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24/01/2012 | FRANCE | N°09/07977

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 24 janvier 2012, 09/07977


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 24 Janvier 2012

(n° 1 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07977



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de MELUN section industrie RG n° 07/00744





APPELANT

Monsieur [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAU

X









INTIMÉE

SAS GPN

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jocelyne CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T11











COMPOSITION DE LA COUR :



L'af...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 24 Janvier 2012

(n° 1 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07977

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de MELUN section industrie RG n° 07/00744

APPELANT

Monsieur [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

SAS GPN

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jocelyne CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T11

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [D] a interjeté appel d'un jugement rendu le 29 mai 2009 par la section industrie du conseil de prud'hommes de Melun qui l'a débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre du temps d'habillage et de déshabillage sur la période de juin 2002 au 31 décembre 2007, ainsi que de dommages-intérêts et d'une indemnité au titre des frais irrépétibles, la juridiction prud'homale ayant joint les demandes de plusieurs salariés et 'ordonné aux demandeurs, au travers de leurs représentants syndicaux et à la société GRANDE PAROISSE de négocier les contreparties telles que prévues par l'article L. 3121-3 du code du travail'.

Le salarié, qui appartient encore au personnel de la société anonyme LA GRANDE PAROISSE - désormais dénommée société GPN -, demande à la cour de condamner son employeur à lui payer une somme de 1 946,69 €, arrêtée au jour de la production de son décompte individuel et 'à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir', et, en tout état de cause, de condamner la société GPN à lui payer 2 000 € à titre de dommages-intérêts, d'assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine, d'en ordonner la capitalisation et d'ordonner enfin la 'remise des documents rectifiés selon condamnations', une somme de 1 500 € étant par ailleurs sollicitée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GPN demande, pour sa part, à la cour, sous réserve de la recevabilité de l'appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ordonnant l'ouverture d'une négociation avec les représentants syndicaux des contreparties au temps d'habillage et de déshabillage.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la disjonction de l'instance 09/07977 en plusieurs

Considérant qu'en application de l'article 367 du code de procédure civile, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de procéder à la disjonction de l'instance 09/07977 en plusieurs, étant observé que le conseil de prud'hommes de Melun, statuant en sa formation habituelle le 29 mai 2009 ou sous la présidence du juge départiteur le 25 septembre 2009, ont qualifié le jugement tantôt de dernier - pour un jugement du 29 mai 2009 -, tantôt de premier ressort - pour un second jugement du 29 mai et pour celui du 25 septembre 2009 - sans considération des différences existant entre le montant des demandes des salariés ;

Sur la recevabilité de l'appel

Le salarié soutient que son appel est recevable dès lors que, si sa demande avait été arrêtée au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, il y avait lieu d'ajouter à la somme initialement réclamée celles dues entre cette saisine et le jour de l'arrêt à intervenir. Dans la mesure où sa créance était 'à parfaire', elle devrait être considérée comme indéterminée. Au surplus, la juridiction prud'homale ayant opéré la jonction entre les procédures de plusieurs salariés, il suffisait à ses yeux que la demande d'une partie fût supérieure à 4 000 € pour que la seule voie de recours pour l'ensemble des parties soit l'appel.

Considérant que si, conformément aux dispositions de l'article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours, il importe de vérifier si le conseil de prud'hommes a commis une erreur en qualifiant de jugement en dernier ressort la décision rejetant la demande de Monsieur [D] ;

Considérant qu'aux termes de l'article 40 du code de procédure civile, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1462-1 du code du travail, les jugements des conseils de prud'hommes sont susceptibles d'appel ; que 'toutefois, ils statuent en dernier ressort en dessous d'un taux fixé par décret' ; que selon l'article R. 1462-1 du même code, 'le conseil de prud'hommes statue en dernier ressort lorsque la valeur totale des prétentions d'aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret' ; qu'il résulte de l'article D. 1462-3 que le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes est de 4 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le conseil de prud'hommes statue en premier ressort lorsqu'une des demandes est indéterminée et que tel est le cas lorsqu'elle porte sur le paiement à échéance périodique d'une somme pour l'avenir ;

Considérant qu'était sollicitée par le salarié la condamnation de la société GPN à lui payer les sommes correspondant à la rémunération du temps d'habillage et de déshabillage ; qu'il se déduit nécessairement du litige que, le salarié étant en poste lors de la saisine du conseil de prud'hommes, sa demande tendant à la rémunération du temps d'habillage et de déshabillage n'était pas susceptible d'être arrêtée de manière définitive, ayant vocation à intervenir à échéances régulières ; qu'une telle demande présentait dans ces conditions un caractère indéterminé ;

Considérant qu'il y a lieu de considérer que le conseil de prud'hommes de Melun a en réalité statué en premier ressort et que l'appel du jugement n° 09/00340 du 29 mai 2009 est en conséquence recevable ;

Sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage

Le salarié sollicite le paiement d'un rappel de salaires et de dommages-intérêts à raison de l'obligation qui lui est faite de passer du temps pour arriver à son poste en tenue de travail. Il rappelle les dispositions de l'article 30 du règlement intérieur applicable dans l'établissement de Grandpuits de la société GPN, aux termes desquelles 'chaque salarié doit se trouver à son poste, en tenue de travail, aux heures fixées pour le début et pour la fin du travail'.

Le salarié sollicite l'application de l'article L. 3121-3 du code du travail ainsi rédigé :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif'.

Il soutient que l'accord cadre de l'entreprise du 31 mai 2000 sur la réduction du temps de travail ne prend pas en compte le temps d'habillage et de déshabillage, de sorte qu'il réclame le paiement de ce temps qu'il dit estimer à quinze minutes par jour, tout en indiquant avoir opéré son calcul sur la base de vingt minutes de travail effectif.

La société GPN soutient que son salarié est mal fondé à se prévaloir de l'article L. 3121-3 du code du travail, faute de répondre aux deux conditions cumulatives exigées par ce texte, dans la mesure où aucune obligation n'est faite aux salariés de la société GPN de s'habiller sur le lieu de travail ou dans l'entreprise. L'employeur fait valoir qu'en tout état de cause, aucune obligation légale ne prévoit de compenser intégralement le temps passé par le salarié à s'habiller et à se déshabiller, la seule sanction de l'obligation légale consistant en une obligation de négocier mais non en un rappel de salaire. Il ajoute néanmoins que le caractère très favorable de l'accord cadre de l'entreprise du 31 mai 2000 permettrait de constater que toutes les incidences de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ont été intégrés, ce qui établirait que les dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail ont bien été prises en compte.

La société GPN conclut, dans ces conditions, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de contreparties pour temps d'habillage et de déshabillage, mais non en ce qu'il a renvoyé les parties à la négociation de ces contreparties.

Considérant que l'article L. 3121-3 du code du travail soumet l'octroi de contreparties aux employés à la condition qu'ils soient soumis à la double exigence du port d'une tenue de travail exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles et de l'obligation de s'habiller sur le lieu de travail ou dans l'entreprise ;

Considérant que, si le règlement intérieur n'impose pas aux salariés de s'habiller et de se déshabiller dans les vestiaires de l'entreprise ou sur leur lieu de travail, l'équipement d'un salarié de la société GPN l'oblige à enfiler - et à enlever à la fin du travail - dans les vestiaires de l'entreprise les vêtements qu'il doit porter à son poste, au sein de l'entreprise classée Sevezzo ; qu'en effet, ainsi que l'a justement souligné la juridiction prud'homale, le salarié est tenu de revêtir une combinaison de travail, un casque, des gants et des chaussures de sécurité, ainsi que des lunettes à la ceinture lorsqu'il se présente à son poste de travail ; que la tenue de travail a été présentée à la cour à l'audience ; qu'il a ainsi été permis de vérifier que les salariés de la société GPN ne pouvaient raisonnablement arriver ainsi équipés sur leur lieu de travail ;

