Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 07 DECEMBRE 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/05950
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Mars 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/52605
APPELANTE
Madame [G] [K] veuve [D] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs [B] [D] née le [Date naissance 4]/1996 et [N] [D] né le [Date naissance 1]/1994
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE (avoué à la Cour)
assistée de Me Jean-Paul LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque W17
INTIMEES
Madame [I] [W] [H] prise en sa qualité de Directrice de la publication du journal LE PARISIEN LIBERE
Chez la SNC LE PARISIEN LIBERE
[Adresse 3]
[Localité 7]
SNC LE PARISIEN LIBERE représentée par son gérant
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentées par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS (avoués à la Cour)
assistées de la ASS ADER, JOLIBOIS (Me Basile ADER), avocats au barreau de PARIS, toque T 11
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte GUYOT, Présidente
Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller
Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Brigitte GUYOT, président et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.
Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2010, Monsieur [E] [D] a été victime d'un homicide volontaire.
Le 31 décembre 2010, le journal LE PARISIEN a publié, dans son édition papier et sur son site de l'internet, sous la signature de Madame [M], un article de 26 lignes, intitulé 'Homicide : un homme tué pour une console de jeu', relatif à ces faits, dont les termes étaient les suivants :
'Homicide : un homme tué pour une console de jeu.
Un meurtre absurde, pour un motif en apparence dérisoire. Un homme a été tué de plusieurs coups de couteau par son voisin dans la nuit de mercredi à jeudi...pour un sombre différend concernant une console de jeux.
L'invraisemblable histoire se noue dans un immeuble de pierres de taille cossu du [Adresse 8]. [E] [L], un agent immobilier de 56 ans, gérant de plusieurs enseignes dans la capitale, achète à un jeune voisin de 26 ans la fameuse console qu'il destine, semble-t-il à son fils. Mais le quinquagénaire ne se serait pas acquitté de la somme demandée, provoquant un brusque accès de colère chez le vendeur. Colère qui s'est transformée en rage meurtrière mercredi.
Bien décidé à rentrer dans ses frais, le jeune homme va solliciter son voisin, peu après minuit, dans son appartement du rez-de-chaussée qui donne sur la cour intérieure de l'immeuble. Bientôt, des cris stridents retentissent, alertant les occupants de la bâtisse, puis des bruits de dispute. Les deux hommes en viennent-ils aux mains ' Le vendeur de la console avait-il pris le soin de s'armer avant de se rendre chez [E] [L] ou est-il retourné chez lui chercher un couteau ' Toujours est-il que le quinquagénaire, mortellement frappé de plusieurs coups, est découvert quelques minutes plus tard par son propre fils, gisant sur le palier de son appartement. Le jeune voisin de la victime a été immédiatement interpellé et aussitôt placé en garde à vue.
Devant les enquêteurs de la brigade criminelle de la PJ de Paris, saisie de l'affaire, il a reconnu être l'auteur du meurtre absurde de [E] [L] Son audition se poursuivait hier afin de cerner au plus près le mobile du jeune homme et déterminer les circonstances exactes de la mort de l'agent immobilier. Au mois de juillet dernier, dans le même arrondissement, un homme de 29 ans avait été tué d'un coup de couteau en plein coeur pour une cigarette refusée... Son meurtrier s'était rendu le lendemain aux policiers et n'avait pu donner à son geste qu'une explication : la rage de se voir opposer un refus.'
Estimant que la version de la mort de son époux, donnée par cet article, était contraire à la réalité des faits, Madame [K], épouse [D], a, le 3 janvier 2011, fait demander, verbalement, par l'intermédiaire d'un avocat, une rectification dudit article. Le même jour, puis le 4 janvier 2011, elle a fait adresser, par lettre simple, puis par lettre recommandée, au directeur de la publication du PARISIEN une demande de rectification.
Le 10 janvier 2011, LE PARISIEN a fait savoir à Madame [K] qu'il était au regret de ne pouvoir réserver une suite favorable à sa demande de droit de réponse, au motif qu'elle n'était pas conforme aux prescriptions légales.
Le même jour, 10 janvier 2011, le Parquet de Paris a publié un communiqué de presse, destiné, selon ses termes, à 'corriger les informations erronées' parues dans l'article litigieux, en précisant, notamment, qu'il ne ressortait, 'à ce stade de l'enquête, aucun élément permettant de conclure à l'existence d'une dette quelconque entre la victime et le mis en examen qui aurait pu être avancée comme cause de l'altercation ayant conduit au décès de [E] [D]'.
