Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02613
Après reprise des débats
conformément à l'article 444 du code de procédure civile
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS- RG n° 08/10477
Après arrêt en date du 8 septembre 2011 rendu par la le Pôle 1 - Chambre 1 de la cour d'appel de PARIS ordonnant la réouverture des débats
DEMANDERESSE AU CONTREDIT
Madame [K] [S]-[M] épouse [M] née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 20] (Allemagne)
[Adresse 12]
[Localité 10]
assistée de Me Inès BELTRAMINI, avocat au barreau de PARIS, du cabinet TRILLAT & ASSOCIES, toque : P 524
DÉFENDEURS AU CONTREDIT
Monsieur [T] [M] né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 15] (Egypte)
[Adresse 7]
[Localité 17]
(EGYPTE)
assisté de Me Alexandre DAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W 06
Monsieur [L] [I] [I] [M] né le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 19] (Egypte)
[Adresse 13]
[Localité 17]
(EGYPTE)
assisté de Me Aurore LIBERAL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Michael BROSEMER, du cabinet BRS & PARTNERS, toque : L 152
Monsieur [J] [I] [I] [M] né le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 19] (Egypte)
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 17]
(EGYPTE)
assisté de Me Aurore LIBERAL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Michael BROSEMER, du cabinet BRS & PARTNERS, toque : L 152
Madame [N] [I] [I] [M] née le [Date naissance 8] 1957 à [Localité 19] (Egypte)
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 17]
(EGYPTE)
assistée de Me Aurore LIBERAL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Michael BROSEMER, du cabinet BRS & PARTNERS, toque : L 152
Madame [A] [I] [I] [M] née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 19] (Egypte)
[Adresse 25]
[Adresse 18]
[Localité 19]
(EGYPTE)
assistée de Me Aurore LIBERAL, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Michael BROSEMER, du cabinet BRS & PARTNERS, toque : L 152
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 octobre 2011, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur PERIE, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur PERIE, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
[D] [H] [I] [M], de nationalité égyptienne, est décédé à [Localité 21] le [Date décès 1] 2007, sans enfant, et sans laisser de testament. Sa veuve, Mme [K] [S], de nationalité allemande, qui l'avait épousé le [Date naissance 9] 1980 à [Localité 21] devant le consul général de la République arabe d'Egypte, suivant la législation égyptienne, a été déclarée seule héritière, en sa qualité d'épouse, par un acte de notoriété allemand délivré le 2 mai 2007. Mme [S] a saisi un notaire français du règlement de la succession qui comporte des immeubles en Egypte et en France et des comptes en Egypte, en France, en Allemagne et en Suisse. Les frères et soeurs du défunt ont été déclarés en Egypte seuls héritiers et ont obtenu le partage entre eux des biens situés en Egypte.
Le 17 avril 2008, Mme [S] a assigné MM. [T], [L] et [J] [M] et Mmes [N] et [A] [M], frères et soeurs du défunt, devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir juger, à titre principal, qu'elle est l'unique héritière par application du droit français et, subsidiairement, voir ordonner le partage de la succession. Par jugement du 2 décembre 2010 , ce tribunal s'est déclaré incompétent en considérant que si [D] [H] [I] [M] est décédé à Paris, son domicile était situé en Egypte.
Mme [S] a formé contredit le 19 janvier 2011. Elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, et de dire le tribunal de grande instance de Paris compétent en constatant que le dernier domicile du défunt était situé à [Localité 21] où s'est donc ouverte la succession. Subsidiairement, elle a conclu que ce tribunal est compétent pour statuer sur la dévolution de l'immeuble situé à [Localité 21]. En tout état de cause, elle a demandé à la Cour de juger que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour statuer sur la succession dès lors que les tribunaux égyptiens lui dénient la qualité d'héritière en refusant d'appliquer le droit français au litige successoral. Elle a évalué à 10.000 euros ses frais irrépétibles de procédure.
Par conclusions du 14 juin 2011, MM.[L] et [J] [M] et Mmes [N] et [A] [M] ont demandé à la Cour de constater la tardiveté du contredit; subsidiairement de confirmer le jugement en constatant que le domicile du défunt était situé en Egypte. Les consorts [M] ont conclu en outre sur le fond. Ils ont demandé reconventionnellement des dommages-intérêts et la condamnation de Mme [S] à payer à chacun d'eux la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 21 juin 2011, M. [T] [M] a demandé à la Cour de juger le contredit irrecevable et mal fondé, de constater l'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions égyptiennes, de dire que Mme [S] s'est prévalue d'un acte de notoriété inexact et qu'elle a commis un recel, de la priver de tout droit sur les biens du de cujus, notamment sur l'immeuble situé [Adresse 12], et de la condamner à payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 8 septembre 2011 la cour a déclaré le contredit
recevable, a rouvert les débats en invitant les parties à s'expliquer sur le sort de l'immeuble situé à [Localité 21] et a renvoyé l'affaire à l'audience du 27 octobre 2011.
Par conclusions du 24 octobre 2011, reprises à l'audience, Mme [S] prie la cour de se déclarer compétente, de reconnaître sa qualité d'héritière, de dire le droit français applicable et qu'elle est bénéficiaire de l'intégralité de la succession en application de l'article 757-2 du code civil, subsidiairement, si la loi égyptienne est déclarée applicable, de dire que ses dispositions sont contraires à l'ordre public international français, de dire qu'elle est héritière à hauteur de 50%, d'ordonner le partage de la succession et de condamner les consorts [M] à lui payer 7.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience MM.[L] et [J] [M] et Mmes [N]
et [A] [M] d'une part, M. [T] [M] d'autre part s'en rapportent à leurs précédentes écritures et demandent le rejet des écritures de Mme [S] du 24 octobre 2011 comme portant sur des points non visés par la réouverture des débats et le rejet des pièces produites le même jour comme communiquées tardivement.
SUR QUOI,
Considérant que la réouverture des débats ordonnée par la cour n'étant pas expressément limitée à la question du sort de l'immeuble situé à [Localité 21] Mme [S] a pu à nouveau conclure utilement sur l'ensemble de la procédure; qu'il appartenait aux défendeurs au contredit de répondre s'ils l'estimaient utile, ce qu'ils pouvaient faire jusqu'au jour de l'audience, même oralement;
Que pareillement, s'agissant des pièces communiquées le 24 octobre 2011 les défendeurs au contredit ont disposé du temps nécessaire pour les examiner et éventuellement les critiquer, ces pièces, consistant pour l'essentiel en des liasses de relevés de carte bancaire, de quittances de gaz, d'électricité ou de téléphone, d'avis d'imposition, de contrats de location ou d'assurances et de factures diverses, toutes ces pièces répétitives supposées établir le domicile français du défunt étant par leur nature de consultation aisée et rapide;
Que les demandes tendant au rejet des conclusions signifiées et des
pièces produites par Mme [S] le 24 octobre 2011 à l'occasion de la réouverture des débats sont ainsi rejetées;
Considérant, sur le contredit, que Mme [S] soutient que le dernier domicile du défunt étant situé en France et particulièrement à [Localité 21] le tribunal de grande instance de Paris est compétent en application de l'article 45 du code de procédure civile ;
Considérant que selon l'article 720 du code civil la succession s'ouvre par la mort, au dernier domicile du défunt; que d'après l'article 102 du même code le domicile est le lieu du principal établissement; qu'enfin aux termes de l'article 45 du code de procédure civile en matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession les demandes entre héritiers;
Considérant que Mme [S] excipe de l'habitation réelle et effective du défunt en France depuis plus de deux décennies, ce qui résulterait selon elle de la location puis de l'acquisitions de biens immobiliers en France, de l'achat d'automobiles et de la location de places de stationnement, du paiement des taxes d'habitation et des taxes foncières, de la conclusion de contrats d'assurance pour ces biens et de contrats d'assurance maladie, du paiement de factures de gaz, d'électricité et de téléphone, de l'ouverture de comptes bancaires, de la conclusion de conventions de cartes bancaires, de l'utilisation constante de ces comptes et cartes, de l'accomplissement de démarches administratives en France, de l'établissement d'un passeport au consulat d'Egypte à [Localité 21], du mariage en France, de l' inscription à l'Alliance française puis à la Sorbonne, du siège social parisien de la société Mitra International Trading and Transport que le défunt a créée, dont il était propriétaire et qu'il dirigeait;
Mais considérant que si ces éléments attestent de séjours nombreux et réguliers en France ils ne font pas par eux-mêmes la preuve d'un domicile français; qu'outre qu'il ressort de diverses attestations ([W] [Y] [I] [D] [W], ami et collaborateur du défunt, [P] [D] [U] [I] [M], directeur de l'école de [Localité 24], village dont le défunt était originaire, [D] [V] [I] [E] [X], [I] [R] [Z], [C] [F], [B] [G], amis de longue date du défunt) que [D] [H] [M] avait toutes ses attaches en Egypte où il était domicilié à [Adresse 16] où il possédait une maison ainsi qu'à [Localité 24] son village où il s'investissait dans l'association de bienfaisance qu'il y avait fondée, il apparaît que dans ses passeports établis en 1996 et 2001 il s'est domicilié à [Adresse 16], que ces passeports révèlent qu'il bénéficiait de visas Schengen pour de courts séjours multiples pour affaires ou motifs privés, qu'il n'avait pas de carte de résident en France, Mme [S] produisant d'ailleurs elle-même les lettres d'intervention d'un ministre et d'un sénateur en 1994, 1998 et 2001 auprès du consul général de France au [Localité 17] pour qu'il lui soit accordé des visas de visite pour la France d'un an ou de deux ans avec entrées multiples, que si le siège de sa société était fixé à [Localité 21] ses activités internationales de vente et de transport d'armes n'impliquaient pas un domicile en France, que s'il s'y est marié auprès du consulat d'Egypte à [Localité 21] il a toutefois indiqué être domicilié en Egypte et son acte de décès établi à la mairie de [Localité 22] le 12 mars 2007 porte qu'il est domicilié au [Adresse 14];
Qu'il est ainsi suffisamment établi que si le défunt a souvent résidé en France, notamment pour y être soigné, le lieu de son principal établissement au sens de l'article 102 du code civil est resté en Egypte;
Que par ailleurs Mme [S] ne justifie pas que l'incompétence des juridictions françaises aurait pour effet d'entraîner en ce qui la concerne un déni de justice;
Que, toutefois, s'agissant de l'immeuble [Adresse 12] le tribunal de grande instance de Paris est compétent en application de l'article 44 du code de procédure civile qui dispose qu'en matière réelle immobilière la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente;
Qu'il convient en conséquence de faire droit au contredit mais seulement en ce que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour la dévolution successorale de l'immeuble situé [Adresse 12];
Considérant que les autres demandes relatives à la loi applicable, au fond ou reconventionnelles sont irrecevables dans le cadre du présent contredit;
Considérant que compte tenu de la nature du litige l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et chacun succombant partiellement il y a lieu de partager les dépens comme il sera dit au dispositif;
PAR CES MOTIFS:
DIT n'y avoir lieu au rejet des débats des conclusions signifiées et des pièces communiquées le 24 octobre 2011 par Mme [S];
Vu l'arrêt du 8 septembre 2011,
FAIT DROIT au contredit;
INFIRME le jugement, mais seulement en ce que le tribunal a écarté sa compétence pour l'immeuble [Adresse 12];
STATUANT A NOUVEAU:
DIT que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour juger de la dévolution successorale de l'immeuble [Adresse 12] et renvoie sur ce point la cause devant lui;
DÉCLARE irrecevables dans le cadre du contredit les demandes relatives à la loi applicable, au fond ou reconventionnelles;
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE d'une part, Mme [S]-[M] à 50% des dépens, d'autre part MM.[L], [J] et [T] [M] et Mmes [N] et [A] [M], à 50% des dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT