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30/11/2011 | FRANCE | N°09/28400

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 30 novembre 2011, 09/28400


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 30 NOVEMBRE 2011



(n° 287, 9 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28400.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 09/07665.









APPELANTE :



SARL MAISO

N APPOLLINAIRE

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège [Adresse 2],



représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Yves MARCELLIN, avocat au barreau de PARIS, to...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2011

(n° 287, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28400.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 09/07665.

APPELANTE :

SARL MAISON APPOLLINAIRE

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège [Adresse 2],

représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Yves MARCELLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0420.

INTIMÉS :

- Monsieur [R] [Y]

demeurant [Adresse 5]

- SARL E.N.S.

prise en la personne de son gérant, Monsieur [Y],

ayant son siège social [Adresse 3],

représentés par Maître Chantal-Rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour,

assistés de Maître Fabienne FAJGENBAUM et de Maître Thibault LACHACINSKI plaidant pour la SCP NATAF FAJGENBAUM & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 305.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseiller

Madame Anne-Marie GABER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Didier PIMOULLE, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président, et par Madame Sabine DAYAN, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Vu l'appel relevé par la sarl Maison Appollinaire du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section, n° de RG : 09/7665), rendu le 25 novembre 2009 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante (21 septembre 2011) ;

Vu les dernières conclusions (23 août 2011) de M. [R] [Y] et de la sarl ENS., intimés et incidemment appelants ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 27 septembre 2011  ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que M. [Y], artisan chocolatier, créateur d'une spécialité composée d'un assortiment de feuilles, de morceaux et de plaques de chocolat disposés dans un cornet de papier et de cellophane fermé par un lien de raphia et une étiquette portant le signe « Bouquet de chocolat », titulaire :

- de la marque communautaire tridimensionnelle en noir et blanc « bouquet de chocolat » N° 00 6 410 922, enregistrée le 16 septembre 2008 pour désigner du « chocolat, pâtisserie, confiserie et préparations à base de chocolat » en classe 30 de la classification internationale,

- du modèle français n° 921035 déposé le 16 février 1995,

- la marque communautaire figurative « bouquet de chocolat » n° 00 5 427 752, déposée le 30 octobre 2006 et enregistrée le 5 octobre 2007 pour désigner du « chocolat ou produits à base de chocolat » en classe 30 de la classification internationale,

ayant constaté l'offre en vente, dans certains magasins de la grande distribution, d'un produit dénommé « Le bouquet des gourmets » reprenant, selon lui, les caractéristiques substantielles de son « Bouquet de chocolat », a, en agissant avec la société ENS, présentée comme sa licenciée, assigné la société Maison Appollinaire, fournisseur de ce produit et titulaire de la marque française verbale « Le Bouquet des gourmets », sur le fondement de la contrefaçon de ses marques et modèle et celui de la concurrence déloyale, réclamant le paiement de dommages-intérêts, d'une indemnité provisionnelle et la désignation d'un expert, ainsi que des mesures d'interdiction et de publication et l'annulation de la marque française « Le Bouquet des gourmets » ; que la société Maison Appollinaire s'est opposée par divers moyens à toutes ces demandes et a reconventionnellement sollicité la condamnation des demandeurs à lui payer des dommages-intérêts pour « procédure abusive et frustratoire » ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a débouté M. [Y] et la société ENS de toutes leurs prétentions fondées sur la contrefaçon des deux marques communautaires et du modèle français invoqués mais a condamné la société Maison Appollinaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire et rejeté sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que la société Maison Appollinaire conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée sur le fondement de la concurrence déloyale et en ce qu'il a rejeté sa propre demande reconventionnelle, qu'elle reprend en cause d'appel en élevant sa demande de dommages-intérêts pour tenir compte de faits nouveaux qui se sont produits depuis le jugement, et à la confirmation en ce qu'il a rejeté toutes les prétentions des demandeurs fondées sur la contrefaçon ;

Que M. [Y] et la société ENS reprennent leurs demandes fondées sur la contrefaçon des deux marques communautaires et du modèle français et la concurrence déloyale et poursuivent la nullité de la marque « Le bouquet des gourmets » déposée à l'INPI le 4 septembre 2008 par la société Maison Appollinaire ;

1. Sur la contrefaçon des marques communautaires tridimensionnelle « Bouquet de chocolat » N°00 6410922 et figurative « bouquet de chocolat » n° 00 5 427 752 n° 00 5 427 752 :

Considérant qu'il n'est pas prétendu que le produit désigné par le signe « Le Bouquet des gourmets » commercialisé par la société Maison Appollinaire serait la reproduction à l'identique de l'une ou de l'autre des marques communautaires dont se prévaut M. [Y], lequel invoque l'existence d'une ressemblance, génératrice d'un risque de confusion dans l'esprit du public entre, d'une part ce produit et sa marque tridimensionnelle, d'autre part, la marque « Le bouquet des gourmets » et sa marque figurative ;

Considérant que l'article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues par les articles 9, [...] du règlement CE 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire » ; qu'il résulte de l'article 9, b, de ce règlement CE que le titulaire d'une marque communautaire peut interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires « d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public » ; que, pareillement, l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public: [...] b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. » ;

Considérant qu'il est acquis que l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public au sens des dispositions communautaires et nationales précédemment rappelées doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, cette appréciation globale devant, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marque en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ;

Considérant que c'est ainsi qu'il y a lieu de tenir compte, à titre de facteur pertinent, de la plus ou moins grande proximité des produits ou services couverts par les signes en présence, une forte proximité des produits pouvant compenser une faible similitude des signes ;

Considérant, en l'espèce, qu'il n'est pas contesté que les produits couverts par les marques et signes en confrontation sont identiques, s'agissant de chocolats, confiserie et produits du chocolat ; qu'il suit de là que l'existence du risque de confusion constitutif de la contrefaçon n'est à rechercher que dans la comparaison des signes ;

1.1. Sur l'existence d'un risque de confusion entre la marque communautaire tridimensionnelle n°00 6410922 et le produit « Le Bouquet des gourmets » :

Considérant la marque tridimensionnelle opposée est constituée par la photographie en noir et blanc d'un emballage vu de face, accompagnée d'aucune description ni revendication d'aucune couleur ; que le tribunal a justement relevé que la protection revendiquée ne peut être accordée qu'à l'objet photographié ;

Considérant que la photographie constitutive de la marque montre un objet en deux dimensions, représenté en à-plat, et ne donne aucune idée du volume de cet objet que seule une représentation explicite en trois dimensions pourrait suggérer ; que l'image invoquée ne donne nullement à voir un cône ou un cornet dont M. [Y] n'est donc pas fondé à revendiquer la protection ;

Considérant, par ailleurs, que la marque tridimensionnelle telle que révélée par la photographie déposée représente un objet composite dont la moitié inférieure montre un triangle, pointe en bas, partagé en deux surfaces égales de couleur différentes par la bissectrice de l'angle inférieur, dans la base duquel vient s'inscrire un losange contenant un autre losange constitutif d'une étiquette, et dont la moitié supérieure se compose d'une forme irrégulière faite d'un matériau apparemment transparent contrastant avec la rigueur géométrique de la partie inférieure ;

Qu'ainsi, en dépit des explications développées dans leurs écritures par M. [Y] et la société ENS, qui suggèrent une vision enrichie de la marque opposée, l'examen de la photographie en cause ne donne à voir ni une forme de cornet en losange, ni un assemblage de carton et de cellophane, ni la présence de morceaux de chocolats de différentes sortes, cassés, remplissant les deux tiers du cornet et présentés sous forme d'un bouquet à offrir, une telle interprétation ne pouvant venir à l'esprit à la vue de la seule photographie ;

Considérant, dans ces conditions, que le produit de la société Maison Appollinaire, constitué d'un cône en carton, pointe en bas, contenant des chocolats et recouvert de papier transparent fermé par un lien enserrant une étiquette ne peut être regardé comme un signe similaire à la marque tridimensionnelle invoquée ou comme une imitation de celle-ci ; que la photographie et le produit incriminé ne produisent pas la même impression et qu'il n'existe aucun risque de les confondre ;

1.2. Sur l'existence d'un risque de confusion entre la marque communautaire « Bouquet de chocolat » n° 00 5 427 752 et le signe « Le Bouquet des gourmets » :

Considérant que la marque communautaire « Bouquet de chocolat » qualifiée de figurative sur le certificat de dépôt, présente l'expression verbale « bouquet de chocolats » en lettres de couleur rouge au sein d'un carré de couleur beige, le tout étant inscrit au sein d'un losange de couleur grise comportant des rayures de couleur rouge ; que M. [Y] et la société ENS soutiennent que, dans un tel signe, l'élément verbal est prépondérant, que le consommateur d'attention moyenne retiendra donc principalement la locution originale et poétique « bouquet de chocolat », que le dernier terme est peu distinctif s'agissant de désigner précisément des produits du chocolat, de sorte que seul doit en définitive être retenu comme terme de comparaison pertinent le mot bouquet, situé au début du signe, et que le mot bouquet, repris à l'identique, et dont la portée n'est pas atténuée par l'expression « des gourmets », générique en matière culinaire et dépourvue de caractère distinctif, confère un degré de similitude avec la marque opposée tel qu'il provoque un risque de confusion dans l'esprit du public et caractérise la contrefaçon alléguée ;

Mais considérant que M. [Y] et la société ENS ne peuvent être admis à faire abstraction de l'élément figuratif de la marque déposée comme figurative en ne retenant, et encore en partie seulement, que le seul élément verbal ; que ce dernier, même s'il peut être regardé comme prépondérant, ne peut être totalement dissocié des éléments figuratifs qui participent à son caractère distinctif ;

Que l'importance de cet élément figuratif peut être d'autant moins minorée en l'espèce que l'expression « bouquet de chocolats », employée pour désigner précisément un assemblage de produits du chocolat présente un fort caractère descriptif et n'est que faiblement distinctive ;

Considérant, en définitive, que le tribunal a exactement relevé que le seul élément commun entre les deux signes est le mot « bouquet » ; que la forme en losange n'est pas reprise, non plus que plus la police des caractères, l'harmonie des trois couleurs rouge, beige et grise et l'agencement des figures géométriques qui encadrent et mettent en valeur l'expression verbale ; que la présence de ce seul élément commun ne suffit pas à faire produire aux deux signes en présence une impression commune qui serait de nature à provoquer dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne un risque de confusion caractérisant la contrefaçon alléguée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] et la société ENS de leurs prétentions fondée sur la contrefaçon des deux marques communautaires invoquées ;

Considérant, dès lors, que la demande des intimés, figurant dans le dispositif de leurs dernières écritures mais non explicitée dans les motifs, tendant à voir prononcer la nullité, à tout le moins partielle, de la marque française « Le bouquet des gourmets » n° 08 3 596 805 déposée par la société Maison Apollinaire, ne peut qu'être rejetée en l'absence de démonstration de l'existence d'un risque de confusion ;

2. Sur la contrefaçon du modèle français n°9510 35 déposé le 16 février 1995 :

Considérant que le jugement entrepris rappelle exactement que le certificat du modèle déposé le 16 février 1995 porte sur la photographie en couleur de deux emballages, composés de deux cônes bicolores vert et crème, une étiquette ronde sur laquelle est inscrite le nom « [Y] » figurant sur chaque cône, lesquels sont emplis d'un emballage transparent lié par un lien en raphia, et que ce certificat contient la description suivante : « cornet de papier kraft et cellophane transparente rempli de chocolats cassés assortis et fermé par un lien de raphia » ;

Considérant que la validité du modèle ainsi déposé n'est pas discutée ;

Considérant que M. [Y] et la société ENS invoquent, au soutien de leurs demande fondée sur la contrefaçon de ce modèle, les dispositions de l'article L.513-5 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles : « La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente » ;

Considérant qu'il est établi par plusieurs pièces versées au débat par la société Maison Appollinaire que l'observation du tribunal selon laquelle la forme en cornet est traditionnelle pour offrir à la vente des marrons chauds ou des dragées est exacte ; qu'elle peut être d'ailleurs étendue aux confiseries en général, pralines ou chocolats ; qu'il en résulte que c'est à juste titre que le jugement relève que le caractère propre du modèle réside, non pas dans sa forme de cône, mais notamment dans le caractère bicolore du cône ; que ce modèle se caractérise en réalité essentiellement par l'esthétique particulière de la partie inférieure en papier kraft et sa géométrie mise en valeur par l'alternance des couleurs ;

