650, 34 € correspondant au prix de vente après déduction du prix de revente ;
Considérant que, devant la cour, la société SOCINTER a justifié, selon factures des 04/06 et 13/06 /006 des frais d'import et de transport pour les containers 1595 et 1583 pour des montants de 4914€, 100,28 € et 1749,76 €, que ces frais qui se rattachent aux ventes qui ont été résolues doivent être supportés par la société WALLACE CORPORATION puisque la société SOCINTER ne les auraient pas exposés sans ces vente;
Considérant que la société SOCINTER est en outre fondée à solliciter la perte de marge qu'elle aurait pu réaliser sur la marchandise vendue si elle avait été conforme, que, toutefois, elle ne peut réclamer cette marge sur les marchandises qu'elle a, elle- même, revendues, n'étant pas démontré que les acquéreurs de ces dernières les lui ont retournées, qu' il s'en suit que la perte de marge alléguée sur la vente de la viande du container 1595 ne peut être prise en compte, la totalité de cette marchandise ayant été revendue, ainsi qu'il résulte des factures, que, pour la viande du container 1583, la société SOCINTER a justifié que seule une quantité de 4814 kilos n'avait pas été commercialisée en sorte que la perte de marge n'a pu être subie que sur 5948 kilos, que le taux de marge n'ayant pas été utilement contredit, la perte de marge est donc de 2924 € ( 5948 X 0,5 € );
Considérant que les frais de destruction de 4818 kilos n'ont pas été utilement contredits, qu 'ils seront donc pris en compte pour la somme de 1542,03 €, dès lors que la réalité de la destruction n'a pas été contestée et que le prix allégué de 32 centimes d'euro au kilo est admissible ;
Considérant que les sommes allouées sont dues avec les intérêts au taux légal à compter du 02/10/2006, date de la mise en demeure:
Considérant par suite que la société WALLACE CORPORATION est condamnée à payer la somme de 62 888,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 02/10/2006 ;
Considérant qu 'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société WALLACE CORPORATION à payer la somme de 10000 € au titre de l'article 700 du code de
procédure civile, à la société SOCINTER, pour les frais qu 'elle a exposés en première instance et en appel ;
Considérant que la société WALLACE CORPORATION est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant réformé en ses dispositions relatives aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement en ce qu'il a débouté la SAS SOCINTER de sa demande de résolution se rapportant au container 1155, sur les condamnations prononcées contre la société SOCINTER et le montant de la condamnation prononcée contre la société WALLACE CORPORATION LTD au profit de cette dernière ;
Statuant à nouveau et y ajoutant.
Constate la résolution de la vente du container 1155,
Condamne la société WALLACE CORPORATION LTD à payer la somme de 62888, 21 € avec intérêts au taux légal à compter du 02/10/2006 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil;
Condamne la société WALLACE CORPORATION LTD à payer à la SAS SOCINTER la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes.
Condamne la société WALLACE CORPORATION LTD à payer les dépens de première instance et d'appel ;
Admet la SCP FANET d'avoués au bénéfice de 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Véronique GAUCI Fabrice JACOMET