COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 10 JANVIER 2012 (no 001, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09824
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mars 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 08218
APPELANT
Monsieur Michel X... Y...... 75012 PARIS représenté par Me HANINE sous la suppléance de Me Frédérique ETEVENARD (avoué à la Cour) assisté de Me Maryse AFONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : D889, qui a fait déposer son dossier (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 040135 du 13/ 12/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Madame Marie-Pierre B...... 75016 PARIS représentée par la SCP HARDOUIN (avoués à la Cour) assistée de Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
Monsieur Bernard C...... 75007 PARIS représenté par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN (avoués à la Cour) assisté de Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport, en présence de Madame Brigitte HORBETTE, conseiller,.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La Cour,
Considérant qu'à la suite de l'accident de la circulation survenu le 8 janvier 1998 à Niamey, M. Michel X... Y..., qui a été blessé, a demandé à bénéficier des garanties souscrites auprès de la société d'assurances Préservatrice foncière, dite P. F. A., en application de la police dite « Pointure » souscrite le 10 mars 1997 et garantissant les risques d'incapacité temporaire de travail ; qu'il a bénéficié d'indemnités journalières jusqu'au 21 juin 1998, date à laquelle le versement a été interrompu par l'assureur qui contestait la durée de l'incapacité totale de travail ; Que, le 2 septembre 1998, les parties ont conclu un protocole d'arbitrage en vertu duquel un médecin expert a été chargé de déterminer les conséquences médicales de l'accident sans que l'expert procède à sa mission dans les délais ; Qu'au cours de l'année 1999, M. X... Y... a confié à Mme Marie-Pierre B..., avocat au barreau de Paris, une mission d'assistance et de représentation afin d'engager, avec l'aide juridictionnelle, une action en référé contre la société P. F. A. et ce, en vue d'obtenir la reprise du versement des indemnités journalières et, subsidiairement, une provision à valoir sur ces indemnités ; Que, par ordonnance de référé du 4 mai 1999, le président du Tribunal de grande instance de Paris a débouté M. X... Y... de sa demande d'indemnités journalières et ordonné une mesure d'expertise médicale notamment aux fins de détermination des conséquences de l'accident ; que M. X... Y... a interjeté appel de cette décision et que Mme B... a été, de nouveau, désignée pour le défendre au titre de l'aide juridictionnelle. Par arrêt du 20 octobre 1999, la Cour a confirmé l'ordonnance déférée ; Que, le 9 avril 2001, l'expert a déposé le rapport de ses opérations, arrêté l'incapacité temporaire de travail de M. X... Y... à la période comprise entre le 8 janvier 1998 et le 8 juillet de la même année et évalué l'incapacité permanente partielle à 25 % ; Qu'au mois de septembre 2001, M. X... Y... a chargé Mme B... d'engager une action au fond contre la société P. F. A. et que Mme B... faisait connaître au bureau d'aide juridictionnelle qu'elle consentait à défendre M. X... Y... au cours de cette instance ; que, le 16 octobre 2001, le bureau acceptait la demande de M. X... Y... et que, le 28 novembre 2001, un huissier de justice était désigné ; Que, désignée par le bureau d'aide juridictionnelle, Mme B... informait M. X... Y... de sa désignation en lui demandant les pièces qui pourraient être utiles à la demande d'une nouvelle mesure d'expertise ; Que, par lettre datée du 22 novembre 2001, M. X... Y... a demandé à Mme B... de transmettre le « dossier P. F. A. avec l'expertise » à M. Bernard C..., avocat ; que Mme B... a écrit le 5 décembre 2001 à M. C... qu'elle prenait note de leur collaboration en lui demandant de lui communiquer toutes pièces utiles à la défense de M. X... Y... ; Que, représenté par M. C..., M. X... Y... a fait assigner la société P. F. A. devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation des conséquences de l'accident et notamment en soutenant que l'incapacité temporaire de travail s'est prolongée jusqu'au 8 janvier 2001 ; que, par jugement du 7 avril 2005, le Tribunal a dit, sur le fondement de l'article L. 141-1 du Code des assurances, que l'action engagée par M. X... Y... était prescrite ; que, par arrêt du 17 juin 2007, la Cour a confirmé cette décision ;
Que, reprochant à Mme B... de ne pas avoir agi dans les délais légaux et à M. C..., qui lui a succédé, de n'avoir pas été diligent, M. X... Y... les a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 mars 2010, l'a débouté de ses demandes, rejeté les autres demandes et condamné ledit M. X... Y... à payer à Mme B... la somme de 3. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, M. X... Y..., qui en poursuit l'infirmation, demande que Mme B... et M. C... soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 154. 366, 37 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à une perte de chance de 80 % de voir l'action aboutir contre la société P. F. A. ; Qu'à ces fins, l'appelant soutient que, dans l'instance au fond, M. C... a omis de faire valoir que le délai de prescription avait été interrompu par la demande d'aide juridictionnelle et que, même s'il ignorait cette circonstance, il lui appartenait de l'interroger sur l'existence d'une telle procédure dès lors qu'il connaissait sa situation financière difficile ; Qu'il fait également valoir que, selon la lettre adressée le 5 décembre 2001, Mme B... considérait l'intervention de M. C... plus comme une collaboration que comme une succession dans la défense de ses intérêts de sorte qu'elle a commis une faute en ne l'informant pas sur le risque de prescription et du moyen de défense à opposer ; qu'il reproche également à Mme B... de ne pas l'avoir suffisamment informé à l'occasion des opérations d'expertise ; Que M. X... Y..., qui rappelle que l'action aurait été déclarée recevable si le moyen tiré de l'interruption de la prescription avait été soulevé, soutient qu'il a perdu la chance d'obtenir gain de cause au fond et d'obtenir les sommes de 34. 136, 38 euros au titre des indemnités journalières, de 71. 224, 19 euros au titre de la rente d'invalidité, de 1. 005, 80 euros au titre du remboursement des cotisations et de 48. 000 euros au titre du préjudice lié aux graves difficultés financières qu'il a subies ;
Considérant que Mme B... conclut à la confirmation du jugement au motif qu'à la date à laquelle elle a été dessaisie du dossier, la prescription de l'action n'était pas encourue ; à cet égard, elle fait observer que, si, dans un premier temps, elle a pensé qu'elle défendrait les intérêts de M. X... Y... avec M. C..., il n'en a rien été puisque M. C... ne l'a jamais informée des suites données à l'affaire ; qu'elle ajoute que, tant qu'elle était saisie, elle a effectué toutes les diligences nécessaires ; Qu'à titre subsidiaire et s'il en est autrement décidé, elle fait valoir que le rapport du professeur E... et la décision de la Cotorep sont inexploitables dès lors qu'ils ne sont pas basés sur les seules conséquences de l'accident de la circulation dont M. X... Y... a été victime et que le rapport du professeur F... aurait réduit à néant ses chances d'indemnisation ; qu'elle en déduit qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'accident dont s'agit et le préjudice allégué par M. X... Y... ; Qu'estimant la procédure abusive, Mme B... sollicite une somme de 6. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que M. C... conclut à la confirmation du jugement tout en soutenant qu'il n'a commis aucune faute ; Que, sur ce point, il fait valoir que l'arrêt confirmant l'ordonnance de désignation de l'expert a été signifié le 19 novembre 1999 de sorte que M. X... Y... aurait dû assigner la société P. F. A. avant le 19 novembre 2001 ; qu'en réalité, il n'a été chargé de la défense des intérêts de M. X... Y... que postérieurement à cette date, c'est-à-dire après l'expiration du délai de prescription ; qu'il ajoute que M. X... Y... ne lui a jamais demandé de le représenter au titre de l'aide juridictionnelle et qu'il ne l'a pas informé d'une demande antérieure ; qu'enfin, il fait observer qu'à l'origine, son client l'a choisi pour agir en responsabilité contre Mme B... ; Que, subsidiairement, M. C... soutient, notamment au vu du rapport du docteur F..., seul « recevable » en l'espèce, que M. X... Y... ne démontre aucune perte de chance d'être indemnisé dès lors que la période d'incapacité temporaire s'est terminée le 8 juillet 1998 et que le taux d'incapacité permanente, égal à 25 %, est inférieur au taux de 33 % prévu par la police d'assurance ; Qu'estimant que la procédure est abusive, M. C... sollicite une somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur la responsabilité de Mme B... :
Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges, M. X... Y... a fait parvenir à Mme B... une lettre datée du 22 novembre 2001 et ainsi conçue : « Je vous demande de bien vouloir transmettre mon dossier PFA avec l'expertise au cabinet de Maître C... … Les raisons sont multiples, je suis fatigué de voir ce dossier traîner depuis trois (3) ans, mais, d'autre part, vous me demandez souvent de confier le dossier à un autre avocat et je comprends combien vos occupations ne vous laissent assez de temps pour que trouviez l'espace nécessaire pour défendre ce dossier avec ardeur … Dans l'espoir de voir le dossier confié à mon nouveau défenseur, je vous prie de recevoir etc. » ; que, même si Mme B... a écrit le 5 décembre 2001 à M. C... qu'elle prenait note de leur collaboration en lui demandant de lui communiquer copie de toutes pièces utiles à la défense de M. X... Y..., il n'en demeure pas moins que les termes clairs et dépourvus d'ambiguïté employés par M. X... Y... démontrent qu'à la date du 22 novembre 2001, il a entendu mettre fin à la mission qu'il avait confiée à Mme B... et confier la défense de ses intérêts à M. C... ; Considérant qu'auparavant, Mme B... avait assisté M. X... Y... et qu'en outre, par une lettre du 23 novembre 2001, elle lui faisait connaître que, par décision du 16 novembre 2001, elle avait été désignée par le au bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Paris ; Qu'il est donc établi que Mme B... a utilement assisté M. X... Y... au cours de l'instance qu'il a engagée et qu'en particulier, l'obtention de l'aide juridictionnelle lui faisait bénéficier d'un nouveau délai de prescription dans les conditions édictées par l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris en sa rédaction applicable aux faits de la cause ; Qu'il suit de là qu'aucune faute n'est imputable à Mme B... dont la mission s'est terminée le 22 novembre 2001 alors que la prescription était interrompue ; Que, sur ce point, le jugement sera confirmé ;
Sur la responsabilité de M. C... :
Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il échet d'approuver, M. C... a commis une faute en n'attirant pas l'attention de M. X... Y... sur le risque de prescription résultant de l'application des dispositions de l'article L. 114-1 du Code des assurances, ni sur les moyens de défense qui, tirés des interruptions du délai de prescription en raison des demandes d'aide juridictionnelle, pouvaient être utilement invoqués et ce, alors que, compte tenu de l'ancienneté de l'accident et de la brièveté du délai de la prescription applicable en matière d'assurances, il lui appartenait d'être particulièrement vigilant ; Qu'il suit de là qu'il convient d'approuver les premiers juges qui ont retenu la faute de M. C... et de confirmer, sur ce point encore, le jugement frappé d'appel ;
Sur le préjudice :
Considérant que le rapport dressé par le professeur F..., expert, fait apparaître de façon très circonstanciée que M. X... Y... a subi une incapacité temporaire totale entre le 8 janvier 1998 et le 8 juillet de la même année, date de la consolidation de ses blessures et qu'il souffre, tous préjudices confondus, d'une incapacité permanente partielle de 25 % en relation avec l'accident dont il a été victime le 8 janvier 1998 ; Que le contrat souscrit par M. X... Y... auprès de la société P. F. A. ne prévoit le versement d'une rente annuelle d'invalidité qu'en cas d'incapacité permanente partielle supérieure à 33 % ; Qu'en outre, les rapports d'expertise dont se prévaut M. X... Y... font état de déficits fonctionnels qui ne sont pas tous rattachables à l'accident du 8 janvier 1998 et qui, en tous cas, sont décrits et appréciés selon une méthode qui n'est pas celle de l'évaluation d'un préjudice corporel telle qu'elle prévue par la police d'assurance ; Qu'en conséquence, M. X... Y... ne démontre aucunement qu'il avait une chance réelle et sérieuse, fût-elle faible, d'obtenir une indemnisation supérieure à celle qui lui a été allouée par son assureur en vertu du contrat ; Considérant que, par voie de conséquence, il n'est pas fondé à réclamer les sommes de 34. 136, 38 euros au titre des indemnités journalières, de 71. 224, 19 euros au titre de la rente d'invalidité, de 1. 005, 80 euros au titre du remboursement des cotisations et de 48. 000 euros au titre du préjudice lié aux graves difficultés financières qu'il a subies ; Considérant qu'en conséquence, le jugement sera confirmé ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il n'est pas démontré que M. X... Y... ait agi de façon abusive et préjudiciable à Mme B... et à M. C... qui, partant, seront déboutés, chacun de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions dirigées contre Mme B..., M. X... Y... sera condamné, en équité, à lui verser la somme de 2. 000 euros au titre des frais non compris dans les démens ; Que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de ces dispositions dans les rapports existant entre M. X... Y... et M. C... ;
Et considérant que, compte tenu de la faute commise, M. C... sera condamné aux dépens à l'exception des dépens exposés par Mme B... qui resteront à la charge de M. X... Y... ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 10 mars 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a condamné M. Michel X... Y... à supporter tous les dépens ;
Déboute Mme Marie-Pierre B... de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute M. Bernard C... de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute M. X... Y... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à Mme B... la somme de 2. 000 euros ;
Déboute M. C... de sa demande d'indemnité présentée sur le fondement de ce même texte ;
Condamne M. C... aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des dépens exposés par Mme B... qui resteront à la charge de M. X... Y..., et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par les avoués de la cause comme en matière d'aide juridictionnelle.