RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
(n° 21 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02617
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/12154
APPELANT
Monsieur [W] [C]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974
INTIMÉE
SA FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe SOLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R171 substitué par Me Gérard LLORET, avocat au barreau de PARIS, toque : R171
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par [W] [C] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 27 novembre 2009 l'ayant débouté de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 18 octobre 2011 de [W] [C] appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société FRANCE TELEVISION intimée à lui verser
9808,50 euros à titre d'indemnité de requalification
494032,13 euros à titre de rappel de salaire du 24 septembre 2004 au 13 octobre 2009
4334,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés
19617 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
1961,70 euros au titre des congés payés y afférents
14194,16 euros à titre d'indemnité de fin de contrat
58851 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
58851 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, à titre subsidiaire 19148,72 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
1000 euros pour perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation
7500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ainsi que la remise de bulletins de paye rectifiés, d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et d'un solde de tout compte ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 18 octobre 2011 de la société FRANCE TELEVISION intimée qui conclut au débouté de la demande et,
à titre subsidiaire,la limitation des sommes allouées au titre de la requalification à
1108,49 euros à titre d'indemnité de requalification
2216,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
221,69 euros au titre des congés payés y afférents,
à titre très subsidiaire,
4421,24 euros à titre d'indemnité de requalification pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002
6631 euros à titre d'indemnité de licenciement
875 euros à titre d'indemnité de requalification
1750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
5250 euros à titre d'indemnité en application de l'article L1235-3 du code du travail pour la période du 27 septembre 2006 au 21 juin 2009
2406,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,
plus subsidiairement,
6631 euros à titre d'indemnité de licenciement
4421,24 euros à titre d'indemnité de requalification pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002
5133,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
513,33 euros au titre des congés payés y afférents
2566,66 euros à titre d'indemnité de requalification pour la période du 27 septembre 2006 au 30 juin 2007
4852,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
485,22 euros au titre des congés payés y afférents
2426,13 euros à titre d'indemnité de requalification pour la période du 1er septembre 2007 au 22 juin 2008
1750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
175 euros au titre des congés payés y afférents
875 euros à titre d'indemnité de requalification pour la période du 4 août 2008 au 21 juin 2009 ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [W] [C] a été embauché par contrat de travail à durée déterminée du 1er au 31 janvier 2001 en qualité de présentateur TV de l'émission "Kontan Vwe Zot" par la Société nationale de Radio-télévision Française d'Outremer ; que ce contrat a été renouvelé à plusieurs reprises pour cette émission ; qu'il a continué de travailler pour Radio France Outremer en qualité de présentateur ou d'animateur radio des émissions "club vacances", "radio guidage moto RFO", "si c'était à refaire", "version jeune", "mi bel mizik", "mizik an nou", "club acoustic", "mas dewo", "femi", "directs caranaval", "prix Sacem", "soirée du doc", "magazine festival de la région Guadeloupe"jusqu'au 21 juin 2009 ; que postérieurement au mois de juin 2009, il n'a plus reçu de salaire, son employeur ne lui fournissant plus de travail ; qu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes le 22 septembre 2009 en vue d'obtenir la requalification de son contrat de travail et d'obtenir des indemnités de rupture ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 12 octobre 2009 présentée le lendemain 13 octobre 2009 en en imputant la responsabilité à son employeur au motif que sa situation n'avait pas été régularisée depuis janvier 2001 ; que sa rémunération mensuelle brute moyenne calculée sur la base de douze derniers mois s'élevait à la somme de 1136,34 € ; qu'il relevait de la convention collective de la production audiovisuelle ;
Considérant que [W] [C] expose que son contrat de travail doit être requalifié; qu'il ne mentionne pas les éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; que les conditions formelles de recours à un tel contrat ne sont pas non plus remplies ; que la convention collective n'est pas respectée ; que des contrats ne sont pas signés ; que l'accord du 28 juillet 2000 est illégal ; qu'il a été engagé à plein temps ; que le rappel de salaire doit être calculé en fonction du salaire horaire figurant sur ses fiches de paie ; que son contrat ne pouvait être modifié de façon unilatérale ;
Considérant que la société FRANCE TELEVISION soutient que la société RFO était fondée à n'employer l'appelant qu'en vertu de contrats à durée déterminée venant chacun à expiration au terme convenu par les parties ; qu'ils ont été conclus dans l'un des secteurs d'activité visés à l'article D121-2 du code du travail ; qu'il n'était pas d'usage de recourir à des contrats à durée indéterminée pour des emplois de présentateur et d'animateur ; qu'à titre subsidiaire elle estime que l'appelant a collaboré avec RFO durant quatre périodes du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, du 27 septembre 2006 au 30 juin 2007, du 1er septembre 2007 au 22 juin 2008 et du 4 août 2008 au 21 juin 2009 ; qu'en toutes hypothèses sa demande de rappel de salaire et d'indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée ;
