La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2011 | FRANCE | N°09/07938

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 13 décembre 2011, 09/07938


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 13 Décembre 2011



(n° 5 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07938



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny RG n° 08/01524





APPELANTE

Madame [W] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque :

P0093







INTIMÉE

SAS NEXTIRAONE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Cédric SEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149





COMPOSITION DE LA COUR :



En applica...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 13 Décembre 2011

(n° 5 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07938

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny RG n° 08/01524

APPELANTE

Madame [W] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093

INTIMÉE

SAS NEXTIRAONE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Cédric SEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente

Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Mademoiselle Caroline SCHMIDT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] [Y] a été salariée au sein du groupe Alcatel à compter du 4 avril 1997.

Elle a été embauchée, à compter du 1er mars 2002, par la société Alcatel réseaux d'entreprise, aux droits de laquelle se trouve la société NextiraOne France, en qualité de directeur des ressources humaines de la région Île de France.

L'entreprise occupait à titre habituel plus de 11 salariés et la relation de travail était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Mme [Y] était salariée protégée en tant que conseiller prud'homal.

Le 19 juin 2006, la société NextiraOne France a soumis au comité central d'entreprise un projet de réorganisation pour motifs économiques envisageant des licenciements et incluant un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui prévoyait notamment un dispositif de volontariat au départ pour projet professionnel externe. La société Altédia, cabinet de consultants, était chargée de l'accompagnement des mesures prévues par le plan.

Les salariés de l'entreprise ont été avisés en février 2007 que, pour bénéficier de cette mesure, ils devaient le demander le 31 mars 2007 au plus tard et que la société ferait connaître sa décision d'acceptation ou de refus avant le 16 avril 2007.

Par courrier du 6 juillet 2007, Mme [Y] a demandé à bénéficier de la mesure de départ volontaire dans le cadre du PSE. Elle sollicitait une réponse avant le 25 juillet suivant, date du départ en congés du directeur national des ressources humaines de l'entreprise, destinataire de son courrier.

Par lettre datée du 25 juillet 2007 il était accusé réception de la demande de la salariée et il lui était proposé un rendez-vous pour faire le point de sa situation à son retour de congé début septembre.

Le 3 août 2007 Mme [Y] a protesté contre le délai qui lui était ainsi imposé et demandé un rendez-vous pour le 28 août.

Par lettre du 10 septembre 2007 remise en main propre, la société NextiraOne France a refusé la demande de départ volontaire de Mme [Y].

Mme [Y] ayant demandé à l'employeur de revoir sa position et l'inspection du travail du travail, saisie par la salariée, étant intervenue en ce sens, le 5 octobre 2007, la société NextiraOne France a accepté la candidature de la salariée à un départ volontaire pour projet professionnel externe et lui a indiqué qu'elle serait licenciée pour motif économique en janvier 2008.

Par lettre du 16 octobre 2007, Mme [Y] a protesté contre les termes de ce courrier et spécialement contre le fait que son licenciement était différé à janvier 2008.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2007, Mme [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail « en raison de l'exécution fautive de ses obligations par NextiraOne France et ce à effet immédiat ».

Par courrier du 9 novembre 2007, la société NextiraOne France a contesté l'ensemble des griefs invoqués pour motiver la prise d'acte de rupture.

Le 23 avril 2008, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de demandes tendant en dernier lieu au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité de capitalisation du congé reclassement, d'une prime de départ volontaire, de dommages-intérêts pour exécution fautive du PSE et du contrat de travail, de dommages-intérêts pour constat d'huissier, d'un solde variable 2007, des congés payés afférents, subsidiairement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une allocation de procédure ainsi qu'à la remise de documents sociaux conformes.

La société NextiraOne France a réclamé reconventionnellement une indemnité de préavis, des dommages-intérêts pour rupture brutale et une indemnité de procédure.

Par jugement du 9 septembre 2009, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [Y] et la société NextiraOne France de l'ensemble de leurs demandes et condamné la salariée au dépens.

Mme [Y] a fait appel. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement de constater à titre principal que l'employeur a violé les engagements pris dans le cadre du PSE et les prévisions du contrat de travail, subsidiairement de dire que sa prise d'acte s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de :

- à titre principal, condamner la société NextiraOne France à lui payer :

27 193 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

8 000 euros au titre de la prime de départ volontaire prévue par le PSE,

22 980 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 298 euros au titre des congés payés afférents,

- 14 937 euros au titre de l'indemnité de capitalisation du congé de reclassement,

- 3 960 euros à titre de rappel de salaire sur partie variable 2007,

- 396 euros au titre des congés payés afférents,

- les intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure,

- 79 200 euros pour exécution fautive du PSE et du contrat de travail,

- à titre subsidiaire, de condamner la société NextiraOne France à lui payer:

- 27 193 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22 980 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 298 euros au titre des congés payés afférents,

- 79 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 960 euros à titre de rappel de salaire sur partie variable 2007,

- 360 euros au titre des congés payés afférents,

- les intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure,

- d'ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil,

- de condamner la société NextiraOne France à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société NextiraOne France conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et à son infirmation en ce qu'il a rejeté les siennes. Elle sollicite la condamnation de Mme [Y] à lui payer:

- 21 780 euros à titre d'indemnité pour non observation de son préavis,

- 10 000 euros au titre du préjudice résultant du trouble occasionné par son absence brutale,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le titre 4.3.4 du plan de sauvegarde l'emploi présenté pour information et consultation au comité central d'entreprise de la société NextiraOne France les 16 et 17 janvier 2007 prévoit « le volontariat à un projet professionnel externe » en quatre étapes circonscrites dans des délais :

- réflexion et identification du projet,

- délai de réflexion (un mois)

- confirmation de la candidature pour un projet professionnel externe par le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la direction nationale des ressources humaines « en vue d'une validation »,

- validation de la candidature au volontariat par l'employeur : « le départ du salarié sera subordonné à l'acceptation de la direction des ressources humaines ou de la direction générale. Cette validation prendra en compte la situation du salarié et le compte-rendu du projet réalisé par le cabinet ».

Il était également prévu que la validation par la direction de la demande de volontariat présentée par le salarié « engendrera la rupture de son contrat de travail à l'initiative de la société », que cette mesure constituera un licenciement motif économique, et que « les salariés protégés pourront se porter volontaires au départ, étant rappelé que leur contrat de travail ne pourra être rompu que sous réserve des règles légales et de l'autorisation de l'administration compétente ».

Il ressort des notes explicatives diffusées par la société NextiraOne France et le cabinet Altédia que le salarié volontaire devait confirmer son volontariat avant le 31 mars 2007 et que la DRH ferait connaître la décision de l'entreprise au plus tard le 16 avril 2007.

Le projet de réorganisation prévoyait la suppression de deux des cinq postes de directeur régional des ressources humaines « sans ventilation ».

Il résulte des pièces produites les faits qui suivent.

Par un courrier du 6 juillet 2007, Mme [Y], se référant à la suppression de deux des cinq postes de directeurs des ressources humaines de l'entreprise et disant faire suite à des discussions intervenues en mars précédent, a demandé à bénéficier de la mesure de départ volontaire dans le cadre du PSE. Elle indiquait :

« Consciente de la nécessité de poursuivre la mise en 'uvre du PSE dans mon établissement sans déstabiliser le dialogue social, j'ai reporté cette décision qui est maintenant compatible avec le calendrier social.

J'ai pour projet de poursuivre mon évolution professionnelle à un poste de direction des ressources humaines et ai évidemment besoin, après ces mois d'intense activité, d'être libre de mon emploi du temps pour réussir mon reclassement.

Je souhaite donc être comprise dans le projet de licenciement économique collectif et demande la rupture de mon contrat de travail aux motifs et conditions énoncés par les documents présentés au CCE et CE. (...)

Je reste donc dans l'attente de la suite que vous voudrez réserver à cette demande et vous remercie de me faire part de votre réponse quelques jours avant le 23/25 juillet, date de votre départ en congés d'été ainsi que celle de notre directeur général.

Je vous confirme également que je souhaite être en préavis non exécuté à compter du 3 septembre. Je me rendrai disponible si vous avez besoin que je préside les réunions des représentants du personnel de l'établissement de septembre. Je vous propose également de préparer à votre signature les documents requis par la procédure de rupture de contrat des salariés dits protégés ».

Par lettre datée du 25 juillet 2007, la direction a accusé réception de la demande de la salariée en lui précisant que la suppression du poste de directeur des ressources humaines de la région Île de France qu'elle occupait n'était pas prévue et que les circonstances (PSE en cours et vacances d'été) ne permettaient pas une réponse rapide. Il lui était proposé un rendez-vous pour faire le point de sa situation à son retour de congé début septembre.

Le 3 août 2007 Mme [Y] a protesté contre le délai qui lui était ainsi imposé alors qu'elle souhaitait être libre à compter du 1er septembre 2007 et a rappelé que, si le PSE ne prévoyait pas expressément la suppression de son poste, il prévoyait celle de deux des cinq postes de DRH. Elle faisait état de déconvenues récentes et d'irrégularités qu'elle disait avoir constatées, l'ayant confortée dans sa décision de départ volontaire et demandait un rendez-vous pour le 28 août.

Par lettre du 10 septembre 2007 remise en main propre, la société NextiraOne France a refusé la demande de départ volontaire de Mme [Y] au motif que « l'évolution de l'organisation de l'entreprise et les contraintes qu'elle entraîne pour les directions régionales des ressources humaines ne permettent pas d'envisager à court terme la suppression d'un poste dans cette catégorie d'emploi ».

Le 17 septembre 2007, le cabinet Altédia a établi l'évaluation de projet professionnel de Mme [Y], qui constituait la première étape du départ volontaire dans le cadre du plan. La consultante indiquait : « Mme [Y] souhaite partir dans le cadre de départ volontaire. Compte tenu de son expérience et objectif professionnel, chez Alcatel puis NextiraOne depuis 10 ans, il est important d'évoluer dans d'autres entreprises. D'où sa recherche active de poste depuis mars 07. Je l'ai accompagnée en toute confidentialité dans ce projet, en raison du contexte actuel et de ses fonctions chez NextiraOne ».

Dans un courrier 21 septembre suivant, Mme [Y] a demandé à l'employeur de revoir sa position.

L'inspection du travail, saisie par la salariée, étant intervenue en ce sens, le 5 octobre 2007, la société NextiraOne France a accepté la « candidature au volontariat pour projet professionnel externe » de la salariée et l'a avisée qu'elle serait licenciée pour motif économique en janvier 2008.

Par lettre du 16 octobre 2007, Mme [Y] a manifesté son désaccord sur les termes de ce courrier et sur le fait que son licenciement était différé à janvier 2008. Elle indiquait :

« Depuis le 4 juillet cela fait maintenant plus de quatre mois que j'attends une réponse favorable de votre part conforme à vos engagements et je ne peux pas accepter d'avoir à attendre 4 mois supplémentaires pour être dispensée d'activité professionnelle. A cet égard, vous ne répondez aucunement à ma demande d'être dispensée d'exécuter mon préavis à compter du 3 septembre. J'espère aboutir bien avant le 31 janvier 2008 dans mes démarches de reclassement externe même si elles sont rendues plus laborieuses par mon activité à mon poste de travail. (...)

En conséquence, je vous prie instamment d'initier avant la fin de la semaine la procédure requise pour procéder à la notification de mon licenciement afin que mon préavis puisse débuter dès autorisation de l'inspection du travail. L'attitude dilatoire que vous persistez à observer et vos carences me portent préjudice, elles contrarient mon projet professionnel externe et sont de nature à nuire à son succès ».

Le 25 octobre 2007 l'employeur a rappelé à la salariée qu'elle avait elle-même formulé sa demande de départ volontaire dans le cadre du PSE bien postérieurement à la date à laquelle les candidatures devaient être remises, qu'elle n'avait pas l'intention initialement de la licencier et qu'elle avait accepté malgré sa demande hors délai son départ volontaire, malgré la nécessité de la remplacer dans ses fonctions. Elle ajoutait :

« Conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, un diagnostic de votre projet personnel devait être effectué par notre cabinet prestataire. Ce diagnostic a été réalisé le 17 septembre 2007.

Ce n'est donc que postérieurement à cette date que nous avons été en mesure de répondre favorablement à votre candidature.

Dans ce cadre, en fonction des nécessités du service et conformément au pouvoir d'organisation de l'employeur, la date de notification de votre licenciement pour motif économique interviendra au mois de janvier 2008. (...)

Nous ne sommes nullement tenus de vous notifier une rupture à une date répondant à vos exigences personnelles.

De la même manière, nous n'avons aucune obligation à l'égard d'une dispense d'activité que vous réclamez avec une insistance et d'une manière qui me semble inadaptée ».

C'est dans ces conditions que, le 6 novembre 2007, Mme [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail « en raison de l'exécution fautive par NextiraOne France de ses obligations et ce, à effet immédiat », en ces termes :

« ...dans le cadre du PSE engagé en mai 2006, j'ai fait choix, dès mars 2007, de quitter l'entreprise par la procédure du volontariat.

Or, vous avez de manière déloyale, tenté de vous opposer à mon départ puis, sur intervention de l'inspection du travail, accepté mais en maintenant une date de départ tardive, à savoir fin janvier 2008 et avez tenté de justifier cette date par des artifices ou des arguties. (...)

Le second motif consiste à opposer, pour la toute première fois, la demande tardive de départ volontaire. Or cet argument ne m'a jamais été opposé même pour refuser ma candidature car j'ai initié ma démarche auprès d'Altédia dès mars 2007 et en ai informé le DRH national simultanément. La nécessité de mener à bien le PSE au sein de l'établissement IDF et la nature de mes fonctions ont différé la diffusion de cette information. Il est tout à fait artificiel de tenter de situer au 17 septembre le point de départ du préavis pour justifier la date de fin janvier : dès le 4 juillet je vous confirmais par écrits mes contacts antérieurs avec Altédia dont je peux justifier si besoin était. (...)

Par ailleurs, votre pouvoir de direction s'est traduit en juin 2006 par votre décision de supprimer deux des cinq postes de DRH régionaux. Il est abusif et déloyal de différer autant la notification de la rupture de mon contrat de travail en invoquant ce même pouvoir. Votre pouvoir d'organisation comporte aussi des obligations et de nombreuses solutions pouvaient être mises en 'uvre afin de satisfaire conjointement les nécessité du service et mes propres exigences professionnelles de reclassement externe. Je tente moi-même de concilier ces deux exigences depuis mars dernier au prix de beaucoup d'énergie et de loyauté, ma décision de me porter volontaire ayant été tenue parfaitement secrète à l'égard de tous en interne ».

Le 8 novembre 2007, la société NextiraOne France a fait diligenter par huissier une sommation interpellative à Mme [Y] dans les locaux de la Fédération nationale du Crédit agricole où elle se trouvait en faisant état de divers articles de presse annonçant son arrivée au sein de cette fédération pour y exercer des fonctions de DRH.

Le plan social prévoyant la suppression de deux postes de directeur régional des ressources humaines sur les cinq existant et la société NextiraOne France ne démontrant pas que ces suppressions devaient se traduire par une autre mesure que des licenciements, Mme [Y] était éligible à postuler pour un départ volontaire.

Il résulte des éléments développés ci-dessus que, si Mme [Y] ne justifie d'aucune candidature officielle et dans les formes prévues au PSE à un départ volontaire dans le cadre du PSE avant juillet 2007, il n'en reste pas moins, qu'ainsi que l'indique le cabinet de conseil Altédia dans le compte-rendu d'évaluation, la salariée avait manifesté cette intention depuis mars 2007 et avait été suivie dans sa recherche active de poste en externe depuis cette date, cette démarche et ces recherches étant demeurées confidentielles dans la mesure où l'entreprise était en cours d'exécution d'une restructuration et d'un plan social auxquels Mme [Y] était tenue de participer activement du fait de ses fonctions de directrice des ressources humaines.

La société NextiraOne France, mandante du cabinet Altédia, ne peut dès lors de bonne foi soutenir qu'elle ignorait tout de ce projet, des intentions et de la démarche confidentielle de sa salariée.

Le courrier de la salariée de juillet 2007 mentionnait d'ailleurs cet état de fait en se référant à des discussions en mars 2007 avec le directeur national des ressources humaines, sans que celui-ci le conteste dans son courrier d'attente du 25 juillet. La circonstance que le directeur signataire de ce courrier, supérieur direct de Mme [Y], auquel elle disait avoir annoncé ses intentions de départ volontaire, ait pris soin de différer sa réponse en septembre alors qu'il savait, ce que l'appelante ignorait, que lui-même serait remplacé à cet époque, apparaît de surcroît comme un faux-fuyant destiné à laisser les mains libres à son successeur sur ce dossier.

Le fait que la candidature au départ volontaire soit faite hors délai ne constituait pas un obstacle au bénéfice du dispositif prévu par le PSE puisque, non seulement l'entreprise a accepté en définitive d'en faire abstraction dans le cas de Mme [Y], mais il est démontré qu'elle l'avait déjà fait dans le cas d'au moins un autre salarié.

Il résulte suffisamment de ces éléments que la société NextiraOne France connaissait dès l'origine le projet de départ volontaire dans le cadre du PSE de Mme [Y] et la nécessité stratégique de le maintenir confidentiel et de l'ajourner à une période plus propice pour l'entreprise, et qu'elle s'est engagée, au moins tacitement, à y donner suite lorsque les circonstances le permettraient.

C'est en conséquence de façon déloyale, en violation des dispositions du plan comme de ses obligations contractuelles, qu'elle a dans un premier temps atermoyé, puis refusé le départ volontaire et que, l'ayant enfin accepté, elle a man'uvré de façon à contrarier les projets de la salariée dont elle savait, non seulement qu'elle avait trouvé un poste en externe, mais aussi vraisemblablement que ce poste était celui de DRH auprès de la fédération nationale du Crédit agricole (FNCA), et qui lui avait fait part à plusieurs reprises de sa préoccupation d'être libre le plus tôt possible.

En effet, ainsi que cela est démontré par la production des documents correspondants, l'arrivée de Mme [Y] à la FNCA était mentionnée dans les comptes-rendus des négociations salariales de la fédération des 5 septembre et 7 novembre 2007 publiés sur son site Internet, dont on peut douter qu'ils soient demeurés confidentiels.

Les manquements de l'employeur à ses engagements étaient suffisamment graves pour rendre le maintien du lien de travail impossible. La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée était donc justifiée.

Mme [Y] peut par conséquent prétendre, comme elle le fait à titre principal, à l'indemnisation du préjudice résultant des manquements de l'employeur à ses obligations, consistant en premier lieu dans la perte des avantages prévus au PSE en cas de départ volontaire pour projet professionnel externe.

Si la société NextiraOne France avait respecté ses engagements et admis la demande de volontariat au départ présentée par Mme [Y], il s'en serait suivi, conformément au PSE, un licenciement économique avec versement à la salariée des indemnités de rupture et de diverses indemnités spécifiques.

Les indemnités réclamées par Mme [Y] ont été exactement calculées en tenant compte de l'appartenance de Mme [Y] à la catégorie des cadres, d'une rémunération mensuelle brute de 7 660 euros incluant les primes, telle qu'elle résulte des bulletins de salaire et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC produits, des dispositions du PSE et de celles de la convention collective applicable.

Il sera fait droit aux demandes de la salariée relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, à la prime de départ volontaire et de l'indemnité de capitalisation du congé de reclassement prévues au PSE.

Le préjudice économique résultant pour la salariée des manquements de l'employeur a été réparé ci-dessus, étant précisé que Mme [Y] a immédiatement après sa prise d'acte de rupture pris ses fonctions au service de son nouvel employeur.

Il demeure toutefois un préjudice moral lié à l'intervention injustifiée d'un huissier sur son nouveau lieu de travail, aux complications engendrées par les atermoiement et le refus de l'employeur, ainsi qu'à l'obligation de diligenter une action judiciaire pour faire valoir ses droits avec les démarches, tracas et aléas inhérents à toute procédure judiciaire.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de l'ancienneté des relations contractuelle et du niveau de responsabilité de la salariée, et des pièces figurant au dossier la cour est en mesure d'allouer à Mme [Y] une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement sera par conséquent infirmé de ces chefs.

L'appelante réclame également un rappel pour l'année 2007 du complément variable annuel à sa rémunération égal à 15% de ses appointements fixes annuels pour un objectif atteint à 100%, tel que prévu par son contrat de travail et modifié par un courrier de l'employeur du 17 juillet 2003.

Contrairement à ce que prétend l'employeur, et ainsi que cela résulte du courrier modificatif du 17 juillet 2003 ayant valeur d'avenant, d'une part cet avantage, dont le mode de calcul était défini contractuellement, n'était pas une libéralité laissée à sa discrétion mais constituait une prime contractuelle sur objectif atteint l'obligeant à fixer des objectifs annuels, et, d'autre part, les résultats de l'entreprise n'entraient plus en considération dans son octroi et son calcul.

Il n'est pas contesté que l'employeur ne fixait pas d'objectifs à Mme [Y] et que pour les cinq années précédant celle de la rupture, la salariée a reçu au titre de cette part variable entre 100% et 130% du pourcentage sur salaire convenu.

Pour l'année 2007, la société NextiraOne France a versé à Mme [Y] trois acomptes en avril, juillet et novembre pour un montant total de 7 128 euros bruts, alors que le calcul sur la base de 100% d'objectifs atteints proratisés au temps de présence dans l'entreprise pendant l'année fait apparaître une différence au préjudice de la salariée de 3 960 euros.

L'appelante, à l'encontre de laquelle il n'est formulé aucun grief sur la quantité et la qualité de son travail en 2007, et qui n'a pas à supporter les conséquences préjudiciables de la carence de l'employeur dans la fixation de ses objectifs annuels, est fondée à réclamer cette différence calculée a minima en fonction de la pratique de l'employeur pour les années précédentes.

Le jugement sera en conséquence infirmé et la société NextiraOne France sera condamnée à payer à Mme [Y] les sommes qu'elle réclame à titre de rappel de salaire et des congés payés afférents.

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal conformément aux articles 1153 et 1153-1 du code civil ainsi que prévu au dispositif et les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil.

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Compte tenu des développements qui précèdent, les demandes reconventionnelles de l'employeur doivent être rejetées.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à Mme [Y] une somme de 2 500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société NextiraOne France à payer à Mme [Y] :

- 27 193 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22 980 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 298 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 000 euros au titre de la prime de départ volontaire,

- 14 937 euros à titre d'indemnité de capitalisation du congé de reclassement,

- 3 960 euros à titre de rappel de salaire sur partie variable 2007,

- 396 euros au titre des congés payés afférents,

- les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements à ses engagements, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil ;

Condamne la société NextiraOne France à remettre à Mme [Y], dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt des bulletins de salaire ou un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes ;

Condamne la société NextiraOne France à payer à Mme [Y] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société NextiraOne France de ses demandes reconventionnelles ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société NextiraOne France aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/07938
Date de la décision : 13/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/07938 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-13;09.07938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award