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30/11/2011 | FRANCE | N°10/02893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 30 novembre 2011, 10/02893


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 30 Novembre 2011

(n° 15 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02893- CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/12710









APPELANTE

Madame [P] [C] épouse [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie

JAUFFRET, avocat au barreau de PARIS, toque : W15







INTIMÉE

SARL PALISSAD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle BENSIMHON CANCE, avocat au barreau de PARIS, toque P0410





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 30 Novembre 2011

(n° 15 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02893- CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/12710

APPELANTE

Madame [P] [C] épouse [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie JAUFFRET, avocat au barreau de PARIS, toque : W15

INTIMÉE

SARL PALISSAD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle BENSIMHON CANCE, avocat au barreau de PARIS, toque P0410

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur. Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 18 novembre 2008 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a débouté Madame [P] [L] de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée aux dépens.

Madame [P] [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 5 juin 2009.

Vu l'ordonnance de radiation du 24 février 2010 constatant que l'appelante avait conclu trop tardivement pour permettre à l'intimée de répondre ;

Vu la demande de rétablissement formée par lettre de l'appelante reçue le 2 mars 2010, accompagnée de ses conclusions et de son bordereau de communication de pièces ;

Vu la convocation adressée par le greffe le 7 avril 2010 pour l'audience du 18 octobre 2011;

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 18 octobre 2011, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :

La SARL PALISSAD est une société d'architecture et d'urbanisme créée le 29 janvier 1988. Elle comportait à l'origine deux associés à parts égales, Messieurs [N] et [A], et avait pour gérant Monsieur [D] [L] qui deviendra par la suite architecte.

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 24 octobre 1989, la Société PALISSAD a engagé en qualité de secrétaire Madame [P] [L], épouse de Monsieur [D] [L] du 24 octobre 1989 au 28 février 1991. Ayant bénéficié d'un congé de maternité du 22 octobre 1990 au 31 janvier 1991, Madame [L] a cessé son activité à la fin du contrat.

Le 27 janvier 1993, les fondateurs ([N] et [A]) ont cédé leurs parts à Monsieur [D] [L], à son épouse Madame [P] [L] et à Monsieur [G] [L].

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 1993, la Société PALISSAD a réembauché Madame [P] [L] en qualité de Responsable développement pour un temps partiel de 96 heures.

A la suite d'un congé parental de deux ans et demi, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé entre la SARL PALISSAD et Madame [L] le 1er septembre 1998 pour un emploi d'Assistante de Direction moyennant un horaire de 138 heures par mois.

Suivant Avenant du 1er janvier 1999, Madame [L] est devenue cadre coefficient 300.

Le 12 juillet 1999, dans le cadre d'une augmentation de capital, deux collaborateurs de la société, Messieurs [J] [Y] et [V] [H], sont entrés au capital social de la société PALISSAD qui se répartissait comme suit :

- [D] [L] : 250 parts

- [P] [L] : 250 parts

- [J] [Y] : 500 parts

- [V] [H] : 500 parts

A la naissance de son 4ème enfant, après un nouveau congé parental de 6 mois (du 30 avril au 30 septembre 2005), Madame [L] a repris une activité à 3/5ème de temps, par avenant du 4 octobre 2005 fixant ses horaires de 9 heures à 18 heures 3 jours par semaine les mardis, jeudis et vendredis, pour une durée d'un an, renouvelable deux fois jusqu'aux 3 ans de son enfant. Son salaire brut mensuel était fixé à 3775,61 euros.

A la fin de l'année 2006, à la demande de Monsieur [D] [L] (co-gérant de la société PALISSAD avec [J] [Y] et [V] [H]), le capital social de la société a été rééquilibré. Par assemblée générale ordinaire du 30 décembre 2006, une prime exceptionnelle de 31000 euros a été versée à Monsieur [D] [L] pour lui permettre d'acquérir 167 parts sociales de la société PALISSAD. Et par acte du 11 mai 2007, enregistré le 22 mai 2007, le capital social de la société a été réparti de la façon suivante :

- [D] [L] : 417 parts

- [P] [L] : 249 parts

- [J] [Y] : 417 parts

- [V] [H] : 417 parts

C'est peu après, au cours de l'année 2007 que le climat s'est détérioré entre les associés lorsque le 28 juin 2008, Monsieur [L] a démissionné de ses fonctions de co-gérant à effet du 28 septembre 2008, et a cédé le 3 septembre 2007ses parts sociales à son épouse [P] [L] .

Les associés en découvrant cette cession de parts le 1er octobre 2007, ont aussi découvert que les époux [L] avaient constitué depuis le 15 décembre 2005 une société BOITE A PART, concurrente de la société PALISSAD, et avaient le 16 janvier 2007 déposé auprès de l'INPI la marque PALISSAD ARCHITECTURE et le logo de la société.

C'est dans ce contexte que le licenciement de Madame [L] est intervenu.

Le 2 octobre 2007, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé le 15 octobre 2007 avec notification d'une mise à pied conservatoire. Puis elle a été licenciée pour faute lourde par lettre du 6 novembre 2007 la société PALISSAD lui reprochant :

- le dépôt frauduleux et à l'insu de l'employeur de la marque et du logo de la société PALISSAD,

- la création le 15 décembre 2005 et à l'insu de son employeur d'une société « Boîte à part », directement concurrente de la société PALISSAD et dont elle assurait la gérance,

- la collusion frauduleuse entre les époux [L] à fin de spoliation des droits et actifs de la société PALISSAD,

- la contribution de Madame [L] au détournement de clientèle de la société PALISSAD.

Contestant son licenciement, Madame [L] a saisi le 29 novembre 2007 conseil de prud'hommes de PARIS qui a rendu la décision déférée.

* * *

MOTIFS

Madame [L] demande en premier lieu à la cour de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de sa notification tardive.

En second lieu elle demande de le déclarer irrégulier, et sans cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des griefs relatifs au dépôt de marque à l'INPI, à la création de la société « Boîte à part », et aux cessions de parts . Subsidiairement elle estime que ces griefs ne peuvent justifier un licenciement. Elle considère enfin que le grief relatif à la prétendue captation de clientèle est imprécis et équivaut à une absence de grief ; que de surcroît, il n'est pas prouvé par l'employeur.

Sur la notification tardive du licenciement et ses conséquences.

Se référant aux dispositions de l'article IV.2.1 de la convention collective des entreprises d'architecture qui lui est applicable, Madame [L] prétend que le licenciement devait intervenir dans un délai maximum de 10 jours francs après l'entretien préalable . Faisant observer qu'elle a été licenciée 22 jours francs après l'entretien en violation des stipulations de la convention collective, la salariée prétend que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société PALISSAD s'oppose à cette argumentation en soulevant irrecevabilité de cette prétention qui n'avait pas été soulevée en première instance. Elle considère en tout état de cause que les dispositions de la convention collective ne constituent qu'une garantie de pure forme, et que leur non respect ne peut constituer qu'une irrégularité de forme et ne peut remettre en cause le caractère réel et sérieux du licenciement de Madame [L] dont la faute lourde sera reconnue ; qu'aucune sanction n'est prévue par la convention collective .

Contrairement à ce soutient la SARL PALISSAD, et au regard des dispositions de l'article R 1452-7 du code du travail, prescrivant que les demandes nouvelles du même contrat sont recevables même en appel, il y a lieu de déclarer recevable la demande de Madame [L] relative à la notification tardive du licenciement.

Sur le fond, il résulte de l'article IV-2-1 de la convention collective nationale des entreprises d'architecture du 23 février 2003, applicable au contrat de travail de la salariée, qu'en matière de licenciement pour motif personnel, « conformément à la procédure prévue par le code du travail, le licenciement est obligatoirement précédé d'un entretien au cours duquel l'employeur indique les motifs de la rupture envisagée et recueille les observations du salarié.  Celui-ci à la faculté de se faire assister par la personne de son choix. Si la décision de licenciement est prise, l'employeur la notifie au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai maximum de 10 jours francs. »

Cette procédure conventionnelle, contrairement à ce que soutient la société PALISSAD est une garantie de fond .

En l'espèce, il est certain que la notification du licenciement de Madame [L] est intervenue par lettre recommandée du 6 novembre 2007, dans un délai de 22 jours après l'entretien préalable, en méconnaissance des dispositions de la convention collective.

Le licenciement de Madame [L] prononcé au mépris de la procédure conventionnelle plus de dix jours après l'entretien préalable, a pour effet de le rendre sans cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [L] de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes de Madame [L]

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse Madame [L] est en droit de prétendre au paiement des indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Compte tenu des éléments justificatifs versés aux débats, il y a lieu de condamner la SARL PALISSAD à verser à la salariée les sommes de :

- 11326,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1132,68 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 10609,47 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement compte tenu d'une ancienneté de 18 ans et 15 jours remontant au 23 avril 1991 comme indiqué sur les bulletins de salaire,

- 4404,76 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 4 octobre au 8 novembre 2007,

- 2454,14 euros au titre des congés payés (19,50 jours) non soldés

- 22656,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, compte tenu des circonstances dans lesquelles le licenciement est intervenu et du préjudice subi par la salariée.

Il n'y a pas lieu à rappel de préavis et congés payés afférents sur la base d'un temps plein, Madame [L] n'ayant pas encore repris à plein temps son travail au moment du licenciement.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2007, date de la réception par la partie défenderesse de la convocation à l'audience de conciliation, et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt .

Il n'apparaît pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance d'appel.

La SARL PALISSAD qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame [P] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la SARL PALISSAD à payer à Madame [P] [L] les sommes suivantes :

- 11326,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1132,68 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 10609 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 4404,76 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,

- 2454,14 euros au titre des congés payés non soldés

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2007, date de la réception par la partie défenderesse de la convocation à l'audience de conciliation,

Condamne en outre la SARL PALISSAD à payer à Madame [P] [L] la somme de 22656,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SARL PALISSAD aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/02893
Date de la décision : 30/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°10/02893 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-30;10.02893 ?
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