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19/01/2012 | FRANCE | N°09/20079

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 19 janvier 2012, 09/20079


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9



ARRET DU 19 JANVIER 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20079



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2009 -Tribunal d'Instance de MELUN - RG n° 1107002046





APPELANTS



Monsieur [N] [V]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Rep/assistant : la SCP NARRAT PEYTAVI (avoués

à la Cour)

assisté de Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381



Monsieur [M] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Rep/assistant : la SCP NARRAT PEYTAVI (avoués à la Cour)

ass...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRET DU 19 JANVIER 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20079

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2009 -Tribunal d'Instance de MELUN - RG n° 1107002046

APPELANTS

Monsieur [N] [V]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Rep/assistant : la SCP NARRAT PEYTAVI (avoués à la Cour)

assisté de Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

Monsieur [M] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Rep/assistant : la SCP NARRAT PEYTAVI (avoués à la Cour)

assisté de Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

INTIMEE

SNC SOGEFINANCEMENT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 6]

Rep/assistant : la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS (Me Patrice MONIN) (avoués à la Cour)

Rep/assistant : la SCP YVES MOREAU-DEFARGES (Me Yves MOREAU DEFARGES) (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 décembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia LEFEVRE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain SADOT, président

Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Nicaise BONVARD

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Madame Nicaise BONVARD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Selon offre préalable de prêt personnel acceptée par M [V] et M [Z], le 24 avril 2003, la SAS SOGEFINANCEMENT leur a prêté une somme de 54 500€ remboursable en 84 mensualités de 839,45€, au taux nominal de 6,30% (TEG de 6,55%). Les modalités d'exécution de ce prêt ont été aménagées par un avenant du 8 novembre 2006, le remboursement du solde dû devant, dès lors, intervenir en 96 mensualités de 493,32€ au taux de 6,30%.

Saisi par une assignation du 6 décembre 2007 délivrée à la demande de M [V] et de M [Z] et de l'opposition à l'injonction de payer prononcée le 14 janvier 2008, le tribunal d'instance de Melun a par jugement en date du 12 mai 2009, condamné solidairement M [V] et M [Z] au paiement de la somme de 36 309,71€ avec intérêts au taux contractuel de 6,30% à compter du 30 mai 2007 outre celle de 500€ à titre de pénalités avec intérêts au taux légal à compter de sa décision et les dépens. Il rejetait les autres demandes des parties et notamment la demande de M [V] et de M [Z] de voir la banque déchue de son droit aux intérêts et condamnée à des dommages et intérêts pour discrimination et manquement à son devoir de conseil.

M [V] et M [Z] ont relevé appel de cette décision, le 25 septembre 2009. Dans le dernier état de leurs écritures, ils demandent à la cour, infirmant cette décision, de constater que la SAS SOGEFINANCEMENT a manqué à ses obligations et en conséquence, la condamner au paiement de la somme de 36 309,71€ à titre de dommages et intérêts pour réparer leur préjudice matériel et de la somme de 5000€ au titre du préjudice moral. Ils sollicitent également de la cour qu'elle constate que l'offre préalable est irrégulière, faute de bordereau de rétractation et de production de la notice d'assurance et ils ajoutent que le préteur, qui ne produit pas de décompte excluant la perception d'intérêts, n'apporte pas la preuve d'une créance certaine liquide et exigible et doit être débouté de ses prétentions. Ils demandent également à la cour de supprimer la clause pénale, de prononcer la compensation entre les créances réciproques et de leur accorder les plus larges délais de paiement. Enfin ils réclament une indemnité de procédure de 1500€ et la condamnation de la SAS SOGEFINANCEMENT aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que le prêt litigieux est soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation, les termes de l'offre préalable démontrant la volonté des parties de s'y soumettre. Ils affirment que l'exemplaire en leur possession ne comprend ni bordereau de rétractation ni notice d'assurance, ce qui doit entraîner la déchéance du droit aux intérêts. Ils ajoutent que le prêt litigieux était manifestement disproportionné au regard de leurs revenus et de leurs autres engagements ; ils relèvent un 'conflit d'intérêts' entre l'organisme préteur, la SAS SOGEFINANCEMENT et leur établissement bancaire la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, affirmant que la suppression par cette dernière de leur découvert lorsqu'ils ont rencontré des difficultés de règlement de leur prêt est à l'origine de la déchéance du terme. Ils en concluent que le groupe SOCIÉTÉ GÉNÉRALE/SOGEFINANCEMENT est seul responsable de leur préjudice et en doit réparation, ajoutant qu'ils ont au surplus été victimes de discrimination, à raison de leur orientation sexuelle, de la part du responsable de l'agence SOCIÉTÉ GÉNÉRALE/SOGEFINANCEMENT, d'où leurs demandes indemnitaires.