Considérant que le produit de la société Maison Appollinaire, dont la partie inférieure est en carton et non en papier kraft et offre un aspect plus rudimentaire, ne présente aucune recherche esthétique particulière d'agencement de forme ou de couleur ; qu'il n'a de commun avec le modèle déposé que des éléments de forme et de structure qui n'empêchent pas un observateur averti d'éprouver une impression d'ensemble différente à la vue des modèles en présence, l'un dégageant une impression générale tenant à un certain raffinement et à une esthétique recherchée, l'autre paraissant au contraire plus grossier tant dans sa matière que dans son dessin ;

Considérant ainsi que le jugement entrepris sera encore confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] et la société ENS de leurs prétentions fondées sur la contrefaçon de modèle ;

3. Sur les demandes de M. [Y] et la société ENS fondées sur la concurrence déloyale :

Considérant que M. [Y] et la société ENS reprochent principalement à la société APPOLLINAIRE des actes de parasitisme, pour avoir repris à son compte la création originale de M. [Y] (un bouquet de chocolats composé de plaques cassées) sous le même conditionnement original (un cornet sous cellophane présenté à la manière d'un bouquet) sous la même appellation « Bouquet » ;

Considérant que le grief de parasitisme, pour être caractérisé, suppose la démonstration de la reprise d'une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements importants ;

Considérant que les intimés omettent de s'expliquer sur la spécificité du savoir- faire, la consistance des efforts intellectuels ou l'importance des investissements qu'il a pu être nécessaire de mettre en 'uvre pour définir le concept d'un cornet sous cellophane contenant des morceaux de chocolat cassés et présenté comme un bouquet ;

Considérant, en réalité, que le principe fondamental de la liberté du commerce et de l'industrie, qui a pour corollaire celui selon lequel les idées sont de libre parcours, s'oppose à ce qu'un acteur économique revendique un monopole d'exploitation sur une idée ou concept, aussi fécond soit-il, sans la preuve que le développement de cette idée ou de ce concept a nécessité la mobilisation de moyens spécifiques représentatifs d'une valeur économique, preuve absente en l'espèce ; que ce principe permet au contraire aux autres intervenants de s'inspirer des nouveautés apparues sur le marché dès lors qu'aucun procédé déloyal n'est caractérisé ;

Considérant, au surplus, qu'il ressort des motifs précédents que l'originalité du bouquet de chocolats des intimés réside pour l'essentiel dans l'esthétique de sa présentation, fruit d'une recherche de formes et de couleurs qui ne se retrouve pas dans le produit concurrent ;

Considérant que M. [Y] et la société ENS reprochent en deuxième lieu à la société Maison Appollinaire d'avoir fait figurer sur ses produits, sans y être autorisée, les mentions « artisan chocolatier », « tradition artisanale » ou « fabrication artisanale » cherchant ainsi à accroître le risque de confusion avec leur propre production ;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que le gérant de la société Maison Appollinaire possède la qualité d'artisan chocolatier, attestée le 1er février 2007 par le président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Lot-et-Garonne ; que l'observation des intimés selon laquelle la société Maison Appollinaire ne possède pas elle-même cette qualité est sans pertinence dès lors que la qualité d'artisan s'applique aux personnes physiques ou aux dirigeants sociaux des personnes morales qui justifient d'une certaine qualification professionnelle, et non aux personnes morales ;

Considérant enfin que M. [Y] et la société ENS font grief à la société Maison Appollinaire d'être implantée à proximité d'[Localité 1] dans le Lot-et-Garonne alors qu'eux mêmes ont débuté leur activité à [Localité 4], le choix de ce voisinage dans le sud-ouest de la France venant renforcer, selon eux, le caractère déloyal de la concurrence ;

Mais considérant que les intimés ne peuvent être admis à se créer sur le territoire national une zone géographique réservée à leur seul usage pour la fabrication et la commercialisation de produits du chocolat ;

Considérant, en synthèse, qu'aucun des griefs avancés par les intimés pour caractériser à la charge de la société Maison Appollinaire des actes de concurrence déloyale commis à leur préjudice n'est établi ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné de ce chef la société Maison Appollinaire ;

Considérant enfin qu'il résulte des motifs qui précèdent que M. [Y] et la société ENS ne sont pas fondés à reprocher à la société Maison Appollinaire d'avoir diversifié sa production de cornets en forme de bouquets contenant des confiseries, attribuant d'ailleurs pour une partie indéterminée certains des faits ainsi reprochés à une société non mise en cause présentée comme « une société soeur » de la société Maison Appollinaire ;

4. Sur les demandes de la société Maison Appollinaire au titre de la concurrence déloyale :

Considérant que la société Maison Appollinaire reproche à M. [Y] et à la société ENS d'avoir adressé ou fait adresser par leur conseil le 18 octobre 2010 et le 1er décembre 2010 à la société Leader Price, et le 31 janvier 2010 à la société Scalandes des lettres mettant en garde ces distributeurs contre les risques auxquels ils s'exposeraient en commercialisant un produit concurrent du « Bouquet de chocolat » en faisant état des droits de marque et de modèle revendiqués sur ce produits ;

Considérant que la société Maison Appollinaire fait à tort grief à M. [Y] et à la société ENS d'avoir omis d'informer les destinataires de ces lettres de ce qu'ils avaient été déboutés de leurs prétentions fondées sur la contrefaçon de ces marques et modèle et qu'il avait été relevé appel de la condamnation prononcé à leur profit sur le fondement de la concurrence déloyale ;

Considérant en effet que la lecture de ces lettres ne révèle aucune mention nominative de la société Maison Appollinaire ni du produit « Le Bouquet des gourmets » mais se borne à une mise en garde fondée essentiellement sur l'existence des marques et du modèle déposé ainsi que sur des décisions déjà rendues confirmant la validité des droits découlant de ces dépôts ;

Que ces lettres, qui ne contiennent aucune accusation ou dénigrement contre la société Maison Appollinaire, mais qui peuvent s'analyser comme un rappel à la loi général et préventif ayant pour objet d'élever par avance des défenses pour préserver les intérêts légitimes des titulaires des droits mentionnés, ne peuvent être qualifiés d'actes de concurrence déloyale ;

Que la preuve n'est pas rapportée d'autres actes ou manoeuvres déloyales non identifiées imputées par la société Maison Appollinaire aux appelants en raison des difficultés que ses agents commerciaux ont pu être amenés à rencontrer ;

Considérant que les demandes de la société Maison Appollinaire au titre de concurrence déloyale, fondées sur la survenance de faits postérieurs au jugement entrepris, seront en conséquence rejetées ;

5. Sur les autres demandes de l'appelante :

Considérant que M. [Y] et la société ENS, qui ont obtenu partiellement gain de cause en première instance, ne peuvent se voir reprocher d'avoir engagé une procédure abusive et vexatoire ; que la demande de 10.000 euros de dommages-intérêts présentée de ce chef par la société Maison Appollinaire sera rejetée ;

Considérant que la société Maison Appollinaire demande que soit ordonnée la restitution de la provision de 55.000 euros qu'elle a versée en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ;

Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de 1'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Considérant, compte tenu du sens de l'arrêt, qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner la publication aux frais de l'une ou l'autre des parties ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Y] et la société ENS de leurs prétentions fondées sur la contrefaçon :

- de la marque communautaire tridimensionnelle en noir et blanc « bouquet de chocolat » N° 00 6 410 922, enregistrée le 16 septembre 2008 pour désigner du « chocolat, pâtisserie, confiserie et préparations à base de chocolat » en classe 30 de la classification internationale,

- du modèle français n° 921035 déposé le 16 février 1995,

- la marque communautaire semi-figurative « bouquet de chocolat » n° 00 5 427 752, déposée le 30 octobre 2006 et enregistrée le 5 octobre 2007 pour désigner du « chocolat ou produits à base de chocolat » en classe 30 de la classification internationale,

INFIRMANT, pour le surplus, le jugement entrepris et STATUANT à nouveau ;

DÉBOUTE M. [Y] et la société ENS de toutes leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,

DÉBOUTE M. [Y] et la société ENS de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la marque française « Le bouquet des gourmets » n° 08 3 596 805 déposée par la société Maison Apollinaire,

DÉBOUTE la société Maison Apollinaire des ses demandes fondées sur la concurrence déloyale,

DÉBOUTE la société Maison Apollinaire des sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré,

DIT n'y avoir lieu à ordonner la publication de l'arrêt aux frais de l'une ou l'autre des parties,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes contraire aux motifs,

CONDAMNE M. [Y] et la société ENS aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Maison Appollinaire 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/28400
Date de la décision : 30/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°09/28400 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-30;09.28400 ?
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