Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 13 JANVIER 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02700
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007080671
APPELANTE
SAS CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION venant aux droits de la société CAMPENON BERNARD BATIMENT
prise en la personne des ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS (avoués à la Cour)
assistée de Maître Hugues MARGANNE, avocat (B576)
INTIMEE
SA ASTEN
prise en la personne des ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT (avoués à la Cour)
assistée de Maître Betty ZAKINE TARTOUR pour le Cabinet BEN ZENOU, avocat (G207)
COMPOSITION DE LA COUR :
Rapport ayant été fait conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile,
L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Camille RENOUX
ARRET :
-contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, président et par Mademoiselle Camille RENOUX, greffier.
La société Campenon Bernard, entreprise générale, a fait sous-traiter des travaux d'étanchéité sur un de ses chantiers par la société ASTEN..
Suite à la survenance d'un désordre très ponctuel, la société Campenon Bernard a exposé des frais dont elle réclame le remboursement à la société ASTEN au motif que les travaux étaient couverts par une garantie décennale. La société ASTEN refuse de payer au motif que la demande a été faite au-delà de la période garantie et qu'elle est en conséquence prescrite. Il sera revenu ci-dessous sur les détail de ces demandes.
Par jugement du Tribunal de Commerce du 28 janvier 2010, sur demande de la société CAMPENON BERNARD, cette juridiction a rendu la décision suivante :
"-Déboute la SNC CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION venant aux droits de; la société CAMPENON BERNARD BATIMENT de l'ensemble de ses demandes et la condamne à payer à la société ASTEN
-1000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les dépens, déboutant pour le surplus, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 82,17€ TTC dont 13,25 Euros de TVA.
-Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires"
Vu les dernières écritures des parties auxquelles il convient de se reporter ;
La société CAMPENOM BERNARD, appelante, demande à la Cour de :
-Déclarer recevable et bien fondé son appel ;
-Dire et juger que le sous-traitant n'est pas assujetti à la garantie décennale des locateurs d'ouvrage ;
-Dire et juger que le point de départ de la prescription entre commerçants est le fait générateur où le dommage est révélé à la victime ;
En conséquence
-Infirmer le jugement entrepris ;
-Condamner la Société ASTEN à verser à la Société CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION la somme de 10.190,04 € TTC correspondant au sinistre concernant les travaux sous-traités à ASTEN, et ce avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 24 mai 2007 ;
Vu l'article 2 du Code Civil
-Déclarer irrecevable et mal fondé le moyen tiré de la prescription édictée par les dispositions de l'article 2270-2 du Code Civil prescrite par l'ordonnance du 8 juin 2005 ;
-Rejeter le moyen tiré des dispositions de l'article 5 du contrat de sous-traitance, en ce qu'il n'y a eu intervention de l'Entreprise Générale mettant fin aux désordres, ni de réclamation du Maître d'Ouvrage et qu'il a existé une Expertise contractuelle de l'assureur Dommage d'Ouvrages, et non une Expertise Judiciaire
-Confirmer que le sous-traitant est assujetti à une obligation de résultat
-Dire et juger que le point de départ à prendre en compte pour le délai de dix ans est la date de la survenue du sinistre et non celle de la réception
-Dire et juger qu'en la circonstance la Société ASTEN était assujettie à l'obligation contractuelle de souscrire une responsabilité décennale, ce qu'elle a assumé et que par voie de conséquence, l'Expertise Dommage d'Ouvrages lui est opposable, en ce qu'elle a répondu à toutes les convocations de l'Expert et participé activement aux travaux demandés par l'Expert Dommages d'Ouvrages
-Condamner la Société ASTEN à régler à la Société CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION une somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts,
-Condamner la Société ASTEN à verser à la Société CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-Condamner la Société ASTEN en tous les dépens.
