La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2011 | FRANCE | N°10/01102

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 01 décembre 2011, 10/01102


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 01 Décembre 2011

(n° 8 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01102



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section ACTIVITÉS DIVERSES - RG n° 06/00970









APPELANTE

Association APOGEI 94 - FOYER MADELEINE HUET

[Adresse 1]

[Localité 3]

représ

entée par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622

substitué par Me Anne ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622







INTIMÉE

Madame [P] [H]

[Adresse 2]

[Localit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 01 Décembre 2011

(n° 8 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01102

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section ACTIVITÉS DIVERSES - RG n° 06/00970

APPELANTE

Association APOGEI 94 - FOYER MADELEINE HUET

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622

substitué par Me Anne ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622

INTIMÉE

Madame [P] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assistée de Me Annie BARLAGUET, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise FROMENT, Présidente

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[P] [H] a été engagée par l'Association des Parents d'Enfants Inadaptés :

-selon contrat à durée déterminée du 30 juillet 1994 au 28 août 1994 en qualité d'animatrice pour séjour de vacances

-selon contrat à durée déterminée du 2 septembre 1994 au 30 septembre 1994 en qualité d'animatrice 'candidat élève avant sélection'

-selon contrat à durée déterminée du 14 novembre 1994 au 18 novembre 1994 en remplacement pour l'accompagnement de personnes semi-retraitées ou retraitées

-selon contrat à durée déterminée du 12 décembre 1994 au 8 janvier 1995 en qualité d'animatrice 'candidat élève avant sélection'

-selon contrat à durée indéterminée à compter du 6 mars 1995 en qualité d'animatrice 'candidat élève avant sélection'

la relation contractuelle étant soumise à la convention collective des Etablissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966 dont diverses annexes étaient visées dans les contrats et, en dernier lieu, l'annexe 4.

A compter du 1er janvier 2004, l'employeur est devenu l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du [Localité 5], APOGEI 94 qui gère des foyers d'hébergement et des appartements.

Par lettre du 9 septembre 2008, [P] [H] s'est portée candidate sur un poste de moniteur-éducateur sur le Foyer d'hébergement et elle a été affectée à ce poste à compter du 4 novembre 2008.

Estimant ne pas être remplie de ses droits au titre des congés trimestriels, du travail en chambre de veille et des astreintes, [P] [H] avait, le 5 mai 2006, saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil de diverses demandes à ce titre, et, par jugement du 21 février 2008, cette juridiction a :

-mis hors de cause L'APEI d'entre [Localité 4]

-condamné l'APOGEI 94 à payer à [P] [H] :

-4 473,65 € de rappel de congés supplémentaires pour les années 2001 à 2006

-1 000,00 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi de 1995 à 2000 inclus

-400,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

ces sommes avec intérêts au taux légal 3 semaines après la notification du jugement

-condamné l'APOGEI 94 à laisser prendre à [P] [H] 6 jours de congés supplémentaires correspondants au 1er trimestre 2007 avant le 31 mai 2008

-débouté les parties du surplus de leurs demandes

-ordonné l'exécution provisoire.

L'ASSOCIATION APOGEI 94 FOYER MADELEINE HUET a relevé appel le 6 mai 2008 de cette décision .

Lors de l'audience du 21 janvier 2010, à laquelle l'examen de l'affaire avait été fixé, elle a fait l'objet d'une radiation car elle n'était pas en état d'être plaidée.

Sur demande de réinscription formée par le conseil de l'appelante par courrier daté du 1er février 2010 et reçu au greffe le 3 février 2010, à laquelle étaient joints conclusions et bordereau de communication de pièces, l'affaire a été à nouveau fixée pour être plaidée à l'audience du 20 octobre 2011.

Lors de cette audience, l'APOGEI 94, représentée par son conseil, a développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation de la décision attaquée, le rejet de toutes les demandes de [P] [H] et sa condamnation à lui payer 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

[P] [H], assistée de son conseil, a, lors de cette audience, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle entend voir condamner l'APOGEI 94 venant aux droits de l'Association des Parents Inadaptés d'entre [Localité 4] 'ou bien pour elle-même' à lui payer :

-4 201,84 € pour les congés payées trimestriels 2001 à 2003

-3 113,88 € pour les congés payés trimestriels 2004 et 2005

-9 127,89 € pour les congés payés trimestriels 2006 à 2011

avec intérêts au taux légal à compter de la demande

-6 501,84 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi pendant les années 1995 à 2000

-17 000,48 € de rappel de salaire 2002 -2006 et 1 700,05 € de congés payés afférents

-1 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance et 2 000,00 € sur le même fondement pour les frais d'appel

et à lui fournir, sous astreinte, ses plannings d'astreinte de février 2004 à septembre 2006 inclus.

MOTIFS

Considérant, sur la demande au titre des congés payés trimestriels, qu'[P] [H] se prévaut de l'article 6 de l'annexe 3 de la convention collective qui les institue ainsi que du principe 'à travail égal, salaire égal' tandis que l'APOGEI 94 s'y oppose en se référant à l'annexe 10 de la convention collective ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que, pendant la période litigieuse, [P] [H] s'occupait de personnes adultes handicapées ;

Considérant que le contrat à durée indéterminée du 15 février 1995 à effet du 6 mars suivant précisait en son article 3 que la relation contractuelle était soumise aux dispositions de la convention collective de mars 1966, annexe 4 ;

Considérant que cette annexe, qui contient des dispositions spécifiques au personnel paramédical non cadre, dispose, en son article 6 que 'sans que le fonctionnement des établissements et services en soit perturbé' les personnels ont droit, selon leur statut, au bénéfice, soit de 6 jours de congés consécutifs, soit de 3 jours de congés consécutifs, non compris les jours fériés et repos hebdomadaires, au cours de chacun des trois trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel ; qu'au regard de son statut, elle avait contractuellement droit aux 3 jours ci-dessus prévus par trimestre ;

Considérant ceci étant qu'elle en réclame 6 en se prévalant de l'annexe 3 qui dispose en son article 6 qu'en 'sus des congés payés annuels accordés selon les dispositions de l'article 22 de la convention collective, les personnels visés par la présente annexe ont droit au bénéfice de congés payés supplémentaires, au cours de chacun des trois trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel, pris au mieux des intérêts du service, aux conditions suivantes, pour le personnel non cadre : trois jours consécutifs , non compris les jours fériés et le repos hebdomadaire , par trimestre' ;

Considérant que cette annexe 3 de la convention collective a pour titre 'Dispositions particulières au personnel éducatif, pédagogique et social non cadre' et précise qu'en sont bénéficiaires les personnels chargés dans les établissements et services du champ d'application professionnel fixé à l'article 1er de ladite convention, de la mise en oeuvre des techniques éducatives, pédagogiques et sociales ;

Considérant qu'en prévoyant que des congés supplémentaires ne seraient attribués au personnel relevant de l'annexe 10, que par un accord distinct et simultané, les parties à l'avenant 145 ont par là même exclu l'application à ces personnes des dispositions relatives aux congés trimestriels contenues dans d'autres annexes à la convention collective ; qu'aucun accord distinct n'étant intervenu pour le personnel travaillant au sein des établissements pour personnes adultes handicapées, la demande d'[P] [H] est sans fondement conventionnel ;

Considérant ceci étant qu'il est établi que, alors qu' [P] [H] soutient que des salariés, dont elle précise l'identité, travaillant dans le même foyer et exerçant des fonctions qui, selon l'employeur, les exclurait du bénéfice de 6 jours de congés supplémentaires, se sont vus reconnaître le bénéfice des congés payés supplémentaires, ce qui n'est pas contesté et ce dont elle justifie, l'APOGEI 94 ne justifie pas, alors que cela lui appartient, des motifs objectifs de différence de traitement, le seul fait que le contrat de travail des salariés en cause aurait, par erreur, fait référence à l'annexe 3 n'étant pas de nature à justifier cette différence de traitement entre des salariés effectuant tous un travail de même nature dans des établissements pour personnes handicapées adultes ;

Considérant qu'[P] [H] revendique donc à bon droit une indemnité compensatrice au titre des congés qui ne lui ont pas été accordés ;

Considérant que le montant des demandes pour la période non prescrite n'est pas contestée ; qu'il y sera fait droit, étant observé que ce n'est que postérieurement à la décision déférée que l'APOGEI 94 a fait signer à [P] [H] un avenant qui précise que l'annexe 10 lui est applicable, ce qui au demeurant, ne modifie pas les termes du litige, la salariée ne pouvant valablement renoncer à se trouver dans une situation identique à celle de ses collègues ;

Considérant que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal, pour les sommes échues à cette date, à compter du 12 mai 2006, date de la réception par l'APOGEI 94 de la convocation en conciliation et, pour les sommes échues ultérieurement, à partir de leur date d'échéance ;

Considérant par contre que [P] [H] ne saurait obtenir, sous forme de dommages-intérêts, les congés payés supplémentaires dont elle n'a pu bénéficier pendant la période prescrite, faute pour elle de réclamation ; que sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée ;

Considérant, sur la demande de rappel de salaire au titre du travail en chambre de veille, qu'il résulte de l'article L3121-1 du code du travail que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Considérant que si, en application de la directive 93/04 , tous les temps de présence au sein de l'entreprise doivent être comptabilisés pour apprécier si les temps de repos minimum et la durée maximale hebdomadaire de travail sont respectés, cette directive ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs ;

Considérant sur ce point que l'article L3121-9 du code du travail dispose qu'une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en conseil d'Etat, ces périodes étant alors rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs de travail ;

Considérant que par arrêt du 28 avril 2006, le Conseil d'Etat a annulé le décret 2001-1384 du 31 décembre 2001, qui instituait une durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif , en tant qu'il ne fixait pas les limites dans lesquelles doit être mis en oeuvre le régime d'équivalence qu'il définissait pour garantir le respect de seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993 ;

Considérant que ce n'est que par un décret du 29 janvier 2007 que ces garanties seront instituées ;

Considérant que la demande de rappel de salaires formée par [P] [H], dont il est constant qu'elle effectuait des nuits de permanence au sein de l'établissement, pendant lesquelles elle devait intervenir immédiatement chaque fois que nécessaire et rester à la disposition permanente de son employeur et des résidents, une chambre de veille étant mise à sa disposition, demande qui porte sur la période 2004 à 2006 est donc, aucun système d'équivalence ne pouvant lui être valablement opposé, justifiée ;

Considérant que l'APOGEI 94 ne forme aucune critique sur le montant des sommes réclamées, lesquelles, au regard des calculs effectués par [P] [H], sont pertinentes ; qu'il sera donc fait droit à cette demande ;

Considérant, sur la demande au titre des astreintes, que selon l'article L3121-5 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise,  la durée de cette intervention étant considérée comme du travail effectif ;

Considérant que l'article L3121-7 du même code dispose que les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu ; qu'à défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel, s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail ;

Considérant que force est de constater en l'espèce que, bien que l'APOGEI 94 ait mis en place un système d'astreinte, les dispositions de l'article précité n'ont pas été respectées, ce qui ouvre droit à indemnisation d'[P] [H] ; que ce préjudice ne saurait toutefois être équivalent à la rémunération intégrale et à taux plein des périodes d'astreinte, seuls les temps d'intervention ouvrant droit à une telle indemnisation ; que, ceci étant, rien ne permet de retenir que [P] [H] n'aurait pas été rémunérée de ses temps d'intervention ; que [P] [H] ne chiffrant pas sa demande de dommages-intérêts, ne serait-ce qu'à titre provisionnel, cette demande sera rejetée, rien ne justifiant qu'il soit enjoint à APOGEI 94 de produire les plannings d'astreinte ;

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a débouté [P] [H] de sa demande de production des plannings d'astreinte et de sa demande de dommages-intérêts pour la période prescrite

Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant

Condamne l'Association APOGEI 94 à payer à [P] [H] :

-4 201,84 € pour les congés payées trimestriels 2001 à 2003

-3 113,88 € pour les congés payés trimestriels 2004 et 2005

-9 127,89 € pour les congés payés trimestriels 2006 à 2011

-17 000,48 € de rappel de salaire 2004 -2006 et 1 700,05 € de congés payés afférents

-1 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance et 2 000,00 € sur le même fondement pour les frais d'appel

Dit que les sommes de nature salariale allouées produiront intérêts au taux légal, pour les sommes échues à cette date, à compter du 12 mai 2006, date de la réception par l'APOGEI 94 de la convocation en conciliation et, pour les sommes échues ultérieurement, à partir de leur date d'échéance ;

Condamne l'APOGEI 94 aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/01102
Date de la décision : 01/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/01102 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-01;10.01102 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award