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12/01/2012 | FRANCE | N°11/02826

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 12 janvier 2012, 11/02826


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 12 Janvier 2012



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02826



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 21 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 10/04484





APPELANT

Monsieur [B] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Pauline PERRIN-JEOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1

409





INTIMEE

SAS NEVATEX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Raphaëlle BOULLOT GAST, avocat au barreau de PARIS, toque : P0112









COMPOSITION DE LA COUR :



L'aff...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 12 Janvier 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02826

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 21 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 10/04484

APPELANT

Monsieur [B] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Pauline PERRIN-JEOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1409

INTIMEE

SAS NEVATEX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Raphaëlle BOULLOT GAST, avocat au barreau de PARIS, toque : P0112

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LEBÉ, Président

Madame Catherine BÉZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président

- signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.

**********

Statuant sur l'appel formé par M.[B] [W] à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 21janvier 2011 par laquelle le conseil de prud'hommes de Paris a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M.[W] dirigées à l'égard de la société NEVATEX';

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 17 novembre 2011 par M.[W] qui prie la cour , infirmant l'ordonnance déférée, d'ordonner sa réintégration sous astreinte en réservant à la juridiction prud'homale la liquidation de celle-ci et de condamner la société NEVATEX'à lui payer la somme de 79 800 € au titre de ses salaires dus de décembre 2010 à janvier 2012, avec remise sous astreinte des bulletins de paye correspondants et paiement de la somme de 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures développées à la barre par la société NEVATEX' tendant à voir la cour «'constater l'existence d'une question préjudicielle', ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la procédure administrative en cours'», et, en tout état de cause, constater que M.[W] ne se prévaut plus de la qualité de délégué syndical, reconnaissant la nullité du mandat qui lui avait été confié à ce titre, et qu'il existe une contestation sérieuse sur sa qualité de salarié protégé';

SUR CE LA COUR

FAITS ET PROCEDURE

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que M.[W] a été engagé par la société NEVATEX, à compter du 12 janvier 2006, en qualité de directeur administratif et financier';

que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 15 octobre , postée le 16 octobre et reçue le 18 octobre 2010, M.[W] a sollicité auprès de la société NEVATEX l'organisation d'élections de représentants du personnel dans l'entreprise';

que par lettre recommandée du 19 octobre 2010 reçue le 21 octobre suivant, le syndicat CFDT a informé la société NEVATEX qu'il désignait M.[W] en qualité de délégué syndical';

que la société NEVATEX, de son côté, a envoyé le 20 octobre 2010 à M.[W] une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le convoquant à un entretien préalable fixé au 2 novembre suivant' et lui notifiant en outre une mise à pied conservatoire'; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 octobre, cette mise à pied a été portée à la connaissance de l'inspecteur du travail par la société NEVATEX'; que dans cette correspondance la société NEVATEX annonçait son intention de contester la désignation syndicale de M.[W] qu'elle présentait comme frauduleuse, tout comme la demande de M.[W] tendant à l'organisation d'élections et sollicitait en outre l'autorisation de licencier M.[W]';

que par lettre du 18 novembre 2010, l'inspecteur du travail a informé la société NEVATEX que la notification de la mise à pied de M.[W] ne lui avait été faite que le 25 octobre 2010 soit, au delà du délai de 48 heures édicté par l'article L 2421-1 du code du travail, de sorte que la mise à pied s'avérait nulle et que cette nullité emportait en conséquence l'obligation pour elle de payer à M.[W] le salaire non perçu pendant la période de mise à pied';

qu'en conclusion de cette correspondance l'inspecteur du travail précisait que cette nullité demeurait cependant sans effet sur la demande d'autorisation de licenciement de M.[W] dont il poursuivait l'instruction';

que le syndicat CFDT ayant lui-même demandé, par courrier du 27 reçu le 28 octobre 2010, l'organisation d'élections dans l'entreprise, sollicitée par M.[W] le 15 octobre précédent, la société NEVATEX, par lettre du 10 novembre 2010, a requis de l'inspecteur du travail, «'à titre conservatoire'», une seconde autorisation de licenciement pour faute grave du chef de la nouvelle protection résultant pour M.[W] de l'initiative ainsi prise par lui le 15 octobre 2010';

qu'invoquant de nouveaux faits graves à son encontre, la société NEVATEX, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 novembre 2010, a mis à pied et convoqué M.[W] à un nouvel entretien préalable fixé au 13 décembre 2010';

que par acte d'huissier du même 29 novembre , elle a fait signifier à l'inspecteur du travail ces convocation et mise à pied ainsi que des pièces se rapportant aux faits nouveaux reprochés à M.[W], consistant en des propos racistes que celui-ci aurait tenus à l'égard de membres du personnel';

que le 20 décembre 2010 l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée le 29 novembre 2010, en retenant que la convocation à l'entretien préalable de M.[W] avait eu lieu le 13 décembre 2010, -soit après la saisine de l'autorité administrative- et que ce vice de forme substantiel affectant la procédure justifiait le refus d'autorisation';

que M.[W] qui, le 1er décembre 2010, avait introduit la présente instance en référé devant le conseil de prud'hommes, afin d'obtenir sa réintégration, a sollicité cette réintégration, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 décembre 2010, en se prévalant du refus de l'inspecteur du travail'; qu'il lui a été remis en mains propres , alors qu'il se présentait à l'entreprise le 29 décembre 2010', une lettre lui précisant que la société NEVATEX était fermée pour déménagement et qu'il devait «'quitter la société dans l'attente des instructions'» de la directrice générale et dans «'l'attente de l'audience du conseil de prud'hommes du 3 janvier 2011'»';

'

que par jugement définitif du 30 décembre 2010, le tribunal d''instance du 1er arrondissement de Paris a annulé la désignation de M.[W] en qualité de délégué syndical, après avoir constaté que le seuil d'effectif de 50 salariés, exigé pour qu'une telle désignation intervienne, n'était pas atteint au sein de la société NEVATEX';que la société NEVATEX a licencié M.[W] pour faute grave le 5 janvier 2011';

que sur recours de la société NEVATEX le tribunal administratif de Paris a rendu le 28 septembre 2011 un jugement rejetant la requête de la société NEVATEX tendant à l'annulation de la décision de refus d'autorisation de licenciement, rendue le 20 décembre 2010 par l'inspecteur du travail'-le tribunal retenant, comme l'avait fait l'inspecteur du travail en dépit d'une erreur matérielle de date, que la convocation de M.[W] à l'entretien préalable avait eu lieu après la saisine de l'autorité administrative alors que l'article L1232-2 du code du travail' énonce que «'l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable'» et que l'article R 2421-3 précise': «'l'entretien préalable a lieu avant la présentation de la demande de d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail'»';

que la société NEVATEX a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Paris;

PRETENTIONS DES PARTIES

Considérant qu'au soutien de ses demandes de réintégration et de paiement des salaires dus depuis son éviction de l'entreprise,-soit décembre 2010- M.[W] fait valoir qu'il a été licencié sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, et même contrairement au refus de celui-ci en date du 20 décembre 2010, alors qu'il était salarié protégé au jour de la convocation à l'entretien préalable';

que l'appelant -qui n'entend plus faire état de son mandat de délégué syndical- revendique la qualité de salarié protégé à divers titres,

- en vertu des dispositions de l'article L 2411-6 du code du travail' ,comme premier salarié ayant sollicité l'organisation des élections dans l'entreprise par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 octobre reçue le 18 octobre 2010 par la société NEVATEX

-en vertu des dispositions de l'article L 2411-7 alinea 1 du code du travail' comme candidat aux élections de délégué du personnel, cette candidature ayant été notifiée par sa lettre du 4 janvier 2011 à la société NEVATEX

-en vertu des dispositions de l'article L 2411-7 2ème alinea, comme salarié dont l'employeur avait connaissance de l'imminence de sa candidatures aux élections

Considérant que principalement la société NEVATEX demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour administrative d'appel ait statué sur son recours contre le jugement du tribunal administratif précité du 28 septembre 2011';

qu'à titre subsidiaire, la société NEVATEX conteste avoir irrégulièrement licencié M.[W], soutenant qu'aucune autorisation de l'inspecteur du travail -qui n'a d'ailleurs pas statué sur sa première demande d'autorisation en date du 22 octobre 2010- n'était plus nécessaire pour licencier M.[W] dès lors que le mandat de délégué syndical de celui-ci a été annulé par le jugement du 30 décembre 2010 et que le licenciement de l'appelant relevait en conséquence de la procédure de droit commun';

qu'en effet,selon la société NEVATE , le jugement du 30 décembre 2010, par lequel le tribunal d'instance a annulé le mandat de délégué syndical de M.[W], revêt un caractère rétroactif, de sorte que la première convocation à entretien préalable notifiée le 20 octobre 2010 à M.[W] a pu être valablement suivie d'une procédure de droit commun, ne nécessitant pas le respect de la procédure administrative';

que sa seconde saisine de l'inspecteur du travail, -faite, à titre conservatoire seulement, le 29 novembre 2010- a certes abouti, le 20 décembre 2010, au refus par l'inspecteur du travail de l'autorisation de licenciement requise, mais ce refus s'avère sans objet ni effet, compte tenu de la validité de la première procédure engagée par la convocation préalable du 20 octobre 2010';

que la société NEVATEX conteste en tout état de cause les autres qualités de salarié protégé, invoquées par M.[W] en rappelant

-que la protection du premier salarié ayant demandé l'organisation d'élections ne part que du jour où l'organisation syndicale a «'relayé'» cette demande, en s'associant à celle-ci, soit en l'espèce à compter du 28 octobre 202010 date à laquelle elle a reçu la lettre de la CFDT du 27 octobre précédent

-qu'elle n'a jamais reçu de la lettre simple du 4 janvier 2011 de candidature de M.[W] aux élections dans l'entreprise, dont se prévaut l'appelant,d'ailleurs, en cause d'appel seulement,

-que M.[W] ne démontre pas qu'elle aurait eu connaissance de l'imminence de sa candidature

MOTIVATION

Considérant qu'il n'est pas contestable que M.[W] a été convoqué à un premier entretien préalable le 20 octobre 2010 fixé au 2 novembre suivant';

Considérant qu'à cette date M.[W] était couvert par la protection liée au mandat de délégué syndical ce dernier n'ayant été annulé et privé de ses effets que par le jugement du tribunal d'instance du 30 décembre 2010';

qu'il s'ensuit que ,contrairement à ce que soutient la société NEVATEX l'annulation de ce mandat ne produisant effet qu'à compter du prononcé du jugement, M.[W] était bien couvert par un statut de salarié protégé, au jour de cette première convocation à entretien préalable, et que si la poursuite de la procédure de licenciement pouvait se faire selon la procédure de licenciement de droit commun, l'obtention de tout nouveau mandat pendant le cours de cette procédure , tant que M.[W] n'était pas licencié, contraignait la société NEVATEX à observer du chef de ce nouveau mandat, la procédure d'autorisation administrative ce que la société NEVATEX a d'ailleurs fait en formant une nouvelle demande d'autorisation de licenciement le 29 novembre 2010';

que M.[W] a bien reçu en effet une nouvelle qualité lui octroyant, avant son licenciement le 5 janvier 2011, le statut de salarié protégé à compter du 28 octobre 2010, date à laquelle le syndicat CFDT a appuyé sa demande d'organisation d'élections dans l'entreprise, en date du 15 octobre 2010, reçue le 18 octobre par la société NEVATEX'; qu'ainsi, le licenciement notifié le 5 janvier 2011 à M.[W] devait être préalablement autorisé par l'inspecteur du travail'; que celui-ci a au contraire refusé l'autorisation de licenciement requise par sa décision du 20 décembre 2011;

que ce refus impliquait dès lors pour la société NEVATEX l'obligation de réintégrer M.[W], sauf, pour elle, à saisir le juge des référés administratif d'une demande de sursis à exécution, -ce qu'elle n'a pas davantage fait à la suite du jugement du tribunal administratif du 27 septembre dernier, ayant rejeté son recours à l'encontre du refus de l'inspecteur du travail';

Considérant qu'il apparaît ainsi de façon non contestable que le licenciement de M.[W] du 5 janvier est intervenu irrégulièrement et s'avère dès lors constitutif d'un trouble manifestement illicite';

que les demandes de M.[W] de nature à faire cesser ce trouble doivent donc être accueillies comme dit ci-après', la mesure d'astreinte requise apparaissant elle aussi justifiée au regard de l'opposition manifestée par la société NEVATEX à l'exécution de la décision de l'inspecteur du travail en date du 20 décembre 2010 revendiquée par M.[W] les 21 et 29 décembre suivants, comme rappelé ci-dessus';

Considérant qu'il apparaît ainsi que la cour n'a nul besoin de poser à la juridiction administrative la question préjudicielle soulevée par la société NEVATEX , puisque le débat instauré devant elle entre pleinement dans la compétence de la juridiction judiciaire';

qu'en outre, c'est vainement que la société NEVATEX excipe d'un sursis à statuer -d'autant qu' en référé la nécessité d'un tel sursis ne pourrait que conduire à la constatation d'une contestation sérieuse-'; qu'en effet, dans l'hypothèse où, comme le demande la société NEVATEX le jugement administratif du 27 septembre 2011 serait infirmé par la cour administrative d'appel, cette infirmation n'aurait pas pour effet de valider rétroactivement le licenciement de M.[W] et obligerait la société NEVATEX à réitérer une nouvelle procédure de licenciement , de sorte que le sursis sollicité ne serait pas de nature à permettre la solution du litige opposant actuellement les parties';

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

il y a lieu d'allouer à M.[W] la somme de 2000 €';

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle ni à sursis à statuer';

Infirme l'ordonnance entreprise';

Statuant à nouveau,

Ordonne à la société NEVATEX -sous astreinte de 500 € par jour de retard, commençant à courir huit jours après la notification du présent arrêt, pendant un délai de trois mois passé lequel il sera à nouveau statué- de réintégrer M.[W] au poste de travail qu'il occupait le 29 novembre 2010, ou, à défaut, à un poste équivalent';

Réserve au conseil de prud'hommes la liquidation de l'astreinte';

Condamne la société NEVATEX à verser à M.[W] la somme provisionnelle de 79 800 € à titre de salaires dus à compter du mois de décembre 2010 et jusqu'au mois de janvier 2012';

Ordonne à la société NEVATEX de remettre à M.[W] les bulletins de paye correspondant aux salaires ci-dessus';

Condamne la société NEVATEX aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2000 € au profit de M.[W] en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/02826
Date de la décision : 12/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°11/02826 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-12;11.02826 ?
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