Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2011
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22753
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/15897
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS (avoué à la Cour)
assisté de Me Michel FANTONI, avocat au barreau de Paris, toque : E 1627
APPELANTE ET INTIMÉE
Madame [C] [Y] épouse [R]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Louis-Charles HUYGHE (avoué à la Cour)
INTIMÉE
S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL (avoués à la Cour)
assistée de Me Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
*************
En janvier 1995, Monsieur et Madame [R] ont chacun ouvert un comptes de chèques dans les livres du Crédit Industriel et Commercial.
Le 2 février 1995, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à Monsieur et Madame un prêt immobilier d'un montant de 1.900.000 francs, remboursable en 15 ans avec intérêts au taux contractuel de 8,30 % l'an et un taux effectif global de 9,10 %, destiné à l'acquisition d'un appartement situé, [Adresse 3], qui est leur domicile.
Le 31 mars 1998, ce prêt a fait l'objet d'une renégociation entre les parties à la demande des époux [R] pour réduire le montant des échéances mensuelles et des intérêts au taux effectif global de 7,70 % l'an.
A partir de 1998, des ordres de bourse ont été passés à partir de ces comptes. En avril 2000, à la suite d'opérations d'achat de titres, le compte de Monsieur [R] a présenté un solde débiteur de 106.628,28 euros, dont 104.882,10 euros correspondant à son portefeuille-titres, et le compte de Madame [R] a présenté un solde débiteur de 91.440,79 euros, dont
86.647,50 euros correspondant à son portefeuille-titres.
Par acte sous seing privé du 6 juin 2000, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à Monsieur et Madame [R] un prêt de 570.000 francs (86.895,94 euros) remboursable in fine au bout de treize mois, les intérêts au taux de 4,45 % l'an étant payables mensuellement. En garantie, Madame [R] a nanti les titres de son portefeuille avec l'accord de son époux le 20 mai 2000 et Monsieur [R] a nanti son contrat d'assurance-vie en octobre 2000. Les fonds de ce prêt ont été versés sur le compte de Madame [R] le 4 octobre 2000.
Par acte sous seing privé du 8 juin 2000, le Crédit Industriel et Commercial a consenti à Monsieur et Madame [R] un prêt de 730.000 francs (111.287,78 euros) remboursable in fine au bout de treize mois, les intérêts au taux de 4,45 % l'an étant payables mensuellement. En garantie, Monsieur [R] a nanti les titres de son portefeuille avec l'accord de son épouse le 29 mai 2000 ainsi que son contrat d'assurance-vie le 29 août 2000. Les fonds du prêt ont été versés sur le compte de Monsieur [R] le 29 août 2000.
A la demande de Monsieur et Madame [R], le Crédit Industriel et Commercial a accepté un redressement d'agios au crédit de leur compte le 16 octobre 2000.
Par courriers des 24 novembre 2000 et 30 avril 2001, Monsieur et Madame [R] ont contesté avoir passé les ordres en bourse à l'origine de leur découvert en comptes.
Malgré une mise en demeure du 11 mars 2002, Monsieur et Madame [R] n'ont pas payé la dernière échéance de leurs prêts in fine.
Par acte d'huissier en date du 23 avril 2002, Monsieur et Madame [R] ont fait assigner le Crédit Industriel et Commercial devant le tribunal d'instance du 16e arrondissement de Paris qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance.
Par acte d'huissier en date du 6 septembre 2004, le Crédit Industriel et Commercial a fait assigner Monsieur et Madame [R] en paiement de deux prêts. Les deux affaires ont été jointes.
Par jugement en date du 21 mai 2008, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, condamné solidairement Monsieur et Madame [R] à payer au Crédit Industriel et Commercial la somme de 111.700,47 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,45 % à compter du 1er juillet 2001 et celle de 87.255,83 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,45 % à compter du 7 juin 2001, a condamné le Crédit Industriel et Commercial à payer à Monsieur [R] la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 19.000 euros à Madame [R] à titre de dommages-intérêts, a ordonné la compensation à due concurrence de la créance du Crédit Industriel et Commercial et des sommes mises à sa charge, a rejeté le surplus des demandes de Monsieur et Madame [R], a ordonné l'exécution provisoire, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné Monsieur et Madame [R] aux dépens.
La déclaration d'appel de Monsieur [Z] [R] a été remise au greffe de la Cour le 3 décembre 2008.
