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08/12/2011 | FRANCE | N°08/10648

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 08 décembre 2011, 08/10648


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 08 Décembre 2011

(n° 4 ,8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10648



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de MELUN section section encadrement RG n° 07/00091







APPELANT

Monsieur [S] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4] - GRANDE BRETAGNE

comparant en personne, assistÃ

© de Me Françoise MILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A 342 substitué par Me Caroline THOMELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D2049





INTIMÉE

SAS INSTITUTE

[Adresse 3]

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 08 Décembre 2011

(n° 4 ,8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10648

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de MELUN section section encadrement RG n° 07/00091

APPELANT

Monsieur [S] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4] - GRANDE BRETAGNE

comparant en personne, assisté de Me Françoise MILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A 342 substitué par Me Caroline THOMELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D2049

INTIMÉE

SAS INSTITUTE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0470

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Caroline SCHMIDT, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, Président et par Madame Caroline SCHMIDT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat de droit allemand en date du 1er mars 2005, M. [S] [N] est devenu salarié de la SAS INSTITUTE. En septembre 2005, il a rejoint la SAS INSTITUTE FRANCE , pour reprendre la direction des opérations commerciales.

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 2006, avec reprise d'ancienneté au 1er mars 2005, la SAS INSTITUTE FRANCE a engagé M. [S] [N] en qualité de directeur des opérations commerciales, statut cadre de la Convention collective SYNTEC.

À ce titre, le salarié était le numéro 2 de la filiale française de ce groupe mondial, sous l'autorité de M. [Z] [W], directeur général et membre du comité de direction.

Par lettre remise en main propre le 8 décembre 2006, M. [S] [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Par ce même courrier, il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire dans l'attente de la procédure. L'entretien s'est tenu le 18 décembre 2006.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 décembre 2006, M. [S] [N] a été licencié pour faute grave.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [S] [N] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Melun le 27 mai 2008 qui, après avoir dit son licenciement fondé sur une faute grave, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Vu les conclusions en date du 20 octobre 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [S] [N] demande à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré,

- de juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence:

- de condamner la SAS INSTITUTE FRANCE à lui payer les sommes suivantes:

* 46'128 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 4 613 € au titre des congés payés afférents,

* 92'256 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire que les sommes allouées pour les salaires et accessoires de salaire porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner la remise des documents sociaux et bulletins de salaires conformes à la décision intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document.

Vu les conclusions en date du 20 octobre 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS INSTITUTE FRANCE demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris,

- de débouter M. [S] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [S] [N] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

SUR CE :

Considérant que la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est motivée, en substance :

- par une insuffisance de résultats résultant d'un manque d'investissement personnel, d'un manque de sérieux et de fiabilité,

- par une attitude volontairement conflictuelle: dénigrement systématique des pairs, du supérieur et de l'entreprise en général; propagation de rumeurs; tenue d'un double discours;

- par des actes d'insubordination ;

Considérant que, pour infirmation, M [S] [N] expose qu'il n'a travaillé que 16 mois dans l'entreprise française avant son licenciement alors que les résultats de la SAS France étaient en dessous des objectifs et les taux de croissance faibles depuis plusieurs années; que ses propositions de modifications indispensables à l'amélioration de l'activité des opérations commerciales ont été, en grande partie, refusées; qu'en toute hypothèse aucun des griefs développés à son encontre n'est établi et que son licenciement résulte d'une volonté de réorganisation interne de la société ; qu'en particulier aucune attitude conflictuelle ou acte d'insubordination ne peut lui être imputé à faute; qu'enfin il ne peut lui être reproché un quelconque manque d'investissement personnel dans la défense d'une réorganisation ayant eu un impact sur l'insuffisance de résultat ;

Considérant que, pour confirmation, la SAS INSTITUTE FRANCE reproche à [S] [N] ses résultats désastreux pour l'année 2006 résultant d'un manque de rigueur et d'investissement sur des points-clés qui relevaient de sa responsabilité; que ce manque d'investissement était inacceptable au regard de l'expérience du salarié et de son positionnement dans l'entreprise de sorte qu'il constituait une faute grave ; que par ailleurs M. [S] [N] a adopté une attitude volontairement conflictuelle d'autant moins acceptable qu'il était membre du comité de direction et devait, à ce titre, emporter l'adhésion de l'ensemble des collaborateurs de la société ; qu'enfin, des actes d'insubordination, consistant dans la volonté d'imposer le changement du rattachement du département "avant vente" de la direction de ses services et la volonté de créer une fonction de " commercial sédentaire" au sein de sa direction, ont contribué à rendre impossible la relation de travail et ont concouru aux mauvais résultats de la filiale française en démobilisant l'ensemble de l'entreprise ;

Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié , qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail , d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ;

Que c'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [S] [N] même pendant la durée du préavis ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. [S] [N] dépendait directement du directeur général de la SAS INSTITUTE FRANCE , M. [Z] [W];

Considérant,qu'à ce titre, numéro 2 de la filiale française, il pouvait adopter une liberté de ton, notamment dans les échanges de courriels avec son N+1, afin d'exprimer ses préoccupations sur les opérations de restructuration commerciale pour lesquelles il avait été engagé ;

Que, de surcroît, l'analyse des courriels échangés entre ces deux personnes, établissent à tout le moins que M. [S] [N] s'est toujours exprimé avec un ton extrêmement pondéré et que les désaccords parfois exprimés, qui concernaient des orientations stratégiques ou des décisions de gestion, ont toujours été présentés de façon directe, mais parfaitement admissible ;

Que contrairement à ce que soutient la SAS INSTITUTE FRANCE , aucun élément, n'établit une volonté de créer ou alimenter une attitude conflictuelle avec quiconque ; que les courriels versés aux débats en ce sens par la SAS INSTITUTE FRANCE n'établissent pas le prétendu double discours allégué ;

Considérant, par ailleurs, que les actes d'insubordination allégués consistent en réalité dans des propositions faites par le salarié; qu'elles illustrent les contacts nécessaires existants entre les directeurs des différents services à ce niveau de postes dans l'entreprise ; qu'en tout état de cause, les propositions étaient motivées par un souci d'optimisation organisationnelle des équipes dans l'intérêt de l'entreprise; qu'en conséquence aucun acte d'insubordination n'est établi par l'employeur ;

Considérant, enfin, que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement; que contrairement à ce que prétend l'employeur, ce dernier ne rapporte pas la preuve d'une faute personnelle de M. [N] ayant eu un rôle causal dans l' insuffisance alléguée; qu'au demeurant, il est établi que M. [W] a remis à M. [S] [N] , en mars 2006, un plan de commissionnement faisant apparaître une augmentation de 40 % de l'objectif de 2006 par rapport aux résultats 2005; que devant cette exigence, M. [S] [N] a légitimement refusé de signer le plan de commissionnement, l'augmentation envisagée apparaissant irréaliste; qu'il n'est pas contesté par l'employeur, qu'au titre de l'année 2007, une fois le licenciement du salarié réalisé, l'objectif est demeuré inchangé; qu'en outre, il n'est versé aux débats, aucun document permettant d'établir que l'attention du salarié a été appelée sur des difficultés qui procéderaient d'une insuffisance de résultats; qu'il n'est pas contesté par l'employeur, qu'à la suite de la réorganisation mise en place par M. [S] [N] , le retard a été partiellement rattrapé dans le deuxième semestre 2006 puisque le chiffre d'affaires nouvelles ventes de 2006 a été réalisé, pour 75 %, au cours du deuxième semestre;

Considérant, en conséquence, que ce dernier grief n'est également pas établi ;

Considérant qu'il résulte de l'absence de grief établi que le licenciement de M. [S] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il convient ainsi d'infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement déféré ;

Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise (plus de 11 salariés), de l'ancienneté (moins de 3 ans), du salaire moyen ( 15 503 €) et de l'âge du salarié (né en novembre 1962) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail une somme de 80.000 € à titre de dommages-intérêts ; que le salarié est également fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

Considérant que la demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; qu'il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous ;

Considérant qu'en vertu de l'article L 1235-4 alinéa 2 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la SAS INSTITUTE FRANCE , employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

JUGE le licenciement de M. [S] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS INSTITUTE FRANCE à payer à M. [S] [N]:

. 39 720 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 970 € à titre d'incidence sur les congés payés avec intérêts au taux légal à compter à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

. 80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la SAS INSTITUTE FRANCE , dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard passé ce délai, ce pendant 60 jours, à remettre à M. [S] [N] un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation destinée à POLE EMPLOI conformes,

CONDAMNE la SAS INSTITUTE FRANCE à payer à M. [S] [N] 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

ORDONNE, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS INSTITUTE FRANCE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [S] [N],

CONDAMNE la SAS INSTITUTE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 08/10648
Date de la décision : 08/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°08/10648 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-08;08.10648 ?
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