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14/12/2011 | FRANCE | N°09/03818

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 décembre 2011, 09/03818


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2011



(n° 304, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03818.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 06/17174.









APPELANTS :



- Monsieur [I] [H] [Y] dit

[F] [I] SON OF [Z]

demeurant [Adresse 3] (JAMAIQUE),



- Monsieur [A] [K] exerçant sous l'enseigne [P]

demeurant [Adresse 6] (JAMAIQUE),



- Monsieur [O] [T] [R]

ès qualités d'héritier de Monsieur [M] '...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 14 DECEMBRE 2011

(n° 304, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03818.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 06/17174.

APPELANTS :

- Monsieur [I] [H] [Y] dit [F] [I] SON OF [Z]

demeurant [Adresse 3] (JAMAIQUE),

- Monsieur [A] [K] exerçant sous l'enseigne [P]

demeurant [Adresse 6] (JAMAIQUE),

- Monsieur [O] [T] [R]

ès qualités d'héritier de Monsieur [M] '[D]' [R]

demeurant [Adresse 5] (USA),

représentés par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,

assistés de Maître André BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque L 207.

INTIMÉE :

S.A.R.L. CULTURE PRESS

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 4],

représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée de Maître Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque B 1167.

INTIMÉE :

SAS EMI MUSIC FRANCE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour,

assistée de Maître Eric LAUVAUX plaidant pour la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, toque L 237.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président,

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère,

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sandra PEIGNIER.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel interjeté le 24 février 2009 par [A] [K], [I] [H] [Y] dit [F] [I], [O] [T] [R] en sa qualité d'héritier de [M] [D] [R], du jugement contradictoire rendu le 11 février 2009 par le tribunal de grande instance de Paris dans le litige les opposant à la société CULTURE PRESS (SARL) et à la société EMI MUSIC FRANCE (SA) ;

Vu les ultimes écritures des appelants, signifiées le 30 septembre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de la société CULTURE PRESS, intimée, signifiées le 12 mai 2010 ;

Vu les dernières conclusions de la société EMI MUSIC FRANCE, intimée, signifiées le

15 juin 2010 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 18 octobre 2011 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que [A] [K], [F] [I], [M] [D] [R], interprètes de musique 'reggae', ont assigné la société CULTURE PRESS et la société EMI MUSIC FRANCE pour avoir commercialisé en France à compter du 22 novembre 1996 des albums phonographiques reproduisant sans leur autorisation et, par voie de conséquence, au mépris des droits d'artistes-interprètes institués par la loi du 3 juillet 1985, dont ils revendiquent le bénéfice, des enregistrements de leurs prestations fixés en Jamaïque de 1964 à 1985 ; que [M] [D] [R] étant décédé le [Date décès 2] 2008, [O] [T] [R] a repris l'instance en qualité d'ayant-droit ; que le tribunal, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, déclaré [O] [T] [R] irrecevable à agir faute de qualité à représenter la succession de [M] [D] [R] et constaté, par voie de conséquence, l'interruption de l'instance introduite par ce dernier, débouté [A] [K] et [F] [I] de toutes leurs prétentions, rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés CULTURE PRESS et EMI MUSIC FRANCE ;

Sur la recevabilité à agir de [O] [T] [R] :

Considérant que les sociétés intimées contestent la recevabilité à agir de [O] [T] [R] au motif qu'il ne serait pas le seul héritier de [M] [D] [R] et n'aurait pas qualité à agir pour le compte de la succession de ce dernier ;

Que [O] [T] [R] leur oppose que [M] [D] [R], son père l'aurait institué, par testament du 19 novembre 2007, seul légataire de ses droits d'artiste-interprète et l'aurait en outre désigné en qualité d'administrateur de la succession apte, à ce titre, à ester en justice pour la défense des droits de la succession ;