La déclaration d'appel de Madame [C] [R] née [Y] a été remise au greffe de la Cour le 7 janvier 2009.
Par ordonnance en date du 15 mai 2009, les deux instances ont été jointes.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 13 septembre 2011, Monsieur [Z] [R] demande la réformation du jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé que le Crédit Industriel et Commercial avait manqué à ses obligations au bénéfice de Monsieur [R] s'agissant des ordres de bourse et à la Cour, statuant à nouveau, de constater :
- que la banque avait connaissance de sa maladie,
- qu'il n'a jamais passé d'ordres de bourse à l'exclusion des introductions nouvelles,
- que la banque ne rapporte pas la preuve des ordres de bourse qu'il a effectués,
- que la banque s'est comportée en gérant de fait en effectuant des opérations boursières sans l'accord de son client,
de dire que la banque
- a manqué à son devoir de conseil et d'information,
- a manqué à ses obligations de surveillance et d'alerte,
- a consenti un crédit abusif,
- a commis une faute en laissant se déprécier son compte,
- a commis une faute en ne rédigeant pas de conventions écrites, de recréditer, en conséquence, ses comptes et, au besoin, de condamner le Crédit Industriel et Commercial à lui payer la somme de 119.836,99 euros plus intérêts, agios, frais de garde et commissions depuis le mois d'avril 2000,d'ordonner la levée de l'inscription au fichier des incidents Banque de France, et de condamner le Crédit Industriel et Commercial à lui verser la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 20.000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 4 avril 2011, Madame [C] [Y] épouse [R] demande l'infirmation partielle du jugement déféré et à la Cour, statuant à nouveau, de condamner le Crédit Industriel et Commercial à lui payer la somme de 82.931 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes qu'il a commises à l'occasion de l'octroi du prêt et de l'exécution des opérations de bourse litigieuses, somme qui viendra en compensation du montant en principal du prêt
de 86.895,94 euros diminué des intérêts qu'elle a payés de 3.964,93 euros, et celle de
5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 19 septembre 2011, le Crédit Industriel et Commercial demande de :
- lui donner acte de ce que depuis l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires en date du 19 mai 2011, il a abandonné la forme de société à directoire et à conseil de surveillance pour adopter la forme d'une société anonyme classique à conseil d'administration,
- dire que Monsieur et Madame [R] sont mal fondés en leur appel et les en débouter,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur et Madame [R] à lui payer la somme de 111.700,47 euros avec intérêts au taux contractuel de
4,45 % à compter du 1er juillet 2001 et celle de 87.255,83 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,45 % à compter du 7 juin 2001,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer des dommages-intérêts à Monsieur et Madame [R],
- débouter Monsieur et Madame [R] de leurs demandes,
- condamner in solidum Monsieur et Madame [R] à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2011.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Considérant que Monsieur [R] soutient qu'à partir du mois de mars 2000, le Crédit Industriel et Commercial a passé des ordres de bourse sur le marché à règlement mensuel sur son compte sans mandat, ni ordre ou convention, lesquels étaient incompatibles avec sa situation financière puisqu'il est en invalidité depuis plusieurs années à la suite d'une dépression, de sorte que c'est la banque qui est propriétaire des titres ; qu'elle lui a proposé des prêts à court terme in fine pour combler le déficit au lieu de lui proposer de vendre ses titres ; que ces crédits étaient inadaptés à son état de santé que la banque connaissait et à sa situation financière et qu'elle a ainsi manqué à son obligation de mise en garde et de conseil ; qu'il fait valoir que l'ouverture d'un compte de titres doit donner lieu à une convention écrite et qu'il n'y en pas eu, de sorte que le Crédit Industriel et Commercial a manqué à ses obligations d'information et de conseil sur le fonctionnement de la bourse et l'obligation de couverture ; que la banque, en agissant sans son accord, en procédant à des ordres de bourse sur le marché à terme mensuel s'est comportée en gérant de fait ; qu'il fait grief au jugement d'avoir retenu une faute à ce titre sans en tirer toutes les conséquences, car la banque doit l'indemniser à concurrence de la valeur perdue de son portefeuille ; qu'il prétend qu'il y a eu dol, car sans les manoeuvres de la banque, il n'aurait