Considérant que la réalisation cumulative des deux conditions édictées par l'article L. 3121-3 du code du travail par les salariés de la société GPN contraignait l'employeur à prévoir des contreparties au temps d'habillage et de déshabillage ;

Considérant que le fait que l'accord cadre de l'entreprise du 31 mai 2000 sur la réduction du temps de travail précise qu'il a 'pour objet de définir les incidences sur la durée du travail au sein de la société ['] de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail' ne suffit pas à justifier que le temps d'habillage et de déshabillage des salariés de l'entreprise aurait déjà été pris en considération par ledit accord, pas plus que le caractère favorable de l'accord au regard des normes légales et conventionnelles issues de la convention collective nationale des industries chimiques ;

Considérant que les premiers juges ont justement observé que l'accord cadre sur la réduction du temps de travail signé le 31 mai 2000 n'apportait aucune précision sur le fait que la société aurait pris en considération le temps d'habillage et de déshabillage, étant par ailleurs observé qu'aucune des parties n'avait pu fournir d'indication concernant la négociation sur la réduction du temps de travail susceptible d'expliquer que la durée annuelle du travail pour les salariés dits 'postés' avait été fixée à 1 496 heures, tandis que celle des autres salariés avait été fixée à 1 575 heures, le niveau légal étant fixé à 1 600 heures ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail qu'en l'absence d'accord collectif ou de clauses dans le contrat de travail, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doivent bénéficier les salariés qui le saisissent en fonction des prétentions des parties ;

Considérant que la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit être accordée soit sous forme de repos, soit sous forme financière ; que le salarié sollicite une contrepartie financière, constituée par un rappel de salaires et des dommages-intérêts ; que la société GPN souligne justement dans ses écritures et à l'audience les inexactitudes et incohérences qui affectent les chiffrages du salarié, et rejette l'idée d'un rappel de salaire calculé sur la base d'une assimilation à un temps de travail effectif, mais ne conteste pas la pertinence d'une possible contrepartie financière au temps d'habillage et de déshabillage ;

Considérant que la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la contrepartie due au salarié à une somme de cinquante euros par mois ;

Considérant qu'il y a lieu de renvoyer les parties à calculer, sur cette base, le montant des sommes dues au salarié au titre de la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage ;

Considérant que la demande de dommages-intérêts, qui ne repose sur aucun fondement, est rejetée ;

PAR CES MOTIFS

ORDONNE la disjonction de l'instance,

DIT que l'affaire [D] est suivie sous le n° de RG 09/07977 ;

DIT que les affaires concernant les autres salariés de la société GPN, sont réinscrites au rôle sous les n° de RG suivants : 12/00381, 12/00388, 12/00389, 12/00390, 12/00391, 12/00392, 12/00393, 12/00394, 12/00395 ;

DÉCLARE RECEVABLE l'appel formé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Melun en date du 29 mai 2009 statuant sur le litige opposant Monsieur [D] à la société GPN ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

FIXE LA CONTREPARTIE au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage du salarié à une somme de cinquante euros par mois ;

RENVOIE les parties à faire leurs comptes sur ces bases et condamne la société GPN au paiement des sommes en résultant, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par elle de la convocation en conciliation et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

DIT qu'en cas de difficulté, il en sera référé à la présente cour par requête de la partie intéressée, accompagnée du décompte précis des sommes réclamées ou reconnues dues ;

DIT que la société GPN devra remettre au salarié un bulletin de salaire comportant mention de la somme réglée ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

AJOUTANT,

CONDAMNE la société GPN à payer à Monsieur [D] une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société GPN aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/07977
Date de la décision : 24/01/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-24;09.07977 ?
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