Considérant que le testament invoqué, dont la traduction produite aux débats n'est pas contestée, dispose en article 2° : Je désigne mon fils [O] [T] [R] demeurant (...)comme exécuteur testamentaire de mes dernières volontés , en article 3°) : Je demande à mes exécuteurs testamentaires et administrateurs de payer mes dettes et les dépenses générales liées aux obsèques et au notaire, en article 8°) : Je lègue en parts égales les redevances de ma musique qui me sont dues à mes enfants [V] [U] [R], [X] [G] [R], [O] [T] [R], et [L] [N] [R] , en article 11°) : Je déclare que mes exécuteurs testamentaires ont tout pouvoir pour faire appel à un avocat, un comptable ou toute personne professionnelle et de régler leurs honoraires (dans le cadre des frais d'administration de ma succession) ;

Considérant que pour éclairer les termes de ce testament, [O] [T] [R] verse une attestation par laquelle [S] [C], se présentant comme avocate et rédactrice du testament en date du 19 novembre 2007 de [M] [D] [R], confirme que conformément au droit jamaïcain [O] [T] [R] est le seul qui soit nommé en qualité d'exécuteur des dernières volontés de son père et la seule personne autorisée à gérer la succession de son père y compris, mais non limitativement, afin de récupérer toutes les sommes dues à la succession ou à payer toutes les dettes de celle-ci . En conséquence, [O] [T] [R] est la seule personne habilitée à défendre devant les tribunaux les droits de son père (...) ;

Or, considérant que la seule disposition du testament de [M] [D] [R] à viser spécialement les 'redevances de (sa) musique', à savoir l'article 8°), prévoit expressément que ces 'redevances' seront léguées 'en parts égales' à ses quatre enfants ;

Que [O] [T] [R] est en conséquence mal fondé à arguer du testament pour se prétendre seul légataire des droits d'artistes-interprètes de son père et par voie de conséquence seul habilité à agir en revendication de tels droits ;

Considérant que force est de relever par ailleurs, que le testament désigne, à l'article 2°), [O] [T] [R], non pas comme administrateur de la succession laissée par [M] [D] [R], mais comme 'exécuteur des dernières volontés' de ce dernier , qu'il opère à l'article 3°), une distinction entre 'exécuteurs testamentaires' et 'administrateurs' tout en employant ces termes au pluriel ce dont il y a lieu de déduire d'une part, que les fonctions des uns et des autres sont distinctes et d'autre part que différentes personnes en seraient investies, qu'il dispose, enfin, à l'article 11°), que les exécuteurs testamentaires (au pluriel) du de cujus auront le pouvoir de faire appel à un avocat ce dont il semble s'inférer que [O] [T] [R] ne serait pas seul habilité à agir en justice pour le compte de la succession ;

Qu'il s'ensuit que les termes, à tout le moins équivoques et ambigus, du testament de [M] [D] [R], ne permettent aucunement d'accréditer la prétention de [O] [T] [R] à pouvoir agir pour le compte de la succession de son père sans avoir à justifier d'un mandat de représentation des autres héritiers à savoir, selon les éléments dont dispose la cour, les trois autres enfants du de cujus ;

Que, dans ces conditions, ne saurait être retenue comme digne de foi l'opinion de [S] [C] selon laquelle [O] [T] [R] serait la seule personne autorisée à gérer la succession de son père y compris, mais non limitativement, afin de récupérer toutes les sommes dues à la succession, opinion qui ne trouve de fondement ni dans le testament dont elle prétend avoir été, en sa qualité d'avocate, la rédactrice, ni dans les lois jamaïcaines dont elle ne précise aucunement les références et que [O] [T] [R] se garde, en toute hypothèse, de communiquer à la Cour ;

Que, par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré [O] [T] [R] irrecevable, pour défaut de qualité, à agir pour le compte de la succession de son père ;

Sur la recevabilité à agir de [A] [K] :

Considérant que les sociétés intimées contestent la qualité à agir de [A] [K] qui ne justifierait pas de sa participation aux prestations du groupe [P] dont la composition était à géométrie variable ;

Mais considérant que les appelants produisent en pièce n° 8 une notice biographique extraite de l'Encyclopédie du Reggae publiée en 2005 aux Editions ALTERNATIVES par [DS] [J] d'où il résulte que [A] [K] est l'un des trois membres fondateurs du groupe musical [P] et a participé à tous les enregistrements répertoriés dans la discographie de ce groupe ;

