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22/11/2011 | FRANCE | N°11/02157

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 22 novembre 2011, 11/02157


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2011

(no 357, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02157

Décision déférée à la Cour :

décision rendue le 14 décembre 2010 par M. Gilles X..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris

no 721/203800

DEMANDERESSE AU RECOURS

SELARL CABINET STEPHANE Y...

...

75116 PARIS

prés

ent à l'audience M. Stéphane Y..., avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR AU RECOURS

Monsieur Ludovic Z...

...

77500 CHELLES

présent à l'audience

...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2011

(no 357, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02157

Décision déférée à la Cour :

décision rendue le 14 décembre 2010 par M. Gilles X..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris

no 721/203800

DEMANDERESSE AU RECOURS

SELARL CABINET STEPHANE Y...

...

75116 PARIS

présent à l'audience M. Stéphane Y..., avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR AU RECOURS

Monsieur Ludovic Z...

...

77500 CHELLES

présent à l'audience

qui a présenté ses observations

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. Ludovic Z..., a exercé sa profession d'avocat en qualité de collaborateur libéral de la Selarl Cabinet Stéphane Y..., ci-après la Selarl, à compter du 19 mai 2008, aucun contrat de collaboration écrit n'ayant été établi.

M. Z... a été, à compter du 20 octobre 2008, en arrêt maladie pour une durée indéterminée.

Un litige a opposé M. Z... à M. Y... lorsque courant février 2009, il a tenté d'obtenir de ce dernier un rendez-vous, prévu d'abord le 23 février, annulé la veille, puis obtenu finalement le 19 mars 2009, entretien destiné à faire les comptes entre les parties mais au cours duquel M. Y... a refusé le règlement à M. Z... des honoraires réclamés par ce dernier, n'ayant perçu, début octobre, que les honoraires relatifs au mois d'août 2008 : par un courrier du 3 novembre 2009, Mme Françoise A..., avocat ancien membre du Conseil de l'Ordre, a informé M. Stéphane Y... qu'elle était la suppléante du cabinet de M. Z..., omis pour raisons de santé à compter du 31 décembre 2008 et que ce dernier s'estimait créancier d'une somme totale de 10 986, 73 € au titre de rétrocessions d'honoraires pour les mois de septembre et octobre 2008 ainsi qu'au remboursement d'une somme de 1294, 47 € au titre de paiements faits au profit du cabinet que M. Z... estimait non conformes au principe édicté par l'article 14-2 du Règlement Intérieur National ; par un second courrier en date du 19 novembre 2009, Mme A... ès qualité a rappelé à M. Y... que M. Z... souhaitait obtenir un rendez-vous pour récupérer ses effets personnels restés au cabinet et le 20 novembre 2009, M. Z... a été reçu par M. B..., l'un des collaborateurs de la Selarl, qui les lui a remis.

De son côté, la Selarl a expliqué que depuis le 1er septembre 2008, elle avait constaté que M. Z... était présent seulement de manière épisodique, ne se présentant pas avant 12 heures ou 13 heures, ce qui désorganisait le cabinet et qu' à compter du 17 octobre 2008, M. Z... ne s'est plus présenté au cabinet, lequel a appris peu après par la mère de M. Z... que ce dernier faisait l'objet d'une hospitalisation: puis elle apprendra par une télécopie de Mme A... du 14 novembre 2008 que M. Z... était depuis le mois de juillet 2008, en état d'omission financière, ce qui lui avait été totalement dissimulé par ce dernier et ce qui l'a contrainte, en accord avec Mme A..., à examiner l'ensemble des dossiers de M. Z... : qu'enfin, le 20 novembre 2009, M. Z... s'est présenté au cabinet pour récupérer ses effets personnels .

Le 24 mars 2010, M. Z... a saisi M. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris en demandant :

-le règlement de rétrocessions d'honoraires pour les mois de septembre et octobre 2008, à hauteur de la somme de 6266, 66 €

-le règlement d'une rétrocession d'honoraires pendant deux mois conformément à l'article 14 du Règlement Intérieur National,( RIN ) déduction faite des indemnités journalières, ce à hauteur de la somme de 3425, 60 €,

-la restitution de la somme représentant 30% des honoraires encaissés sur ses affaires personnelles, soit la somme de 1297, 37 €,

-le paiement de ses congés payés non soldés, d'une durée de 9 jours, soit la somme de 1800 €, de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée à hauteur de la somme de 5000 € et de la somme de 3000 € pour ses frais irrépétibles.

Malgré la saisine de la commission de règlement des difficultés d'exercice en collaboration, aucune conciliation n'a pu intervenir, le cabinet Y... s'opposant, dans le cadre de ses observations transmises le 5 mai 2010, à toutes les demandes au regard de l'état d'omission financière de M. Z... à compter du 8 juillet 2008, non portée à sa connaissance par son collaborateur mais interdisant de son point de vue à ce dernier d'exercer comme avocat à compter de cette date.

Le 11 juin 2010, M. Z... a saisi M. Le Bâtonnier d'une demande d'arbitrage et a formé les mêmes demandes, portant à 15 000 € sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et à 5000 € sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

M. Gilles X..., désigné en qualité d'arbitre par le bâtonnier, a fixé une réunion de préparation de l'arbitrage au 7 juillet 2010, pour soumettre à la signature des parties un projet de convention d'arbitrage dénommé " acte de mission".

Le cabinet Y... a indiqué à l'arbitre par courriel du 6 septembre 2010 la difficulté, estimant que l'état d'omission financière de M. Z... était fondamentale puisqu'elle commandait le principe même, au regard de la compétence de ce dernier, de la possibilité d'un arbitrage du Bâtonnier et il a refusé de signer la convention d'arbitrage.

Aux termes d'une sentence en date du 14 décembre 2010, M. Gilles X..., agissant en qualité d'arbitre unique désigné par le Bâtonnier du Barreau de Paris a :

-constaté que le montant mensuel de la rétrocession d'honoraires au jour de la rupture du contrat de collaboration libérale conclu entre la Selarl Cabinet Stéphane Y... et M. Ludovic Z... était de 4000 € HT,

-condamné la Selarl à payer à M. Z... la somme totale de 9512, 26 € HT, ( 6266, 66 € HT à titre de rétrocession d'honoraires du 1er Septembre au 17 octobre 2008 et 3245, 60 € HT à titre de solde de rétrocessions d'honoraires du 20 octobre au 31 décembre 2008), en disant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er Mars 2010,

-condamné la Selarl à payer à M. Z... la somme de 1082, 33 € HT au titre du remboursement des honoraires indûment perçus sur la clientèle personnelle de M. Z...,

-condamné la Selarl à payer à M. Z... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts,

-débouté les parties de toutes autres demandes,

-dit n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité de procédure et laissé à chaque parties la charge des dépens éventuels.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 6 janvier 2011 par la Selarl Cabinet Stéphane Y...,

Vu les conclusions déposées le 24 mai 2011 par l'appelante qui demande, au visa des articles 7 et 21 de la loi du 31 décembre 1971, de l'article 1466 du code de procédure civile, de l'article P 71 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris (RIBP) et au vu de l'état d'omission financière de M. Ludovic Z... à la date du 8 juillet 2008,

à titre principal, l'infirmation de la sentence déférée en ce qu'elle a déclaré que le litige relevait de la compétence de l'arbitrage du bâtonnier, statuant à nouveau, se déclarer incompétent pour connaître du litige,

à titre subsidiaire, si la cour retient sa compétence, au visa des articles 16 et 1447 du code de procédure civile, de l'article 14.5 du RIN, des articles P 71.4.1 et s. du RIBP,

l'annulation de ladite sentence en toutes ses dispositions, l'arbitre ne pouvant se prononcer faute de convention d'arbitrage acceptée par toutes les parties au litige et ayant violé le principe du contradictoire,

en tout état de cause, l'infirmation de la sentence en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. Z... de sa demande au titre des congés payés, ce au visa de l'état d'omission financière de M. Z... à la date du 8 juillet 2008, de l'article 1131 du code civil, de la mauvaise foi et du comportement frauduleux de M. Z..., le débouté de M. Z... de toutes ses demandes,

statuant à nouveau,

la condamnation de M. Z... à lui restituer, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date de paiement desdites sommes par le cabinet, les sommes de :

- 6609 € HT indûment versée pour la période du 8 juillet 2008 ( date de son omission) au 31 août 2008,

- 2961, 67 € indûment versée au titre de la TVA pour les mois de mai

juin, juillet et août 2008,

à lui payer, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date des factures, la somme de 1000, 14 € ( TVA en sus) au titre du solde restant dû sur les factures du cabinet,

la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'à payer les entiers dépens.

Vu les conclusions déposées le 12 octobre 2011 par l'intimé qui, à titre principal, au visa des articles 505, 528 du code de procédure civile, de la notification le 21 décembre 2010 de la décision du 14 décembre 2010 et du certificat de non-appel en date du 27 janvier 2011, invoque l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la Selarl Y...,

à titre subsidiaire, demande, au visa des articles 562 et suivants, notamment 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes de la Selarl Y...,

à titre plus subsidiaire, sous divers visas, dont la loi du 31 décembre 1971 et les articles 142 à 153 et 15 et 16 du décret du 27 novembre 1991, demande de constater la compétence du Bâtonnier de Paris pour statuer en première instance sur ses demandes et de rejeter les demandes tendant à l'annulation de la décision déférée,

à titre infiniment subsidiaire, sous divers visas, de confirmer la décision déférée et dire irrecevables et en tout état mal fondées les demandes reconventionnelles de la Selarl Y...,

en tout état de cause, au visa des articles 32-1 du code de procédure civile, 1382 du code civil, 559 et 560 du code de procédure civile, 700 dudit code, de condamner la Selarl Y... à lui payer la somme de

20 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel dilatoire et abusif, à une amende civile de 3000 €, à lui payer la somme de 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel de la Selarl Cabinet Stéphane Y... :

Considérant que M. Chreit Gunnar B..., avocat au barreau de Paris, a, le 6 janvier 2011, déclaré au nom et pour le compte de la Selarl Cabinet Stéphane Y..., interjeter appel de la décision du Bâtonnier en date du 14 décembre 2010, soit dans le délai d'un mois de ladite décision ; que la date de cet acte d'appel, lequel a été enregistré selon un procès-verbal dressé et signé par le greffier du Pôle 2, chambre 1 de la cour le 6 janvier 2011, ne saurait être contestée, qu'il en résulte que l'appel de la Selarl est recevable et a valablement saisi la cour, l'appel ayant d'ailleurs été enregistré, ce quand bien même il est par ailleurs produit aux débats par l'intimé une copie de la seule première page de la décision du bâtonnier du 14 décembre 2010, revêtue à la fois d'une mention portée en tête de page, apparaissant comme datée du 27 janvier 2011 et signée du greffier en chef de la cour d'appel de Paris, certifiant que conformément aux dispositions de l'article 505 du code de procédure civile, il n'a pas été remis à ce jour de déclaration d'appel de ladite décision et, sur le côté du même document, d'une mention apposée au moyen du même cachet mais laissée en blanc, document dont l'intimé soutient qu'il s'agit d'un certificat de non appel mais qui ne peut avoir en tout état de conséquence procédurale dans la présente instance ;

Sur la compétence du Bâtonnier :

Considérant que la Selarl, qui soulève l'incompétence du Bâtonnier, fait valoir que l'acte de mission a présenté le litige de manière manifestement incomplète, en occultant l'état d'omission financière, pourtant porté à la connaissance de l'arbitre par son courriel du 6 septembre 2010, étant précisé que ledit arbitre a refusé, malgré sa demande motivée et précise du 15 septembre 2010, de le compléter au motif qu'il " s'agit d'un simple acte de mission, dont le but essentiel est de fixer un calendrier et de rappeler de manière sommaire la nature du litige" ; que pour ce motif elle a refusé de signer la convention d'arbitrage, dès lors qu'elle estimait que cette question commandait le principe même de l'arbitrage réservé aux différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, ce en application de l' alinéa 3 de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, puisque la demande porte sur une période, les mois de septembre et d'octobre 2008, durant laquelle M. Z... ne pouvait plus exercer ;

Considérant que la Selarl fait valoir qu'outre l'article 21 susvisé, l'article P 71 du RIBP dispose que " tout litige entre les avocats inscrits au barreau à raison de leurs relations professionnelles est soumis à l'arbitrage du bâtonnier" ; qu'ainsi, l'arbitre aurait dû se déclarer incompétent, alors qu'il a considéré que l'omission au 8 juillet 2008 pour raison financière ne serait pas devenue exécutoire, puisque rapportée par décision du Conseil le 10 février 2009 ; que l'arbitre s'est référé à la décision du 17 mars 2009 que lui a communiqué M. Z... qui prononce son omission en raison de son état de santé à compter du 31 décembre 2008, sans faire mention que l'omission financière du 8 juillet 2008 ait été rapportée ;

Considérant que l'appelante fait encore valoir que la décision serait en tout état nulle dès lors qu'elle viserait des textes inexacts, en particulier l'article 10, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1971, lequel est relatif aux honoraires, qu'elle se fonderait encore sur l'article 20 alinéa 2 de ladite loi, qui serait celle par laquelle " le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau" , alors que ce texte concerne les recours contre les décisions relatives à l'inscription au tableau, l'omission et l'autorisation d'ouverture de bureaux secondaires ; qu'elle soutient encore l'absence de toute convention d'arbitrage acceptée par les parties, alors que l'article 1447 du code de procédure civile devait s'appliquer lequel subordonne l'arbitrage d'un litige à la conclusion préalable par les parties au litige d'un compromis d'arbitrage ; que l'arbitre a distingué à tort deux régimes d'arbitrage, selon que le litige serait né à l'occasion d'un contrat de travail ou de collaboration entre avocats, dans lequel l'arbitrage du bâtonnier serait obligatoire, ou qu'il serait né entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, cas dans lequel il ne serait pas obligatoirement soumis à l'arbitrage du Bâtonnier et supporterait la conclusion préalable par les parties d'un compromis d'arbitrage ; que ce raisonnement, qui revient à distinguer deux régimes différents d'arbitrage, s'appuie sur une distinction qui est erronée selon le cabinet Y..., la loi de 1971 ne faisant pas cette distinction et le décret, en ses articles 142 et suivants précisant le régime de l'arbitrage, de même que l'article 179-1, étant souligné que, si on se réfère à l'article 179-4 du décret, on constate que les mêmes règles sont applicables, pour les différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel ; qu'en outre, en collaboration libérale, à la différence du salariat, le texte ne prévoit pas de recours obligatoire à l'arbitrage mais le bâtonnier recommande " seulement" aux parties le recours à l'arbitrage ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que l'arbitre a retenu sa compétence ; qu'en réponse à la Selarl qui a essentiellement fait valoir que M. Z... n'est plus avocat en exercice et que l'arbitrage est impossible à défaut de clause compromissoire ou de compromis d'arbitrage, il a retenu que la loi du 12 mai 2009, en ses articles 71 et 72 modifiant la loi du 31 décembre 1971, a rendu obligatoire l'arbitrage du bâtonnier pour tout différend né entre avocats à l'occasion de l'exercice de la profession ; qu'il en résulte qu'il n'est plus nécessaire de finaliser un compromis d'arbitrage et qu'il suffit d'appliquer l'article 142 du décret de 1991 tel que modifié par le décret du 11 décembre 2009, lequel permet à l'une des parties de le saisir par voie de requête ; qu'il a exactement ajouté que la question de l'omission de M. Z..., qui serait de ce fait et selon l'appelante, sans lien avec le Barreau, ne fait pas obstacle car l'omission pour raisons financières invoquée par la Selarl, n'est pas devenue exécutoire puisque rapportée par décision du conseil du 10 février 2009 et celle pour raisons de santé n'est pas de même nature car elle est volontaire et n'a pas les effets d'une déclaration de cessation d'activité ; qu'ainsi l'arbitre s'est reconnu compétent pour connaître du litige dont il n'est pas contesté qu'il est né entre les parties à l'occasion de l'exercice de la profession ;

Considérant que le surplus de l'argumentation de l'appelante fondée sur la nullité n'est pas davantage pertinente ; que certes la décision du Bâtonnier, qui indique in limine et dans son en-tête, une référence à l'article 10 dernier alinéa de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, texte inapproprié, contient effectivement une inadvertance de rédaction, qui n'a toutefois aucune conséquence et ne saurait faire grief dès lors que tous les autres textes visés après l'indication du nom des parties et l'exposé de leur litige, présenté comme " pendant entre les parties quant à la reddition des comptes pouvant rester à faire entre elles du fait de cette collaboration" ne laissent aucun doute sur la nature de ce dernier, la décision entreprise étant même particulièrement explicite puisque conduite, en raison précisément du refus persistant de la Selarl de signer l'acte de mission, à en préciser très longuement toutes les étapes de la page 2 à la page 7 ; que l'analyse comparative et ou combinée des divers textes à laquelle l'appelante se livre tend en substance à soutenir que l'arbitrage du Bâtonnier obéit à un seul régime, que le recours à l'arbitrage n'est pas obligatoire en matière de contrat de collaboration libérale mais qu'il suppose dans tous les cas la signature d'un compromis d'arbitrage ; qu'il a déjà été répondu ci-dessus à cette argumentation en rappelant la nature à la fois claire et générale de la compétence du Bâtonnier telle que définie par la loi du 12 mai 2009 en ses articles 71 et 72 ; que par ailleurs le simple fait que la décision ait rappelé, au fil de son exposé, diverses dispositions, dont en page 2, l'article 20 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971, tous éléments non repris ensuite dans la motivation proprement dite, laquelle figure en pages 8, 9, et 10, est sans conséquence sur la validité même de la décision qui rejette l'exception d'incompétence soulevée par la Selarl et qui doit être confirmée de ce chef ;

Considérant enfin que l'appelante invoque, toujours à l'appui de sa demande d'annulation, une décision rendue en l'absence de respect du principe contradictoire, lequel s'impose à l'arbitre ; que sur ce point, elle fait valoir que M. Z... lui a adressé en fichiers joints à un courriel du 30 juillet 2010 un mémoire et des pièces Nos 1 à 20 que le cabinet n'a pu ouvrir ; que M. Z... en a envoyé un tirage papier par la voie postale seulement à l'arbitre mais a refusé de le faire pour le cabinet, malgré sa demande, ce qui résulte de la pièce 15 consistant en un courriel du 15 octobre 2010 à M. Z... en ce sens ; qu'ainsi elle considère que le cabinet n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience qui s'est tenue le 3 novembre 2010, le seul acte faisant mention de cette audience étant l'acte de mission, qu'elle n'a pas signé et qui ne pouvait tenir lieu de convocation, laquelle, pour être régulière, aurait du respecter les formes prévues par l'article 144 du décret du 27 novembre 1991 en son dernier alinéa qui dispose que " le Bâtonnier convoque les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins huit jours avant la date d'audience" ;

Considérant qu'il y a lieu de relever l'absence de pertinence de ce moyen dès lors que l'arbitre a avisé chacune des parties par des courriels très explicites, que la Selarl a été également informée par son collaborateur, présent le 7 juillet 2010, du calendrier de procédure, puis a reçu l'acte de mission contenant ledit calendrier par lettre recommandée avec avis de réception délivrée le 5 août 2010 ; qu'en versant aux débats sa lettre du 10 août 2010 à son confrère contenant son mémoire et ses pièces, ce en réponse à la difficulté qui lui avait été signalée par la Selarl dès le 1er Août au sujet de l'ouverture impossible du fichier, ainsi que la copie du courriel du 14 octobre 2010 adressé tant à l'arbitre, qui l'a normalement reçu, qu'en courriel joint à son confrère, M. Z... justifie de manière précise de ce qu'il a fait le nécessaire pour adresser mémoire et pièces lorsqu'il a appris que son courrier n'avait pas été distribué et qu'il a proposé de le réexpédier ; qu'à supposer même, comme l'en accuse la Selarl, qu'il se soit autorisé, avec une intention en ce cas malicieuse, à procéder de telle sorte que ses envois semblent corrects mais ne soient pas pour autant efficaces dans le seul but de placer son adversaire dans une situation inextricable, la Selarl qui a fait le choix délibéré et pour le moins étonnant de ne pas conclure ni adresser de pièces ni à son contradicteur, ni à l'arbitre, s'en tenant à ses courriers à ce dernier des 6 et 15 septembre 2010 et le choix encore de ne pas se présenter à l'audience fixée, s'est en réalité elle-même placée dans une situation qu'elle reproche donc à tort tant à l'arbitre qu'à la partie adverse, oubliant qu'il lui incombait comme à toute partie et quels que soient les moyens de droit qu'elle entendait soulever, de faire diligence vis à vis à tout le moins de l'arbitre devant lequel il lui aurait été loisible d'éclaircir utilement tous ces points ; qu'il n'est pas critiquable que l'arbitre, en présence d'un conflit opposant deux avocats, professionnels de la procédure et de la communication des pièces, ait pu estimer que " chaque partie a eu la possibilité de faire valoir son argumentation", analyse que la cour entend confirmer après s'être néanmoins assurée que, devant elle, la communication des pièces était effective, en ordonnant à cet effet un renvoi de l'audience de plaidoirie du 29 juin au 12 octobre 2011, avec possibilité de consultation du dossier par les parties à son greffe ; qu'il résulte des longues écritures prises de part et d'autre, comportant des références précises à l'ensemble des pièces versées aux débats, précisément numérotées, qu'il a été satisfait au respect du principe du contradictoire ;

Sur le fond :

Sur la demande de M. Z... au titre du congé rémunéré :

Considérant que l'arbitre a estimé que M. Z... n'avait pas de droit à congé rémunéré lequel aurait dû être purgé pendant le délai de prévenance, ce dernier n'ayant pas couru du fait de son omission pour raison de santé, situation dont la Selarl n'est pas responsable, qu'il n'y a plus lieu pour la cour de statuer sur ce point, ce chef de demande n'étant pas maintenu par M. Z... qui se range à la décision de l'arbitre ;

Sur les rétrocessions d'honoraires demandées par M. Z... :

Considérant que la Selarl conteste devoir une quelconque somme à ce titre en faisant valoir en premier lieu l'absence de cause du contrat de collaboration à compter du 8 juillet 2008, date à laquelle M. Z..., en état d'omission financière, ne pouvait plus exercer comme avocat et en second lieu que les fiches de diligences produites à cet égard par M. Z... ne présentent aucun caractère sérieux ; qu'elle fait valoir que lors de son passage au cabinet le 20 novembre 2009, M. Z... a récupéré les fichiers informatiques contenant les relevés de ses diligences et une fois copiés sur sa clef USB, a supprimé lesdits fichiers, l'empêchant de pouvoir les consulter afin de les vérifier ; qu'en outre les relevés de temps, habituellement établis par le collaborateur non pas après chaque diligence mais mensuellement sont discutables puisqu'établis au plus tôt à la sortie d'hospitalisation de M. Z... soit 6 mois après le mois d'octobre 2008 ; qu'ils comportent au surplus des erreurs sur les dates de présence ou d'absence ou qualifiées de congés et des invraisemblances sur le temps très important passé sur certains dossiers, tel le dossier Claux relatif à une simple révision triennale de loyer d'un bail commercial non contentieuse ;

Considérant que les fiches de temps produites par M. Z... sont très précises sur les diligences accomplies et les dossiers concernés, alors que la Selarl, en dehors de quelques remarques demeurant ponctuelles telles que sus-rappelées, ne fournit pas d'explications de nature à les mettre dans leur ensemble en doute, que l'intimé fournit par ailleurs des documents complémentaires relatifs à des opérations bancaires qu'il a effectuées dans le quartier à proximité du cabinet et attestant de sa présence dans les locaux de la Selarl dans le courant des mois de septembre et octobre 2008, que l'arbitre les a en conséquence, à juste titre, tenues pour valables et de nature à fonder les honoraires réclamés, en fonction de la rétrocession mensuelle convenue, en y ajoutant les honoraires correspondant à la période d'absence pour raisons de santé, sous déduction des indemnités journalières perçues et qu'ainsi l'arbitre retient pertinemment que c'est le 31 décembre 2008, date de l'omission pour raisons de santé, qu'a pris fin le contrat de collaboration ; que la teneur desdits relevés ne saurait davantage être valablement mise en doute par la Selarl au motif d'une prétendue décision de M. Z... de se livrer à la suppression malicieuse de tous les éléments informatiques permettant d'apprécier la réalité de son travail, alors que l'intimé n'est revenu au cabinet que le 20 novembre 2009, lorsqu'il a pu enfin obtenir un rendez-vous, c'est à dire sans agir aucunement à cet égard à l'insu de la Selarl, à même de prendre toutes dispositions qui lui semblaient utiles pour opérer tout contrôle nécessaire ; que toutefois si M. Z... conteste les absences répétées qui lui sont reprochées, dont la réalité résulte notamment de l'attestation précise à cet égard émanant de M. B..., collaborateur de la Selarl, au motif que ce dernier serait placé dans un lien de dépendance économique ne lui permettant pas de témoigner en faveur de son patron, il demeure que rien ne permet d'écarter ladite attestation au regard de son contenu précis et très circonstancié, relatif notamment à l'annonce par M. Z..., pour justifier son absence du cabinet, de la survenance d'un grave accident de la route ayant mis la vie de ses parents en danger, événement s'étant révélé par la suite imaginaire, contenu qui n'est pas contredit par M. Z..., lui -même admettant implicitement et explicitement avoir été, à l'origine, du fait de son état de santé, de diverses difficultés pour la Selarl ; qu'en effet, l'intimé a écrit en ce sens dans deux courriels des 29 septembre 2008 et du 20 octobre 2008, qu'il écrit dans le premier " Ayant un problème à régler ce jour, je vous indique n'être présent au cabinet que dans le courant de la matinée" , et dans le second " Je suis navré de vous faire faux bond, une dernière fois", qu'il a ainsi mentionné des jours de congés notamment les 8 et 9 et 29 septembre 2008 et 8, 9, et 10 octobre 2008, mais qu'il s'agissait plutôt d'absences non prévues, qui se sont terminées par son arrêt maladie ; qu'il en résulte que la Selarl, à laquelle il a fourni des explications incohérentes et à laquelle il n'a jamais fait part de sa situation d'omission financière, en continuant d'exercer, ce qui constitue à tout le moins un manquement aux principes essentiels d'honneur et de probité entre confrères, était légitimement en droit de s'interroger sur le comportement de son collaborateur ; que toutefois, lorsqu'elle fait état d'une mauvaise foi patente de son collaborateur, que rien ne permet d'affirmer au regard des soins dont il a dû faire à l'époque l'objet, elle n'était pas pour autant fondée à refuser non seulement de lui verser les honoraires dus mais même d'envisager de le faire, sauf à commettre elle-même un manquement auxdits principes ; qu'en conséquence la décision du Bâtonnier sera confirmée du chef de la condamnation prononcée au titre des rétrocessions ;

Sur le remboursement demandé par M. Z... :

Considérant que l'intimé invoque notamment les dispositions de l'article 14.3 du RIBP selon lequel " pendant les cinq premières années d'exercice professionnel, l'avocat collaborateur libéral ne peut se voir demander de contribution financière en raison du coût généré par le traitement de sa clientèle personnelle", reprochant à la Selarl un non-respect de ce texte lorsqu'elle a émis des notes d'honoraires à son encontre, représentant 30 % des honoraires encaissés par lui dans le cadre du développement de sa clientèle personnelle ; qu'il a ainsi été contraint de régler à la Selarl sur son compte bancaire en deux chèques débités le 6 octobre 2008 (de 1055, 27 € et de 239, 20 € ) la somme de 1294, 47 € dont il demande le remboursement ; que l'appelante fait valoir qu'elle a apporté des conseils à M. Z... dans le traitement de ses dossiers personnels ; qu'elle produit diverses factures, en pièce 18-1 à 18- 7, datées de Juin, juillet, août et septembre 2008, relatives aux dossiers pour lesquels elle a assisté M. Z..., ce qui correspond à un total de factures représentant la somme de 2490, 64 € ; que ces dernières factures ne peuvent être mises par la cour en correspondance avec la demande de M. Z... ; qu'ainsi l'appelante ne précise pas à la cour la nature précise de son intervention en tant que liée au paiement des deux chèques susvisés ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de M. Z... ;

Sur les demandes de la Selarl :

Considérant que l'appelante, recevable à présenter des demandes non soumises à l'arbitre mais satisfaisant à l'article 565 du code de procédure civile et à l'évidence liées au contrat de collaboration donc relevant du principe de l'unicité du litige, sollicite le remboursement des honoraires perçus par M. Z... pour les mois de juillet et d'août 2008, représentant la somme de 8000 €, dès lors que ce dernier n'était plus en droit d'exercer et donc de facturer le cabinet à compter du 8 juillet 2008 ; que cette demande sera rejetée, l'appelante n'étant pas recevable à invoquer un état d'omission financière qui lui a été dissimulé, qui relève, comme indiqué ci-avant, d'un non respect de principes essentiels de nature déontologique, mais qui ne saurait la dispenser de rémunérer le travail effectué ;

Considérant que l'appelante invoque encore que M. Z... lui a facturé et a perçu frauduleusement de la TVA sur la période de mai, juin, juillet et août 2008, alors même qu'il n'était pas assujetti à la TVA, ce qu'elle établit par la production desdites factures en pièces 20 et 22 et qui représente une somme totale de 2961, 67 € ; que la pièce 20 est un extrait du grand livre auxiliaire montrant les versements effectués, que la pièce 22, composée de 4 feuillets, est constituée des notes d'honoraires facturées par M. Z... et faisant apparaître la TVA au taux de 19, 60 % ; que M. Z... ne fournit aucune explication sur ce point, ne précise pas son numéro d'identification, admettant en conséquence avoir perçu lesdites sommes pour les mois de mai à août ; qu'il sera fait droit à la demande de l'appelante ;

Considérant que l'appelante invoque encore l'assistance du cabinet au titre de laquelle elle réclame à M. Z..., à titre de solde restant dû, la somme de 1000, 14 € HT selon extrait de compte produit en pièce 19 ; que ladite pièce est un extrait du grand livre auxiliaire non susceptible de fonder ce chef de demande qui sera en conséquence rejeté ;

Sur les autres demandes des parties :

Considérant que chaque partie demande la condamnation de l' adversaire à lui payer des dommages et intérêts en faisant état du préjudice subi du fait des manquements commis ; qu'au vu des considérations ci-dessus, des circonstances particulières du litige, du caractère souvent inattendu des divers griefs formulés, de la perte de confiance manifeste et réciproque qui s'est installée entre les parties, des manquements respectifs à la confraternité, ces demandes seront écartées et que pour ce motif, la sentence déférée sera infirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande présentée sur ce fondement par M. Z... ;

Considérant que pour les mêmes motifs, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni de celles de l'article 32-1 dudit code et que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel .

PAR CES MOTIFS :

Déclare la Selarl Cabinet Stéphane Y... recevable en son appel,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a condamné la Selarl Cabinet Stéphane Y... à payer à M. Z... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne M. Ludovic Z... à payer à la Selarl Cabinet Stéphane Y... la somme de 2961, 67 € avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date de paiement de ladite somme,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/02157
Date de la décision : 22/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-11-22;11.02157 ?
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