Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2011
(n°314, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12595
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mai 2011 - Tribunal de commerce de PARIS - 8ème chambre - RG n°2010073374
APPELANTE
S.A.R.L. E-KANOPI, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Me Claudia MASSA plaidant pour le Cabinet AVENS, avocat au barreau de PARIS, toque P 286
INTIMEE
Société GOOGLE IRELAND LTD, société de droit irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
IRLANDE
représentée par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avoués à la Cour
assistée de Me Delphine MICHOT plaidant pour le Cabinet CLEARY - GOTTLIEB - STEEN & HAMILTON LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 21
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Fabrice JACOMET, Conseiller Faisant Fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire et Mme SAINT SCHROEDER Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président
M. Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le
Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Fabrice JACOMET, Conseiller Faisant Fonction de Président, et par Mlle Carole TREJAUT, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
La cour est saisie de l'appel, déclaré le 05 07 2011, d'un jugement rendu le 23 05 2011 par le tribunal de commerce de Paris.
La société GOOGLE INC propose aux internautes un service de moteur de recherche qui permet de classer les pages WEB selon leur degré de pertinence pour l'utilisateur et la quasi totalité de ses recettes proviendrait de la publicité qu'elle diffuse par son programme ad WORDS GOOGLE IRELAND LTD qui serait sa principale filiale européenne de GOOGLE INC et exploite notamment le service ADWORDS en Europe.
Ce service est un service de vente d'espace publicitaire qui offre aux annonceurs la possibilité d'afficher les annonces sur le site du moteur de recherche GOOGLE en fonction des mots clés qui ont été tapés par l'internaute, un système d'enchères permettant de déterminer sur la base des mots clés les annonces qui vont apparaître sur la page des résultats des recherches et dans quel ordre en fonction de leur pertinence et de leur qualité, les annonces sélectionnées s'affichant sous la rubrique 'liens commerciaux' au dessus ou à droite des résultats de moteur de recherche. Les annonceurs qui ouvrent un compte choisissent leurs mots-clés, leur budget quotidien, son ciblage géographique, la catégorie de sites visés, les dates de début et de fin de campagnes, et créent et paramètrent eux mêmes leurs annonces ; en contrepartie, ils versent une rémunération à GOOGLE qui dépend de l'impact effectif de la campagne exprimé essentiellement en fonction du nombre de clics de l'annonce.
Ces annonces ADWORDS peuvent également être diffusées sur d'autres sites internet dans le cadre de contrats ADSENSE conclus par GOOGLE et l'éditeur du site partenaire, les éditeurs étant rémunérés par GOOGLE pour les annonces ADWORDS diffusées en fonction des clics effectués sur ces annonces par les internautes.
La société E-KANOPI réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires à travers les sites météofrance.com, téléannuaire.fr, francesociété.. com, prévoirretraite.. com et iadah.com qu'elle exploite. Elle a conclu, le 26 01 2010, un contrat ADWORDS pour les trois premiers sites tandis qu elle avait créé un compte ADSENSE pour les différents sites qu'elle édite dont iadah.com et iadah. net.
Le 13 05 2010, GOOGLE informait par mel E-KANOPI que son compte Ad SENSE était désactivé pour ne pas respecter leur règlement en se prévalant de ce que les sites web contenant le code ADSENSE ne peuvent être chargés par un logiciel susceptible de déclencher des fenêtres pop-up, de rediriger les utilisateurs vers les sites WEB non sollicités, de modifier les paramètres du navigateur ou d'interférer de toute autre façon avec la navigation au sein du site, de ce que les éditeurs ne peuvent ainsi pas réinitialiser la page d'accueil d' un utilisateur sans son autorisation expresse, de ce que, de plus, il est de la responsabilité de l'éditeur de s'assurer qu'aucun réseau publicitaire affilié ou partenaire publicitaire n'emploie ces méthodes pour diriger du trafic vers des pages contenant son code ADSENSE.
Le 14 05 2010, E-KANOPI constatait l'arrêt de la diffusion de ses annonces via ADWORDS et interpellait téléphoniquement GOOGEL, lequel, par mel du même jour, justifiait la suspension du compte ADWORDS par des annonces non conformes, en se prévalant de ce que les annonces faisaient la promotion de méthodes destinées à générer de façon artificielle des impressions ou des clics sur des annonces et de ce qu'elle n'autorisait pas les services tels que les clics rémunérés, les affichages rémunérés, l'autosurf, les logiciels de clics automatiques et autres programmes de trafic garanti, de ce que, conformément à ses conditions générales, elle se réservait le droit d'arrêter la diffusion des annonces pour une raison quelle qu'elle soit.
Le 18 05 2010, GOOGLE confirmait la suspension en raison de plusieurs infractions liées à la réglementation sur la génération artificielle de clics et d'impressions sur les annonces et en précisant ne pouvoir annuler la suspension du compte.
Le 20 05 2010, E-KANOPI demandait la réactivation de ses comptes ce qui conduisait GOOGLE, le 22 06 2010, à opposer une fin de non recevoir et à justifier la décision prise, par le télé chargement automatique d' un logiciel non sollicité (malware) sur l'ordinateur de visiteurs entraînant des modifications importantes des préférences de l'utilisateur du navigateur, mise en évidence à la suite de nombreuses réclamations provenant des utilisateurs, une telle pratique constituant une violation manifeste de l'article 6-1 des conditions générales d'ADWORDS au terme duquel 'le client ne devra pas violer ou contourner une mesure de sécurité du programme ni fournir en connaissance de cause des publicités contenant des programmes néfastes, des logiciels espions, ou tout autre code malveillant, qu'en outre, ce malware provoquait le téléchargement automatique d'un moteur de recherche par défaut, entraînant l'apparition d'annonces ADWORDS à chaque recherche effectuée sur ce moteur, par l'intermédiaire du programme ADSENSE, ce qui caractérisait une violation des conditions générales d'ADSENSE qui interdisent une telle pratique, quece manquement grave aux conditions générales des deux services justifiait une résiliation immédiate des deux contrats, et était un parfait exemple de raisons pour lesquelles GOOGLE se réserve une résiliation sans préavis, ce qui est nécessaire pour garantir la qualité que ses annonceurs et utilisateurs et partenaires attendent en utilisant ses services.
Le 30 06 2010, GOOGLE a également coupé sans préavis le compte ADWORDS du site prévoirretraite-com.
Sur une assignation en référé portant sur les quatre sites concernés en rétablissant des comptes, le président du tribunal de commerce, par ordonnance du 03 08 2010, y faisait droit sous astreinte, la société GOOGLE s'exécutant le 27 08 2010 pour les contrats ADWORDS ( téléaannuaire, france société ) et le 30 09 2010 pour les comptes ADSENSE relativement aux quatre sites concernés.
Le 21 01 2011, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte pour la période se terminant le 27 08 2010 à la somme de 80 000 € sans prononcer de nouvelle astreinte.
De nouvelles coupures sont intervenues :
- le 20 01 2011 pour le site téléannuaire réactivé le 26 01 2011,
- le 08 03 2011 pour le site prévoir retraite réactivé le 21 03 2011,
- le 01 05 2011pour ce même compte réactivé le 03 05 2011,
- le 11 05 2011 pour l' ensemble des comptes.
A cette date, selon procès verbal d'huissier, E-KANOFI était avisée de ce que son compte ADWORDS avait été suspendu à titre permanent en raison du non respect des règles relatives à la qualité du site de la page de destination pour ce compte ou un compte qui lui est associé.
Sur une assignation du 20 10 2010 de E-KANOPI, le tribunal de commerce statuant suivant la procédure du jour fixe, le 23 05 2011, a dit justifiée la suspension des comptes ADWORDS et ADSENSE, débouté E KANOPI de toutes se demandes, condamné cette dernière à payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société GOOGLE IRELAND et à régler les dépens ; le surplus des demandes étant rejeté et l'exécution provisoire ordonnée.
Dûment autorisée à cette fin, E- KANOPI, appelante, a assigné GOOGLE IRELAND LTD (ci-après GOOGLE IRELAND), suivant la procédure du jour fixe, le 19 07 2011, en demandant à la cour de :
- infirmer le jugement,
- dire illicites les coupures des 13 et 14 05 2010 comme brutales et infondées,
- dire que la société GOOGLE IRELAND a commis des abus de position dominante en procédant aux coupures des 13 et 14 05 2010 de manière discriminatoire et sur le fondement de règles floues er évolutives,
- condamner la société GOOGLE IRELAND à lui payer la somme de 835 000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 188 000 € au titre de restitution de sommes indûment payées pour les dépenses d'ADWORDS du 01 04 au 13 05 2010, celle de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens, la société GOOGLE IRELAND étant déboutée de sa demande en paiement de factures pour un montant de 238 000 E relatives au contrat ADWORDS pour le mois de juin 2010.
Par conclusions du 23 09 2011, la société GOOGLE IRELAND, intimée, demande la confirmation du jugement, le rejet de toutes les demandes de E-KANOPI, la condamnation de E- KANOPI à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens d'appel.
SUR CE
Considérant que pour critiquer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, E-KANOPI. prétend que :
- le tribunal a commis des erreurs de fait et de droit :
- les constats d'huissier du 03 08 2011 concernent d'autres sites que ceux visés par les coupures et le dernier site visé télécharger facile.com n'est pas édité par elle,
- les constats de 09, 10, 11 2010 sont établis plus de cinq mois après les coupures et n'établissent aucune substitution du moteur de recherche sans autorisation préalable,
- le tribunal s'est référé à un public jeune ou âgé et non à un consommateur moyen,
- le tribunal n'a pas tenu compte de la décision de l'Autorité de la Concurrence et de la position dominante de GOOGLE, or celle-ci a retenu la position dominante de GOOGLE le 14 12 2010,
- les règles sont évolutives et floues et celles consultables en ligne n'étant pas regroupées dans un document consolidé,
- la notion de programme néfaste, logiciel espion, et tout autre code malveillant donnant toute latitude à GOOGLE pour une interprétation arbitraire,
- pour éviter une sanction de l'Autorité de la Concurrence, GOOGLE a pris des engagements le 04 10 2010, savoir deux avertissements formels avant une suspension et une information claire qui sont des engagements généraux et ne se limitent pas au secteur des dispositifs de contournement des contrôles routiers,
- GOOGLE a commis des fautes graves consistant en :
- une rupture sans préavis qui n'est étayée que par des justifications postérieures,
- une incapacité de prouver les infractions par des constats d' huissier qui se sont révélés non probants, ce qui s'évince encore du rapport de Monsieur [S],
- des manquements allégués qui ne sont pas des violations contractuelles puisque le règlement n'a pas été accepté, qu' il a été édité en septembre 2010 et que les règles invoquées ne sont pas datées,
- un abus de position dominante (L 420- 2 du code de commerce) imposant des conditions commerciales injustifiées par des coupures intempestives sans motif et à répétition et l'application de règles floues permettant l'arbitraire,
- ces agissements ont permis une captation de clientèle mise en évidence par le constat du 06 09 2010 ayant pour objet d'empêcher un concurrent de se développer ce qui a donné lieu d'ailleurs à une enquête de l'Autorité de la Concurrence,
- il est résulté pour elle de ces agissements un important préjudice consistant en une perte de marge sur les ventes non encaissées au titre du compte ADWORDS d'un montant de 475 000 € sur la période du 13 05 au 26 08 2010 et d'un montant de 350 000 € au titre du compte ADSENSE sur la période du 13 05 2010 au 30 09 2010.
