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13/12/2011 | FRANCE | N°11/00105

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 13 décembre 2011, 11/00105


Grosses délivrées aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 13 DECEMBRE 2011

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00105

Décision déférée : Ordonnance rendue le 24 Novembre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Pascale BEAUDONNET, Conseillere à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite C

our pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 d...

Grosses délivrées aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 13 DECEMBRE 2011

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00105

Décision déférée : Ordonnance rendue le 24 Novembre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Pascale BEAUDONNET, Conseillere à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi no2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 18 octobre 2011 :

APPELANTE

- CARRELAGESMOINSCHER S.A. société de droit luxembourgeois

4 rue d'Arlon

L-8399 WINDHOF

LUXEMBOURG

représentée par Me Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2263

et

INTIMÉE

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

6 bis rue Courtois

93695 PANTIN CEDEX

représentée par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 18 octobre 2011, l'avocat du requérant et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

La minute de la présente ordonnance est signée par la déléguée du premier président et Carole MEUNIER, greffier auquel la minute de la présente ordonnance a été remise.

* * * * *

Vu l'appel reçu au greffe de la cour d'appel de Paris de la société de droit luxembourgeois Carrelagesmoinscher contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de grande instance de Créteil, en date du 24 novembre 2010, qui a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder à des opérations de visites et saisies dans différents locaux situés à Santeny (94) susceptibles d'être occupés par la SASU Carrelagesmoinscher France et/ou la SA Carrelagesmoinscher et/ou des membres de la famille X... ;

Vu ladite ordonnance du 24 novembre 2010 rendue sur la requête présentée par l'administration fiscale selon laquelle la société de droit luxembourgeois Carrelagesmoinscher SA, représentée par son administrateur unique Bruno X..., dont le siège est situé au Luxembourg et qui a pour objet la commercialisation de produits fabriqués et/ou la vente par correspondance sur catalogue, exercerait sur le territoire national une activité de commercialisation de carrelages sans souscrire les déclarations de résultats correspondantes, omettant de passer les écritures comptables y afférentes, et étant ainsi présumée s'être soustraite ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés ;

Vu les conclusions récapitulatives, déposées le 17 octobre 2011, par lesquelles la société Carrelagesmoinscher, appelante, nous prie de :

- constater que la production par l'intimé de la pièce no2 constitue une violation de l'obligation de loyauté, des règles du procès équitable et du principe de l'égalité des armes et par conséquent de l'exclure des débats,

- annuler l'ordonnance du 24 novembre 2010,

- condamner l'intimé à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

Vu les écritures de M. le Directeur général des finances publiques, intimé, qui entend voir confirmer l'ordonnance et condamner l'appelante au paiement d'une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

Sur ce :

Considérant que la pièce no 2 produite par l'intimée correspond au procès-verbal de visite et de saisie ; que l'appel n'étant pas dirigé contre les opérations de visite qui ont eu lieu en exécution de l'ordonnance dont appel, l'exigence d'un procès équitable conduit à l'écarter des débats ;

Considérant, sur le fond, que la société Carrelagesmoinscher (la société) fait valoir que :

- les présomptions retenues par le JLD ne se rapportent à aucune des infractions définies par l'article L. 16 B LPF dès lors qu'il n'est pas établi que la société ait des obligations déclaratives fiscales en application de la législation française ;

- les suspicions alléguées reposent sur des affirmations fausses contenues dans la requête ;

- 17 pièces soumises au JLD par l'administration à l'appui de sa requête sont illicites ;

- l'administration a manqué à son devoir de loyauté dans la présentation du dossier au JLD ;

- l'agent qui a sollicité la mise en oeuvre des visites domiciliaires n'était pas habilité à le faire ;

- l'utilité réelle des visites au regard des buts poursuivis n'était pas établie en l'absence de tout contrôle de proportionnalité de la mesure ;

Considérant que, pour retenir qu'il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois Carrelagesmoinscher SA développait de manière prépondérante sur le territoire français une activité de commercialisation de carrelages sans souscrire les déclarations de résultat correspondantes, le premier juge s'est fondé sur l'ensemble des éléments qui lui ont été soumis et notamment le fait que cette société paraissait être hébergée dans les locaux de son expert-comptable au Luxembourg et ne disposait pas à son siège social de moyens propres lui permettant d'exercer son activité, le fait que M. Bruno X..., administrateur unique et dirigeant de la société, étant domicilié en France, le centre décisionnel de la société est présumé se situer en France, la localisation en France, l'hébergement et l'administration du site internet à partir duquel s'exerçait l'activité et la présentation sur ce site d'une activité soumise à la législation française, la revendication lors de l'enregistrement de la marque à l'Office du Benelux de l'existence d'un établissement en France, l'embauche d'un salarié en France, l'utilisation des services d'une société de stockage et de logistique en France pour livrer les clients français et la mention sur le site internet de l'existence d'un magasin de carrelages à Santeny (94) dans des locaux correspondant au siège d'une filiale française ;

Considérant, sur le premier moyen, que le débat instauré par l'appelante relativement aux modes de commercialisation de ses produits qu'elle aurait adoptés pour la France et par conséquent au fait que, par application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, elle ne serait pas soumise à l'impôt en France, relève du juge de l'impôt ;

Considérant, sur le deuxième moyen, qu'il appartient au premier président d'apprécier s'il existait, à la date de l'autorisation de visite, des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée ;

Considérant que, pour présumer que la société ne disposerait pas, à l'adresse de son siège social au Luxembourg, de moyens propres lui permettant d'exercer une activité conforme à son objet social, l'administration s'est prévalue de constatations laissant présumer que la société est hébergée dans les locaux de son expert-comptable, la société Ecofi, sans disposer de lignes téléphoniques à son nom ;

Considérant, cependant, que l'appelante, dont le siège social est situé au Luxembourg, 4 rue d'Arlon, Windhof et qui a pour objet la commercialisation de produits fabriqués neufs, justifie avoir obtenu le 5 mai 2008 du Centre commun de la sécurité sociale de Luxembourg une "autorisation d'établissement" et du fait qu'une telle autorisation, nécessaire aux activités commerciales, ne peut être octroyée que si l'entreprise dispose d'un lieu d'exploitation fixe au Luxembourg ;

Qu'en outre, elle établit être titulaire d'un bail commercial consenti par la société Ecofi le 1er avril 2008 pour les locaux de son siège social afin d'exploiter le commerce par internet de carrelages ; qu'elle produit aussi un contrat de location à son profit en gare de Luxembourg d'une surface de 354 m² destinée à l'entreposage de carrelages et établit que ce contrat a été enregistré à Luxembourg, actes civils, le 10 novembre 2009 ; qu'elle justifie enfin avoir pris en location, suivant bail commercial du 1er septembre 2010, des locaux dans la zone industrielle Windhof, 16 rue d'Arlon au Luxembourg ; que, par ailleurs, l'appelante produit une facture téléphonique de la société Transatel Lux du mois d'août 2010 au nom et à l'adresse de la société ;

Considérant que ces éléments, qui pouvaient, au moins pour partie, être connus de l'administration (autorisation d'établissement, bail enregistré) n'ont pas été portés à la connaissance du JLD bien que de nature à combattre la présomption alléguée ;

Considérant, par ailleurs, que l'administration a entendu justifier du fait que M. X..., administrateur unique et dirigeant de la société, est domicilié en France à Santeny (94), en produisant les statuts de la société et la déclaration des revenus 2008 de M. et Mme X..., non signée ;

Considérant, cependant, que l'appelante justifie du fait que M. Bruno X... réside avec sa famille depuis le 1er juin 2008 en Belgique ; qu'elle produit la déclaration signée des revenus 2008 de M. et Mme X... faisant apparaître leur domicile en Belgique ; que l'administration ne conteste pas que les époux X... résident en Belgique depuis 2008 et expose que la pièce fiscale produite au JLD n'est pas un faux mais le résultat d'une carence dans la prise en charge informatique de la déclaration des revenus des époux X... ;

Considérant, en toute hypothèse, que l'administration ne pouvait ignorer le fait que M. et Mme Bruno X... avaient déménagé ; qu'en effet, les avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation afférente à leur résidence en France (Santeny, 94) les mentionnaient parmi les occupants des lieux en 2007, mais non en 2008 ;

Considérant qu'il en résulte que les conclusions du JLD - selon lesquelles d'une part la société ne disposerait pas, à l'adresse de son siège social au Luxembourg, de moyens propres lui permettant d'exercer une activité conforme à son objet social et d'autre part le centre décisionnel de la société serait présumé se situer en France compte tenu de la résidence en France de son dirigeant - sont tirées des éléments incomplets ou inexacts qui lui ont été soumis et ne peuvent donc être retenues ;

Considérant, enfin, s'agissant du site internet www.carrelagesmoinscher.fr qu'ainsi que le relève le premier juge, il s'agit d'un site exploité par la société Carrelagesmoinscher SA sise au Luxembourg ; que si le nom de domaine Carrelagesmoinscher.fr est hébergé chez OVH à Roubaix, le titulaire et administrateur de ce nom de domaine est M. X... pour Carrelagesmoinscher SA au Luxembourg ; que l'existence d'une seule connection au compte OVH depuis l'adresse IP française ne saurait suffire à permettre de présumer que le site internet, propriété de la société, serait géré et administré depuis la France ;

Considérant que, faute pour chacune des présomptions ci-dessus analysées d'être justifiée à la date de la décision, la preuve de l'existence d'une présomption de fraude fiscale de la société, qui ne saurait résulter des seuls autres éléments sus-rappelés produits par l'administration, n'est pas suffisamment établie ;

Considérant que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens présentés par l'appelante, il convient de faire droit à sa demande, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de rejeter la demande de l'administration fiscale ;

Considérant que l'équité conduit à allouer à l'appelante une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Ecartons des débats la pièce no 2 produite par M. le Directeur général des finances publiques ;

Infirmons l'ordonnance rendue le 24 novembre 2010 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Créteil ;

Rejetons la requête de l'administration fiscale tendant à autorisation de visite et saisie à l'encontre de la société de droit luxembourgeois Carrelagesmoinscher SA ;

Condamnons M. le Directeur général des finances publiques à payer à la société Carrelagesmoinscher SA une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons les parties pour le surplus ;

Condamnons M. le Directeur général des finances publiques aux dépens ;

LE GREFFIER

Carole MEUNIERLE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Pascale BEAUDONNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/00105
Date de la décision : 13/12/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-12-13;11.00105 ?
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