jamais contracté le prêt pour combler le découvert causé par la banque qui lui a proposé un crédit excessif pour couvrir ses fautes ; qu'il n'a pas signé l'offre de prêt qui n'a jamais été acceptée et qu'il conteste les paraphes apposés sur le tableau d'amortissement et les fiches patrimoniales qui contiennent des informations erronées; qu'il ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir vendu ses titres qui étaient nantis au profit de la banque qui a, elle, commis une faute en ne les vendant alors qu'ils ont continué à baisser et qu'ils ont désormais une valeur inexistante ; que le Crédit Industriel et Commercial doit réparer l'intégralité du préjudice subi constitué par le solde débiteur de son compte depuis le 30 avril 2000, y compris les intérêts et agios, le montant du prêt en principal et intérêts auquel s'ajoutent un préjudice moral et un préjudice matériel supplémentaire;
Considérant que Madame [R] soutient que la banque a passé des ordres de vente sans accord, sans mandat, sans écrit en prélevant des commissions pour 230.000 euros et des intérêts au titre du prêt proposé pour combler le découvert ; qu'elle a commis une faute en fournissant un crédit excessif et inadapté à sa situation ; qu'elle a manqué à son devoir de mise en garde, car elle est un emprunteur profane ; que c'est la banque qui a rempli la fiche patrimoniale qu'elle lui a fait signer, vierge, en reportant en 2000 les éléments fournis en 1995, lors de l'ouverture du compte; qu'elle est en droit de demander réparation de l'intégralité du préjudice qu'elle a subi;
Considérant que le Crédit Industriel et Commercial fait valoir que les ordres de bourse se prouvent pas tous moyens et qu'ils ont été donnés par téléphone ou par minitel ainsi que l'établissent les pièces n° 10 ,11,12,13,14,24 et 25 ; que l'absence de convention de compte de titres ne constitue pas une faute et n'est pas de nature à rendre nuls les ordres de bourse passés par Monsieur et Madame [R] qui ont reçu les avis d'exécution, les comptes de liquidation, les relevés de portefeuille et de comptes sans les contester et qui ont reconnu en avril 2000 qu'ils avaient des ordres en euros alors qu'ils voulaient les passer en francs ; que l'obligation de couverture n'est exigée que dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché ; que les prêts ont été consentis pour soulager les époux [R] qui pouvaient ainsi échelonner leur dette et émettre des chèques ; que Monsieur [R] n'a jamais fait état à son égard de sa maladie qui ne le rend pas incapable de comprendre la portée de ses actes ; qu'il a signé les fiches patrimoniales en 1995 et en 2000 sans l'actualiser; qu'il a accordé des prêts adaptés et compatibles avec la situation déclarée des époux [R] qui ont payé les échéances sans difficultés compte tenu de la valeur de leur patrimoine boursier et des contrats d'assurance vie; qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun dol, ni d'une gérance de fait ; que les offres sont régulières; que si Monsieur [R] n'a pas signé son offre de prêt, il a paraphé et signé tous les autres documents y afférents, qu'il a perçu les fonds sur son compte et a exécuté la convention; que les époux [R] ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir vendu les titres leur appartenant alors qu'il n'avait pas de mandat de gestion et que les époux [R] sont des opérateurs avertis au regard de la masse des opérations réalisées ; que le préjudice subi allégué ne peut être à la fois de combler le découvert et de payer le prêt ;
- Sur les prêts
Considérant que c'est par de justes motifs, que la Cour fait siens, que les premiers juges ont rejeté tous les arguments et moyens de nullité soulevés par Monsieur et Madame [R] fondés sur l'authenticité de certains paraphes figurant sur les actes de prêt ou les annexes et sur l'absence de signature de l'offre de prêt du 8 juin 2000 d'un montant de 730.000 francs par Monsieur [R] alors qu'ils ont perçus les fonds sur leur compte respectif, ont exécuté les offres de crédit dans les termes de la convention des parties en payant les échéances de remboursement selon les modalités convenues dans lesdits actes, qu'ils ont chacun nanti leur portefeuille-titres au profit de la banque en signant une déclaration de mise en gage d'instruments financiers le 29 mai 2000 en garantie des prêts consentis et que, le 6 juin 2000, Monsieur [R] a nanti son contrat d'assurance-vie Astrys, souscrit le 18 juillet 1995 pour un montant de 236.000 francs, en garantie de ces deux prêts consentis pour combler leur découvert en compte;
Considérant que le dol ne se présume pas et il appartient à celui qui l'allègue de le prouver ;