Dans ses dernières écritures du 8 novembre 2011, la SAS SOGEFINANCEMENT demande à la cour de confirmer la décision critiquée, sollicitant dès lors la condamnation solidaire de M [V] et de M [Z] au paiement de la somme de 36 309,71€ avec intérêts au taux contractuel de 6,30% à compter du 30 mai 2007 outre celle de 500€ à titre de pénalités avec intérêts au taux légal à compter de sa décision et y ajoutant, leur condamnation au paiement d'une indemnité de procédure de 2500€ et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle affirme la régularité de son offre de contracter, relevant que M [V] et M [Z] ne produisent pas leur exemplaire du contrat et que son propre exemplaire de l'offre de prêt permet d'écarter leurs moyens. Elle prétend avoir respecté ses obligations de conseil et de mise en garde et retient qu'elle n'a pas à répondre d'éventuelles fautes de l'établissement bancaire de ses cocontractants. Enfin, elle s'oppose à l'octroi de délai de paiement.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'au préalable, il convient de relever que si le prêt litigieux est, du fait de son montant exclut du champ d'application des dispositions protectrices du code de la consommation, l'indication que l'offre est faite dans le cadre des articles l311-1 et suivants du code de la consommation, les références multiples faites à l'acte des textes y afférents, la remise d'une offre comprenant un bordereau de rétractation permettent de constater la commune intention des parties de s'y soumettre ;

Considérant en premier lieu, que les appelants affirment que leur offre de prêt en leur possession, comme l'avenant du 8 novembre 2006 ne comportent pas de bordereau de rétractation alors même :

- que l'exemplaire de l'offre de prêt du 24 avril 2003 communiqué tant par les appelants que par l'intimée, qui en vertu de l'article 1325 du code civil est censé correspondre exactement à l'original remis aux emprunteurs, comprend en dernière page des conditions générales, un bordereau de rétractation conforme au modèle type prévu à l'article R311-7 du code de la consommation ;

- l'avenant du 8 novembre 2006, dans la mesure où ses stipulations n'affectent que les modalités d'exécution du prêt, sans accroître le montant de la somme empruntée ou le taux d'intérêts, n'est pas soumis à cette formalité ;

Que la déchéance du droit aux intérêts n'est donc pas encourue de ce chef ;

Considérant en second lieu, qu'ils affirment ne pas avoir reçu la notice d'information relative à l'assurance facultative prévue à l'article L311-12 du code de la consommation (dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003) ; qu'ils prétendent à tort que ce manquement serait sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L311-33 du code de la consommation alors même que ce texte ne sanctionne que les irrégularités de l'offre de prêt et non celle de l'adhésion à l'assurance de groupe proposée par l'organisme préteur ;

Considérant en troisième lieu, que les appelants soutiennent un manquement au devoir de mise en garde et de conseil affirmant qu''il parait incompréhensible qu'un tel crédit ait pu (leur) être consenti' et que les clients des banques doivent être avertis des risques immédiats et également futurs susceptibles d'être encourus du fait de l'opération envisagée', critiquant également le coût du crédit souscrit, qualifié de prohibitif ;

Que cette dernière allégation ne repose sur aucune comparaison des taux pratiqués par les autres établissements bancaires et ne résiste pas à l'examen, un TEG de 6,55% pour un prêt personnel ne pouvant être qualifié de prohibitif ;

Qu'en revanche, il ressort de l'annexe financière de l'offre préalable que les revenus des emprunteurs étaient alors de 4199€, et que M [V] devait rembourser des échéances de 709€ au titre d'un emprunt ayant pour terme le mois de mai 2021 ; que la charge du nouvelle emprunt (893,45€) portait à la somme de 1548€, la part de leurs revenus consacrée au remboursement de prêts, ce qui dépassait le seuil du tiers des revenus habituellement considéré comme un plafond ; qu'eu égard à la durée de l'engagement (84 mois) alors même que l'autre prêt avait également un terme lointain, l'établissement préteur se devait d'attirer tout particulièrement l'attention des emprunteurs sur les risques inhérents à l'opération envisagée ;

Qu'enfin, les appelants font griefs à la SAS SOGEFINANCEMENT du comportement des employés de l'agence bancaire de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui d'une part, auraient clôturé leur compte en raison des impayés et d'autre part, auraient eu un comportement discriminant or il s'agit de personnes morales distinctes et donc d'entités juridiques distinctes qui ne doivent répondre que de leur propre faute ; que par conséquent, les appelants ne peuvent reprocher à la SAS SOGEFINANCEMENT :

- la clôture de leur compte de dépôt, dont il convient de rappeler qu'il s'agit d'une convention les liant à la SOCIETE GÉNÉRALE,

- la communication intempestive d'information concernant le compte bancaire de M [V] à son compagnon, cette faute ne pouvant être imputée qu'à la SOCIETE GÉNÉRALE et à la supposer établie, révélerait une méconnaissance des limites du secret bancaire à l'égard de personne vivant en couple et non une volonté de stigmatiser l'orientation sexuelle des appelants ;

Que dès lors, seul le manquement au devoir de mise en garde peut être retenu ; que les appelants ne peuvent prétendre que leur préjudice matériel serait égal au solde de leurs dettes, alors même que ce préjudice ne peut être constitué que dans la perte d'une chance de ne pas s'endetter au-delà du raisonnable, préjudice dont la réparation doit être fixée à la somme de 2000€ ; qu'il n'y a pas lieu d'allouer une somme complémentaire au titre d'un préjudice moral que les appelants ne prennent pas la peine de caractériser et qu'ils imputent principalement à la discrimination dont ils s'estiment victimes ;

Considérant que les appelants ne critiquent pas le décompte présenté par la SAS SOGEFINANCEMENT ; que dès lors, il est dû à cet organisme, la somme de 36 309,71€ outre la pénalité contractuelle déjà réduite par le juge à la somme de 500€, les appelants ne pouvant prétendre à une suppression qui excéderait les prévisions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil ; que les condamnations prononcées à l'encontre de M [V] et de M [Z] seront donc confirmées ;

Considérant que la compensation en dettes réciproques sera ordonnée dans les termes du dispositif ci-dessous ;

Considérant que M [V] et M [Z] qui ont bénéficié du fait de la procédure de délais de paiement importants, demandent à la cour d'entériner une offre de règlement (400€ par mois) qui ne leur permet pas d'apurer leur dette dans le délai de deux ans de l'article 1244-1 du code civil ; que la décision du premier juge sera donc confirmée en ce qu'elle a lui a refusé le bénéfice d'un délai de grâce ;

Considérant que chacune des parties succombant pour partie de ses prétentions, elles devront conserver la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés tant en première instance qu'en appel, la SAS SOGEFINANCEMENT supportant la charge des dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, uniquement en ce qu'il a rejeté la demande de M [V] et de M [Z] fondée sur la violation du devoir de mise en garde ;

Statuant à nouveau

Condamne la SAS SOGEFINANCEMENT à payer à M [V] et M [Z] la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts pour violation du devoir de mise en garde ;

Ordonne la compensation des créances réciproques des parties qui s'éteignent réciproquement jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ;

Déboute M [V] et M [Z] du surplus de leur demande

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne la SAS SOGEFINANCEMENT aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/20079
Date de la décision : 19/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°09/20079 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-19;09.20079 ?
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