RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 17 Novembre 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07142 LMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mai 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 08-00495
APPELANTE
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS (FGTI)
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Michel BONNELY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
INTIMÉES
SOCIÉTÉ DE MAINTENANCE LEVAGE GRUES à TOUR (MLGT)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Xavier LAGRENADE, avocat au barreau de PARIS, toque : C517
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE - 91 -
[Adresse 8]
Direction du personnel
[Localité 5]
représentée par Mme [K] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
Service juridique
[Adresse 2]
[Localité 4]
régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mme Michèle SAGUI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions -le Fonds- a régulièrement interjeté appel d'un jugement rendu le 28 mai 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui l'a dit irrecevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Manutention Levage Grues à Tour-MLGT.
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il sera rappelé que suite à l'accident du travail survenu le 3 octobre 1997 sur un chantier à M. [X] [D], salarié de la MLGT, le responsable de cette société, M. [C], a été relaxé des chefs de blessures involontaires devant le tribunal d'Evry, et que, sur appel portant sur les intérêts civils, la présente juridiction a, par arrêt du 28 mai 2001, jugé que, sur ce même fondement, l'employeur avait commis une faute et alloué à M. [X] [D] la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Le pourvoi formé par M. [C] a été rejeté le 30 avril 2002.
Par arrêt du 19 décembre 2002 la Cour, infirmant une décision rendue le 3 septembre 2001 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions -CIVI- a jugé que les faits invoqués par M. [X] [D] à l'appui de ses demandes en réparation présentaient le caractère matériel d'une infraction pénale et en conséquence a déclaré recevable ces demandes dans le cadre des dispositions de la loi du 6 juillet 1990 codifiée aux articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale. La Cour a sur ce fondement ordonné une mesure d'expertise et alloué à M. [X] [D] une somme de 1540,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 28 avril 2004 la CIVI a, sur la base du rapport d'expertise, alloué à M. [X] [D] la somme de 44 000 € soit 24 000 € au titre des souffrances endurées, 15 000 € pour le préjudice d'agrément et 5 000 € pour le préjudice esthétique.
Le 9 janvier 2006, la CIVI a fixé le montant des préjudices soumis à recours à 294130,43 € et constaté que vu la créance de la Caisse il ne restait aucun solde au profit de M. [X] [D]. Sur appel de ce dernier le conseiller de la mise en état a alloué à l'intéressé une provision de 106 779,00 € au titre des préjudices non soumis à recours. Cette somme a été payée par le Fonds et son montant a été partiellement confirmé par la Cour le 23 septembre 2009.
Le Fonds, qui a en conséquence versé à M. [X] [D] la somme totale de 386 375,94 €, a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne -la Caisse- d'une demande de faute inexcusable et, la réunion de conciliation du 14 novembre 2007 n'ayant pas abouti, l'organisme a, par lettre du 7 mai 2008, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Evry.
Par jugement du 28 mai 2009, le tribunal a :
-dit le Fonds irrecevable en son action.
Par déclaration du 7 juillet 2009 le Fonds a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2011 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'appelant demande à la Cour de :
-infirmer le jugement
Statuant à nouveau
-constater la faute inexcusable de la MLGT lors de l'accident du travail survenu le 3 octobre 1997,
-constater la subrogation du Fonds dans les droits de M.[X] [D] à hauteur de la somme de 386 375,94 €,
-en conséquence condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne à payer la somme de 386 375,94 € dans la limite des sommes dues par l'employeur au titre de la majoration de la rente versée à M.[X] [D],
Subsidiairement, ordonner une expertise,
Condamner la MLGT à payer la somme de 12 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 24 janvier 2011 et soutenues oralement à l'audience par son conseil la MLGT demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris,
Subsidiairement, rejeter les demandes du Fonds.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 5 octobre 2011 et soutenues oralement à l'audience par son représentant, la Caisse demande à la Cour de:
-confirmer le jugement entrepris,
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR,
Sur la prescription,
Considérant que la MLGT soutient que la décision pénale rendue le 25 janvier 2000, étant définitive sur le plan pénal, a fait courir la prescription, laquelle était acquise en 2007 date de la mise en oeuvre de la procédure pour faute inexcusable initiée par le Fonds ;
Considérant que le tribunal a, à juste titre, retenu que l'action initiée par la victime a pris fin le 30 avril 2002, date du rejet du pourvoi de M.[C] ;
Considérant en revanche que le premier juge a estimé que le Fonds n'avait saisi la Caisse d'une demande de faute inexcusable qu'à 'la fin de l'année 2007 " ; mais, considérant que cette demande a été présentée par lettre recommandée avec avis de réception du 14 mars 2003, renouvelée le 19 mai 2003 ; que la Caisse a ensuite avisé le Fonds de la tenue d'une réunion de conciliation courant octobre 2003, et, suite aux rappels du Fonds, d'un report -courrier du 22 juillet 2004, lui-même suivi d'une lettre recommandée du Fonds en date du 18 septembre 2006 ;
Et, considérant que la saisine de la Caisse d'une procédure pour faute inexcusable interrompt la prescription biennale tant que cet organisme n'a pas fait connaître le résultat de la tentative de conciliation ; qu'en tout état de cause les courriers rappelés ci-dessus ont régulièrement interrompu la prescription ;
Considérant en conséquence que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la subrogation,
Considérant que le Fonds soutient que les droits que lui confèrent les dispositions des articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale lui permettent de demander à l'employeur de M. [X] [D], par voie d'action directe, la réparation, totale ou partielle des sommes qu'il a versées, ce en raison de la subrogation légale dont il bénéficie ; qu'en l'occurrence la procédure initiée à l'encontre de la CIVI au titre d'un accident du travail a été définitivement déclarée recevable (par l'arrêt du 19 décembre 2002 de la Cour d'Appel de Paris) ce avant le revirement opéré par la Cour de Cassation le 7 mai 2003 déniant à la CIVI toute compétence pour une telle indemnisation ;
Considérant cependant que, au regard de ce qui précède, il n'est pas discuté que la procédure initiée par le Fonds vise à réclamer réparation de sommes allouées sur le fondement des règles du droit commun par le biais d'une procédure spécifique au droit de la Sécurité Sociale ; Considérant que, à juste titre, le tribunal a rappelé que, au regard des dispositions d'ordre public des articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, aucune action en réparation des accidents mentionnés par ledit Code ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants-droit, excepté si l'accident est causé par un tiers ;
Considérant qu'en l'espèce c'est à tort que le Fonds a été conduit originellement à indemniser M. [X] [D] au titre d'un tel sinistre, mais que, si l'arrêt du 19 décembre 2002-à l'encontre duquel le Fonds n'a pas formé de pourvoi-l'a condamné sur une base erronée, le principe de subrogation que l'appelant invoque ne l'autorise précisément pas à modifier ensuite les principes de droit applicables ;
Considérant, de fait, que, agissant sur le fondement des règles spécifiques de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le Fonds entend ensuite réclamer, non à ce dernier, mais à la Caisse à qui incomberait cette charge par référence aux dispositions des articles L 452-2 et L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, le remboursement de la totalité des sommes versées à M. [X] [D] lors des procédures précédentes, dans des limites tenant aux " sommes dues par l'employeur au titre de la majoration de la rente versée à M. [X] [D]"-sans plus autant expliciter et chiffrer concrètement ces termes ;
Considérant que le Fonds ne s'explique pas sur cette démarche, laquelle pourrait, nonobstant ce silence-s'analyser en réalité en une demande visant à ce que la faute inexcusable soit assimilée à la faute pénale qui a été reconnue dans la décision du 19 décembre 2002 et, par un tel recoupement, et de ce seul rapprochement, ouvrir le droit à une réparation globale, indépendante ainsi de celle découlant de l'existence de la faute inexcusable, telle qu'indemnisée spécifiquement selon les règles du droit du Code de la Sécurité Sociale ;
Considérant qu'une telle confusion n'est pas possible ; que si les textes ouvrent au Fonds des possibilités étendues de recouvrer les sommes qu'il a payées par le biais de la subrogation, cette faculté ne saurait cependant permettre de violer les procédures seules applicables aux accidents du travail en les additionnant ou les mélangeant avec celles du droit commun ; qu'au contraire une telle subrogation ne peut s'exercer que dans le cadre des règles initialement appliquées ;
Considérant en conséquence que le jugement est confirmé ;
Considérant que l'équité commande de rejeter la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions recevable mais non fondé ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes ;
Fixe le droit d'appel au maximum du montant prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale et condamne le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions au paiement de ce droit ainsi fixé.
Le Greffier, Le Président,