Considérant que les sociétés intimées n'opposant à cette pièce de la procédure aucune preuve contraire, la qualité à agir de [A] [K] est vainement contestée pour les enregistrements reproduisant des prestations du groupe [P] ;

Que force est de relever, en revanche, que [A] [K] ne dément pas que les titres 'mango tree', 'version drop', biggerboss', 'wire version', 'i'm a believer version', 'the removers', 'the selah version', et 'selah', reproduits dans la compilation CD '[P] MEET SIR J. JOHNSON & FRIENDS', ne relèvent pas du répertoire du groupe [P] et n'ont pas été interprétés par lui mais par d'autres groupes ainsi que l'indiquent au demeurant les mentions figurant sur la jaquette de la compilation incriminée ;

Que [A] [K] est, par voie de conséquence, irrecevable à agir pour les enregistrements précités ;

Sur le fond :

Sur les faits incriminés :

Considérant que la société EMI MUSIC FRANCE reconnaît expressément (page 3 de ses dernières écritures) avoir fabriqué et commercialisé en France à partir de 2001, les enregistrements des titres interprétés par [F] [I] 'Boom a yeah' et 'Zion land', respectivement reproduits dans les compilations intitulées 'ABSOLUTE REGGAE' et 'REGGAE ALL STARS'ainsi que l'enregistrement du titre 'Train to Skaville' interprété par le groupe [P], reproduit dans la compilation 'ABSOLUTE REGGAE' ;

Considérant que la société CULTURE PRESS ne conteste pas pour sa part avoir fabriqué et commercialisé en France, pour le moins depuis 1996, les 52 titres (cités en pages 19 et 20 de ses dernières écritures) interprétés par [F] [I] et reproduits dans les compilations suivantes :

-'NEW NAME' : 13 enregistrements,

-'TRILOGY' : 33 enregistrements répartis entre les trois albums composant la compilation, respectivement intitulés : 'RASTAFARIDUB', 'NYABINGHI', 'KIBIR AM LAK',

-'REGGAE COLLECTION Vol.3" : 2 enregistrements,

-'REGGAE COLLECTION Vol.4" : 1 enregistrement,

-'REGGAE COLLECTION Vol.6" : 1 enregistrement,

-'REGGAE FROM JAMAÏCA' : 2 enregistrements ;

Qu'elle conteste, en revanche, exploiter en France l'album 'FREEDOM SOUNDS', dont 6 enregistrements sont revendiqués par [F] [I], en faisant valoir que la pièce 16 versée aux débats par les appelants au soutien de leur demande attribue l'édition de l'album à RHINO RECORDS ;

Mais considérant que la pièce 16 correspond au catalogue printemps-été 2000 'Musiques du Monde' de la société CULTURE PRESS et expose l'album FREEDOM SOUNDS avec, à ses côtés, l'indication 'réédition de l'album original RHINO RECORDS', dont il découle que si l'édition initiale a été effectivement réalisée par la société RHINO RECORDS, la réédition revient à la société CULTURE PRESS laquelle ne saurait, en toute hypothèse, s'emparer d'une telle indication pour contester offrir en vente un album figurant dans son catalogue ;

Considérant que la société CULTURE PRESS observe cependant, à juste titre, que l'album fait mention de 5 des 6 titres revendiqués par [F] [I] ;

Que la cour retient de l'ensemble de ces éléments que la société CULTURE PRESS a commercialisé en France 57 enregistrements de [F] [I] ;

Considérant, enfin, que la société CULTURE PRESS reconnaît commercialiser en France (page 25 de ses dernières écritures), 41 enregistrements du groupe [P], à juste titre revendiqués par [A] [K] membre de ce groupe, et se répartissant comme suit :

- 23 enregistrements reproduits dans l'album [P] MEET SIR J.JOHNSON & FRIENDS,

- 14 enregistrements reproduits dans l'album WOMAN CAPTURE MAN,

- 1 enregistrement dans chacune des compilations : REGGAE COLLECTION Vol.2, Vol.3, Vol.4, REGGAE FROM JAMAÏCA ;

Sur le droit applicable :

Considérant qu'il est constant que les enregistrements incriminés ont tous été fixés pour la première fois en Jamaïque entre 1964 et 1985 ;

Considérant que les sociétés intimées font valoir que le titulaire des droits sur les enregistrements en cause doit être déterminé selon la loi applicable à raison du lieu et de la date de la première fixation ;

Qu'elles font à cet égard observer :

- que la loi applicable en Jamaïque à l'époque de la fixation des enregistrements est le Copyright Act de 1911 dont l'article 19 dispose que ' Le Copyright sur les enregistrements (...) sera de cinquante années (...) et la personne qui est propriétaire des bandes-mères à la date où elles ont été réalisées sera considérée comme étant le titulaire des droits (...)' ;

- qu'une telle disposition ne subordonne aucunement la cession des droits des artistes-interprètes au bénéfice du producteur à la formalisation d'un contrat de cession ;

- que le Copyright Act de 1993 réformant celui de 1911 prévoit expressément : 'Si au jour d'entrée en vigueur désigné, des droits de copyright subsistent en vertu de l'article 19 du Copyright Act de 1911 (...) ces droits de copyright continueront d'avoir la même étendue et les mêmes effets que ceux qu'ils auraient eus si la présente loi n'avait pas été votée' ;

- que, dans le même sens, l'article 20 de la Convention de Rome, ratifiée par la Jamaïque le 27 janvier 1994, prône 'le respect des droits acquis dans l'un quelconque des Etats contractants antérieurement à l'entrée en vigueur pour cet Etat de la Convention ...' ;

Qu'elles soutiennent que le producteur de la première fixation réalisée en Jamaïque entre 1964 et 1985, propriétaire des bandes-mères, est présumé titulaire, au regard des dispositions qui précèdent, de l'ensemble des droits sur les enregistrements concernés en ce compris les droits des artistes-interprètes ;

Qu'elles prétendent ainsi être régulièrement titulaires des droits attachés aux enregistrements en cause pour les détenir du producteur d'origine, propriétaire des bandes-mères, à savoir [LK] [B] pour les enregistrements revendiqués par [F] [I], [E] [W] pour les 41 enregistrements de [A] [K] exploités par la société CULTURE PRESS, Niney HOLNESS pour l'enregistrement 'Train to Skaville' revendiqué par [A] [K] et exploité par la société EMI MUSIC FRANCE ;

Considérant que les appelants rappellent pour leur part qu'ils incriminent des actes de fabrication et/ou de commercialisation par les sociétés intimées de phonogrammes reproduisant sans autorisation leurs prestations et soulignent que de tels actes ayant eu lieu sur le territoire français postérieurement à la signature en 1993 par la Jamaïque de la Convention de Rome qui prévoit que chaque Etat accordera le bénéfice du traitement national aux ressortissants des autres Etats signataires, la loi française du 3 juillet 1985 consacrant les droits des artistes-interprètes est applicable à l'espèce et impose aux sociétés intimées, professionnelles avisées de l'exploitation de produits culturels auxquels sont attachés des droits de propriété intellectuelle, de s'assurer que les enregistrements exploités en France sous forme de CD ont été reproduits dans le respect des droits des artistes-interprètes ;

Considérant, ceci étant posé, que la généralité des termes de l'article 19 du Copyright de 1911, invoqué par les sociétés intimées, ne permet pas de regarder le producteur de la première fixation, détenteur de la bande-mère à la date où celle-ci a été réalisée, comme titulaire de l'ensemble des droits, nés, ou à naître dans les cinquante années suivant la fixation, sur l'enregistrement, et plus spécialement des droits voisins d'artistes-interprètes ;

Considérant que la cour est saisie des atteintes qui auraient été portées à compter de 1996 aux droits des appelants des suites de la fabrication et/ou de la commercialisation en France par les sociétés intimées, des enregistrements litigieux ;