Considérant en application des articles L1242-2-3° et D1242-1 du code du travail que du 1er janvier 2001 au 13 janvier 2002, pour une période d'emploi du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, puis du 27 septembre 2006 au 31 décembre 2007 l'appelant a conclu des contrats à durée déterminée mentionnant une période d'engagement, l'emploi occupé et l'émission à laquelle il devait collaborer ; qu'il était employé en qualité de présentateur TV, d'animateur TV ou d'animateur radio ; que le secteur de l'audiovisuel fait partie des secteurs pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère temporaire de l'emploi ; qu'en outre l'emploi occupé faisait partie de la liste des fonctions pouvant relever de ce type de contrat, selon l'article 3.1 de l'accord sur le recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le spectacle ; que cependant le 1er janvier 2008 l'appelant a conclu un nouveau contrat à durée déterminée d'une durée d'un mois ; qu'il était employé en qualité d'animateur radio sans que soit précisée l'émission à laquelle il devait collaborer ; que le caractère temporaire de l'emploi étant nécessairement lié à l'existence d'un émission précise à laquelle l'appelant devait prêter son concours ; qu'en l'absence d'une telle précision, le contrat à durée déterminée est irrégulier et doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
Considérant en application de l'article L1245-1 du code du travail qu'il convient d'évaluer l'indemnité de requalification à la somme de 1136,34 € ;
Considérant en application de l'article L1231-1 du code du travail que la prise d'acte de rupture du contrat de travail est fondée sur le défaut de reconnaissance du caractère indéterminée des contrats de travail conclus ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que cette requalification s'imposait à l'employeur à compter, au moins, du 1er janvier 2008 ; que de même, postérieurement au 31 décembre 2008, l'appelant a continué d'être employé sur la base de quatre contrats successifs à durée déterminée, tous irréguliers dans la forme puisque non signés du salarié ; que cette absence de signature avait pour effet d'ôter toute valeur à ces contrats ; que les contestations émises par l'appelant à l'appui de sa prise d'acte étant fondées, celle-ci produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article X alinéa 3 du protocole n°3 applicable aux salariés exerçant des métiers ou effectuant des taches directement liées au passage à l'antenne d'émissions de radiodiffusion ou de télévision, compte tenu de la valeur actuelle du point d'indice, la rémunération mensuelle brute à laquelle l'appelant pouvait prétendre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée doit être fixée à la somme de 2434,12 € ; que déduction faite de la rémunération brute totale perçue par ce dernier pour la période du 1er janvier 2008 au 13 octobre 2009, la société intimée est redevable d'un reliquat de 25581 €;
Considérant, conformément aux dispositions l'article IX.8 alinéa 1er de la convention collective applicable, que l'indemnité compensatrice de préavis doit être évaluée à la somme de 4868,24 € et les congés payés y afférents à 486,82 € ;
Considérant en application de l'article L1235-3 du code du travail que l'appelant jouissait d'une ancienneté supérieure à deux années ; qu'il résulte en effet des pièces produites qu'à la date du 1er janvier 2008 l'appelant était employé de façon interrompue par l'intimée depuis le 1er septembre 2007 ; que l'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés à la date de la rupture du contrat de travail ; que l'appelant ne démontre pas l'existence d'un préjudice devant donner lieu à une réparation d'un montant supérieur à l'indemnité minimum prévue par les dispositions légales précitées ; qu'il convient en conséquence de condamner la société au paiement de la somme de 14605 € ;
Considérant en application de l'article L1243-8 du code du travail que l'appelant n'a perçu à l'issue des contrats à durée déterminée aucune indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ; qu'il s'ensuit que la société est redevable de la somme de 3039,75 € correspondant à 10% de la rémunération totale brute versée à l'appelant dans le cadre des différents contrats conclus jusqu'au contrat requalifié ;
Considérant en application de l'article L8221-5 du code du travail qu'il n'est nullement démontré que la société ait intentionnellement mentionné un nombre d'heures de travail ne correspondant pas à ceux réellement accomplis par l'appelant ;
Considérant aux termes de l'article IX.6 de la convention collective que compte tenu de l'ancienneté de l'appelant, l'indemnité de licenciement doit être évaluée à la somme de 2434,12 € ;
Considérant en application des articles L6323-1 et D6323-1 du code du travail que compte tenu de son ancienneté, l'appelant pouvait prétendre à un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures par an ; que les effets de la prise d'acte de rupture l'ont privé du bénéfice de ce droit ; qu'il convient d'évaluer à 1000 € l'indemnisation du préjudice subi ;
Considérant qu'il convient d'ordonner à la société la remise de bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle EMPLOI conformes au présent arrêt ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer devant le conseil de prud'hommes et en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris ;
STATUANT A NOUVEAU
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISION à verser à [W] [C]
1136,34 euros à titre d'indemnité de requalification
25581 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2008 au 13 octobre 2009
4868,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
486,82 euros au titre des congés payés y afférents
3039,75 euros à titre d'indemnité de fin de contrat
14605 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2434,12 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
1000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier du droit individuel à la formation
4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la remise par la société FRANCE TELEVISION de bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle EMPLOI conformes au présent arrêt ;
DEBOUTE [W] [C] du surplus de sa demande ;
CONDAMNE la société FRANCE TELEVISION aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE