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18/01/2012 | FRANCE | N°10/02246

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 18 janvier 2012, 10/02246


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 18 Janvier 2012

(n° 6 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02246



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/06064









APPELANTE

Association LES VINOTS

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-daniel SIMONET, avocat au barreau de

PARIS, toque : E0803 substitué par Me Linda KEBIR, avocat au barreau de PARIS,







INTIMÉE

Madame [P] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparante, non représentée











COMPOSITION DE L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 18 Janvier 2012

(n° 6 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02246

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/06064

APPELANTE

Association LES VINOTS

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-daniel SIMONET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0803 substitué par Me Linda KEBIR, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE

Madame [P] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Madame Monique MAUMUS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Monsieur Philippe ZIMERIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du Conseil de prud'hommes d'AUXERRE du 8 juin 2006 ayant :

Condamné l'ASSOCIATION LES VINOTS à régler à Mme [P] [E] les sommes suivantes :

'1549,44 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 154,94 euros d'incidence congés payés ;

'2227,32 euros d'indemnité de licenciement ;

avec intérêts au taux légal partant du 16 août 2004.

'775 euros d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

'400 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

'150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Ordonné à l'ASSOCIATION LES VINOTS de remettre à Mme [P] [E] «la lettre de licenciement », une attestation ASSEDIC ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte rectifiés.

-Débouté Mme [P] [E] de ses autres demandes.

-Condamné l'ASSOCIATION LES VINOTS aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de l'ASSOCIATION LES VINOTS reçue au greffe de la Cour le 29 juin 2006 .

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 16 novembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de l'ASSOCIATION LES VINOTS qui demande à la Cour :

-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

-statuant à nouveau, de juger irrecevable la salariée en ses demandes et l'en débouter.

Mme [P] [E] est non comparante et non valablement représentée à l'audience des débats du 16 novembre 2011, bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 8 mars 2011, celle-ci ayant adressé un courrier reçu au greffe de la Cour le 3 novembre 2011 confirmant qu'elle ne se rendrait pas à cette même audience .

Le présent arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA COUR :

L'ASSOCIATION LES VINOTS, qui gère à [Localité 3] un foyer de vie pour adultes handicapés ainsi qu'une structure expérimentale de type médico-social (IME) pour jeunes handicapés, a recruté le 24 septembre 1992 en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel Mme [P] [E] en qualité d'agent de service.

Le Préfet de l'YONNE a pris les arrêtés suivants concernant l'ASSOCIATION LES VINOTS :

'le 16 juin 2003, fermeture administrative pour une durée de 3 mois du foyer de vie pour adultes handicapés et de la structure médico-sociale, avec nomination du directeur de la maison de retraite de [Localité 6] en qualité d'administrateur provisoire ;

'le 16 septembre 2003, prorogation de la fermeture administrative provisoire des deux entités pour une durée de 3 mois ;

'le 11 décembre 2003, fermeture totale et définitive à compter du 12 décembre de la structure expérimentale (IME) pour jeunes handicapés, et du 16 décembre du foyer de vie pour adultes handicapés, avec retrait de l'autorisation administrative d'exploitation (arrêté du 3 février 1997) transférée à la maison de retraite « château de BOURRON » de [Localité 4] .

L'ASSOCIATION LES VINOTS a adressé à la salariée un courrier daté du 16 décembre 2003 en ces termes : « Le 11 décembre 2003, le Préfet de l'YONNE a pris un arrêté ' aux termes duquel ' est prononcée la fermeture totale et définitive de la structure expérimentale LES VINOTS ' Cette fermeture ' vaut retrait de l'autorisation. Cette décision que nous déplorons, a mis notre association dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de votre contrat de travail qui se trouve ainsi résilié par le fait du prince depuis le 12 décembre ' Nous vous invitons à vous rapprocher du Secrétariat général de la préfecture de l'Yonne et du Directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ».

Sur la recevabilité :

L'ASSOCIATION LES VINOTS soutient à titre principal que l'arrêté préfectoral du 16 juin 2003 l'a dessaisie définitivement de la gestion des deux établissements pour adultes handicapés et jeunes handicapés, puisqu'à compter du 17, juin celle-ci a été confiée à un administrateur provisoire jusqu'à leur fermeture courant décembre de le même année, qu'en application de l'article L.331-6 du code de l'action sociale et des familles, l'Etat est devenu l'employeur des personnels de ces deux structures, que l'arrêté de fermeture définitive du 11 décembre 2003 avec retrait d'agrément ne lui a pas redonné la pleine capacité juridique d'agir vis-à-vis des salariés de la structure expérimentale, de sorte que l'intimée est irrecevable en ses demandes dirigées contre elle qui a été privée de sa qualité d'employeur par la volonté des services de l'Etat du département de l'Yonne.

L'article L.331-6 du code de l'action sociale et des familles dispose qu' : «en cas de fermeture d'un établissement ' ordonnée en vertu de l'article L.331-5, le représentant de l'Etat dans le département prend les mesures nécessaires en vue de pourvoir à l'accueil des personnes qui y étaient hébergées. Il peut également désigner un administrateur provisoire ' pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois. Cet administrateur accomplit, au nom du représentant de l'Etat ' et pour le compte de l'établissement, les actes d'administration nécessaires à son fonctionnement'».

Contrairement à ce que prétend l'appelante, le fait que l'administrateur provisoire ait été chargé par l'arrêté préfectoral du 16 juin 2003 «au nom du représentant de l'Etat ' d'accomplir les actes d'administration nécessaires au fonctionnement des établissements ' et de mettre en 'uvre les mesures permettant d'assurer la santé (et) la sécurité des résidents », et que l'arrêté du 11 décembre 2003 de fermeture définitive de la structure expérimentale emporte «retrait de l'autorisation (administrative)» en confiant aux services départementaux le soin de prendre «les mesures nécessaires au placement des personnes accueillies», n'a pas eu pour effet un transfert juridique des contrats de travail des salariés vers l'Etat qui serait devenu leur employeur.

Les décisions administratives ainsi prises au sein du département de l'Yonne - fermeture provisoire à compter de juin 2003 suivie d'une fermeture définitive courant décembre 2003 - ont en effet porté sur la situation à venir des résidents des deux structures d'accueil concernées (article 3 de l'arrêté du 11 décembre 2003 : «le représentant de l'Etat prend les mesures nécessaires au placement des personnes accueillies»), en conférant à l'administrateur provisoire des prérogatives limitées aux seuls actes d'administration (article 2 de l'arrêté du 16 juin 2003), et sans que n'ait été abordé en particulier le sort des personnels des deux entités.

Le moyen développé par l'ASSOCIATION LES VINOTS renvoie finalement aux conditions de mise en 'uvre de l'article L.1224-1 du code du travail, texte inapplicable au cas d'espèce puisqu' il n'y a pas eu de transfert de moyens de production vers les services départementaux de l'Yonne, personne morale de droit public.

Au vu des pièces de la procédure, lors de la fermeture administrative des établissements précités il n'est établi aucun transfert vers les services de l'Etat d'une entité économique autonome dont l'activité aurait été poursuivie ou reprise, entité s'entendant comme d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

C'est donc à tort que l'ASSOCIATION LES VINOTS, qui n'a pas perdu sa personnalité juridique, affirme que l'Etat, par l'effet de l'arrêté préfectoral du 16 juin 2003, serait devenu « de sa propre volonté (le) seul et unique employeur » de l'intimée , thèse d'autant moins pertinente qu'elle leur a notifié le 16 décembre 2003 la rupture de leur contrat de travail pour « fait du prince ».

Son moyen d' « irrecevabilité » sera en conséquence rejeté, et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail pour « fait du prince » :

L'ASSOCIATION LES VINOTS estime que le contrat de travail de Mme [P] [E] a été résilié par l'effet de l'arrêté du 11 décembre 2003 ayant décidé la fermeture administrative des deux établissements de soins, date à laquelle cette dernière a été privée d'emploi par «le fait du prince».

Le «fait du prince» s'entend d'une action ou d'une décision imprévisible de l'administration, accomplie dans l'exercice d'une prérogative de puissance publique, rendant impossible pour l'une des parties l'exécution de ses obligations contractuelles, ce qui renvoie à l'hypothèse d'une cause étrangère exonératoire, susceptible en que telle de justifier la rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité, pour autant que soient réunies les conditions de la force majeure dont celle tirée de l'extériorité imposant que la décision administrative intervienne sans relation avec le comportement de l'une ou l'autre des parties.

L'inspection du travail a adressé un courrier le 19 décembre 2003 à l'ASSOCIATION LES VINOTS lui rappelant que « le fait du prince s'entend de tout acte de la puissance publique à caractère général ou individuel de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail ' La seule circonstance que des arrêtés de fermeture définitive et totale valant retrait d'agrément aient été pris par le Préfet de l'Yonne ne suffit pas à invoquer le fait du prince emportant résiliation des contrats, encore faut-il que les motifs ' ayant conduit à cette décision soient étrangers aux parties, ce qui ne semble pas le cas en l'espèce ».

Il est produit le rapport de la mission d'inspection « LES VINOTS » établi courant juin 2003 par les services de la DDASS, et dans lequel sont mentionnés : « un manque de savoir faire et de qualification des personnels pour la prise en charge des enfants psychotiques et autistes», des manquements aux règles de sécurité concernant les équipements électriques («cet état de fait témoigne soit d'une négligence soit d'une insouciance coupable de la part des responsables et du personnel»), des défaillances en matière d'hygiène (lieux de vie, cuisine et sanitaires), de même que des actes de «maltraitance» du personnel sur les patients («maltraitance physique, violence, brimades, intégrité morale, atteinte à la dignité et à la sécurité, enfermement»).

Le rapport évoque en conclusion des : « faits de maltraitance graves et récents ' l'ambiance conflictuelle et délétère ' les défauts actuels et continus d'hygiène et de sécurité ' le manque de qualification des personnels, l'impossibilité matérielle de parvenir rapidement à l'acquis d'un savoir-faire minimal pour la prise en charge de résidents autistes et psychotiques ».

L'ASSOCIATION LES VINOTS ne peut donc pas à bon droit fonder sa décision de rupture des contrats de travail des intimées sur «le fait du prince», la condition d'extériorité faisant défaut dans la mesure où la décision de fermeture administrative lui est imputable.

Il s'en déduit que la rupture du contrat de travail de Mme [P] [E] est abusive, en sorte qu'elle est bien fondée en ses demandes indemnitaires (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il n'a pas retenu «le fait du prince» et a condamné en conséquence l'ASSOCIATION LES VINOTS, qui n'a engagé aucune procédure légale de licenciement dans les formes requises, à payer à Mme [P] [E] les sommes indemnitaires y étant mentionnées dont les montants, quant à leurs modes de calcul, ne sont pas contestés.

La décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a ordonné la remise à Mme [P] [E] d'une attestation ASSEDIC et d'un reçu pour solde de tout compte rectifiés, à l'exception de «la lettre de licenciement» puisque par hypothèse l'appelante n'a pas opté pour ce mode de rupture du contrat de travail.

Sur les dépens :

L'ASSOCIATION LES VINOTS sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celle ayant trait à la remise à Mme [P] [E] d'une lettre de licenciement.

Condamne l'ASSOCIATION LES VINOTS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/02246
Date de la décision : 18/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/02246 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-18;10.02246 ?
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