Considérant qu'il est constant que la France et la Jamaïque sont, pour ce qui est de la période postérieure à novembre 1996, concernée par le litige, signataires de la Convention de Rome qui érige en principe en son article 4, que chaque Etat accordera le bénéfice du traitement national aux ressortissants des autres Etats signataires ;

Considérant que ces dispositions nouvelles ont vocation, sans pour autant rétroagir au sens de l'article 20 de la Convention, à gouverner l'appréciation des atteintes portées aux droits des artistes-interprètes à raison d'actes de reproduction et de commercialisation commis à compter de 1996 soit postérieurement à l'entrée en vigueur de celles-ci ;

Qu'il s'ensuit que [F] [I] et [A] [K] sont bien fondés à se prévaloir du bénéfice de la protection de la loi française du 3 juillet 1985 en vertu de laquelle : Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public (...) ;

Et que les sociétés intimées, en revanche, sont mal fondées à se prétendre titulaires, sur les enregistrements litigieux, de l'ensemble des droits d'exploitation, du seul fait qu'elles viendraient aux droits du producteur d'origine, propriétaire des bandes-mères ;

Considérant qu'il est constant que les sociétés intimées sont dans l'incapacité de justifier pour les enregistrements en cause, d'une autorisation expressément consentie par l'artiste-interprète à la reproduction de la première fixation de sa prestation au sens de l'article L.213-3 du Code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 3 juillet 1985, autorisation que ne saurait se déduire, ainsi qu'il résulte des développements qui précèdent, de la titularité, à la supposer établie, des droits de production ;

Qu'il s'en infère, qu'en fabricant et /ou commercialisant en France, après le 22 novembre 1996 pour la société CULTURE PRESS et à compter de 2001 pour la société EMI MUSIC FRANCE des enregistrements reproduisant, sans avoir recueilli leur autorisation, des prestations de [F] [I] et de [A] [K], les sociétés intimées ont porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes dont ces derniers sont respectivement investis ;

Considérant que le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a retenu que les sociétés intimées justifiaient, comme venant aux droits du producteur initial, détenir les droits d'artistes-interprètes sur les enregistrements litigieux ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que selon les dispositions de l'article L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, la juridiction prend en considération, pour fixer les dommages-intérêts, les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ;

Considérant que la société CULTURE PRESS ne verse aux débats aucun élément susceptible de permettre une estimation du nombre d'albums fabriqués et commercialisés au mépris des droits d'artistes-interprètes ;

Qu'elle se contente de proposer, eu regard du nombre de titres interprétés et, sans plus de précision, 'des usages de la profession', des dommages-intérêts d'un montant de 1793,48 euros pour [F] [I] et de 1242,68 euros pour [A] [K] ;

Considérant que la société EMI MUSIC FRANCE indique avoir vendu, depuis 2001, 23 345 exemplaires de la compilation ABSOLUTE REGGAE et 26 960 exemplaires de la compilation REGGAE ALL STARS, précise que la première compilation, comptant 72 titres dont 2 titres sont respectivement interprétés par [F] [I] et [A] [K] a généré une recette brute par titre de 4 523,09 euros tandis que la seconde compilation incluant un unique titre de [F] [I] a produit une recette brute par titre de 10 271,76 euros ;

Considérant que force est de rappeler que la société CULTURE PRESS a exploité, depuis novembre 1996, 57 enregistrements reproduisant des interprétations de [F] [I] et 41 enregistrements reproduisant des interprétations de [A] [K] ;

Considérant qu'au regard de ces éléments d'appréciation quantitatifs et de la nécessaire prise en compte du préjudice moral causé aux artistes-interprètes titulaires des droits, il y a lieu de condamner la société CULTURE PRESS, dont l'offre d'indemnisation est insuffisante, à verser à titre de dommages-intérêts :

- à [F] [I] la somme de 30.000 euros,

- à [A] [K] la somme de 25.000 euros,

et de condamner la société EMI MUSIC FRANCE à verser à titre de dommages-intérêts :

- à [F] [I], la somme de 5.000 euros,

- à [A] [K], la somme de 3.000 euros ;

Considérant que le préjudice des appelants étant intégralement réparé par les dommages-intérêts ci-dessus alloués, la mesure de publication judiciaire sollicitée à titre de réparation complémentaire n'est pas justifiée ;

Sur l'appel en garantie :

Considérant qu'il est constant que la société CULTURE PRESS, par l'intermédiaire de son agent la société CHARLY LICENSING APS, a consenti à la société EMI MUSIC FRANCE, pour les compilations ABSOLUTE REGGAE et REGGAE ALL STARS, une licence d'exploitation portant sur 43 enregistrement en ce compris les enregistrements litigieux de [F] [I] et [A] [K] ;

Considérant que la société CULTURE PRESS ne conteste pas la garantie contractuelle invoquée à son encontre par la société EMI MUSIC FRANCE ;

Qu'elle sera en conséquence condamnée à garantir la société EMI MUSIC FRANCE du paiement des condamnations prononcées à son encontre ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré [O] [T] [R] irrecevable, pour défaut de qualité, à agir pour le compte de la succession de son père,

L'infirmant pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la société CULTURE PRESS a porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes de [F] [I] en fabriquant et en commercialisant à compter de 1996, 57 enregistrements reproduisant des interprétations de ce dernier dans les albums :

- 'NEW NAME' : 13 enregistrements,

- 'TRILOGY' : 33 enregistrements répartis entre les albums : 'RASTAFARIDUB', 'NYABINGHI', 'KIBIR AM LAK',

- 'REGGAE COLLECTION Vol.3" : 2 enregistrements,

- 'REGGAE COLLECTION Vol.4" : 1 enregistrement,

- 'REGGAE COLLECTION Vol.6" : 1 enregistrement,

- 'REGGAE FROM JAMAÏCA' : 2 enregistrements,

- 'FREEDOM SOUNDS' : 5 enregistrements,

Dit que la société CULTURE PRESS a porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes de [A] [K] en fabriquant et en commercialisant à compter de 1996, 41enregistrements reproduisant des prestations du groupe [P] dans les albums :

- [P] MEET SIR J.JOHNSON & FRIENDS : 23 enregistrements,

- WOMAN CAPTURE MAN : 14 enregistrements,

- REGGAE COLLECTION Vol.2 : 1 enregistrement,

- REGGAE COLLECTION Vol.3 : 1 enregistrement,

- REGGAE COLLECTION Vol.4: 1 enregistrement,

- REGGAE FROM JAMAÏCA : 1 enregistrement,

Dit que la société EMI MUSIC FRANCE a porté atteinte aux droits d'artiste-interprète de [F] [I] en fabriquant et en commercialisant à compter de 2001 les albums 'ABSOLUTE REGGAE' et 'REGGAE ALL STARS' reproduisant chacun 1 de ses enregistrements, ainsi qu'aux droits d'artiste-interprète de [A] [K] en fabriquant et commercialisant à compter de 2001 l'album 'ABSOLUTE REGGAE' reproduisant 1 de ses enregistrements,

Interdit aux sociétés CULTURE PRESS et EMI MUSIC FRANCE la poursuite des actes illicites consistant à fabriquer, importer, distribuer, commercialiser les albums précités sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société CULTURE PRESS à verser à titre de dommages-intérêts :

- à [F] [I] la somme de 30.000 euros,

- à [A] [K] la somme de 25.000 euros,

Condamne la société EMI MUSIC FRANCE à verser à titre de dommages-intérêts :

- à [F] [I], la somme de 5.000 euros,

- à [A] [K], la somme de 3.000 euros,

Condamne la société CULTURE PRESS à garantir la société EMI MUSIC FRANCE du paiement des condamnations prononcées à son encontre,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne in solidum les sociétés CULTURE PRESS et EMI MUSIC FRANCE aux dépens de première instance et d'appel qui seront, pour ces derniers, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à payer à [F] [I] et à [A] [K], ensemble, une indemnité de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/03818
Date de la décision : 14/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°09/03818 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-14;09.03818 ?
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