La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2011 | FRANCE | N°09/19874

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 07 décembre 2011, 09/19874


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 07 DECEMBRE 2011



(n° 295, 10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19874.



Décisions déférées à la Cour : 1°) Jugement du 01 Juillet 2009 - Tribunal de Commerce de PARIS 13ème Chambre - RG n° 2008023389. - 2°) Jugement du 17 Septembre 2010 - Tribunal de grande instance de Paris 3ème Chambre 3ème Section - RG n°

08/11548.







APPELANTS (Jugt du 17/09/10) :



- Monsieur [U], [S] [B] [D]

demeurant [Adresse 4],



- Monsieur [M] [W]

demeurant [Adresse 3],



- Monsieur...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 07 DECEMBRE 2011

(n° 295, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19874.

Décisions déférées à la Cour : 1°) Jugement du 01 Juillet 2009 - Tribunal de Commerce de PARIS 13ème Chambre - RG n° 2008023389. - 2°) Jugement du 17 Septembre 2010 - Tribunal de grande instance de Paris 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 08/11548.

APPELANTS (Jugt du 17/09/10) :

- Monsieur [U], [S] [B] [D]

demeurant [Adresse 4],

- Monsieur [M] [W]

demeurant [Adresse 3],

- Monsieur [J] [C]

demeurant [Adresse 1],

représentés par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour,

assistés de Maître Christine AUBERT MAGUERO plaidant pour la SCP SCHMIDT - GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391.

APPELANTE (Jugt du 01/07/09) :

INTIMÉE (Jugt du 17/09/10) :

SARL DES EDITIONS DELPHINE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 5],

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour,

assistée de Maître Martine GADET, avocat au barreau de PARIS, toque D 229.

INTIMÉE :

SNC EMHA

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 2],

représentée par la SCP JEAN PHILIPPE AUTIER, avoués à la Cour,

assistée de Maître Michel MAGNIEN, avocat au barreau de PARIS, toque B 1020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président,

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère,

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Carole TREJAUT.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

LA COUR,

Vu les appels relevés par :

1°) la sarl Éditions [I] (déclaration d'appel n° 19709 du 19 septembre 2009) du jugement du tribunal de commerce de Paris (13ème chambre, n° de RG : 2008023389), rendu le 1er juillet 2009,

2°) MM [U] [D], [M] [W] et [J] [C] (déclaration d'appel n° 20513 du 22 septembre 2010) du jugement du tribunal de grande instance de Paris ( 3ème chambre, 2ème section, n° RG : 08/11548) rendu le 17 septembre 2010,

Joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 octobre 2010 ;

Vu les dernières conclusions (27 septembre 2011) de MM [U] [D], [M] [W] et [J] [C], appelants du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 17 septembre 2010 ;

Vu les dernières conclusions (29 septembre 2011) de la sarl Éditions [I], appelante du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er juillet 2009 et intimée sur l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 septembre 2010 ;

Vu les dernières conclusions (4 octobre 2011) de la snc EMHA, intimée sur l'appel formé par la société Éditions [I] du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er juillet 2009 et incidemment appelante, et intimée sur l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 septembre 2010 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 11 octobre 2011  ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que MM [U] [D], [M] [W] et [J] [C], qui ont composé ensemble de nombreuses 'uvres musicales, ont cédé les droits éditoriaux sur ces 'uvres aux termes de contrats de cession et d'édition musicale conclus avec la société Éditions [I] et la société Tremplin aux droits de laquelle se trouve la société EMHA ; que ces deux sociétés ont signé entre elles plusieurs contrats de coédition afin de définir leurs rôles respectifs ;

Considérant que les trois compositeurs, estimant que la société EMHA n'avait effectué aucun travail éditorial depuis 1991, après avoir fait procéder, en vertu d'une ordonnance du 15 janvier 2008, à un constat d'huissier effectué les 1er et 5 février 2008, ont assigné les sociétés Éditions [I] et EMHA aux fins de résiliation des contrats de cession et d'édition aux torts exclusifs de la société EMHA ;

Considérant que, parallèlement, les relations entre les deux sociétés coéditrices s'étant dégradées, la société EMHA a assigné la société Éditions [I] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ordonner la production des comptes 2005, 2006 et 2007 et la voir condamner à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive ; que la société Éditions [I] a demandé au tribunal de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans la procédure engagée par les trois compositeurs contre les deux sociétés coéditrices devant le tribunal de grande instance de Paris et de prononcer la résiliation de tous les contrats de coédition aux torts exclusifs de la société EMHA et condamner cette société à lui payer 300.000 euros en répétition de l'indu ;

Considérant que le tribunal de commerce débouté les parties de toutes leurs demandes et ordonné la réouverture des débats afin d'entendre les parties sur le contenu d'une mesure d'instruction ;

Que le tribunal de grande instance, ayant constaté que les éditeurs sont juridiquement solidaires d'obligations indivisibles à l'égard de tous les contractants, ce qui rend impossible la résiliation à l'encontre d'un seul d'entre eux, et ayant relevé en outre que les 'uvres litigieuses avaient bien été exploitées conformément aux dispositions de l'article L.132-12 du code de la propriété intellectuelle, a débouté les compositeurs de toutes leurs demandes ;

Considérant que la société Éditions [I] conclut à l'infirmation des deux jugements entrepris et demande à la cour de constater que les obligations des coéditeurs sont divisibles, que la société EMHA n'a pas exécuté celles qui lui incombaient et de résilier en conséquence aux torts de cette dernière les 56 contrats de coédition signés entre le 13 octobre 1972 et le 26 janvier 1982 entre les sociétés Éditions [I] et Tremplin aux droits de laquelle se trouve la société EMHA, de résilier le contrat signé le 28 décembre 1979 concernant le partage de la part éditoriale des droits d'auteur de l''uvre « Mariage d'amour », et, à titre subsidiaire, la désignation d'un constatant avec mission de dire quels sont les avantages d'une coédition, de déterminer l'étendue des obligations à la charge de chacun des coéditeurs de musique et donner son avis sur le point de savoir si les obligations éditoriales ainsi déterminées sont divisibles et si leur exécution devait donc être partagée entre les éditeurs ; qu'elle demande en outre la condamnation de la société EMHA à lui payer 300.000 euros de dommages intérêts et de débouter la société EMHA de toutes ses demandes en paiement des sommes dues sur les produits d'édition ;

Considérant que la société EMHA demande la confirmation du jugement du tribunal de grande instance et celle du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Éditions [I] de sa demande en résiliation des contrats de coédition ; qu'elle conclut toutefois à la réformation de ce dernier jugement pour le surplus et demande à la cour de constater qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre dans l'exécution du contrat d'édition, qu'il n'y a pas lieu de faire les comptes entre les parties au-delà des redditions déjà communiquées ou à communiquer, de débouter la société Éditions [I] de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 9000 euros à titre de dommages-intérêts pour refus abusif de conclure le contrat de sous-édition au Royaume-Uni et en Irlande, 55.138,61 euros sauf à parfaire, somme correspondant à sa quote-part sur les droits de coédition pour les années 2005 à 2010, outre 50.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive quant à la production des comptes ;

Sur la demande de résiliation des contrats de cession et d'édition :

Considérant que MM [U] [D], [M] [W] et [J] [C] reprennent devant la cour, en synthèse, leurs demandes de résiliation, aux torts exclusifs de la société EMHA, des contrats de cession et d'édition musicale et du contrat de cession de droits d'adaptation audiovisuelle relatifs aux 'uvres éditées par la société EMHA dont ils sont les auteurs, outre la condamnation de la société de EMHA à leur payer, au titre de leur préjudice patrimonial, 1.044.873 euros de dommages-intérêts, plus, pour chacun d'eux, 50.000 euros au titre de leur préjudice moral et professionnel et réclament encore, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert avec mission de déterminer l'étendue des obligations de l'éditeur de musique et déterminer si chacun des coéditeurs a exécuté les obligations qui lui incombaient ;

Considérant que les compositeurs exposent que tous les contrats concernés ont été formés sur le même modèle de la chambre syndicale des éditeurs de musique et comportent :

- la cession aux éditeurs de la totalité des droits d'exploitation,

- l'obligation d'assurer aux 'uvres une exploitation permanente et suivie,

- la participation des éditeurs aux recettes de toute nature provenant de l'exploitation des 'uvres,

Considérant que, dans tous ces contrats, les parties sont identifiées comme suit :

1°) l'auteur, soit, pour chaque contrat, le (les) nom(s) du (des) compositeur(s),

2°) l'éditeur, soit la société Éditions [I] et la société Éditions Tremplin ;

Que, dans tout le corps du texte des contrats définissant les droits et obligations des parties, ces dernières ne sont pas autrement désignés que par le terme « l'auteur », quand même ce terme correspond en fait à un ou plusieurs des trois compositeurs ;

Que, de même, le terme « l'éditeur » renvoie à une entité unique sur laquelle pèse la totalité des obligations prévues à la charge de celui-ci ;

Considérant que, si les contrats énumèrent des obligations qui, prises en elles-mêmes, correspondent à des tâches définies et se distinguent évidemment par leur objet, ils ne permettent en revanche aucune distinction de ces mêmes obligations en fonction de leur sujet, en ce que certaines d'entre elles pèseraient sur la société Éditions [I] tandis que d'autres pèseraient sur la société Éditions Tremplin ; qu'il en résulte que l'inexécution de n'importe laquelle des obligations mises à la charge de l'éditeur exposerait nécessairement l'une et l'autre des sociétés Éditions [I] et Éditions Tremplin au risque de devoir en répondre puisque cette inexécution ne pourrait être regardée comme le fait de l'une ou de l'autre, mais seulement d'un manquement de « l'éditeur » à ses obligations ;

Considérant, à l'inverse, que si les obligations mises à la charge de l'éditeur sont exécutées dans des conditions qui ne sont pas de nature à justifier la mise en cause de l'éditeur regardé comme une entité unique, chacune des sociétés coéditrices se trouve alors nécessairement à l'abri de toute action en résiliation pour inexécution de la part de l'auteur, quelle(s) que soi(ent) la (les) compositeur(s) concerné(s) ;

Considérant que c'est donc par une exacte analyse juridique de cette réalité que le tribunal a retenu que, « dans la mesure ou les obligations pèsent ensemble sur les contractants [...], les obligations de l'un ou de l'autre ne sont pas [...] divisibles ou distinctes, ce qui empêche de définir ce qui n'aurait pas été rempli par l'un ou l'autre des éditeurs » ;

Considérant que c'est également à juste titre que le tribunal a rejeté la demande subsidiaire des compositeurs qui demandaient la condamnation de la société EMHA à leur payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice né du maintien du lien contractuel en retenant que la poursuite de relations contractuelles par ceux qui les ont fait naître ne peut être regardée comme fautive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal de grande instance du 17 septembre 2010 sera confirmé en toute ses dispositions ;

Considérant que les appelants demandent subsidiairement à la cour de désigner un expert avec mission, de « déterminer l'étendue des obligations à la charge de l'éditeur de musique [...], de donner son avis sur le point de savoir si les coéditions en matière musicale sont ou non conçues pour une diversification de l'exploitation des 'uvres, en fonction des capacités respectives de chaque coéditeur et de déterminer si chacun des coéditeurs EMHA et [I] a exécuté les obligations qui lui incombaient [...] » ;

Mais considérant que la mesure d'instruction sollicitée dans les termes ci-dessus tend, non à éclaircir des circonstances de fait ou donner un avis technique, mais à porter une appréciation juridique sur les relations entre les parties, ce qui relève, non de l'avis d'un expert, mais de l'office du juge ;

Considérant que MM [D], [W] et [C] seront en définitive déboutés de toutes leurs prétentions ;

Sur la demande de résiliation des contrats de coédition  :

Considérant que la société Éditions [I], appelante du jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2009, reprend devant la cour la demande de résiliation, aux torts de la société EMHA, des 56 contrats de coédition et du contrat du 28 décembre 1979 concernant le partage de la part éditoriale des droits de l'auteur de l''uvre « Mariage d'amour » qu'elle avait présentée à titre reconventionnel devant le tribunal de commerce ;

Qu'elle allègue essentiellement à l'appui de sa demande l'absence totale d'implication de la société EMHA depuis 1991 dans l'exécution des contrats d'édition, lui laissant à elle -Éditions [I] - la totalité de la charge de l'exploitation tout en partageant les résultats financiers de celle-ci ;

Qu'elle indique que, dans la majorité des contrats de coédition en cause, sans toutefois se donner la peine de préciser lesquels, il était expressément mis à la charge de la société Éditions Tremplin, devenue EMHA , entre autres obligations particulières :

- l'impression des partitions et leur vente,

- le règlement aux auteurs des sommes dues pour ces ventes,

- la tenue d'un compte d'exploitation tenant compte de toutes les dépenses et de toutes les recettes (autres que celles des sociétés d'auteurs) relatives à l'exploitation et la promotion des 'uvres et l'envoi d'un exemplaire de ce compte à la société éditions [I] tous les six mois, après les 30 juin et 31 décembre de chaque année ;

Considérant que la société Éditions [I] affirme qu'aucune partition n'a été vendue depuis 2000 et que la société EMHA ne lui a, depuis dix-neuf ans, jamais envoyé le compte d'exploitation semestriel qu'elle était tenue d'établir ;

Considérant qu'il appartient à la société EMHA de prouver qu'elle s'est acquittée envers son cocontractant la société Éditions [I] des obligations mises à sa charge par les contrats de coédition, au moins par ceux qui avaient précisément pour objet de définir la manière dont les deux sociétés travailleraient ensemble pour l'exécution des contrats de cession et d'édition musicale qui les liaient aux compositeurs ; que force est de constater qu'elle n'apporte la preuve, ni de l'édition d'aucune partition, ni de la reddition d'aucun compte semestriel ;

Considérant que la demande de résiliation des contrats comportant les obligations telles que résumées ci-dessus d'édition graphique et de tenue de compte semestriels à la charge de la société Éditions Tremplin, aux torts de la société EMHA, qui ne prouve pas les avoir exécutées, est donc justifiée pour ces contrats ;

Considérant toutefois que la société EMHA relève à juste titre, comme l'examen des pièces le confirme, qu' un certain nombre des contrats versés au débat, au moins ceux correspondant aux pièces 8, 12, 13, 16 19, 20, 21, 50 et 53 de la société Éditions [I], loin de prévoir un partage des obligations tel que décrit par cette société, ne comportent aucune obligation particulière à la charge de la société Éditions Tremplin, désignée comme coéditeur, mais laisse à la charge de la société Éditions [I] la charge d'établir les comptes ;

Que c'est ainsi, à titre d'exemple, que le contrat conclu le 26 janvier 1982 entre la société Éditions [I] dénommé au contrat « l'éditeur » et la société Éditions Tremplin dénommé « le coéditeur » par lequel les parties ainsi désignées ont décidé d'éditer conjointement l''uvre intitulée « Voyage dans la nuit » prévoit un partage de la part éditoriale par moitié entre l'éditeur et le coéditeur (article 3°) et dispose que l'éditeur - soit la société Éditions [I] - se charge seul des formalités nécessaires pour la déclaration de l''uvre (article 4°) de l'impression graphique, de la vente et de la distribution des partitions ainsi que du règlement des rémunérations aux auteurs (article 5°), de la promotion de l''uvre (article 6°) et prévoit (article 7°) que toutes les dépenses concernant l'exploitation seront supportés par moitié entre l'éditeur et le coéditeur ;

Considérant que les contrats rédigés sur ce modèle ne comportent ainsi aucune obligation identifiable qui pèserait spécialement sur le coéditeur hormis celle de supporter la moitié des dépenses d'exploitation ; que l'article 11° des contrats établis selon ce modèle prévoit enfin un arrêté de compte semestriel aux 30 juin et au 31 décembre et l'obligation pour la société débitrice de régler l'autre société dans les 90 jours suivant chacune de ces dates, mais ne précise pas laquelle des deux parties contractantes aura la charge d'établir ces comptes, de sorte que, s'agissant de ces contrats, aucun manquement à ses obligations contractuelles n'étant établi à la charge de la société de EMHA, la demande de résiliation de ces contrats ne peut être que rejetée faute d'allégation d'une inexécution fautive identifiée ;

Considérant que, dans l'hypothèse où les motifs qui précèdent, dont le degré de précision ne peut excéder celui des écritures des parties, ne permettrait pas, en suivant les principes ainsi établis, d'identifier avec une sûreté suffisante la liste des contrats pour lesquels la demande de résiliation de la société Éditions [I] est fondée et de ceux pour lesquelles elle ne l'est pas, il appartiendra le cas échéant à la partie la plus diligente de solliciter la réouverture des débats afin de saisir la cour de toute difficulté éventuelle ;

Sur la demande tendant à la désignation d'un consultant  :

Considérant que la société Éditions [I] demande subsidiairement la désignation d'un constatant avec mission de « dire quels sont les avantages d'une coédition, et dans ce cas le rôle de chacun des coéditeurs » et « déterminer l'étendue des obligations à la charge des coéditeurs de musique bénéficiaires d'une cession totale et exclusive des droits de l'auteur, en prenant notamment en compte l'évolution des technologies en matière musicale et les nouveaux modes et procédés d'exploitation (Internet notamment) ;

Mais considérant que la mesure d'instruction telle que demandée n'entre manifestement pas dans les prévisions des articles 143 et suivants du code de procédure civile dans la mesure où elle porte, non sur des faits, mais sur des données relevant de l'appréciation des rapports juridiques entre les parties, ce qui ne relève que de l'office du juge ;

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Éditions [I] :

Considérant que la société Éditions [I] demande en outre à la cour de condamner la société EMHA à lui payer 300.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé l'inaction de cette société en lui laissant supporter la totalité des dépenses d'exploitation alors que la part éditoriale des droits d'auteur au profit de la société EMHA s'est élevée, de 1991 à 2007, à 1.044.873 euros ;

Considérant qu'il peut être observé que la société Éditions [I] n'a formé en première instance aucune demande de dommages-intérêts, mais a présenté une demande tendant à la condamnation de la société EMHA à lui payer la même somme, non pas sur le fondement de la responsabilité contractuelle, mais sur celui de la répétition de l'indu, demande qu'elle ne reprend pas devant la cour ;

Considérant, par ailleurs, outre que les chiffres avancés par la société Éditions [I] sont contestés par la société EMHA qui soutient que, sur la somme de 1.044.873 euros, 739.716 euros proviennent de la sacem sdrm sans intervention de la société Éditions [I], que cette dernière ne soumet à la cour aucun élément concret de nature à permettre de mesurer l'ampleur du préjudice causé par les seules fautes démontrées à la charge de la société EMHA qui justifient la résiliation à ses torts de certains des contrats en cause - soit l'absence d'édition graphique et l'absence de reddition des comptes semestriels - ; que la seule circonstance que la société EMHA ait pu recevoir la part éditoriale des droits d'auteur lui revenant aux termes des contrats n'est pas en elle-même constitutive d'un préjudice ; que la demande de dommages-intérêts présentée par la société Éditions [I], non justifiée dans son montant, sera en conséquence rejetée ;

Sur les demandes de la société EMHA :

Considérant que la société EMHA rappelle que le tribunal de commerce a retenu dans le jugement dont appel que la société Éditions [I] se reconnaissait débitrice envers EMHA de la somme totale de 30.210,74 euros HT au titre des redditions de comptes pour les années 2005, 2006 et 2007 ; qu'elle relève que la société Éditions [I] a communiqué en cause d'appel les comptes 2008 (pièce 63), 2009 (pièce 90) et 2010 (pièce 100) aux termes desquels elle reconnaît devoir respectivement 10.785,35 euros, 10.029,63 euros et 4.112,90 euros ;

Considérant qu'il est ainsi établi que la société Éditions [I] reste débitrice de la somme totale de 55.138,61 euros, ce qu'elle ne conteste pas, mais au paiement de laquelle elle tente de se soustraire par la compensation avec les sommes auxquelles elle prétend, en vain, faire condamner la société EMHA ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Éditions [I] à payer à la société EMHA la somme de 55.138,61 euros HT ;

Considérant que la société EMHA reprend devant la cour sa demande tendant à voir condamner la société éditions [I] à lui payer 9.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui aurait causé par son refus, abusif selon elle, de confier la sous-édition pour les territoires du Royaume Uni et de l'Irlande à la société Carlin Music Corporation ;

Considérant que le tribunal de commerce a exactement relevé que les contrats de coédition en cause soumettent la signature de tels contrats de sous-édition avec des partenaires étrangers à l'accord des deux parties et ne prévoient aucune procédure de règlement du conflit en cas de désaccord ; que, s'agissant du contrat de sous-édition en cause, la société EMHA ne démontre pas que le refus de la société Éditions [I] du partenaire proposé par elle serait abusif ; que chaque partie a en réalité de justes motifs de préférer le cocontractant de son choix invoquant réciproquement le montant plus avantageux de l'avance dans un cas et celui des redevances ultérieures dans l'autre, outre des liens particuliers avec les partenaires proposés ; que la demande de dommages-intérêts présentée de ce chef par la société EMHA sera en conséquence rejetée, l'abus allégué n'étant pas démontré ;

Considérant enfin que la société EMHA demande la condamnation de la société Éditions [I] à lui payer des dommages-intérêts en raison de sa mauvaise foi, de sa déloyauté et de sa résistance manifestement abusive ;

Mais considérant que la société EMHA ne démontre pas que société Éditions [I] aurait abusé en l'espèce de la faculté de se défendre en justice ; que sa demande sera rejetée ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris ( 3ème chambre, 2ème section, n° RG : 08/11548) rendu le 17 septembre 2010,

DÉBOUTE MM [D], [W] et [C] de toutes leurs prétentions,

CONDAMNE MM [D], [W] et [C] aux dépens de leur appel,

INFIRMANT le jugement du tribunal de commerce de Paris (13ème chambre, n° de RG : 2008023389), rendu le 1er juillet 2009 et STATUANT à nouveau

Faisant partiellement droit aux demandes de la société éditions [I],

PRONONCE la résiliation, aux torts de la société EMHA, des contrats de coédition comportant à la charge de la société Éditions Tremplin, devenue EMHA , entre autres obligations particulières :

- l'impression des partitions et leur vente,

- le règlement aux auteurs des sommes dues pour ces ventes,

la tenue d'un compte d'exploitation tenant compte de toutes les dépenses et de toutes les recettes (autres que celles des sociétés d'auteurs) relatives à l'exploitation et la promotion des 'uvres et l'envoi d'un exemplaire de ce compte à la société éditions [I] tous les six mois, après les 30 juin et 31 décembre de chaque année,

DÉBOUTE la société Éditions [I] de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation des autres contrats de coédition et du contrat du 28 décembre 1979 concernant le partage de la part éditoriale des droits de l'auteur de l''uvre « Mariage d'amour »,

DIT qu'il appartiendra le cas échéant à la partie la plus diligente, dans le mois du prononcé de l'arrêt, à peine d'irrecevabilité, de solliciter la réouverture des débats afin de saisir la cour de toute difficulté éventuelle relative à la liste des contrats pour lesquels la résiliation demandée par la société Éditions [I] est prononcée et de ceux pour lesquelles elle ne l'est pas,

DIT n'y avoir lieu à désignation d'un constatant et REJETTE la demande à cette fin présentée par la société Éditions [I],

DÉBOUTE la société Éditions [I] de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE la société Éditions [I] à payer à la société EMHA la somme de 55.138,61 euros HT correspondant à sa quote-part sur les droits de coédition pour les années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010,

DÉBOUTE la société EMHA de sa demande de dommages-intérêts pour refus abusif de confier la sous-édition pour les territoires du Royaume Uni et de l'Irlande à la société Carlin Music Corporation,

DÉBOUTE la société EMHA de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

CONDAMNE la société Éditions [I] dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/19874
Date de la décision : 07/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°09/19874 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-07;09.19874 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award