Considérant que Monsieur [R] argue de manoeuvres dolosives de la banque sans les caractériser, ni les prouver ; qu'elles ne peuvent résulter des paraphes contestés sur certaines pages des documents de crédit, sans que cette contestation soit au demeurant établie par comparaison aux paraphes apposés par Monsieur [R] sur les documents afférents au prêt immobilier de 1995, ni des informations erronées relatives à la situation professionnelle des emprunteurs portées sur la fiche patrimoniale remise à la banque lors de l'octroi des deux prêts en cause dès lors qu'elle ne peut être utilement complétée qu'avec sa loyale et totale collaboration, qu'elle a été soumise au contrôle des deux époux et qu'ils l'ont signée en apposant la mention 'lu et approuvé' après la déclaration de sincérité des indications portées sur ce document, excluant que l'un comme l'autre puisse reprocher à la banque d'avoir rempli a posteriori et à leur insu les informations y figurant ;
Considérant qu'il sera rappelé que les deux prêts en cause ne sont pas de nouveaux crédits, mais des prêts de consolidation qui portent sur l'amortissement d'un découvert en compte non autorisé constitutif d'une dette à payer par les époux [R] à la suite des pertes subies en bourse ;
Considérant que Monsieur [R], qui excipe de son état de santé et d'une dépression pour contester la validité de son consentement aux actes l'engageant envers le Crédit Industriel et Commercial, ne rapporte pas la preuve d'une altération de ses facultés mentales, ni même de ses capacités de compréhension susceptibles d'affecter son consentement lors de l'octroi des prêts litigieux ; qu'il est dès lors indifférent à la solution du litige de savoir si la banque savait ou pouvait savoir qu'il était en invalidité et pour quelle raison médicale compte tenu de la confidentialité des éléments du dossier de l'intéressé qu'il communique au soutien de ses prétentions dans le cadre du procès l'opposant à la banque sans qu'il soit démontré qu'ils aient été portés à la connaissance du Crédit Industriel et Commercial antérieurement ;
Considérant que Monsieur [R] et son épouse ont d'ailleurs demandé et obtenu le 31 mars 1998 une renégociation de leur prêt immobilier et un redressement d'agios en juin 2000 sur leur compte de chèques attestant d'une capacité certaine à préserver leurs intérêts et à gérer la situation au fur et à mesure de leurs besoins;
Considérant qu'il n'y a pas de manoeuvres dolosives prouvées à l'encontre du Crédit Industriel et Commercial ;
Considérant qu'il ne peut être reproché à la banque aucun manquement à son obligation de conseil et de mise en garde envers des emprunteurs profanes en l'absence de crédits excessifs au regard des revenus et du patrimoine déclarés par Monsieur et Madame [R] qui ont indiqué depuis l'origine être mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts alors qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens, avoir deux enfants à charge, être propriétaire de leur logement situé à [Localité 8] acquis pour partie à crédit le 5 février 1995 (1.900.000 francs de prêt et 600.000 francs d'apport personnel), avoir chacun un portefeuille de titres d'une valeur respective de 511.613,00 francs et de 669.730,00 francs ; qu'il sera rappelé que les deux prêts ne constituent pas un nouveau crédit pour les époux [R], mais la conversion d'un découvert en compte en prêt amortissable sur un an avec un taux d'intérêts de 4,45 % l'an réduit par rapport aux agios du découvert en compte, afin de leur permettre de reconstituer leur portefeuille en bourse dans un contexte boursier qui ne laissait pas présager d'une baisse durable imprévisible même pour la banque ;
Considérant que le Crédit Industriel et Commercial n'a pas commis de faute dans l'octroi des prêts litigieux qui n'étaient ni excessifs, ni inadaptés à la situation des emprunteurs; que Monsieur et Madame [R] sont ainsi mal fondés en leur demandes à son encontre à ce titre;
Considérant que Monsieur et Madame [R] ne peuvent davantage reprocher à la banque de ne pas les avoir avertis en juin 2000 d'un risque de dépréciation de leur portefeuille qu'ils connaissaient puisque la perte de leur valeur est la cause des deux prêts litigieux, ni de ne pas leur avoir conseillé de vendre les titres nantis à son profit dès lors que rien ne permettait d'augurer d'une baisse durable du marché boursier à cette date;
- Sur les opération en bourse
Considérant qu'il est constant qu'il n'y a pas de convention écrite de compte de
titres ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en l'absence de tout contrat écrit, la banque est défaillante à prouver qu'elle a informé de manière adaptée ses clients avant qu'ils n'investissent en bourse en 1998 sur les risques liés au marché boursier et la possibilité d'une perte en capital compte tenu du caractère spéculatif des investissements réalisés en bourse, sur les règles de couverture et les modalités de fonctionnement des ordres de bourse;
Considérant, cependant, que même sans convention de compte de titres, Monsieur et Madame [R] ne peuvent, sans mauvaise foi, contester avoir passé les ordres de bourse à partir du moment où les ordres ont été passés sur le marché à règlement mensuel, faute pour la banque d'en apporter une preuve écrite, alors qu'ils peuvent être prouvés par tous moyens;
Considérant qu'il est démontré par la production des avis d'opérés, des relevés des deux portefeuilles, des relevés de leurs comptes comportant les écritures relatives à ces opérations en bourse depuis 1998 qu'ils ne les ont jamais contestées jusqu'à la lettre de leur conseil du 24 novembre 2000 et qu'ils ne les contestent pas pour la période où ils ont généré des profits, mais seulement à partir du moment où il y a eu des pertes ; que le Crédit Industriel et Commercial produit par ailleurs des relevés de communications téléphoniques et de consultations des ordres par minitel effectués par Monsieur et Madame [R] en 2000 prouvant qu'ils passaient des ordres de bourse ;
Considérant qu'il n'est justifié d'aucun mandat de gestion confié par les époux [R] au Crédit Industriel et Commercial qui, en sa qualité de teneur de compte, n'était que l'exécutant sans être le gestionnaire des portefeuilles de titres appartenant aux époux [R] qui ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir surveillé l'évolution de leurs valeurs mobilières une fois les ordres passés alors qu'ils géraient eux-mêmes leur avoirs;
Considérant que l'ensemble des éléments de la cause, qui ont été pertinemment analysés par les premiers juges, suffisent pour établir que Monsieur et Madame [R] ont admis avoir passé les ordres de bourse et leur exécution par leur banque, étant observé qu'ils pointaient chaque opération sur leur relevé bancaire à sa réception ainsi que le montrent les croix figurant sur les relevés qu'ils versent eux-mêmes aux débats ; qu'il n'y a aucune gérance de fait de la banque qui n'a pas géré le portefeuille de titres des époux [R] qui ont commencé à investir en bourse en juin 1998 sur le marché au comptant avant d'intervenir sur le marché à terme mensuel à partir de la fin de l'année 1999 et de subir des pertes importantes;
Considérant que c'est par de justes motifs, que la Cour fait siens, que les premiers juges ont retenu une seule faute à l'encontre du Crédit Industriel et Commercial, en sa qualité de prestataire de service d'investissement financier, pour avoir manqué à son obligation d'information et de mise en garde des époux [R], qui sont des investisseurs profanes, sur les risques spéculatifs du marché en bourse et des opérations boursières sur le marché à règlement mensuel encore plus volatile, sur l'obligation de couverture et ses conséquences ;
Considérant que le préjudice subi par les époux [R] s'analyse en une perte de chance d'avoir pu choisir de ne pas investir en bourse tout ou partie de leur argent ; que la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, c'est à dire si Monsieur et Madame [R] avaient su que le marché boursier allait baisser de manière durable à partir de l'année 2000 et qu'ils ne pourraient pas récupérer les pertes subies ;
Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par Monsieur [R] d'une part et Madame [R] d'autre part au regard des pièces produites et des circonstances de la cause ;
- Sur les autres demandes
Considérant qu'il n'y a pas d'autres préjudices justifiés que cette perte de chance et que Monsieur [R] est mal fondé en ses autres demandes ;
Considérant que la créance du Crédit Industriel et Commercial au titre des deux prêts impayés à leur échéance est justifiée et n'est pas contestée dans son quantum ; que la condamnation en paiement de Monsieur et Madame [R] sera confirmé ;
Considérant que le jugement sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions; que Monsieur et Madame [R], mal fondés en leur appel, seront déboutés de toutes leurs demandes de même que le Crédit Industriel et Commercial en son appel incident;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que Monsieur et Madame [R] qui succombent supporteront les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 21 mai 2008,
Déboute Monsieur et Madame [R] ainsi que le Crédit Industriel et Commercial de leurs demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne solidairement Monsieur [Z] [R] et Madame [C] [Y] époux [R] aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT