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08/12/2011 | FRANCE | N°09/03474

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 08 décembre 2011, 09/03474


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 08 Décembre 2011

(n° 1 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03474



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section ENCADREMENT - RG n° 08/08134









APPELANT

Monsieur [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté

de Me Pierre Xavier BOUBEE, avocat au barreau de PARIS, toque : K180







INTIMEE

SARL NEAR PRODUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS, toque : K...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 08 Décembre 2011

(n° 1 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03474

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section ENCADREMENT - RG n° 08/08134

APPELANT

Monsieur [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Pierre Xavier BOUBEE, avocat au barreau de PARIS, toque : K180

INTIMEE

SARL NEAR PRODUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS, toque : K20

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise FROMENT, Présidente

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Par contrat à durée indéterminée en date du 16 juillet 2004, M.[H] [D] a été engagé à compter du 1er décembre 2004, par la société Sky Productions, devenue Near Productions, en qualité de manager, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 6 730 € sur 12 mois, outre une rémunération variable.

La société Near Productions a pour activité la production événementielle. Elle est une filiale à 100% de la société Carré Bleu Marine, elle-même filiale du groupe DDB, qui est lui-même une entité du groupe mondial DDB Worldwide. Son activité est intervenue en sous-traitance des autres entités du groupe DDB, et en particulier Carré Bleu Marine, Tagaro et DDB Paris.

M.[D] en sa qualité de manager a assumé à la fois les fonctions de supervision artistique en collaboration avec les directeurs de production et les directeurs artistiques, ainsi qu'un rôle de management et de gestion opérationnelle de la structure impliquant le suivi des projets, l'organisation interne et le suivi budgétaire et commercial.

Convoqué par lettre du 22 septembre 2006 à un entretien préalable fixé au 29 septembre suivant, M.[D] a été licencié le 11 octobre 2006, le salarié ayant été dispensé d'effectuer son préavis de 3 mois qui lui a été réglé par l'employeur.

L'entreprise compte moins de 11 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective des entrepreneurs de spectacles.

Estimant son licenciement injustifié, M.[D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire pour des heures supplémentaires et les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour travail dissimulé, des dommages et intérêts au titre de l'absence de visite médicale annuelle, des dommages et intérêts pour non paiement de la rémunération variable, subsidiairement, le paiement d'un 13ème mois, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et l'exécution provisoire. A titre reconventionnel, la société Near productions a réclamé une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par décision en date du 2 février 2009, le conseil de prud'hommes a débouté M.[D] de toutes ses demandes, ainsi que la société Near productions de sa demande reconventionnelle. Il a condamné M.[D] aux dépens.

M.[D] a régulièrement fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Near productions à lui payer les sommes suivantes :

- 6 730 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

- 100 950 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 14 893,18 € à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires (période du 1er octobre au 31 décembre 2004)

- 64 863,60 € à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires (période du 1er janvier au 31 décembre 2005)

- 49 636,93 € à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires (période du 1er janvier au 1er octobre 2006)

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la non application de la clause de rémunération variable

- 40 500 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 80 760 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la nullité de la clause de non concurrence

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence de visite médicale annuelle

- 2 500€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Near productions conclut à la confirmation du jugement déféré et, en conséquence, au débouté de M.[D] et à sa condamnation à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions, visées par le greffier le 27 octobre 2011, reprises et complétées lors de l'audience.

Motivation

- Sur le licenciement

Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1232-1 du code du travail. En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L 1235-1 du code du travail).

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuite pénale.

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il ressort de la lettre de licenciement datée du 11 octobre 2006 que M.[D] a été licencié en raison de ses 'problèmes relationnels avec les clients de la société'. Mais également pour 'un manque de rigueur dans les process, le non respect des délais fixés, un manque de souplesse dans la relation commerciale, une collaboration particulièrement tendue, une difficulté à vous joindre, une perte de temps bien trop importante' , 'une désorganisation dans votre travail, fortement préjudiciable à l'entreprise, ainsi que celle de votre équipe', 'un manque d'écoute vis-à-vis de votre hiérarchie, votre manque de rigueur en terme de gestion de votre équipe et votre manque d'expertise managériale et financière en totale contradiction avec le discours que vous aviez tenu à votre arrivée'. La lettre de licenciement comporte, en outre, le développement de faits concernant les sociétés DDB Nouveau Monde, Carré Bleu Marine et Tagaro, qui ne sont cependant pas datés.

M.[D] qui conteste les griefs invoqués contre lui, pour certains prescrits selon lui, fait valoir que les clients en question visés dans la lettre de licenciement, ne sont autres que les entités du groupe du groupe DDB et il en déduit que les éléments versés aux débats par l'intimée et qui proviennent de ces sociétés ont une valeur probante 'très relative'. Il ajoute que les prétendues difficultés rencontrées avec les équipes de Carré Bleu Marine ou de DDB Paris ont pour seule origine la décision de M.[Y], PDG de Carré Bleu Marine, client essentiel de Near production, d'externaliser sa production, vidant ainsi Near Productions d'une partie de son activité et le plaçant lui-même, sciemment, dans l'impossibilité d'atteindre les objectifs fixés.

Au soutien des griefs invoqués, la société Near productions produit aux débats notamment une attestation de Mme [B] rapportant des faits datant de 2005, relatifs à la production de films par M.[D] pour le compte de la société UCB, et dont le résultat a été 'catastrophique' en raison de la mauvaise qualité des bandes son ; un mail de Mme [K], chef de projets de la société Carré Bleu Marine, en date du 29 mai 2006, faisant reproche à l'équipe de M.[D], la société Near agissant en sous-traitant, de ne pas lui avoir rendu compte de la maquette réalisée, avant transmission au client ; un mail de Mme [F], directrice générale de DDB Entertainment, en date du 5 septembre 2006 se plaignant au supérieur hiérarchique de M.[D] de ce que la société Near n'était notamment 'pas au niveau de nos attentes en terme d'organisation et de process de collaboration' ; un courrier en date du 8 septembre 2006 de Mme [R], présidente de DDB Nouveau Monde énonçant 'la collaboration avec Near production a été contrastée' et relevant 'Son manque de rigueur professionnelle, de structure, la tension des rapports ont été des handicaps ....qui bloquent toute collaboration future même si nous ne contestons en aucune manière le talent...de cette maison de production.'; les attestations de MM[W] et [E], respectivement salarié de la société DDB Live et directeur général stratégie et création de la société DDB Live, qui rapportent que 'l'arrivée de M. [D] au sein de la société Near Productions n'a créé que des problèmes...', que le comportement de M.[D] a créé 'un climat désastreux dans l'entreprise', qu'il a été à l'origine de propositions 'fumeuses' , 'qu'il a créé 'la confusion au sein des équipes et probablement des clients'. Mme [L] , chef comptable d'une des sociétés DDB, évoque ses difficultés relationnelles avec M.[D] en raison de 'sa mauvaise volonté' et du fait qu'il 'n'avait que faire de nos problématiques comptables'. Mme [I], responsable process et contrôle interne relève que M.[D] était 'très revendicatif en terme de procédures et de périmètres de responsabilités et, pour autant, dans les faits, il s'attache systématiquement à ne pas les respecter.....par exemple, il rendait le tableau des marges hebdomadaires et mensuels incomplet et approximatif et les écarts avec le réel n'était pas justifiés...de plus il entretenait un climat malsain de suspicion'.

M.[D] qui conteste les faits reprochés produit aux débats des attestations de Mme [N], directeur au département image des entreprises et des institutions de Publicis Consultants, qui témoigne de ce que dans le cadre d'une production l'ayant amenée à une collaboration avec M.[D], en charge de la production exécutive du projet, collaboration qu'elle juge satisfaisante 'Le déroulement du projet s'est parfaitement bien passé et ...les résultats de la campagne ont été fortement appréciés ...aussi bien pour la créativité et l'originalité du process de réalisation que pour la qualité du travail réalisé, qui de fait impliquait un bon management des équipes, le respect du brief, le respect du planning, un bon relationnel global.' Elle relève également la marge de manoeuvre faible de M.[D] 'dissonante de sa fonction'. M.[V], assistant de production, ancien salarié de la société Near dont il indique avoir été licencié atteste que M.[D] 'était un excellent manager que cela soit sur le plan commercial, créatif et administratif. Il a su développer notre structure en un temps record......Il était très apprécié par les clients et les personnes du groupe....le problème est qu'il n'a jamais pu prendre de décisions en toute liberté il devait systématiquement demander l'autorisation auprès de sa direction pour toute demande concernant l'emploi de personnels, achats de fournitures ou d'équipement de matériel technique, de travaux,....' ; M.[S], chef d'entreprise, ayant travaillé avec M.[D] lorsqu'il était directeur des productions audiovisuelles et publicitaires de DDB Paris en a apprécié 'les compétences techniques' ainsi que 'ses qualités de relations tant auprès des clients, des personnels de l'agence DDB, que les professionnels du métier, et son comportement mesuré, ouvert, à l'écoute et respectueux des clients et de l'éthique des affaires'. M.[C], conseiller en communication dans un établissement public et client à ce titre de la société Near, M.[A], gérant à l'époque des faits de la société Kanal K, également client de la société Near, M. [X], réalisateur, M.[T], réalisateur qui ont collaboré avec M.[D] relèvent tous son professionnalisme, son efficacité et la qualité du résultat obtenu. L'un d'eux, M.[A], relève en outre que M.[D] était 'dans l'incapacité de pouvoir prendre une décision face à ses responsables.'

Il ressort des éléments qui précèdent que les affirmations de la société Near productions sont démenties par M.[D] .

Si la cour constate qu'il n'est pas suspect pour la société Near productions d'avoir eu recours à des témoignages de sociétés appartenant toutes au même groupe, au motif que toutes étaient clientes et donc en collaboration directe avec M.[D] en sa qualité de manager de la société Near productions, elle relève que les reproches faits à M.[D] ne sont corroborés par aucun témoignage en provenance du client final, que la lettre de licenciement ne vise aucun fait daté, qu'elle s'appuie sur des généralités que relayent les attestations de Mmes [F], [R] et [I] et MM [W] et [E], que les termes du courrier du 8 septembre 2006 de Mme [R] laissent entendre que celui-ci a été établi à la demande de la société Near productions , pour les besoins de l'instance en cours, de sorte qu'une attestation réalisée dans les formes requises par l'article 202 du Code de procédure civile aurait été plus pertinente, que seulement deux faits précis sont relatés par les témoins, Mmes [B] et [K] dont l'un, de surcroît, daté de 2005, est ancien.

Il s'ensuit donc que pour étayer des faits qui sont reprochés sur toute la durée de la collaboration avec M.[D], la société Near productions établit qu'en 2005, soit plus d'un an avant le licenciement de M.[D], celui-ci a réalisé une production de mauvaise qualité sonore et qu'en 2006, M.[D] n'a pas respecté la procédure en vigueur. Quant à la transmission des documents comptables, ils ne revêtent pas un caractère fautif caractérisé.

Il ressort en revanche des témoignages, non sérieusement contestés par la société Near productions, produits par M.[D] émanant des clients directement concernés par les productions sur lesquelles l'employeur cristallise de nombreux griefs, de manière précise, circonstanciée et concordante, la qualité du travail accompli sous la direction de M.[D], ainsi que la qualité des relations professionnelles entretenues par M.[D] ceci ayant contribué au succès rencontré par les productions réalisées. De nombreux témoins relèvent en outre la faible marge de manoeuvre de M.[D] à l'égard de sa hiérarchie.

Il résulte donc de ce qui précède que la cour qui relève la contradiction séparant les versions des deux parties, retient que les éléments produits par le salarié, plus précis, émanant de personnes indépendantes dans l'ensemble autant de lui-même que de l'employeur, présentent des garanties d'objectivité plus importantes que ceux versés aux débats par la société Near productions, beaucoup moins précis et circonstanciés, qui tous émanent de salariés de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

Il s'ensuit que les éléments produits par le salarié qui emporte la conviction de la cour conduit celle-ci à conclure que le licenciement prononcé à l'encontre de M.[D] est sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à M.[D] à percevoir une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la perte de son emploi que la cour est en mesure d'évaluer, compte-tenu des éléments produits aux débats, notamment sur l'ancienneté du salarié, et sur les difficultés financières en ayant résulté, à la somme de 42 000 € en application de l'article L1235-5 du code du travail.

- Sur la procédure de licenciement

En application de l'article L1235-5 précité, M.[D] ne peut solliciter, comme il le fait en l'espèce, une indemnité fondée sur l'irrégularité de procédure relevant d'une cause autre que celle relative à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable, à supposer même cette irrégularité établie.

M.[D] ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur les heures supplémentaires

M.[D] réclame le paiement des heures supplémentaires dont il se prévaut.

La société Near productions qui conteste cette demande fait valoir en premier lieu qu'en application de l'article L3111-2 du code du travail, M.[D] échappe à la législation sur les heures supplémentaires au motif qu'il bénéficiait du statut de cadre dirigeant et qu'en tout état de cause les éléments produits par M.[D] au soutien de sa demande et qu'il s'est constitué lui-même, sont dénués de toute force probante.

En application de l'article L 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, répartition et aménagement des horaires. Selon ce même texte, 'sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement'.

Aux termes du contrat de travail, M.[D] qui a été engagé en qualité de manager de la société Near, statut cadre 'doit se conformer aux instructions de la Direction concernant les conditions d'exécution du contrat de travail et à respecter l'horaire de travail pratiqué..'

Il ressort donc des dispositions du contrat de travail, qui ne décrivent pas précisément la fonction de M.[D], qu'il ne dispose pas de la large autonomie visée par le texte précité dès lors que son action découle des instruction de la Direction et qu'il est contraint aux horaires de travail collectifs.

Par ailleurs, aucun élément produit aux débats ne permet de conclure que M.[D] qui signe les déclarations uniques d'embauche des personnels employés par la société Near productions , procède à leur embauche elle-même. Au contraire, il se déduit de l'absence aux débats des contrats de travail relatifs à ces personnels, que M.[D] n'en est pas le signataire, que son intervention se situe à un plan purement administratif et qu'en définitive, il ne dispose d'aucun pouvoir d'embauche de ses collaborateurs.

Enfin, le seul fait que M.[D] travaille directement avec le président de la société Carré Bleu Marine, qu'il participe ou assiste aux comités de direction, et qu'il perçoive le salaire le plus élevé de la société Near, ne suffit pas à caractériser le statut de cadre dirigeant invoqué par la société Near productions, quand par ailleurs, il ressort des courriers électroniques qu'à la suite des différends ayant surgi entre l'équipe de M.[D] et Mme [Z], directrice de projet de Carré Bleu Marine, la collaboration de celle-ci a été maintenue contre le gré de M.[D] et que celui-ci reçoit de nombreuses instructions de la part de la société DDB.

Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution du contrat de travail, conforme à ses termes, montre que M.[D] dispose d'une fable autonomie dans l'exercice de ses fonctions, ce que confirment encore les nombreuses attestations précises et concordantes de clients ou de salariés que M.[D] produit aux débats. M.[D] ne bénéficie donc pas du statut de cadre dirigeant.

Il s'ensuit que la législation sur les heures supplémentaires lui est applicable.

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

Au soutien de sa demande, M.[D] produit aux débats un relevé des heures accomplies semaine par semaine pour toute la période litigieuse ainsi qu'un récapitulatif de son agenda assorti d'une évaluation des heures accomplies à la journée.

Il ressort de ces éléments que M.[D] étaye sa demande conformément aux dispositions précitées qui n'excluent pas les documents établis par le salarié lui-même, contrairement à ce que soutient l'employeur, auquel il revient en revanche d'apporter ses éléments susceptibles d'établir la réalité du nombre d'heures effectuées, ce dont, en l'espèce, la société Near productions se dispense.

Il convient donc de rapprocher les éléments versés par le salarié, au soutien desquels il ne produit aux débats aucun élément contemporain des heures alléguées. Compte-tenu de cet élément et des courriels, produits aux débats, échangés à des heures raisonnables en journée, qui sont le reflet également de son activité, la cour ne peut pas retenir l'intégralité des heures alléguées. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'évaluation des heures supplémentaires en découlant est, en conséquence, la suivante, congés payés afférents compris :

* 2 978,64 € pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2004

* 11 793,38 € pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2005

* 9 927,38 € pour la période du 1er janvier au 1er octobre 2006.

- Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur notamment de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

Aucun élément produit aux débats ne caractérise l'intention de l'employeur d'avoir eu recours au travail dissimulé.

M.[D] ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur la clause de rémunération variable

M.[D] qui se réfère à son contrat de travail se prévaut d'avoir souffert un préjudice du fait du non respect par l'employeur de la clause de rémunération variable au titre de laquelle il expose n'avoir rien perçu.

La société Near productions conteste le bien fondé de cette demande au motif que pour l'exécution de cette disposition le contrat de travail renvoie à une annexe à déterminer par les parties, ce qui selon l'intimée a été fait aux termes d'un avenant au contrat de travail. Se référant au refus du salarié de signer ledit avenant portant sur les 'profit sharing', elle conclut à sa mauvaise foi, en précisant qu'en tout état de cause M.[D] a perçu des sommes au titre des 'profit sharing' ainsi qu'en font mention ses bulletins de salaire des mois de mars 2005 et 2006 et de février 2006.

Il ressort du contrat de travail signé par les parties qu'outre une rémunération fixe, une rémunération variable est prévue au bénéfice de M.[D] 'dont les modalités de calculs seront déterminées ultérieurement dans une annexe au présent contrat de travail'.

Il ressort en outre des débats que par des mails successifs s'échelonnant du 18 mai 2006 au 30 août 2006, la société Near productions a proposé à M.[D] un avenant à son contrat de travail précisant les termes du contrat initial concernant la rémunération variable appelée dans cet acte 'profit sharing'.

Constatant que malgré ces demandes répétées, M.[D] n'a pas, sans même y répondre, signé l'avenant proposé, et que néanmoins il a perçu des sommes au titre de cette rémunération variable, ce que d'ailleurs il ne conteste pas, la cour en déduit que le salarié a été rempli de ses droits.

M.[D] ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur la clause de non concurrence

Faisant valoir la nullité de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail, au motif qu'elle est sans contrepartie financière, M.[D] réclame l'équivalent de 12 mois de salaire à titre de compensation pour l'avoir respecté pendant 2 ans .

La société Near productions conteste la demande qu'elle estime erronée en droit. Elle ajoute que cela n'a pas empêché M.[D] de travailler en qualité de travailleur indépendant.

Il ressort de la lecture du contrat de travail qu'en sa disposition VI est prévue une 'clause de loyauté et de respect de la clientèle' par laquelle M.[D] 'S'engage à la cessation de son contrat de travail et ce, pendant une durée de 2 ans à respecter la clientèle de la société et plus généralement du groupe DDB.

A ce titre, M.[D] s'engage à ne pas démarcher, détourner ou tenter de démarcher ou de détourner les clients et prospects de la société ou du Groupe DDB à son profit ou pour le compte d'un tiers....'. Le contrat signé par les parties sanctionne la violation de cette clause par l'allocation à l'employeur d'une indemnité représentant un an de salaire brut.

Il ressort de ses termes que cette disposition qui limite la liberté d'entreprendre du salarié, en lui interdisant d'empiéter sur la clientèle de la société Near productions et de celle du groupe auquel celle-ci appartient, constitue une clause de non concurrence.

Prévue à la charge du salarié sans contrepartie financière, cette clause est nulle.

La société qui allègue, sans le démontrer, que M.[D] a entretenu les relations d'affaires interdites , et en conséquence, violé ladite clause, doit donc payer une indemnité à M.[D], que la cour, compte tenu des éléments produits aux débats, évalue à la somme de 80 760 €, qui est réclamée.

- Sur l'absence de visites médicales annuelle et périodique

L'article R 4624-10 du Code du travail pose le principe du caractère obligatoire de la visite médicale d'embauche qui doit avoir lieu avant celle-ci ou, 'au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail'. L'article R4624-12 concerne le caractère non obligatoire de la 'nouvelle visite médicale d'embauche' lorsque notamment le salarié est appelé à occuper un emploi identique.

L'article R 4624-16 du Code du travail prévoit que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail, le premier de ces examens adevant avoir lieu dans les 24 mois qui suivent l'examen d'embauche.

Se prévalant des dispositions du code du travail, M.[D] fait valoir qu'il n'a bénéficié ni d'une visite médicale d'embauche ni d'une visite médicale périodique, et en a nécessairement souffert un préjudice dont il réclame réparation.

Se fondant sur les mêmes textes, et notamment l'article R 4624-12 du code du travail, la société Near productions soutient que la visite d'embauche n'est pas nécessaire sauf cas particuliers, et que M.[D] présentant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, n'était pas concerné par les dispositions qu'il vise sur la visite médicale périodique.

Alors qu'il ne ressort pas des débats que M.[D] relèverait des cas particuliers visés par l'article R 4624-12 du Code du travail, dispensant l'employeur d'organiser la visite médicale d'embauche, ce texte n'est donc pas applicable.

Il est constant que M.[D] n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche. En outre, licencié plus de deux ans après son embauche, il aurait du également, en application des textes précités, bénéficier d'une visite médicale périodique.

Il s'ensuit que l'employeur qui s'est dispensé d'organiser ces visites médicales obligatoires, a commis un manquement à ses obligations qui a nécessairement causé un préjudice au salarié, qu'il y a lieu de réparer par l'allocation d'une indemnité de 1 000 €, compte-tenu des éléments produits aux débats.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau :

- dit que le licenciement de M.[H] [D] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société Near productions à payer à M.[D] les sommes suivantes :

* 42 000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif, en application de l'article L1235-5 du code du travail

* au titre des heure supplémentaires, congés payés afférents compris :

** 2 978,64 € pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2004

** 11 793,38 € pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2005

** 9 927,38 € pour la période du 1er janvier au 1er octobre 2006

* 80 760 € à titre d'indemnité au titre de la clause de non concurrence

* 1 000 € à titre d'indemnité au titre de la visite médicale,

- déboute M.[D] pour le surplus,

- condamne la société Near productions aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Near productions à payer à M.[D] la somme de 2 500 €,

- la déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/03474
Date de la décision : 08/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/03474 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-08;09.03474 ?
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