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13/12/2011 | FRANCE | N°10/24676

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 13 décembre 2011, 10/24676


Grosses délivrées aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 13 DECEMBRE 2011

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24676 (jonction des dossiers 10/24676 et 10/24679 sous le seul et unique numéro de RG : 10/24676 )

Décision déférée : Ordonnance rendue le 07 Décembre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Recours contre les operations de visites et de saisisie en date du 8 dÃ

©cembre 2010 dans les locaux et dépendances sis ...

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Pascale BEAUDO...

Grosses délivrées aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 13 DECEMBRE 2011

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24676 (jonction des dossiers 10/24676 et 10/24679 sous le seul et unique numéro de RG : 10/24676 )

Décision déférée : Ordonnance rendue le 07 Décembre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Recours contre les operations de visites et de saisisie en date du 8 décembre 2010 dans les locaux et dépendances sis ...

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Pascale BEAUDONNET, Conseillere à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi no2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 18 octobre 2011 :

APPELANTE

- WORLDLODGE LIMITED société de droit britannique

Finsgate 5 - 7 Cranwood Street

LONDON EC1V 9 EE

UNITED KINGDOM

représentée par Me Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI, avocat au barreau de PARIS

et

INTIMÉ

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D' ENQUETES FISCALES

6, bis rue Courtois

93695 PANTIN CEDEX

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 18 octobre 2011, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

La minute de la présente ordonnance est signée par la déléguée du premier président et Carole MEUNIER, greffier auquel la minute de la présente ordonnance a été remise.

* * * * * *

Vu la déclaration d'appel déposée le 21 décembre 2010 au greffe de la cour d'appel de Paris par la société de droit britannique Worldlodge Limited contre l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 7 décembre 2010, qui a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder à des opérations de visites et saisies dans différents locaux situés à Paris susceptibles d'être occupés par la société Worldlodge Limited et/ou la SA Centre d'affaires rue de la Paix et /ou Jean-François X... et /ou Anna Y... ;

Vu ladite ordonnance du 7 décembre 2010 rendue sur la requête présentée le 29 novembre 2010 par l'administration fiscale selon laquelle la société de droit britannique Worldlodge Limited exercerait sur le territoire français une activité professionnelle de locations et/ou de ventes dans le secteur de l'immobilier de luxe sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et/ou en minorant ses recettes, et ne procéderait pas à la passation des écritures comptables y afférentes, étant ainsi présumée s'être soustraite ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA ;

Vu le procès-verbal de visite et de saisie du 8 décembre 2010 ;

Vu les conclusions par lesquelles la société de droit britannique Worldlodge Limited, appelante, nous prie, au visa de l'article 6§1 CEDH de :

- ordonner la jonction entre les procédures no 10/24676 et 10/24679 ;

- dire nulle l'ordonnance du 7 décembre 2010 et par conséquent annuler la visite domiciliaire effectuée le 8 décembre 2010 en exécution de cette ordonnance,

- condamner le Directeur général des finances publiques à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 CPC.

Vu les écritures de M. le Directeur général des finances publiques, intimé, tendant à la confirmation de l'ordonnance du 7 décembre 2010 et au paiement par l'appelante d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

SUR CE :

Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des procédures no 10/24676 et 10/24679 relatives l'une au recours contre l'ordonnance du 7 décembre 2010 et l'autre au procès-verbal de visite et de saisie dressé le 8 décembre 2010 en exécution de cette ordonnance ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 7 décembre 2010, l'appelante fait valoir :

- que cette décision fait peser un doute sur l'impartialité du juge dès lors qu'elle est en tous points de fond et de forme identique à une ordonnance rendue le même jour par le juge des libertés et de la détention de Grasse autorisant sur la base des mêmes présomptions une visite dans les locaux d'une autre société et que, pré-rédigée, elle révèle une apparence de motivation et ne montre pas que le juge ait procédé à un contrôle effectif et réel du bien-fondé de la demande ;

- que l'ordonnance ne révèle pas de présomptions suffisantes de fraude en ce qu'elle repose sur les seules déclarations de la gérante de la société Property Investments rapportées par une note de l'agent des impôts en charge de la vérification de cette société ;

- que l'ordonnance se fonde sur des preuves illicites, à savoir des factures émises par la société Property Investments ;

Considérant, sur le premier moyen, que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée ;

Que la circonstance que l'ordonnance dont appel soit rédigée dans les mêmes termes qu'une autre décision fondée sur les mêmes présomptions rendue par un autre magistrat dans les limites de sa compétence territoriale, n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité et ne peut à elle seule laisser supposer que le premier juge n'aurait pas examiné les pièces qui lui étaient soumises avant d'en déduire l'existence de présomptions de fraudes fiscales ;

Que c'est vainement que l'appelante soutient que le juge paraît ne pas avoir rempli sa mission de vérification du bien-fondé de la demande d'autorisation de visite au motif que l'ordonnance qu'il a signée, rédigée dans les mêmes termes que celles de ses homologues, est un texte pré-rédigé par l'administration ; qu'en effet, en apposant sa signature au pied du projet de l'administration, qu'il lui était loisible de modifier, le magistrat a manifesté au contraire qu'il en approuvait la teneur et qu'il faisait sienne la motivation qu'il contenait, étant observé que toute critique quant à la pertinence de cette motivation relève du contrôle du premier président, en l'espèce effectivement saisi à cette fin ;

Qu'enfin, la jurisprudence de la Cour de cassation (pourvoi no 0818029) invoquée par l'appelante - aux termes de laquelle l'arrêt, qui se borne à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel d'une partie statue par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité du juge - vise une situation dans laquelle le juge statue dans le cadre d'une procédure contradictoire au vu d'éléments qui lui sont soumis par plusieurs parties à un litige ; que tel n'est pas le cas de la procédure sur requête par laquelle l'administration saisissant le JLD dans le cadre d'une procédure non contradictoire, le juge n'a pas à examiner les moyens présentés par une autre partie, mais doit vérifier concrètement, par l'appréciation des éléments qui lui sont présentés, si la demande est fondée sur des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée ;

Que l'appelante n'est pas fondée à invoquer une violation des dispositions de l'article 6 CEDH ;

Considérant, sur le deuxième moyen, que, contrairement à ce qui est soutenu, la présomption de fraude retenue par le premier juge ne repose pas sur les seules déclarations de la gérante de la société Property Investments rapportées par une note de l'agent des impôts en charge de la vérification de cette société (pièce no 11 /27 soumise au juge) ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises au premier juge et appréciées dans les motifs de sa décision que les déclarations et factures recueillies dans le cadre de la procédure de vérification de la société Property Investments (pièce no 11) ne constituent que l'un des éléments, au surplus surabondant, soumis au JLD comme concourant à l'établissement de la présomption de fraudes fiscales retenue ;

Qu'en effet, la présomption d'une absence de moyens d'exploitation à l'adresse du siège de la société Worldlodge Limited à Londres est fondée sur l'examen des informations publiées au registre britannique des sociétés et sur la base de données internationales ; que la présomption de l'existence de moyens d'exploitation en France repose notamment sur l'existence d'un site internet au travers duquel s'exerce l'activité, site géré et administré en France et renvoyant à des adresses en France et sur la résidence à Paris de la responsable de la société et du propriétaire du site internet ; que la présomption de l'exercice d'une activité en France repose à la fois sur l'étude des informations mentionnées sur ce site et des annonces immobilières montrant une activité dans le domaine de l'immobilier de luxe principalement en France et sur les éléments recueillis dans le cadre de la procédure de vérification de la société Property Investments permettant de présumer une activité ayant généré des honoraires importants au cours de l'année 2008 ;

Considérant que c'est à juste titre que le premier juge a, au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été présentés à l'appui de la requête, retenu qu'il pouvait être présumé que la société de droit britannique Worldlodge Limited exerçait sur le territoire français une activité professionnelle de locations et/ou de ventes dans l'immobilier de luxe sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes avant 2009, et/ou en minorant son chiffre d'affaires depuis 2009, et ainsi ne procédait pas à la passation en France de ses écritures comptables ;

Considérant, enfin, que la pièce no 11 appréciée par le JLD - et contestée par l'appelante comme émanant de la requérante et se bornant à rappeler des propos non vérifiables prêtés à un tiers - ne constitue pas une "simple note de l'Inspecteur des impôts, lequel représentant donc la partie requérante" ;

Que cette pièce est une attestation de l'inspecteur des impôts en poste à la Direction départementale des Finances Publiques des Alpes Maritimes indiquant avoir engagé une procédure de vérification de comptabilité de la société Property Investments (société ayant son siège à Cannes où elle exerçait avant sa liquidation une activité d'agence immobilière) et relatant cette procédure, ses suites et les déclarations effectuées par la gérante de cette société lors du contrôle ; que sont annexées à cette attestation les copies de 8 factures remises à l'administration dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité ;

Que cette attestation et les pièces qui y sont jointes, sont susceptibles, comme les autres éléments qui ont été produits par la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, d'être soumises à l'appréciation du juge par l'administration à l'appui de sa demande d'autorisation de visite domiciliaire à l'encontre de la société Worldlodge Limited ;

Considérant, sur le troisième moyen, qu'il ne peut être soutenu que les 8 factures jointes à l'attestation figurant en pièce no 11 "constituent des moyens de preuve d'origine illicite" ; que, s'agissant de documents remis par un contribuable à l'administration dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité, leur origine est licite ;

Que la circonstance que la société Worldlodge Limited ait, par la suite, le 10 octobre 2011, déposé plainte du chef de faux et usage de faux à l'encontre de la gérante de la société Property Investments et de son conjoint en indiquant notamment qu'elle n'a pas eu connaissance de ces factures et qu'elle n'a réalisé aucune des prestations qui lui sont imputées au titre des 4 factures qui lui auraient été adressées, n'est pas de nature à remettre en cause la licétié de l'origine de ces pièces ; que ce n'est donc qu'au surplus qu'il est rappelé que l'administration invoque ces factures comme ne correspondant pas à des prestations réellement exécutées par la société Property Investments et qu'en outre, ainsi qu'il a été dit, les présomptions de fraude retenues, ne s'appuient pas sur ce seul élément ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le recours formé par la société Worldlodge Limited et de confirmer l'ordonnance du 7 décembre 2010 ;

Considérant que le recours formé par voie de conséquence contre le procès-verbal de visite et de saisie dressé le 8 décembre 2010 en exécution de ladite ordonnance doit donc être rejeté ;

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Ordonnons la jonction des procédures no 10/24676 et 10/24679 ;

Confirmons l'ordonnance rendue le 7 décembre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris ;

Déboutons la société Worldlodge Limited de sa demande d'annulation du procès-verbal de visite et de saisie dressé le 8 décembre 2010 ;

Déboutons les parties pour le surplus ;

Condamnons la société Worldlodge Limited aux dépens ;

LE GREFFIER

Carole MEUNIER

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Pascale BEAUDONNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/24676
Date de la décision : 13/12/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-12-13;10.24676 ?
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