La société ASTEN, intimée, demande à la Cour de :
-Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de la société CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 28 janvier 2010,
-Déclarer cependant cet appel dépourvu de tout fondement et confirmer le jugement dont appel,
Vu les articles 2270 et 2270.2 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008
Vu également les articles 2244 et 2248 du même Code, devenus les articles 2240 et 2241 du même code après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008
-Constater que CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION a réglé une dette qu'elle n'était pas juridiquement tenue de régler, puisque sa responsabilité n'avait pas été actionnée dans le délai de 10 ans à compter de la réception,
-Dire et juger que le règlement qu'elle a opéré s'analyse en une libéralité dont elle ne peut faire supporter la charge à son sous-traitant,
-Déclarer son recours à l'encontre d'ASTEN irrecevable et mal fondé,
-L'en débouter,
-Condamner CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION à payer à ASTEN une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
Subsidiairement,
-Constater dire et juger qu'aucune action n'a été introduite à l'encontre de la société ASTEN dans le délai de dix ans à compter de la réception, celle-ci étant intervenue le 5 septembre 1995,
-Constater par ailleurs, qu'il n'y a pas non plus de la part d'ASTEN la moindre reconnaissance de responsabilité,
-En déduire que l'action exercée en novembre 2007 par CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION à l'encontre d'ASTEN est tardive,
-La déclarer irrecevable et l'en débouter purement et simplement,
Plus subsidiairement,
-Constater dire et juger que les rapports d'expertise du cabinet GUILLERMAIN sont inopposables à ASTEN et en déduire qu'aucune condamnation ne peut être fondée sur ces rapports
Plus subsidiairement,
-Dire et juger par ailleurs et à titre encore plus subsidiaire que ses demandes sont excessives,
-Limiter son recours à la somme qu'elle a elle-même payée soit 8.520,10 € sans qu'il y ait lieu d'ajouter la moindre TVA,
-Dire et juger que CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION n'est pas fondée à réclamer les intérêts au taux légal depuis sa lettre du 24 mai 2007 alors que celle-ci ri avait pas encore réglé son assureur,
-Dire et juger que les intérêts ne pourront courir qu'à compter de l'arrêt,
-Débouter CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION de sa demande en paiement d'une indemnité pour résistance abusive,
-Réduire enfin à de plus justes proportions l'indemnité qui serait accordée au titre des frais irrépétibles,
-Condamner CAMPENON BERNARD CONSTRUCTION aux entiers dépens.
SUR QUOI :
Considérant qu'il convient de rappeler que dans le cadre d'un programme de constructions réalisées en 1995 dont le maître de l'ouvrage était la SNI, portant sur la réalisation de 47 logements locatifs, la réception est intervenue le 5 septembre 1995 ; qu'est survenu un désordre ponctuel consistant en une infiltration d'eau dans un logement due à des fuites de deux jardinières en béton ; que le montant total des réparations, y compris les frais d'expertise, s'est élevé à 8.720€, le coût des travaux en lui-même s'élevant à 2350€ HT ;
Considérant que l'assureur DO était la GENERALI ;
Considérant que l'entreprise générale était la société CAMPENON-BERNARD, assurée RC auprès de AXA FRANCE ;
Considérant que le sous-traitant du lot étanchéité était la société SPAPA, devenue ASTEN, assurée également auprès de AXA FRANCE ;
Considérant que la déclaration de sinistre est intervenue le 16 février 2005 ;
Considérant que l'assureur DO a réglé les frais à la SNI ; qu'elle s'est ensuite retournée contre les assureurs de l'entreprise principale et du sous-traitant, à savoir AXA, qui en sa qualité d'assureur d'ASTEN a opposé sa franchise à GENERALI, et en sa qualité d'assureur d'entreprise principale, a réglé GENERALI ;
Considérant que AXA s'est alors retournée contre son assuré CAMBENON-BERNARD CONSTRUCTION, qui s'st alors adressé à son sous-traitant ; que devant le refus d'ASTEN de régler cette somme, CAMBENON-BERNARD Construction a remboursé à son assureur la somme que ce dernier avait versé à l'assureur DO et a assigné ASTEN le 29 novembre 2007, assignation qui a eu pour issue le jugement querellé ;
Considérant qu'il est constant et non-contesté que le désordre concerné relève de la garantie décennale ;
Considérant que la SAS CAMPENON CONSTRUCTION soulève l'existence d'une convention, dite 'CRAC', en vertu de laquelle est intervenu un accord entre les assureurs concernés par le présent litige, accord portant principalement sur l'organisation d'expertises amiables entre eux, pour considérer que la responsabilité du sous-traitant peut encore être mise en cause après l'expiration du délai légal en vertu duquel sa garantie est due ;
Mais considérant d'une part que l'article 1165 du code civile dispose que 'les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent pas au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.' [stipulation pour autrui];
Considérant qu'il résulte de ce texte que ni les accords passés entre les assureurs, ni les décisions prises entre eux en exécution de cet accord, ne peuvent aggraver la situation du sous-traitant en prolongeant la durée de sa garantie au delà du délai légal ;
Considérant qu'il est sans incidence, comme le soutient à tort l'appelante, que la convention CRAC vise les articles 1792 et suivants du code civil ;
Considérant que par ailleurs les explications de l'appelante tendant à faire valoir que le sous-traitant avait connaissance de l'existence de la convention passée entre les assureurs, fait qui n'est au demeurant pas établi, sont en toute hypothèse inopérantes dans la mesure où il n'est pas discuté que le sous-traitant n'a ni participé à l'élaboration de cette convention, ni aux décisions qui ont été prises en exécution de cette dernière ;
Considérant que le fait que la société ASTEN ait effectué en cours d'expertise des opérations de recherche des causes des fuites, participation qui a d'ailleurs été facturée par elle ainsi que le relèvent le rapport d'expertise et les écritures du sous-traitant, et le fait qu'elle se soit vu notifier un exemplaire du rapport d'expertise, ne sont pas de nature à permettre de considérer qu'elle a reconnu sa responsabilité dans ce sinistre et a renoncé à se prévaloir de l'expiration du délai mettant fin à sa mise en cause ; que l'engagement de prendre en charge un sinistre que l'on est pas légalement tenu de rembourser doit résulter d'un acte exprès ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que la responsabilité du sous-traitant n'a été mise en cause pour la première fois que par l'assignation du 29 novembre 2007, soit au délà du délai de responsabilité légale ;
Considérant que les explications de l'appelant selon lesquelles il pourrait encore mettre en cause l'entreprise sous traitante sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ne saurait être accueillie dès lors que la créance trouve directement sa source dans un désordre qui relève du régime de la responsabilité décennale; qu'il en va de même sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;
Considérant enfin que la clause V-1 du contrat de sous-traitance, prévoyant d'une façon générale la garantie du sous-traitant envers l'entrepreneur principal à propos des recours intentés contre ce dernier, ne peut contraindre le sous-traitant à devoir rembourser les règlements effectués par l'entrepreneur principal à son propre assureur, auxquels il n'était pas lui-même tenu, et qui ne correspondent pas à un désordre pour lequel le sous-traitant doit garantie ;
Considérant que pareillement c'est vainement que l'entrepreneur principal invoque l'interruption du délai de prescription de 10 ans entre commerçants dès lors qu'il est constant que le contrat de louage d'ouvrage relève d'un régime spécifique soumis à des règles dérogatoires ; qu'il est par ailleurs inopérant de soulever à ce propos que le sous-traitant est tenu à une obligation de résultat, dès lors que dans le cadre du régime contractuel concerné, les délais de mise en oeuvre de cette obligation de résultat sont expirés ;
Considérant qu'il résulte des considérations qui précédent que les explications et demandes subsidiaires des parties relatives au montant des sommes dues sont sans objet;
Considérant que il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que ni l'équité ni les conditions des parties ne justifient qu'il soit prononcé de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour,
-confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-rejette toutes autres ou plus amples demandes,
-condamne la SAS CAMPENON BERNARD aux dépens de l'appel, avec distraction au bénéfice des avoués de la cause intéressés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT