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05/01/2012 | FRANCE | N°10/02239

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 05 janvier 2012, 10/02239


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 05 Janvier 2012

(n° 12 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02239



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY Section ENCADREMENT RG n° 07/04687





APPELANT

Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Yacine DJELLAL, avocat a

u barreau de PARIS, toque : E1440

et Me Richard FORGET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1834







INTIMEE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Baudouin ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 05 Janvier 2012

(n° 12 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02239

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY Section ENCADREMENT RG n° 07/04687

APPELANT

Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Yacine DJELLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1440

et Me Richard FORGET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1834

INTIMEE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS

toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

Mme Anne DESMURE, conseiller

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé, pour le président empêché, par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère, et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

A leur sortie de l'Ecole nationale de l'aviation civile (l'ENAC), les élèves pilotes de ligne sont autorisés à se présenter à la sélection PNT (personnel navigant technique) à Air France.

La sélection se fait sur la base notamment d'épreuves comportementales, à l'issue desquelles, la commission de mise en stage d'Air France prononce soit une admission en stage de qualification machine, soit un ajournement, soit une élimination.

Les candidats ajournés ont la possibilité de repasser les épreuves d'admission à l'expiration d'un délai de 2 ans. Les candidats éliminés n'avaient pas cette possibilité et ne pouvaient donc plus intégrer la société Air France jusqu'à l'accord du 7 décembre 1998, qui en a décidé autrement sous certaines conditions.

A la suite du premier conflit dans le Golfe, de la hausse des carburants et la chute du trafic aérien en résultant, tous les élèves pilotes n'ont pu trouver un emploi.

Le service d'exploitation de la formation aéronautique (SEFA) dépendant de la direction générale de l'aviation civile, dont le but est d'aider les anciens élèves à intégrer une compagnie aérienne, inquiet de voir certains pilotes sans emploi depuis plusieurs années, pénalisés par l'arrivée d'autres élèves plus récemment sortis de formation, a décidé d'établir un classement des élèves pilotes de ligne.

Une liste d'attente de mise en stage dite 'liste SEFA' ou 'liste 1" a donc été établie en 1995 pour les élèves des promotions 1988 à 1991 sortant de l'ENAC et qui n'ont pu accéder à une mise en stage.

L'appelant, à sa sortie de l'école nationale de l'aviation civile en 1991, s'est présenté à l'examen de sélection du personnel navigant technique de la société Air France.

Il a été éliminé à l'épreuve d'évaluation des comportements professionnels de cette sélection en 1997. Il a alors exercé son activité de pilote de ligne pour le compte d'autres compagnies aériennes.

Inscrit sur la liste SEFA, et ayant en 2001, repassé, avec succès cette fois, les épreuves de sélection de la société Air France, il a commencé sa formation au sein de Air France le 23 septembre 2002. A l'issue de cette période de formation, il a été engagé par la société Air France le 4 juin 2003, par contrat à durée indéterminée.

Il a alors été inscrit sur la liste de classement professionnel (LCP) des 'pilotes de lignes' en application du règlement du personnel navigant et technique, en sachant que cette inscription est déterminante pour le déroulement de carrière futur, l'objectif à terme étant de devenir commandant de bord.

Estimant devoir bénéficier d'un classement plus favorable, l'appelant a saisi le conseil des Prud'Hommes de Bobigny de demandes tendant en dernier lieu à obtenir le rang de classement revendiqué, ce sous astreinte, des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, subsidiairement, des dommages et intérêts pour le préjudice de carrière, outre, en tout état de cause, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, les intérêts au taux légal à compter de la demande, le tout avec exécution provisoire. A titre reconventionnel, la société Air France a réclamé une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 17 février 2010, le conseil des Prud'Hommes a débouté le salarié de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société Air France la somme de 100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le salarié a régulièrement fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Se prévalant du principe 'à travail égal, salaire égal', il demande à la cour de juger qu'il devra figurer au rang 2253 sur la LCP du 1er avril 2011 en fonction de son positionnement sur la liste 1 SEFA et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à partir du prononcé de la décision. Il réclame en outre la condamnation de la société Air France à lui payer :

- la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi

A titre subsidiaire, si le reclassement n'était pas ordonné :

- la somme de 192 500 € en réparation du préjudice de carrière subi

En tout état de cause :

- la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

La société Air France conclut au principal, à la confirmation du jugement déféré, et, en conséquence, au débouté du salarié, subsidiairement, à l'irrecevabilité de sa demande de reclassement. Elle réclame, en outre, sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 10 novembre 2011, reprises et complétées lors de l'audience.

A l'audience, la société Air France a précisé qu'elle renonçait au moyen tiré de l'irrecevabilité.

Motivation

L'appelant rappelle que les candidats admis, après avoir été ajournés, ont bénéficié d'un rang de classement plus favorable que les candidats éliminés, puis admis après avoir été autorisés à repasser les épreuves, alors que tous ont effectué le même cursus à l'ENAC, que tous exercent les mêmes fonctions de pilote, et que tous ont pâti de la conjoncture liée à la première guerre du Golfe qui a affecté le transport aérien et a entraîné un ralentissement des recrutements.

Il précise que rien ne justifie que la date de sortie de l'ENAC soit retenue pour le calcul de l'ancienneté des 'ajournés', régie par l'accord du 17 décembre 1997, tandis que l'ancienneté des 'ajournés longs', catégorie de laquelle il relève, est décomptée à compter de la date, plus tardive, de l' admission aux tests de recrutement d'Air France, en application de l'accord du 7 décembre 1998,.

L'appelant soutient, en conséquence, que s'agissant d'agents placés dans des situations identiques, la société Air France a violé le principe de l'égalité de traitement dont il indique que le principe 'à travail égal, salaire égal' n'est qu'une déclinaison.

Il en déduit donc que son ancienneté doit être comptée à partir de sa date de sortie de l'ENAC.

Il précise, en conséquence, que positionné à la place 408 entre M.[P] et M.[J] sur la liste SEFA, il doit se voir placé entre ceux-ci sur la LCP établie le 1er avril 2011, soit au rang 2253 et non au rang 2916 qu'il occupe actuellement.

La société Air France admet, entre les pilotes de ligne ajournés et ceux éliminés puis admis, issus d'une même promotion de l'ENAC, l'existence d'un décalage d'environ 6 années dans le recrutement, ceci impactant d'autant l'ancienneté des pilotes et, en conséquence, le déroulement de leurs carrières.

Elle conteste, en revanche, la violation alléguée du principe d'égalité de traitement en soutenant que les deux catégories de personnel en cause ne présentent pas une situation identique ou comparable. Elle précise, en effet, que le salarié, qui a été éliminé lors de sa première présentation à la sélection de Air France, puis admis, est dans une situation différente de celle des stagiaires ajournés puis admis auxquels il se compare.

Se référant à deux protocoles d'accord conventionnels signés le même jour du 17 décembre 1997, à un acte qu'elle a adopté unilatéralement le 7 décembre 1998, et à la convention d'entreprise du personnel navigant technique, la société Air France fournit les explications qui suivent :

- le protocole d'accord tripartite du 17 décembre 1997, qui prévoit une priorité de mise en stage, s'applique aux élèves issus de l'ENAC

* ayant été admis au concours d'entrée jusqu'en 1991

* et sélectionnés positivement par la société Air France (ou encore ceux ayant été ajournés)

Elle précise que cet accord n'est pas applicable à l'appelant qui a, certes, été admis au concours d'entrée à l'ENAC, en 1991, mais n'a précisément pas été sélectionné positivement par la société Air France.

- le protocole d'accord recrutement pilotes (dit accord 'quotas') en date du 17 décembre 1997, et les modalités d'application de ce protocole fixées le 7 décembre 1998. Ce protocole a été établi, à la demande des organisations syndicales représentatives du personnel navigant technique, afin d'examiner la situation des EPT/EPL tel l'appelant, qui ont été éliminés à l'épreuve d'évaluation des comportements professionnels.

Ce document prévoit que la décision d'élimination est valable pendant 7 ans, représentant la durée nécessaire pour effectuer 3000 heures de vol supplémentaires, après quoi, une nouvelle candidature pourra être examinée si celle-ci respecte les conditions du protocole spécifique en vigueur.

Les modalités d'application de ce protocole d'accord en date du 7 décembre 1998 précisent que :

* cette nouvelle possibilité de présentation à la sélection est ouverte à la condition soit d'avoir attendu 7ans, soit de compter 3000 heures de vol supplémentaires.

* lesdits EPT/EPL seront pris en compte, une fois sélectionnés positivement, dans les quotas, c'est-à-dire qu'ils bénéficieront de l'accord 'quotas' du 17 décembre 1997

- les modalités d'application du 4 septembre 2002 précisent que lesdits EPT/EPL 'ne bénéficient pas d'une priorité de mise en stage'.

Il ressort donc des débats que le salarié, d'abord éliminé (non admis et non ajourné) aux épreuves de sélections de la société Air France réclame un traitement identique à celui appliqué aux candidats non admis mais ajournés lesquels, aux termes de l'accord tripartite visé par la société Air France, ont bénéficié d'un privilège de classement sur la liste LCP.

La cour relève :

- d'une part que le privilège de classement en cause résulte de l'accord tripartite, dont le champ d'application expressément défini en ses articles 3 , 6.2 et 6.3 concernent les candidats, inscrits sur la liste SEFA, admis au concours d'entrée de l'ENAC jusqu'en 1991 inclus et sélectionnés positivement par Air France, lesquels comprennent également les candidats ajournés qui ont été par la suite admis aux épreuves de sélection de la société Air France.

Il s'ensuit que cet accord signé par la société Air France, le SEFA et trois syndicats représentatifs du personnel navigant et technique exclut expressément de son champ d'application les candidats ayant fait l'objet d'une élimination pure et simple, comme c'est le cas de l'appelant.

- d'autre part que les modalités d'application, en date du 7 décembre 1998, du protocole d'accord recrutement pilotes dit 'quotas' en date du 17 décembre 1997, prévoient la possibilité pour les candidats purement et simplement éliminés aux épreuves comportementales, comme l'appelant, d'une nouvelle présentation à la sélection de la société Air France à la condition soit d'avoir attendu 7ans, soit d'avoir parcouru 3000 heures de vol supplémentaires. Ce même accord prévoit que la mise en stage est alors gouvernée par les dispositions de l'accord dit des 'quotas'.

Il ressort de ces modalités d'application que les candidats éliminés aux épreuves des comportements professionnels ont retrouvé, en 1998, la possibilité, dont ils étaient auparavant privés, de repasser les épreuves d'admission à Air France, le succès à celles-ci conduisant à leur mise en stage auprès de la compagnie, dans l'ordre fixé par l'accord 'quotas'et par l'acte daté du 4 septembre 2002.

Il résulte de ce qui précède, qu'en 1998, une nouvelle catégorie de candidats pouvant intégrer les effectifs d'Air France a été créée.

C'est donc sur la base d'une distinction objective issue de textes conventionnels et d'un texte adopté par la société Air France, et, de surcroît, précisément en application du principe d'égalité, que les partenaires sociaux et Air France ont pu déterminer, pour cette catégorie de recrutement, les règles d'intégration qui sont celles du flux commun, ne prévoyant pas de privilège de classement sur la liste LCP. Autrement dit, l'ancienneté de ces personnels ne rétroagit pas à la date de leur inscription sur la liste SEFA (ou à la date à laquelle ils sont sortis de l'ENAC) mais est fixée, comme pour tout entrant, à la date à laquelle ils intègrent les effectifs d'Air France, une fois passés avec succès les examens de sélection.

Il s'ensuit que le seul fait pour ces candidats d'appartenir à la même promotion que d'autres collègues et d'avoir figuré sur la même liste SEFA, n'enlève rien au caractère de nouveauté de la catégorie de laquelle ils relèvent, nouveauté fondée sur l'accord du 7 décembre 1998 et qui suppose la réussite aux épreuves d'entrée à Air France.

Leur situation est donc objectivement distincte de celle des candidats ajournés, même si, à terme les fonctions exercées sont identiques, comme cela sera le cas, au demeurant, de tous les pilotes de ligne issus des promotions ultérieures et reçus aux examens de sélection d'Air France, sans que cela permette la remise en cause de l'établissement de la liste LCP dans l'ordre de mise en stage des candidats, comme le prescrit la convention d'entreprise du personnel navigant technique.

Il résulte de tout ce qui précède que le salarié, placé dans une situation différente, ne peut revendiquer le même traitement que celui appliqué aux candidats ajournés puis admis à Air France.

L'appelant doit, corrélativement, être débouté de ses demandes principale et subsidiaire.

Le jugement est donc confirmé.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamne l'appelant aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamne à payer à la société Air France la somme de 500 €,

- le déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/02239
Date de la décision : 05/01/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-05;10.02239 ?
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