Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2011
(n°424, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11737
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2010 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 10/03613
APPELANTS
SARL C. FROID
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal
ayant son siège [Adresse 1]
Monsieur [W] [G] [H] [E] [F]
demeurant [Adresse 5]
SCI TRAVY-28
agissant en la personne de son gérant en exercice
demeurant [Adresse 2]
représentés par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistés de Maître Etienne PÉTRÉ, plaidant pour la SELARL Cabinet PÉTRÉ avocat au barreau de PARIS, toque : L0116
INTIMÉE
SCI YOMTOV
représentée par son gérant
ayant son siège [Adresse 4]
représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Maître Pouya AMIRI, plaidant pour KAB AVOCATS, substituant Maître Vanessa KRESPINE, avocats au barreau de PARIS, toque : K 176
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
Greffier :
lors des débats : Monsieur Sébastien PARESY
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Béatrice GUERIN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte authentique du 12 janvier 2001, la banque populaire industrielle et commerciale de la région sud de Paris ci-après dite BICS et la société Auximurs ont consenti à la SCI Yomtov un crédit bail portant sur un immeuble situé [Adresse 3] (94) pour une durée de 15 ans à compter du 12 janvier 2001.
Aux termes de ce même acte il a été consenti à la société Yomtov une promesse de vente, avec possibilité de lever par anticipation l'option d'achat à partir de la fin de la cinquième année, soit à partir du 12 janvier 2006 ainsi que l' autorisation de sous-louer l'immeuble sous la condition que la sous-location n'excède pas la durée du crédit-bail.
Par acte sous seing privé du 15 janvier 2001 à effet du 12 janvier 2001, la société Yomtov a donné à bail pour une durée de 15 années à la société First FFC une partie des locaux commerciaux.
Par acte du 1er mai 2007, la SCI Yomtov a donné à bail commercial pour une durée de neuf ans à la société Cfroid, représentée par M. [W] [F], l'autre partie des locaux de cet immeuble, avec faculté d'acquérir les biens loués à l'expiration d'une période de trois ans moyennant le paiement d'un prix de 1'700'000 € hors droits, étant précisé que les biens devaient être libres de toute occupation à l'exception des locaux occupés par la société C froid.
Aux termes d'un compromis de vente en date du 3 février 2009, la SCI Yomtov a vendu à M. [W] [F], gérant de la société Cfroid, l'ensemble de l'immeuble, sous les conditions suspensives notamment de l'obtention d'un prêt bancaire par M. [F] au plus tard le 15 juin 2009, que la réalisation de la vente intervienne au plus tard 45 jours après que l'acquéreur eut informé la SCI Yomtov de l'obtention du prêt.
Cet acte comportait au paragraphe « effet relatif » les dispositions suivantes :
« - crédit-bail consenti par la BICS et la société Auximurs à la SCI Yomtov suivant acte reçu par Me [S], notaire à [Localité 7] le 12 janvier 2001 dont une copie authentique a été publiée au deuxième bureau des hypothèques de Corbeil-Essonnes.
Levée d'option par la SCI Yomtov et acquisition de l'ensemble suivant acte à recevoir par Me [D], notaire à [Localité 6], préalablement à la réitération des présentes. »
M. [F] s'est substitué dans le bénéfice de l'acte, la SCI Travy 28 qui a reçu une proposition de crédit-bail de la part du Crédit agricole leasing à hauteur de 2 600 000 €, laquelle a été notifiée au notaire de la SCI Yomtov le 23 avril 2009.
La vente n'a pas été réitérée.
Par acte d'huissier du 28 janvier 2010, M. [F], la société Cfroid, et la SCI Travy 28 ont assigné à jour fixe, la SCI Yomtov devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins de réalisation forcée de la vente, et à titre subsidiaire de résolution judiciaire.
Par jugement rendu le 18 mai 2010, le Tribunal de grande instance de Créteil a :
- dit que la société Travy 28 est identifiée et a capacité à agir,
- dit que la société Cfroid et la société Travy 28 ont intérêt à agir,
- constaté que la promesse de vente du 03 février 2009 était devenue caduque du fait de la non obtention de prêt,
- débouté [W] [F], la société Cfroid , la SCI Travy 28 de leurs demandes,
- débouté la société Yomtov de ses demandes de dommages et intérêts,
- condamné [W] [F], la société Cfroid , la SCI Travy 28 à payer à la société Yomtov la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Appelants de cette décision, M [W] [F], la société Cfroid, la SCI Travy 28 demandent à la Cour aux termes de leurs dernières écritures du 29 septembre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens et argumentation, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la SCI Travy 28 et la société Cfroid ont intérêt à agir, et que la nullité de la vente ne pouvait être poursuivie que par l'acquéreur,
- le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau au visa des articles 1134 et 1152 du Code civil :
- prononcer la résolution judiciaire de la promesse de vente consentie le 03 février 2009, par la société Yomtov à M. [F], aux torts exclusifs de la société Yomtov,
- condamner la société Yomtov à verser à la société Cfroid les sommes de :
- 718 952 € HT à titre de surcoût de loyer,
-17 000 € HT au titre des frais exposés par celle-ci,
- 20 000 € au titre du préjudice résultant du temps consacré à la gestion du contentieux tant par le personnel de la société Cfroid que par son dirigeant,
- 6 000 € au titre des frais irrépétibles, dépens en sus.
Par dernières conclusions signifiées le 06 octobre 2011, la SCI Yomtov demande à la Cour de :
- vu le compromis de vente du 03 février 2009,
- vu l'article 1147 du Code civil,
- vu les articles 122 et suivants, 699 et 700 du Code de procédure civile,
In limine litis
- infirmer le jugement rendu le 18 mai 2010 en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes et conclusions de la société Cfroid pour défaut de qualité à agir,
- statuant à nouveau,
- dire la société Cfroid irrecevable en ses demandes et conclusions pour défaut de qualité à agir,
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 18 mai 2010 en ce qu'il a constaté la caducité de la promesse de vente du 03 février 2009 du fait de la non réalisation au 15 juin 2009 des conditions suspensives, et en conséquence, débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- donner acte aux parties de ce que les appelants ont abandonné leur demande d'exécution forcée de la promesse de vente consentie le 03 février 2009,
- dire que M. [W] [F] est irrecevable et mal fondé à demander la résolution judiciaire à ses torts du compromis de vente, celui-ci s'étant fait substituer à l'acte par la société Travy 28,
- à titre infiniment subsidiaire prononcer la résolution judiciaire du compromis de vente du 03 février 2009, aux torts exclusifs de M. [W] [F],
- constater que les conditions relatives à l'exécution du compromis de vente n'ont pas été réunies et en conséquence, dire inapplicable la clause pénale insérée au compromis de vente,
- à titre infiniment subsidiaire, dire que la pénalité sollicitée est manifestement excessive compte tenu des éléments de la cause, et en conséquence la modérer,
- en tout état de cause dire qu'elle justifie avoir subi un préjudice résultant du comportement de M. [W] [F], à tout le moins d'importance égale au montant de la clause pénale qui pourrait être reconnue à son encontre,
- en conséquence, condamner à ce titre solidairement les appelants à lui verser la somme de 170 000 €,
- ordonner le cas échéant la compensation entre le montant de la pénalité qui sera éventuellement retenu et la réparation du préjudice subi par elle,
- dire que la société Cfroid est irrecevable à formuler des demandes de dommages et intérêts contre elle, faute d'avoir été partie au compromis de vente du 03 février 2009, et en raison de l'engagement exprès de M.[W] [F] dans cet acte de faire son affaire personnelle de la situation locative de la société Cfroid.
- dire que la société Cfroid ne démontre, ni sa faute, ni la réalité des préjudices qu'elle allègue, ni enfin un lien de causalité entre les deux et en conséquence dire que sa responsabilité civile ne saurait être engagée et la débouter de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner solidairement M. [W] [F], la société Cfroid et la société Travy 28 à lui verser la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
CECI ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur les exceptions de procédure
Considérant que le litige est relatif à la validité d'une promesse de vente conclue le 3 février 2009 entre la SCI Yomtov et M. [W] [F], par ailleurs gérant de la SARL C.Froid, à laquelle la SARL C. Froid n'était pas partie ;
Considérant que même si la situation locative de la SARL C. Froid a été expressément exclue du champ contractuel et que M. [W] [F] a déclaré à l'acte en avoir une parfaite connaissance et vouloir en faire son affaire personnelle, cette assertion n'est pas de nature à priver la SARL C. Froid, tiers à la convention, du droit de demander réparation du préjudice susceptible de lui être causé en sa qualité de locataire commercial par la résolution de l'acte du 3 février du 2009 de sorte que sa demande doit être déclarée recevable ;
Considérant en outre que la qualité à agir de la société Travy 28 n'est plus contestée en cause d'appel ;
Sur le fond
Considérant que les appelants ne sollicitent plus la réalisation forcée de la vente et que la SCI Yomtov ne soutient plus en cause d'appel le moyen tiré de la nullité de la vente ;
Considérant que les conventions font la loi des parties et que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur obligé sous cette condition qui en a empêché l'accomplissement ;
Que le compromis de vente conclu le 3 février 2009 entre la SCI Yomtov et M. [W] [F] rappelait en préambule, que la SCI Yomtov était bénéficiaire aux termes d'un acte du 12 janvier 2001, d'une part, d'un contrat de crédit-bail sur les locaux en cause et, d'autre part, d'une promesse de vente, avec possibilité de lever par anticipation l'option d'achat à partir de la fin de la cinquième année, et qu'il était encore indiqué que cette levée d'option ferait l'objet d'un acte préalablement à la réitération des présentes et que la SCI Yomtov ne procéderait à la levée d'option que si M. [W] [F] lui justifiait, par voie de notification, l'offre de prêt qu'il aurait reçue pour l'acquisition des biens ;
Que cette levée d'option même si elle ne figurait pas au paragraphe intitulé « conditions suspensives » n'en constituait pas moins une condition préalable à la réitération de l'acte de vente, de même que l'acquisition de l'ensemble immobilier par la SCI Yomtov ;
Que le compromis était encore conclu sous la condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un ou plusieurs prêts d'un montant de 1'200'000 € d'une durée de 15 ans au taux de 5 % l'an, l'acquéreur s'obligeant à déposer ses demandes de prêts au plus tard dans un délai de 30 jours, la condition devant être réalisée au plus tard le 15 juin 2009 et être justifiée par la production d'une lettre d'accord du ou des établissements bancaires sollicités et portée à la connaissance du vendeur par pli recommandé adressé au plus tard dans les cinq jours suivant l'expiration du délai précité ;
Que l'acte prévoyait enfin que dans le cas où les conditions suspensives stipulées au compromis seraient réalisées, la signature d'un accord authentique aurait lieu au plus tard 45 jours après la notification de l'offre de prêt de M. [W] [F] à la SCI Yomtov par le ministère de Me [C] notaire à [Localité 8] moyennant le paiement du prix et des frais par chèque de banque à l'ordre du rédacteur ;
Considérant en l'espèce, qu'à supposer que la condition suspensive d'obtention d'un prêt ait été réalisée par la notification faite par le notaire de M. [W] [F] le 23 avril 2009 à celui de l'intimée, et la signature de l'acte de vente devant intervenir au plus tard 45 jours après la notification de cette offre, soit en l'espèce le 8 juin 2009, force est de constater qu'à cette date le crédit bailleur de la SCI Yomtov, qui était propriétaire des biens immobiliers objets du compromis de vente, n'avait pas accepté la levée de l'option anticipée prévue au contrat du 12 janvier 2001 qui devait avoir lieu, selon les prévisions contractuelles, à la fin de la neuvième année du contrat et à laquelle il a finalement consenti à titre dérogatoire, à compter du 11 juillet 2009 seulement comme en atteste la télécopie adressée par Me [D] le 16 avril 2009 à la banque populaire ;
Qu'ainsi le compromis de vente était à cette date, caduc, aucune prorogation du délai de réitération de l'acte de vente n'étant intervenue, la lettre adressée le 30 juillet 2009 par M. [W] [F] en sa qualité de gérant de la SCI Travy 28 à la SCI Yomtov, démontrant s'il en était besoin, qu'après cette date il n'y avait plus d'accord entre les parties sur le prix dès lors que M. [W] [F] en sa qualité de représentant de la SCI Travy 28 refusait de payer les loyers commerciaux eu égard au retard apporté à la réitération de l'acte de vente ;
Considérant que le compromis de vente prévoyait une clause pénale d'un montant de 176'000 € à la charge de la partie qui refuserait de régulariser l'acte authentique ;
Mais considérant que les conditions d'application de cette clause ne sont pas réunies dans la mesure où la non réalisation de la vente n'est pas imputable à la faute de la SCI Yomtov qui justifie avoir satisfait à ses obligations en mettant tout en oeuvre pour obtenir de son crédit bailleur, une levée anticipée de l'option d'achat, qu'elle n'est pas davantage imputable dans ces conditions à M. [W] [F] ou à la SCI Travy 28 dans la mesure où les conditions à la charge respective des parties étaient cumulatives et que la défaillance de l'une suffisait à entraîner la caducité de l'acte ;
Que dès lors, il convient de débouter les appelants de leur demande tendant à résolution judiciaire du compromis de vente aux torts de la SCI Yomtov et M. [W] [F] et la SCI Yomtov de leurs demandes respectives en paiement de la clause pénale ;
Considérant que M.[W] [F], est tout à la fois gérant de la SCI Travy 28 qu'il s'était substitué dans le bénéfice de l'acte du 3 février 2009, mais aussi de la SARL C. Froid et qu'il a été jugé que le compromis de vente était devenu caduc sans faute en particulier de la SCI Yomtov de sorte que cette dernière ne saurait être tenue à réparation de l'éventuel préjudice que lui causerait l'anéantissement de l'acte du 3 février 2009, étant encore observé que M. [F] avait déclaré à l'acte avoir une parfaite connaissance de la situation locative de la SARL C. Froid et en faire son intérêt personnelle ; que dans ces conditions la SARL C. Froid ne peut être déboutée de ses demandes à caractère indemnitaire en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SCI Yomtov ;
Et considérant que M. [W] [F], la SCI Travy 28 et la SARL C. Froid qui succombent supporteront les dépens et indemniseront la SCI Yomtov des frais exposés à hauteur de la somme de 5 000 € au titre des procédures de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les exceptions de procédure,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit le compromis de vente du 3 février 2009 caduc sans faute des parties contractantes, les déboute de leurs demandes d'application de la clause pénale,
Rejette la demande de résolution judiciaire,
Déboute la SARL C. Froid de ses demandes à caractère indemnitaire,
Condamne in solidum M. [W] [F], la SCI Travy 28 et la SARL C. Froid à payer à la SCI Yomtov la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne in solidum, M. [W] [F], la SCI Travy 28 et la SARL C. Froid aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière,La Présidente,