Le 17 janvier 2011, deux lettres recommandées, avec accusé de réception, étaient adressées, à la demande de Madame [K], par son Conseil, au directeur de la publication du journal LE PARISIEN, afin que, d'une part, ce dernier publie une réponse dans l'édition papier du PARISIEN, et que, d'autre part, il procède à la suppression, sur le site de l'internet de l'article litigieux, et à la publication, à sa place, de ladite réponse.
La réponse dont l'insertion était sollicitée, était constituée d'un texte de 22 lignes, dont la teneur était la suivante :
'Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2010, Monsieur [E] [L] a été sauvagement tué à son domicile pour un motif crapuleux.
Pour relater ces faits d'une particulière gravité, LE PARISIEN a publié un article, le 31 décembre, dont la teneur se révélera totalement sans rapport avec la réalité des faits. Le journal indiquant que le mobile du crime était un différend financier.
Invité à se rapprocher du Parquet de Paris pour connaître cette vérité du dossier et procéder à une rectification, le Journal a opposé une fin de non-recevoir. Devant cette attitude, M. le Procureur de la République a cru devoir publier un communiqué le 10 janvier, indiquant notamment..'
Une partie du texte du communiqué du Parquet de Paris suivait et était suivie de la mention :
'Il est regrettable que ce soit la Justice qui ait dû procéder à cette mise au point'.
Le 21 janvier 2011, LE PARISIEN, disant avoir reçu la demande de droit de réponse litigieuse, confirmait son précédent refus.
Le 4 février 2011, Madame [K] a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris, par voie d'assignation d'heure à heure, pour une audience devant se tenir le 14 février suivant, au visa des articles 34 alinéa 2 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, aux fins :
- d'insertion forcée du droit de réponse litigieux,
- de suppression, dans les archives du site leparisien.fr, de l'article en cause,
- de condamnation, en tant que de besoin, de Madame [H], directrice de la publication de la SNC LE PARISIEN LIBERE, à publier le droit de réponse dans les conditions fixées par la loi, au plus tard dans les trois jours du prononcé de la décision à intervenir,
- de condamnation de la SNC LE PARISIEN LIBERE, à défaut de publication et de suppression, au paiement d'une astreinte de 1.000 € par jour de retard,
- de condamnation de la SNC LE PARISIEN LIBERE à lui payer, en son nom et à ses deux enfants mineurs, [B] [D] et [N] [D], à titre de provision, la somme de
10.000 € en réparation du préjudice moral subi et la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC.
La SNC a invoqué :
- la nullité de l'assignation, en ce qu'elle visait, de façon cumulative, les articles 13 et 34 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, ayant trait à des droits de réponse et à des sanctions différentes,
Subsidiairement,
- l'irrecevabilité de la demande, dans la mesure où elle n'avait pas été exercée personnellement par Madame [K], mais par un avocat ne justifiant pas d'un mandat spécial, et dans la mesure où les dispositions de l'article 34 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, ne pouvaient plus être invoquées, faute de l'avoir été au moment de l'exercice du droit de réponse et de justifier entrer dans les cas de l'exercice prévus par ce texte.
Par l'ordonnance entreprise, contradictoire, en date du 24 mars 2011, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris a :
- dit n'y avoir lieu à annulation de l'assignation,
- rejeté les demandes de Madame [K],
- condamné Madame [K] aux dépens.
Le 29 mars 2011, Madame [K], agissant en son nom et au nom de ses enfants mineurs, a interjeté appel de cette décision.
Après avoir conclu, aux fins d'interruption de la prescription, dans ses dernières conclusions en date du 7 novembre 2011, auxquelles il convient de se reporter, Madame [K], en son nom et au nom de ses enfants mineurs, fait valoir :
- que le droit de réponse en cause respecte les termes des articles 13 et 34 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, qu'il est adressé au directeur de la publication, est rédigé en termes non polémiques, est pertinent, de même longueur que le texte incriminé,
- que l'article en cause porte incontestablement atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur [D], en affirmant que le meurtre de ce dernier avait pour cause un motif en apparence dérisoire...pour un simple différend concernant une console de jeux,
- que cet article présente Monsieur [D] comme un bourgeois nanti tentant de spolier un jeune homme dans le besoin, qui aurait eu un motif non crapuleux pour commettre son crime, la victime ayant eu à son égard un comportement malhonnête,
- que la conduite prêtée à Monsieur [D] repose :
- sur des faits circonstanciés : s'être dérobé, alors qu'il en avait les moyens, à son obligation de payer à un vendeur de condition sociale modeste le prix du bien acheté,
- sur une interprétation suggérée, selon laquelle sa résistance à y satisfaire aurait donné lieu à l'altercation ayant abouti à l'acte criminel dont il fut la victime,
- que ce comportement est dépourvu de toute réalité objective et est de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur [D], qui se définit par l'image que les autres se font de la personne en cause,
- que sa demande était, donc, recevable, le refus d'insérer constituant un trouble manifestement illicite, qu'il fallait faire cesser,
- que s'agissant de la régularité de l'assignation, il y a lieu de confirmer, pour les motifs qu'il a retenus, la décision du premier juge,
- que, s'agissant de la recevabilité de sa demande, cette demande a été formulée par elle, son Conseil s'étant contenté de la transmettre, que cette circonstance est confirmée par le fait qu'elle a signé le droit de réponse et l'a fait précéder, de la mention
'je soussignée, Madame [G] [D], née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 9] demeurant... épouse de Monsieur [E] [D], demande que soit exercé dans le quotidien LE PARISIEN un droit de réponse dans les termes suivants...' une formule du même type figurant également, dans sa demande de réponse sur le site de l'internet, que son avocat n'a, donc, pas formé, mais transmis, sa demande, l'interposition d'un mandataire étant, donc, exclue, que s'il est exact que l'avocat doit justifier d'un pouvoir spécial, lorsque l'intéressé ne demande pas lui-même l'insertion d'un droit de réponse, il en est autrement lorsque l'avocat transmet la réponse élaborée par et signée par cet intéressé, qu'elle a bien, en l'espèce, demandé elle-même l'insertion litigieuse par une lettre transmise par un avocat, la loi ne se prononçant pas sur la nature du moyen de transmission de la demande.
Elle demande à la Cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- d'ordonner l'insertion forcée en mêmes lieux et place que l'article litigieux, dans le quotidien papier du journal LE PARISIEN et sur le site de l'internet leparisien.fr, du droit de réponse précité,
le tout, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,
- de faire droit à sa demande de suppression dans les archives du site laparisien.fr de l'article litigieux, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,
- de condamner la SNC LE PARISIEN LIBERE et Madame [H], 'conjointement et solidairement' à lui payer, en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, à titre de provision, la somme de 10.000 € en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi,
- de condamner 'conjointement et solidairement' la SNC LE PARISIEN LIBERE et Madame [H] à lui payer, en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC, à raison des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
- de condamner les intimés aux dépens, dont distraction au profit de Maître HUYGHE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 août 2011, auxquelles il convient de se reporter, la SNC LE PARISIEN LIBERE et Madame [H] font valoir :
- que la demande a été faite au double visa des articles 13 et 34 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1881, qui prévoient des droits de réponse de nature différente, dont le non-respect peut être sanctionné de façon différente, qu'il en résulte un visa cumulatif qui emporte nullité de l'assignation,
- que le bénéfice du droit de réponse est strictement personnel, que la demande d'un droit de réponse, faite par un avocat, suppose la production, par celui-ci, d'un mandat spécial, remis par la personne mise en cause, dont il doit justifier au moment même où l'insertion est sollicitée, qu'en l'espèce, la requérante n'étant pas nommée, ni désignée dans l'article litigieux, elle n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 13 de la loi susvisée, que la demande d'insertion en cause a été faite par un tiers, agissant au nom et pour le compte de Madame [K], sans qu'il soit justifié, en temps utile, d'un mandat spécial, que le fait de savoir si ce Conseil était effectivement porteur de ce mandat importe peu, ledit mandat devant être communiqué en même temps que la demande d'insertion, ce qui n'a pas été le cas,
- que la lettre du 3 janvier 2011 ne répond pas plus à cette exigence, puisqu'elle mentionne un pouvoir, mais que n'y est pas jointe la réponse dont l'insertion est demandée, que Madame [K] n'est, donc, pas recevable à invoquer les dispositions de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881,
- que le bénéfice du droit de réponse suppose que les propos auxquels il est répondu soient diffamatoires ou injurieux, que l'article litigieux ne présente pas Monsieur [D] comme 'un bourgeois nanti tentant de spolier un jeune homme dans le besoin', que les indications selon lesquelles le meurtre serait 'absurde, pour un motif en apparence dérisoire', et commis 'pour un sombre différend concernant une console de jeux', car Monsieur [D] 'ne se serait pas acquitté de la somme demandée', ne renferment ni injures, ni imputation diffamatoire à l'égard de ce dernier, la journaliste faisant simplement état des justifications données par l'auteur du crime, que les motifs retenus par le premier juge, sur ce point, sont pertinents,
- que Madame [K] n'est pas recevable à invoquer les dispositions de l'article 34 alinéa 2, faute d'avoir, non seulement, invoqué ces dispositions au moment de l'exercice du droit de réponse, mais non plus justifié rentrer dans les cas de l'exercice prévu par ce texte.
Elles demandent à la Cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation,
En conséquence,
- de déclarer nulle l'assignation,
En tout état de cause,
- de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a rejeté les demandes de Madame [K],
- de condamner Madame [K] à verser à Madame [H] et à la SNC LE PARISIEN LIBERE la somme de 3.000 € à chacune, au titre de l'article 700 du CPC,
- de les condamner aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP MONIN & D'AURIAC DE BRONS, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
L'ordonnance de clôture a été signée le 26 octobre 2011.
Par conclusions de procédure, en date du 7 novembre 2011, Madame [K] a fait fait valoir que, du fait d'une omission matérielle, la liste des pièces qu'elle avait produites en première instance n'avait pas été reprise intégralement et annexée à ses conclusions d'appel, en date du 3 octobre 2011, alors qu'elle les visait dans les écritures, qu'elle réparait cette omission et sollicitait, de ce fait, la révocation de l'ordonnance de clôture, pour que ces pièces soient admises aux débats.
Elle a demandé à la Cour de :
- révoquer l'ordonnance de clôture,
- de recevoir ses conclusions, en date du 7 novembre 2011, identiques à celles du 3 octobre précédent, mais auxquelles était annexée la liste complète des pièces produites en première instance et visées dans le corps desdites conclusions.
A l'audience, le 8 novembre 2011, le Conseil des intimées a indiqué ne pas s'opposer à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, formée par l'appelante. La Cour a, alors, ordonné cette révocation, au motif grave du respect nécessaire du principe de la contradiction, au profit des intimées. Elle a, donc, admis, comme recevables, les conclusions du 7 novembre 2011, de l'appelante.
SUR QUOI, LA COUR,
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 809 alinéa 1 du CPC, le président du Tribunal de Grande Instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que le refus opposé à une demande de droit de réponse, recevable, bien-fondée, et présentée par la voie d'une assignation régulière, est constitutif d'un trouble manifestement illicite ;
Sur la nullité de l'assignation
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicables, également à l'assignation à comparaître devant une juridiction civile, la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite ;
Qu'en application de ce texte, un acte introductif d'instance, établi, au visa de la loi précitée, ne peut, sans être irrégulier, viser, de façon cumulative, des textes ayant trait à des faits incriminés de nature différente, une telle irrégularité ne permettant pas au destinataire d'un tel acte d'identifier, de façon précise, la nature des faits qui lui sont reprochés ;
Que, selon les termes de l'article 34 alinéa 1 de la loi susvisée, les diffamations et injures dirigées contre la mémoire des morts ne sont punissables qu'à la condition que l'auteur de la publication litigieuse ait eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ; qu'à défaut d'établir cette intention, les proches précédemment visés ne peuvent exercer l'action civile, l'infraction n'étant pas constituée ; qu'ils se voient reconnaître, cependant, par l'alinéa 2 de cet article 34, la faculté d'user du droit de réponse prévu à l'article 13 de la même loi, pour faire connaître leurs explications ou protestations ;
Que l'appelante, épouse d'une personne décédée, qu'elle a estimé diffamée, a, dans son acte introductif d'instance, fondé sa demande d'un droit de réponse, notamment, sur les dispositions de l'article 34 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les dispositions de ce texte stipulent : 'que les auteurs des diffamations ou injures aient eu ou non l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants, ceux-ci pourront user, dans les deux cas, du droit de réponse prévu par l'article 13" ;
Qu'ainsi, en visant, dans son assignation, les articles 34 alinéa 2 et 13 de la loi du 10 juillet 1881, Madame [K] n'a fait que viser les deux dispositions nécessairement applicables à une même demande, celle, de l'article 34 alinéa 2, visant sa qualité d'épouse d'une personne décédée qu'elle estimait diffamée et celle, expressément mentionnée à l'article 34 alinéa 2, de l'article 13 de la même loi, définissant le droit de réponse ;
Que les faits dénoncés dans cette assignation étaient, donc, parfaitement identifiables, pour les destinataires de cette assignation ;
Que c'est, donc, à juste titre que le premier juge a dit n'y avoir lieu à annulation de l'assignation ;
Sur la recevabilité des demandes d'insertion
Considérant que le droit de réponse institué par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 étant strictement personnel, aucune disposition de cette loi n'autorise un avocat à exercer, sans mandat spécial, ce droit exceptionnel, sauf dans le cas d'une simple transmission, par cet avocat, d'une réponse élaborée et signée par le titulaire du droit de réponse lui-même ;
Qu'en l'espèce, l'avocat de Madame [K] a, le 17 janvier 2011, adressé, au directeur de la publication du journal LE PARISIEN, deux lettres distinctes, relatives, l'une, à la publication, dans l'édition papier, l'autre, à la diffusion, sur le site de l'internet de ce journal, de l'article litigieux ;
Que s'il a demandé, 'au nom' de Madame [K], la publication du droit de réponse en cause, il a, cependant, joint, à cette demande, le texte de cette réponse, précédé de la phrase suivante : 'je soussignée Madame [G] [D], née le...à... demeurant..., épouse de Monsieur [E] [D], demande que soit exercé dans le quotidien LE PARISIEN un droit de réponse dans les termes suivants...' ; que, ce faisant, cet avocat n'a fait que transmettre une demande de réponse élaborée et signée par la titulaire du droit considéré, sans qu'aucun doute n'existe quant au fait que cette demande était formulée, personnellement, par la titulaire du droit considéré ;
Que, de même, la demande de droit de réponse considérée ayant été transmise, au motif express que l'article à l'origine de cette demande 'ne relat(ait) pas la vérité et port(ait) gravement atteinte à la réputation du défunt', en précisant que Madame [K], sollicitait l'insertion de sa réponse et qu'elle était l'épouse de ce défunt, c'est à juste titre que le premier juge a pu retenir que la demande visait, ainsi, les conditions prévues par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Que c'est, donc, à juste titre que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu de rejeter les moyens d'irrecevabilité soulevés par les défenderesses, mais en omettant de le rappeler, dans le dispositif de sa décision :
Qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer les demandes recevables ;
Sur le bien-fondé de la demande
Considérant que le fait, pour le rédacteur de l'article incriminé, d'avoir qualifié de 'dérisoire' le motif du meurtre de Monsieur [D] est relativisé par l'expression 'en apparence' ; que le fait d'avoir qualifié de 'sombre' le différend évoqué, traduit la méconnaissance admise, par ce rédacteur, des circonstances réelles du meurtre considéré ; que la référence à un 'immeuble de pierres de taille cossu', à la profession d''agent immobilier' de la victime, comme au fait qu'il gérait 'plusieurs enseignes dans la capitale', outre qu'elle n'est pas dénoncée comme contraire à la réalité, ne constitue pas une présentation péjorative de cette victime, à aucun moment qualifiée de 'bourgeois nanti' ; que l'auteur présumé des faits n'étant, dans l'article incriminé, jamais présenté que comme un 'jeune homme de 26 ans', il n'est nullement fait mention de ce qu'il aurait été 'dans le besoin' ou 'de condition sociale modeste' ;
Que l'usage du conditionnel, de l'expression 'semble-t-il', et du mode interrogatif, par le rédacteur de l'article considéré, comme le fait d'y mentionner que l'audition de l'auteur présumé des fait 'se poursuivait hier afin de cerner au plus près le mobile du jeune homme et déterminer les circonstances exactes de la mort de l'agent immobilier', traduisent clairement, pour le lecteur, l'indication, par ce rédacteur, de ce que les seules raisons données du meurtre considéré, l'avaient été par son auteur présumé, et qu'incertaines, elles restaient à vérifier ;
Que c'est, donc, à juste titre, pour les raisons précédemment exposées, que le premier juge a retenu que 'le seul fait que soit évoquée la possibilité que l'époux de la demanderesse ne se serait pas acquitté de la somme demandée, dont le lecteur comprend qu'elle repose sur les allégations de la personne mise en examen, ne constitue pas, dans de telles circonstances, un fait précis susceptible de porter atteinte à l'honneur et à la considération de celui qui a été victime d'un meurtre' ;
Que l'atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur [D], dénoncée par son épouse, n'étant pas manifeste, le trouble manifestement illicite invoqué par cette dernière, n'est pas démontré ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de [G] [K], veuve [D] ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Madame [H], ès qualités, et de la SNC LE PARISIEN LIBERE les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour la présente instance ;
Que Madame [K], qui succombe, devra supporter la charge des dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du CPC ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Déclare recevables les demandes d'insertion formées par Madame [K], veuve [D],
Rejette la demande de Madame [H], prise en qualité de directrice de la publication du journal LE PARISIEN LIBERE et de la SNC LE PARISIEN LIBERE, fondée sur l'article 700 du CPC,
Condamne Madame [K] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRESIDENT