Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2011
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18491
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 4 mai 2010 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (5ème Chambre - Section B) le 5 mars 2009, sur appel d'un jugement rendu le 18 décembre 2007 par le tribunal de commerce de Paris,
DEMANDERESSE À LA SAISINE
SOCIETE MESSIER PARTNERS LLC
ayant son siège : [Adresse 2] (ETATS UNIS)
représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Pascal WILHELM de la SELAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024
DÉFENDERESSE À LA SAISINE
SOCIETE MAUREL ET PROM
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me François DE CASTRO de l'Association TEMIME & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1537, substituant Me Hervé TERMINE
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral de Madame Patricia POMONTI, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Pascale BEAUDONNET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Souhaitant étudier toute offre amicale ou hostile, dans le cadre initial d'un projet de réorganisation de son capital social, la SA Etablissements Maurel & Prom ( société Maurel), cotée à l'Euronext, ayant pour objet l'exploitation de gisements pétroliers en Afrique et en Amérique du sud a, par contrat du 26 janvier 2006 dénommé « mandat », confié à la société de droit américain Messier Partners LLC ( société Messier) la mission de l'assister dans les études et les négociations de la ou des offre(s), puis du montage de l'opération ainsi que dans la résiliation de celle-ci.
La rémunération originellement prévue était calculée uniquement sur la base d'un honoraire de résultat (« success fee ») s'élevant à 0,55 % de la valeur de l'opération.
Le 24 mars 2006, au vu du résultat des études, le conseil de surveillance de la société Maurel a interrompu la recherche d'un cessionnaire des titres de son capital social.
Après l'envoi de deux courriels, les 24 et 31 mars 2006, dans lesquels elle informait la société Messier de sa décision et lui proposait d'établir une facture en considération du temps passé, pour la rémunération des services rendus, dont le montant se déduirait, le cas échéant, d'un éventuel « success fee » qui viendrait à être dû concernant les projets en cours évoqués dans les courriels précités, les parties ont contresigné une lettre du 5 avril 2006 de la société Messier proposant, en substance, une rémunération (« retainer ») d'un million d'euros venant « amender (le) mandat du 26 janvier 2006 » en prévoyant qu'elle serait « totalement déductible, le cas échéant, de tout success fee qui viendrait à nous ( la société Messier) être dû au titre de l'article 3 du mandat du 26 janvier 2006 dont la formule, comme convenu également entre nous, s'appliquera autant à une opération sur les titres Maurel & Prom qu'aux éventuelles cessions d'actifs susceptibles d'intervenir ».
Finalement, le montant du « retainer » a été ramené à la somme de 783.000 euros lors de la contre-signature de la lettre-contrat du 5 avril 2006 par Monsieur [Y] [W], président du directoire de la société Maurel.
Le 21 février 2007, la société Messier a appris que la société Maurel avait signé le 26 juillet 2006 un premier 'Sale et Purchase Agreement' en vue de céder à la société ENI, environ 45% de ses actifs pétroliers situés au Congo, constitués de droits d'exploitation pétrolière, moyennant le prix d'un milliard quatre cent trente quatre millions de dollars américains, confirmé par la signature d'un second 'Sale et Purchase Agreement' le 21 février 2007.
Prétendant que cette cession d'actifs entrait dans le champ du contrat du 26 janvier 2006, amendé par la lettre-avenant du 5 avril suivant, la société Messier a attrait la société Maurel, le 6 juillet 2007, devant le tribunal de commerce de Paris pour la voir condamner à réparer les divers préjudices qu'elle a subis.
La société Maurel s'est opposée à ces demandes et a reconventionnellement sollicité 500.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les agissements de la société Messier.
Par jugement du 18 décembre 2007, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris, retenant essentiellement que le contrat du 26 janvier 2006 et la lettre-avenant du 5 avril suivant ne contenaient pas de manifestation de volonté de limiter le droit à commission sur cession d'actifs et que la société Messier n'avait pas exprimé d'approbation à la proposition de limitation de sa rémunération au titre d'éventuelles cessions d'actifs, à trois acquéreurs seulement, a condamné la société Maurel à payer à la société Messier, 5.649. 067 euros, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2007, outre 50.000 euros de frais irrépétibles et a rejeté toutes les autres demandes.
Un appel a été interjeté le 22 janvier 2008 par la société Maurel et par arrêt rendu le 5 mars 2009 la Cour d'appel de Paris a déclaré l'appel recevable, infirmé le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, a débouté la société de droit américain Messier Partners LLC de toutes ses demandes, rejeté la demande de dommages et intérêts de la SA Etablissements Maurel & Prom et a condamné la société Messier Partners LLC aux dépens de première instance et d'appel et à verser 50.000 euros de frais irrépétibles à la SA Etablissements Maurel & Prom.
Statuant sur le pourvoi formé par la société Messier Partners LLC, la Cour de cassation a, le 4 mai 2010, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 5 mars 2009 de la Cour d'appel de Paris pour violation 455 alinéa 1er et 954 alinéa 2 du code de procédure civile au motif que la Cour d'appel s'est prononcée « par des motifs desquels il ne résulte pas qu'elle ait pris en considération les dernières prétentions émises par » la société Messier car la Cour s'est prononcée au visa des conclusions, qu'elle a qualifié de dernières, en date du 30 octobre 2008 alors que la société Messier avait déposé le 5 janvier 2009 des conclusions complétant sa précédente argumentation.
Vu la déclaration de saisine après cassation faite le 6 septembre 2010 par la société Messier Partners LLCagissant,
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 juillet 2011 par lesquelles la société Maurel & Prom, appelante demande à la Cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a condamné Maurel & Prom à payer à Messier Partners la somme de 5.649, 067 euros au titre du success fee visé à l'article 3.1 du contrat du 26 janvier 2006,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a débouté Maurel & Prom de ses demandes reconventionnelles dirigées contre Messier Partners,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a débouté Messier Partners de l'ensemble de ses autres demandes dirigées contre Maurel & Prom.
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la cession d'actifs intervenue le 21 févier 2007 entre Maurel & Prom et Eni Congo SA n'entre pas dans le périmètre d'intervention de Messier Partners tel que défini contractuellement entre les parties,
en conséquence,
- débouter Messier Partners de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,
- débouter par ailleurs Messier Partners de sa demande tendant à la condamnation de Maurel & Prom à lui rembourser la somme de 50.000 euros que la Cour d'appel de Paris, par son arrêt du 5 mars 2009, avait allouée à la société Maurel & Prom au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette demande étant dépourvue de cause puisque cette somme n'a jamais été payée par Messier Partners LLC.
- déclarer recevable et bien fondée Maurel & Prom en ses demandes reconventionnelles,
y faisant droit,
- condamner Messier Partners à payer à Maurel & Prom :
- la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice que lui causent les agissements de Messier Partners,
- la somme de 100.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Maurel et Prom affirme qu'elle n'avait pas d'obligation contractuelle l'obligeant à associer Messier Partners aux négociations avec ENI, de sorte que Messier Partners n'avait aucun droit à rémunération sur les cessions d'actifs effectivement réalisés.
Selon la société Maurel et Prom, la volonté des parties telle qu'elle résulte de la lettre avenant du 5 avril 2006 était qu'elle n'était plus tenue à aucune exclusivité à l'égard de Messier Partners à compter de cette date. Elle ajoute que la cession des actifs de l'ENI ne peut être assimilée à une opération sur le capital de Maurel et Prom. Elle conteste par ailleurs la moindre résiliation fautive du mandat du 26 janvier 2006.
La société Maurel & Prom soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information à l'égard de Messier Partners, telle que prévue à l'article 2 du contrat du 26 janvier 2006.
Elle estime que les demandes relatives à l'atteinte à l'image et à la réputation de Messier Partners ainsi qu'à la perte de chance de ne pas avoir pu asseoir sa notoriété sont fantaisistes et, qu'au contraire, c'est Messier Partners qui, par ses méthodes, a délibérément nui à son image et à sa réputation.
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 février 2011 par lesquelles la société Messier Partners LLC, intimée, demande à la Cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a condamné Maurel & Prom à payer à Messier Partners la somme de 5.649.067 euros,
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2007,
- condamner en conséquence Maurel & Prom à payer à Messier Partners les intérêts au taux légal sur la somme de 5.649.067 euros à compter du 21 février 2007, date de l'accord conclu entre Maurel & Prom et l'ENI, taux qui sera majoré de trois points à compter du 1er janvier 2010,
- dire et juger que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil à compter du 30 octobre 2008, date de la première demande de capitalisation,
A titre subsidiaire :
- condamner Maurel & Prom à payer à Messier Partners la somme de 5.649.067 euros au titre du comportement de Maurel & Prom dans l'exécution du contrat du 26 janvier 2006,
- condamner Maurel & Prom à payer à Messier Partners les intérêts au taux légal sur la somme de 5.649.067 euros à compter du 21 février 2007, date de l'accord conclu entre Maurel & Prom et l'ENI, taux qui sera majoré de trois points à compter du 1er janvier 2010,
- dire et juger que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil à compter du 30 octobre 2008, date de la première demande de capitalisation,
En tout état de cause :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a débouté Messier Partners de ses demandes de condamnation de Maurel & Prom pour atteinte à son image et à sa réputation,
- condamner en conséquence de ce chef Maurel & Prom :
- d'une part au paiement de la somme de 1 euro sauf à parfaire,
- d'autre part à publier à ses frais le dispositif de l'arrêt à intervenir dans : Le Monde, Le Figaro, Les Echos, La Tribune, Le Wall Street Journal, Le Financial Times dans le mois de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard.
- débouter Maurel & Prom de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à titre principal et reconventionnel,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007 en ce qu'il a condamné Maurel & Prom à payer à Messier Partners la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- décharger Messier Partners de la condamnation prononcée par la Cour d'appel de Paris le 5 mars 2009 de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Maurel & Prom à payer à Messier Partners la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Messier Partners estime que la commission lui est due au regard du contrat et de l'avenant du 5 avril 2006. Elle rappelle en effet que sa mission était prévue pour une durée d'un an complétée d'un droit de suite d'un an, soit jusqu'au 27 janvier 2008, et que cette mission concernait aussi bien les offres de cession d'actions, que les offres de cession d'actifs.
Elle conteste le fait que le conseil de surveillance de Maurel & Prom ait décidé la résiliation du contrat. Elle affirme que la lettre avenant du 5 avril 2006, seul document signé par les parties, est un acte clair et précis qui vise toutes les cessions d'actifs, elle-même n'ayant jamais accepté une quelconque limitation de son périmètre d'intervention et bénéficiant de l'exclusivité.
La société Messier Partners considère également que Maurel & Prom a manqué à son obligation contractuelle de l'informer des négociations menées avec l'ENI et fait valoir, à titre subsidiaire, la mauvaise foi de Maurel & Prom dans l'exécution du contrat.
Elle demande réparation de l'atteinte portée par Maurel & Prom à son image et à sa réputation.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre préliminaire, il y a lieu d'observer que le désaccord entre les parties à propos de la portée de l'arrêt de la cour de cassation du 4 mai 2010 est sans intérêt pour la solution du litige dès lors qu'il n'est pas discutable que la cassation est intervenue, au visa des articles 455 al 1er et 954 al 2 du code de procédure civile, au seul motif que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mars 2009 s'est prononcée en considération des conclusions déposées par la société Messier le 30 octobre 2008 alors qu'elle avait déposé des conclusions le 5 janvier 2009, qui complétaient l'argumentation résultant des précédentes, et sur lesquelles la cour d'appel de Paris n'a donc pas pu prendre position.
L'arrêt de la cour de cassation du 4 mai 2010 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mars 2009 et a, en conséquence, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, de sorte que la cour est saisie de l'entier litige sur l'appel par la société Maurel & Prom du jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2007.
-Sur la mission confiée par la société Maurel & Prom à la société Messier Partners :
Pour déterminer si la société Messier Partners a droit à la commission à laquelle elle prétend, il y a lieu d'examiner la mission qui lui a été confiée par la société Maurel & Prom tant au regard du contrat du 26 janvier 2006 que de l'avenant du 5 avril 2006.
La société Maurel & Prom a confié à la société Messier Partners, par le contrat du 26 janvier 2006 une mission de conseil financier 'dans le cadre de la réorganisation de son capital' et plus particulièrement 'un mandat exclusif en vue de l'assister dans les études et les Offres, puis dans le montage de l'Opération, ainsi que dans la réalisation de celle-ci'.
Le contrat prévoyait que la mission devait rester en vigueur jusqu'à la date de réalisation projetée ou pendant 12 mois à compter de sa signature, soit jusqu'au 26 janvier 2007, en précisant, dans son article 6-2, que : 'en cas de survenance du terme du Mandat et sauf cas de violation de nos obligations, nos droits à rémunération en vertu de l'article 3 seront préservés pendant 12 mois à compter de la date des présentes, si l'Opération projetée, initiée avant la survenance de cet événement, venait à être conclue dans les 12 mois ci-dessus visés'.
Il s'agit d'un classique 'droit de suite' de 12 mois, c'est à dire que, dans l'hypothèse où 'l'Opération' projetée n'était finalisée qu'après l'expiration du premier délai de 12 mois, le droit à commission était maintenu pour une même durée dès lors que 'l'Opération' avait débuté avant cette expiration.
Une telle interprétation de la clause de l'article 6-2 ne peut être discutée car elle correspond, d'une part à la commune intention des parties, d'autre part à une clause usuelle dans ce type de contrat et qu'enfin c'est la seule qui soit cohérente avec l'ensemble du contrat.
La société Maurel & Prom ne saurait prétendre que cette clause devrait s'interpréter différemment au motif qu'elle ne pourrait lui préjudicier car la société Messier Partners en serait l'auteur.
En effet, il ne s'agit pas d'une clause qui lui a été imposée, la qualité de la société Maurel & Prom, société cotée, professionnelle avertie, assistée en permanence de conseils, lui ayant permis de négocier les termes du contrat et d'en mesurer les termes.
L'étendue de la mission confiée à la société Messier Partners, définie dans le préambule du contrat du 26 janvier 2006 comme le conseil financier afin de l'assister dans les études et les négociations que Maurel & Prom s'apprête à mener dans le cadre de la réorganisation de son capital est précisée à l'article 1-1 : 'Maurel & Prom souhaite considérer, dans son meilleur intérêt social, comme dans celui de ses actionnaires, toute offre (ci-après 'l'Offre'), amicale ou hostile, qu'elle serait amenée à recevoir. Ces Offres pourront être cash, en actions ou tout autre produit de nature intermédiaire (OC, ORA, OCEANE...)'.
La lettre-avenant du 5 avril 2006 a modifié l'étendue de cette mission. Elle est adressée par la société Messier Partners à la société Maurel & Prom et est ainsi rédigée :
'Après avoir repris au plus juste l'historique de notre travail, le montant de nos travaux et interventions s'élève à 1M€. Ce retainer vient amender notre mandat du 26 janvier 2006. Il sera totalement déductible, le cas échéant, de tout success fee qui viendrait à nous être dû au titre de l'article 3 du mandat du 26 janvier 2006 dont la formule, comme convenu également entre nous, s'appliquera autant à une opération sur les titres de Maurel et Prom qu'aux éventuelles cessions d'actifs susceptibles d'intervenir.
Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me renvoyer une copie de la présente lettre- avenant signée par vous'
Elle a été signée par Monsieur [Y] [W], président du directoire de la société Maurel & Prom, sous la mention dactylographiée 'Bon pour accord sur les dispositions de la présente lettre-avenant'. Il y a ajouté une mention manuscrite : 'avec réduction des prestations sur la période concernée c'est à dire du 1/II/05 au 31/III/06, soit pour un montant net de 1.080.000 x 0,725 = 783.000 €'.
Ainsi, la mission confiée à la société Messier Partners concernait-elle aussi bien les offres de cession d'actions que les offres de cession d'actifs.
La société Maurel & Prom soutient cependant que cette lettre-avenant doit être interprétée en tenant compte de deux courriels adressés par Monsieur [Y] [W] à Madame [U] [H], directrice générale de la société Messier Partners, les 24 mars 2006 et 31 mars 2006 dont il résulterait qu'un nouvel accord aurait été conclu entre les parties aux termes duquel l'extension de l'objet du contrat aux actifs ne pourrait concerner que trois candidats OMEL, IOC et CNOOC.
Elle considère que la lettre -avenant du 5 avril 2006 a formalisé ce nouvel accord et, qu'en acceptant la modification des conditions de sa rémunération le 5 avril 2006, la société Messier Partners aurait également accepté la limitation de sa mission.
Il apparaît cependant que le conseil de surveillance de la société Maurel & Prom n'a jamais décidé de la résiliation du contrat, la séance du 24 mars 2006 faisant simplement état d'un 'arrêt du processus de vente ouvert en janvier dernier, au sujet de l'éventuelle cession de la Société' ce qui est logique puisqu'il est désormais envisagé une cession d'actifs, ce qui explique que la poursuite de la mission de la société Messier Partners est actée dans les emails susvisés.
En outre, les courriers électroniques de Monsieur [Y] [W] des 24 mars 2006 et 31 mars 2006 ne peuvent pas constituer un élément contractuel de la lettre -avenant du 5 avril 2006 dont les termes sont intrinsèquement clairs et ne font référence à aucune limitation des cessions d'actifs qui sont visés dans la lettre : la rémunération est due, sans distinction aucune, pour les 'éventuelles cessions d'actifs susceptibles d'intervenir' et le fait que les parties s'opposent sur le sens de la clause n'est pas de nature à la rendre ambiguë.
Dès lors, il n'y a pas lieu à interprétation de la lettre -avenant du 5 avril 2006, surtout en ayant recours pour ce faire à des documents antérieurs et extérieurs au contrat sur lesquels les parties n'ont pas manifesté leur accord s'agissant de courriers émanant de l'une d'entre elles.
Il n'y a jamais eu d'acceptation par la société Messier Partners d'une quelconque limitation du périmètre de son intervention, le silence de celui qu'on prétend obligé ne pouvant suffire, en l'absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée.
Au demeurant, la discordance entre l'offre pouvant résulter des emails des 24 et 31 mars 2006 et les termes de la lettre -avenant du 5 avril 2006 faisait de celle-ci une contre-proposition dont l'acceptation par le contreseing de Monsieur [Y] [W] rendait caduque l'offre antérieure.
Les premiers juges ont fort justement souligné que Monsieur [Y] [W], professionnel averti, savait parfaitement, en signant la lettre -avenant du 5 avril 2006, qu'il avait déjà commencé ses négociations avec la société ENI (la lettre de confidentialité date du 18 mars 2006), en sorte qu'il avait tout à fait la possibilité, par une mention expresse, de limiter la commission de succès applicable aux cessions d'actifs à telle ou telle société et, a fortiori, de préciser qu'en aucun cas elle ne pouvait s'appliquer à l'acheteur ENI, ce qu'il n'a pas fait.
Surabondamment, il n'y a aucune relation entre la modification des conditions de la rémunération de la société Messier Partners et l'étendue de sa mission.
Par ailleurs, l'existence d'une exclusivité contractuelle de la société Messier Partners n'est pas contestée et résulte expressément de l'article 1-2 du contrat qui parle de 'mandat exclusif'.
La société Maurel & Prom ne peut raisonnablement soutenir que l'exclusivité ainsi consentie par elle ne viserait que la réorganisation de son capital et ne pourrait être étendue aux opérations de cession d'actifs.
En effet, la seule modification contractuelle ayant fait l'objet d'un accord entre les parties, outre celle concernant la rémunération de la société Messier Partners, est l'extension par la lettre -avenant du 5 avril 2006 de sa mission aux éventuelles cessions d'actifs susceptibles d'intervenir.
En conséquence, l'exclusivité visée au contrat s'appliquait également au aux cessions d'actifs à compter du 5 avril 2006, ce qui est encore confirmé par l'article 1-2 du contrat aux termes duquel la société Maurel & Prom s'engageait à 'ne pas signer de nouveau mandat identique ou similaire en rapport, direct ou indirect, avec l'étude, la négociation ou la réalisation de l'Opération, postérieurement à la conclusion du présent accord...'.
Ainsi, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a dit que la commission de succès conférée à la société Messier Partners s'étendait à toutes les cessions d'actifs quelqu'en soit le bénéficiaire.
-Sur le paiement de la commission réclamée par la société Messier Partners :
Il ne résulte d'aucun élément du dossier que la société Maurel & Prom se soit plainte des prestations réalisées par la société Messier Partners.
D'ailleurs, la lettre -avenant du 5 avril 2006 fait état des remerciements de son auteur pour le travail effectué par la société Messier Partners.
La société Maurel & Prom a également accepté de payer à la société Messier Partners une avance sur les 'success fees' prévus au contrat, compte tenu du travail important déjà réalisé.
Le travail ainsi exécuté par la société Messier Partners a été utilisé par la société Maurel & Prom dans les discussions qu'elle a menée avec la société ENI , qui ont abouti à la signature, le 26 juillet 2006, d'un premier 'Sale et Purchase Agreement' avec cette société pour la cession d'environ 45 % de ses actifs pétroliers situés au Congo pour le prix d'un milliard quatre cent trente quatre millions de dollars puis d'un second 'Sale et Purchase Agreement' le 21 février 2007.
Or, la société Maurel & Prom n'a pas associé la société Messier Partners à ses négociations avec la société ENI, manquant ainsi à une obligation contractuelle essentielle prévue dans l'acte du 26 janvier 2006.
Bien plus, alors qu'elle venait de signer le 26 juillet 2006 avec la société ENI un contrat de vente et d'achat portant sur près de 50 % de ses actifs, elle n'a pas hésité à laisser son partenaire dans l'ignorance totale de la réalisation de cette cession qui était de l'essence même de la mission de la société Messier Partners.
Le fait que la société Messier Partners ait eu connaissance, au mois de mars 2006, de la négociation d'un accord de confidentialité entre la société Maurel & Prom et la société ENI, est insuffisant pour soutenir qu'elle était informée des discussions en cours et surtout de l'aboutissement de ces discussions.
Quoiqu'il en soit, et indépendamment du fait de savoir si le contrat a fait ou non l'objet d'une résiliation unilatérale et anticipée par la société Maurel & Prom le 9 août 2006, ce qui ne présente que peu d'intérêt pour la solution du litige, la simple application des dispositions contractuelles implique le droit à rémunération de la société Messier Partners puisque les 'Sale et Purchase Agreement' signés les 26 juillet 2006 et 21 février 2007 avec la société ENI correspondent à une opération initiée pendant la durée du contrat et conclue pendant les 12 mois qui ont suivi la fin de ce contrat.
En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Maurel & Prom à payer à la société Messier Partners la somme de 5.649.067 €.
C'est à juste titre que la société Messier Partners réclame les intérêts sur cette somme à compter du 21 février 2007, date de la signature du deuxième 'Sale et Purchase Agreement'signé avec la société ENI, qui constitue l'élément déclencheur du droit à commission, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Par contre, la demande de la société Messier Partners tendant à ce que le taux d'intérêt soit majoré de trois points à compter du 1er janvier 2010 n'est pas justifiée.
-Sur la demande de la société Messier Partners au titre d'une atteinte à son image et à sa réputation :
La société Messier Partners soutient que les déclarations de la société Maurel & Prom à la presse et dans ses documents financiers accessibles au public ont porté atteinte à son image, s'agissant d'une jeune société qui devait faire ses preuves dans un milieu où la réputation a une importance capitale au regard des opérateurs déjà en place et des enjeux des opérations traitées et que la mauvaise publicité développée à son égard lui a été extrêmement préjudiciable.
Elle se fonde sur des articles du journal Le Monde des 17 et 24 février 2007 ainsi que du 14 septembre 2007 qui n'engagent que leur auteur et qui ne sauraient être imputés à la société Maurel & Prom.
Par ailleurs, la société Messier Partners ne démontre pas que la réalisation de la cession à la société ENI lui a fait perdre une quelconque chance pour l'avenir.
En tout état de cause, elle admet qu'elle est dans l'incapacité de démontrer son préjudice puisqu'elle a réduit devant la cour ses prétentions à ce titre. Elle demandait 7.000.000 € en première instance et ne réclame plus qu'un euro en appel.
Dans ces conditions, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes à ce titre, tant pour les dommages et intérêts que pour la publication du dispositif de l'arrêt aux frais de l'appelante et sous astreinte.
-Sur les autres demandes :
La société Maurel & Prom réclame à la société Messier Partners une somme de 500.000 € pour procédure abusive qui n'est pas due dès lors que la procédure initiée par cette dernière était justifiée et a abouti à la condamnation de la première à payer à la seconde la commission à laquelle elle avait droit.
Il n'y a pas lieu de décharger la société Messier Partners de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris le 5 mars 2009 à la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2010, qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mars 2009 et a, en conséquence, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, constituant le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision
L'équité commande d'allouer à la société Messier Partners une indemnité de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts sur la somme de 5.649.067 € allouée à la société Messier Partners LLC,
DIT que cette somme doit être assortie des intérêts légaux à compter du 21 février 2007, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,
CONDAMNE la société Maurel & Prom à payer à la société Messier Partners LLC la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Maurel & Prom aux dépens d'appel,
AUTORISE la SCP Arnaudy Baechlin, avoué, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN