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05/01/2012 | FRANCE | N°10/13433

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 05 janvier 2012, 10/13433


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 5 JANVIER 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13433



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/014729







APPELANT



Société BANK MELLAT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux>
[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0127





INTIMÉ



SA NATIXIS A...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 5 JANVIER 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13433

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/014729

APPELANT

Société BANK MELLAT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0127

INTIMÉ

SA NATIXIS ANCIENNEMENT NATEXIS BANQUE POPULAIRE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Francois TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Didier MALKA de la PUK WEIL GOTSHAL & MANGES - WGM, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère

Madame Caroline FEVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Daniel COULON, greffier présent lors du prononcé.

***********

Le 8 août 2004, la société Eurocopter et l'organisation gouvernementale iranienne Port and Shipping Organisation (PSO) ont conclu un contrat portant sur la livraison de trois hélicoptères au prix total de 28.745.406 euros et un acompte de 25 % du prix payable après ouverture d'une lettre de crédit et sur présentation d'une garantie bancaire à première demande de restitution d'acompte.

L'acompte de 7.186.351 euros a été payé par PSO à la société Eurocopter le 17 novembre 2004.

Conformément au contrat, la société de droit iranien Bank Mellat a émis une garantie à première demande de restitution de l'acompte d'un montant de 7.186.351 euros en faveur de PSO. La société Natixis-Banque Populaire, devenue Natixis, a émis une contre-garantie à première demande d'un montant de 7.186.351 euros au profit de la Bank Mellat expirant le 17 janvier 2007.

Les autorisations d'exportation nécessaires à la livraison des hélicoptères n'ayant pas été obtenues, PSO a, par courrier du 24 mai 2006, appelé en garantie la Bank Mellat qui a, à son tour, appelé la contre-garantie de Natixis le 31 mai 2006.

Le 1er juin 2006, la société Eurocopter a fait assigner en référé les sociétés Natixis et Bank Mellat afin qu'il soit fait interdiction à la société Natixis de payer à la Bank Mellat la somme réclamée au titre de sa contre-garantie.

Par ordonnance en date du 20 juillet 2006 signifiée le 21 juillet suivant, le président du tribunal de commerce a débouté la société Eurocopter de sa demande et a autorisé la société Natixis et la Bank Mellat à exécuter leur garantie et contre-garantie. Le 24 juillet 2006, Natixis a payé la somme de 7.186.351 euros à la Bank Mellat.

Par acte d'huissier en date du 2 mars 2009, la Bank Mellat a fait assigner la société Natixis en paiement de la somme de 409.275 euros au titre des intérêts contractuels échus entre le 17 novembre 2004 et le 24 juillet 2006 en principal avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation.

Par jugement en date du 12 mai 2010, le tribunal de commerce de Paris a débouté la Bank Mellat de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Natixis anciennement Natixis Banques Populaires la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

La déclaration d'appel de la société Bank Mellat a été remise au greffe de la Cour le 29 juin 2010.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 28 octobre 2011, la société Bank Mellat, société de droit iranien, demande l'infirmation du jugement déféré et à la Cour, statuant à nouveau, de :

- constater que l'action se fonde sur des intérêts contractuels et ne se rattache pas à l'une des opérations visées par le règlement n° 423-2007 CE,

- constater que le contrat de contre-garantie stipule le paiement d'intérêts au taux Libor 3 mois + 1 % par an en cas de demande de remboursement de l'acompte,

- constater que la société Natixis qui a vu sa contre-garantie appelée le 31 mai 2006 ne l'a payée que le 24 juillet 2006 en vertu d'une ordonnance de référé signifiée et non frappée d'appel,

- condamner la société Natixis à lui payer la somme de 409.275 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation en application de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Natixis à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 1er février 2011, la société Natixis, anciennement Natixis Banques Populaires, demande la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes de la Bank Mellat et sa condamnation à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile .

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2011.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que la Bank Mellat fait grief aux premiers juges d'avoir statué ultra petita en rejetant ses demandes sur le fondement des sanctions européennes prises contre l'Iran par le règlement CE n° 423/2007 alors que la société Natixis ne le demandait pas ;

Considérant qu'elle soutient que son action en paiement contre la banque Natixis est autonome par rapport au contrat de base et aux opérations d'exportation d'hélicoptères ; que sa demande porte sur le paiement d'intérêts contractuels et non sur le paiement de la contre-garantie qui a été réglée par la société Natixis le 24 juillet 2006 avant l'entrée en vigueur du règlement communautaire ; que le tribunal a violé le principe de non rétroactivité des lois et règlements posés par l'article 2 du code civil et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ayant valeur constitutionnelle en faisant rétroagir le règlement CE n° 423/2007 du 19 avril 2007 comportant des sanctions de nature répressive d'interprétation stricte ; que l'application d'une nouvelle législation à une situation contractuelle en cours viole le droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ; qu'en outre le tribunal n'a pas vérifié si l'objet de son action en paiement pouvait être concerné par les dispositions du règlement communautaire précité ; qu'elle n'est pas inscrite sur la liste de l'article 11bis paragraphe 2 point b du règlement qui ne prohibe que le paiement d'une garantie ou d'une contre-garantie, ce qui n'est pas l'objet de son action qui ne se rattache elle-même à aucune exportation ;

Considérant, enfin, que la Bank Mellat prétend que la société Natixis doit lui payer la somme de 409.275 euros représentant le montant des intérêts au taux Libor à 3 mois + 1 % du 17 novembre 2004 au 24 juillet 2006 conformément à son engagement irrévocable et inconditionnel qui prévoit le paiement d'intérêts à compter de la date du paiement effectif de l'acompte jusqu'à la date de son remboursement par le contre-garant;

Considérant qu'en réponse, la société Natixis fait valoir que les premiers juges ont fait une exacte application du règlement CE n° 423/2007 imposant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran qui ne constituent pas des sanctions à caractère pénal ou répressif et s'appliquent à la demande de la Bank Mellat faite par assignation du 24 février 2009 en vertu de l'article 12 bis 1 du règlement ; qu'il n'a pas été statué ultra petita puisque le juge peut relever d'office un moyen tiré de la violation du droit communautaire et qu'elle-même avait soulevé ce moyen dans ses conclusions, même si elle n'avait pas repris sa demande tendant à voir interdire tout paiement à la Bank Mellat, sauf à ce que cette dernière établisse que le paiement demandé ne soit pas interdit par ce règlement communautaire applicable immédiatement, dans son dispositif ; qu'elle excipe d'un nouveau règlement UE n° 961/2010 du 25 octobre 2010 qui interdit expressément qu'il soit fait droit à la demande de la Bank Mellat qui s'applique 'à toute demande, sous forme contentieuse ou non, introduite antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur et liée à l'exécution d'un contrat ou d'une opération' et vise expressément la Bank Mellat ;

Considérant que la société Natixis soutient par ailleurs que la demande en paiement de la Bank Mellat est mal fondée et procède d'une lecture erronée des termes de la contre-garantie en cause qui prévoit des intérêts à compter de la date du paiement effectif de l'acompte par la Bank Mellat à PSO au titre de sa garantie à première demande jusqu'à la date du remboursement par le contre-garant ; que ces intérêts sont dûs à compter du décaissement de la somme due par le garant et que la Bank Mellat ne prouve pas qu'elle a payé le 31 mai 2006 ;

Considérant que la Bank Mellat demande à la société Natixis de lui payer des intérêts contractuels dûs en application de la contre-garantie n° 010 C 2011 3226 du 22 octobre 2004 souscrite à son profit de sorte que sa demande porte sur l'exécution de cette convention ; qu'elle est mal fondée à soutenir que sa demande ne porte pas sur la contre-garantie exécutée le 24 juillet 2006 par la société Natixis qui lui a payé la somme de 7. 186.351,00 euros représentant le montant en principal de l'acompte versé par PSO à la société Eurocopter, alors qu'elle réclame le paiement des intérêts dûs en cas de mise en oeuvre de sa propre garantie en application d'une clause figurant sur l'acte de contre-garantie engageant la société Natixis ;

Considérant que si la garantie à première demande souscrite par la Bank Mellat au profit de PSO et la contre-garantie à première demande souscrite par la société Natixis au profit de la Bank Mellat sont indépendantes et autonomes du contrat de base conclu entre la société Eurocopter et PSO, il en constitue néanmoins la cause de sorte que la contre-garantie, dont il est demandé l'exécution, porte sur un contrat de livraison d'hélicoptères à l'Iran et sur une garantie bancaire y afférente ;

Considérant qu'aux termes de la contre-garantie souscrite par la société Natixis venant aux droits de Natixis Banques Populaires au profit de la Bank Mellat, il est stipulé

que :

'En contrepartie de votre engagement de délivrer une garantie de paiement d'acompte à hauteur de 7.186.351 euros au profit du Ministère des Routes et Organisation des Ports et Transports Maritimes d'Iran, pour le compte d'Eurocopter en rapport avec la lettre de crédit n° 63568/8325044/5 du 16 avril 2004, nous , Natixis Banques Populaires, ayant notre siège social situé à [Adresse 5], nous engageons par les présentes de façon irrévocable et inconditionnelle à vous payer immédiatement toute somme n'excédant pas 7.186.351, en sus de votre commission et frais et intérêts au taux indiqué ci-dessous sur simple demande par swift, telex, câble ou courrier postal authentifiés. Une demande dans ces formes sera suffisante et le montant vous sera payé par nos soins, immédiatement sans qu'il soit requis de vous adresser à une autorité administrative, légale ou autre, ni que vous ayez à fournir une quelconque preuve. S'agissant de la demande du solde de cette garantie, des intérêts au taux Libor 3 mois + 1 % par an vous seront dûs à compter de la date de paiement de l'acompte jusqu'à la date de remboursement.'

Considérant que c'est par une lecture littérale erronée de l'engagement précité que la Bank Mellat soutient que les intérêts lui sont dûs à compter du paiement de l'acompte par PSO à Eurocopter intervenu le 17 novembre 2004 ; qu'en effet le paiement de l'acompte 'payment of such advance'dont il est fait mention dans l'acte précité s'entend du paiement de la garantie de l'acompte 'advance payment guarantee' qui est l'objet de la contre-garantie donnée par la société Natixis;

Considérant que c'est, en conséquence, à tort que la Bank Mellat réclame les intérêts du 17 novembre 2004 au 24 juillet 2006 ; qu'elle ne peut prétendre au paiement d'un quelconque intérêt puisque ceux-ci ne sont dûs qu'à compter du paiement de la garantie d'acompte, à la différence du paiement en principal de la contre-garantie qui n'est pas subordonnée à la preuve du paiement par le garant de premier rang, en l'absence de toute preuve du paiement de la garantie à première demande par la Bank Mellat ; qu'en effet, s'il est justifié de l'appel de la garantie par PSO en date du 24 juillet 2004 et du paiement de la somme de 7.186.351 euros par la Bank Mellat, le seul avis de débit produit est daté du 23 juillet 2004 et porte sur l'émission de la garantie à première en exécution de la lettre de crédit n° 63560/8325044/5 opérant le transfert de la somme de son compte sur celui de la banque correspondante à [Localité 4];

Considérant que la demande en paiement de la Bank Mellat est infondée et doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des parties sur l'applicabilité du règlement communautaire CE n° 423/2007 remplacé par le règlement UE n° 961/2010 et la non rétroactivité des lois ;

Considérant que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé par substitution de motifs;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Natixis le montant de ses frais irrépétibles en cause d'appel ; qu'il convient de condamner la Bank Mellat à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure

civile ;

Considérant que la Bank Mellat qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société Bank Mellat à payer à la société Natixis la somme de

10.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Bank Mellat aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/13433
Date de la décision : 05/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°10/13433 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-05;10.13433 ?
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