Considérant que la société GOOGLE IRELAND réplique que :
- elle n'a pas commis de fautes dès lors que :
- l'Autorité de la Concurrence admet la validité de la rupture avec effet immédiat en cas de manquement contractuel,
- la société E-KANOPI avait accepté les règles ADWORDS et le règlement ADSENSE dont le caractère flou n'est pas établi sans qu'elle puisse exciper de leur caractère évolutif pour s'en exonérer
- les manquements de E- KANOPI sont avérés puisqu'elle a développé des sites sans valeur ajoutée par une promotion attractive imposant de télécharger la barre d'outils iadah.com générant un trafic important de manière artificielle lui assurant une forte rémunération par le contrat ADSENSE sans qu'elle développe le moindre contenu étant observé qu'elle a identifié d'autres sites dont télécharger. facile procédant de même mais que, pour éviter d'être sanctionné, la société E-KANOPI modifiait en supprimant complètement le téléchargement de logiciels malveillants avant de revenir à son ancien mode de fonctionnement en sorte que cette société a violé trois types de règles : celles relatives aux sources du trafic par un téléchargement d'une barre d'outils emportant modification des paramètres, celles relatives au téléchargement de logiciels malveillants à l'insu des internautes dont elle modifiera la présentation pour échapper aux contrôles ce qui générera des plaintes des annonceurs, celles relatives enfin à la vente d'articles gratuits puisqu'une telle promotion est interdite et que l'installation de la barre d'outils iadah. Com revient à monnayer des informations disponibles gratuitement concernant notamment les prévisions météorologiques et les annuaires, étant observé que E-KANOPI s'abstiendra de payer des factures incontestablement dues,
- de tels manquements sont d'une gravité caractérisée, par la violation délibérée des règles ayant pour effet de modifier de manière plus ou moins dissimulés les paramètres des logiciels, remettant en cause la confiance des utilisateurs de GOOGLE vis à vis de ce moteur de recherche et réalisant une tentative de détournement de l' ensemble des règles ADWARDS et ADSENSE,
- en revanche, la société E-KANOPI ne peut se prévaloir ni d'une position dominante de sa part, laquelle n'est fautive qu'en cas d'abus lequel n'est pas caractérisé, ni d'une captation de clientèle,
- en tout état de cause, la société E-KANOPI ne caractérise pas son préjudice alors, d'une part, qu'elle ne peut revendiquer que le seul préjudice résultant de l'absence de préavis et non celui découlant de la suspension et qu' une durée de quelques jours constituait un délai suffisant, d'autre part que la société E-KANOPI ne saurait établir son préjudice par ses seules affirmations ;
- en revanche, sa propre demande en paiement de factures est fondée ;
Considérant que le présent litige ne se rapporte qu aux suspensions intervenues les 13 et 14 05 2010 et à leurs conséquences dommageables relativement aux sites météo-en-france.com, téléannuaire.fr, france.société.com et prévoir.retraite.com pour lesquels la société E KANOPI avait conclu pour ses services de recherche iadah.com et iadah. net un contrat ADSENSE le 15 06 2007 pour diffuser des annonces ADWORDS et le 22 01 2010 un contrat ADWORDS pour faire de la publicité sur ces quatre sites ;
Considérant que pour procéder à ces suspensions, la société GOOGLE s'est prévalue de la mise en place par E KANOPI d' un système frauduleux et interdit emportant violation des règles ADWORDS et ADSENSE relatives aux sources de trafic, aux logiciels malveillants, et à la vente d'articles gratuits et de la faculté que lui réservait le règlement AD SENSE de désactiver les sites non conformes et les conditions générales de ADWORDS d'arrêter la diffusion des annonces pour quelque raison que ce soit ;
Considérant que le règlement ADSENSE, dans sa rédaction de septembre 2010, stipule pour le non respect de certaines règles relatives notamment aux sources du trafic, aux logiciels malveillants que GOOGLE se réservait le droit de désactiver la diffusion d'annonces sur les sites et/ ou le compte ADSENSE à tout moment et que dans ce cas le client ne pourrait plus participer au programme GOOGLE AD SENSE ;
Considérant que, de plus, les conditions générales de publicité applicables au programme ADWORDS dans leur version du 06 10 2009 stipulaient en leur article 15-2 'il pourra être mis fin au présent contrat avec effet immédiat par l'une ou l'autre partie sur notification écrite, y compris une notification par e-mail à l'autre partie' ; que ces conditions générales rappelaient que le client ne pourra pas violer une mesure de sécurité du programme ni fournir en connaissance de cause des publicités comportant des programmes néfastes ou tout autre code malveillant ;
Considérant qu'il résulte de l'historique du compte ADWORDS que E-KANOPI a accepté le 22 01 2010 les termes et conditions contractuelles ;
Considérant qu'il s'ensuit que E- KANOPI n'ignorait pas la teneur des conditions générales applicables au programme ADWORDS dans sa version du 09 10 2009 à la date de la suspension du 14 05 2010 du compte ADWORDS et donc de la faculté unilatérale de mettre fin au contrat que se réservait GOOGLE ;
Considérant que cette interruption a été effectuée sans aucun avertissement ni préavis sur la base des seuls griefs avancés par GOOGLE dans ses mels tandis qu'il ne peut être tiré aucune indication utile de constats d'huissiers tous postérieurs à la date des interruptions des 13 et 14 05 2010 et dont certains ne concernent pas les sites en cause ;
Considérant que nonobstant la spécificité de la publicité en cause par voie internet, la délivrance par mel d'avertissement préalable au client avant suspension effective pour lui permettre de s'expliquer et prendre les mesures de nature à pallier les effets de cette suspension était techniquement réalisable ;
Considérant qu'il s'ensuit que GOOGLE qui a interrompu les contrats ADSENSE et ADWORDSl les 13 et 14 05 2010 et refusera de les rétablir le 22 06 2010 a mis fin aux contrats litigieux de sa propre initiative sans aucun préavis et sans caractériser un quelconque manquement préalable ;
Considérant que n'étant pas utilement contredit que les contrats s'analysaient en une relation commerciale établie au sens de l'article L 442-6- I-5 ° du code de commerce, la société GOOGLE, faute de notification préalable d'un préavis écrit, a engagé sa responsabilité à raison d'une rupture brutale sur le fondement de ce texte, et est tenue de réparer le préjudice résultant de cette rupture brutale en tenant compte de la durée de la relation commerciale et de la durée minimale du préavis qui aurait du être accordée ;
Considérant que pour réclamer une somme de 825 000 € la société E-KANOPI excipe de la perte de marge nette sur les ventes encaissées pendant la totalité de la période de suspension soit jusqu'au 26 08 2010 en ce qui concerne le compte ADWORDS (475 000 €) et jusqu'au 30 09 2010 en ce qui concerne le compte ADSENSE ( 350 000 €), en se prévalant de l'abus de la position dominante de GOOGLE, qu'elle sollicite, en outre, le remboursement des investissements réalisés au titre des dépenses ADWORDS pour un montant de 188 000 US$du 0104 au 13 05 2010 ainsi que l'annulation de la créance ADWORDS relative au mois de juin 2010 s'élevant à la somme de 138 000 US$ ;
Considérant que seul l'abus de la position dominante est répréhensible par application de l'article L 420-2 du code de commerce, que pour caractériser cet abus, la société E-KANOPI excipe de ce que GOOGLE aurait pratiqué des coupures sans motifs et à répétition ayant pour objet d'empêcher l'apparition de moteurs de recherche concurrents, aurait défini des règles floues permettant l'arbitraire, aurait agi de manière discriminatoire puisque des concurrents organisés à l'identique poursuivent leurs contrats avec GOOGLE et bénéficient d'une grande visibilité, aurait procédé pendant la durée de cette suspension à une captation de clientèle ;
Considérant que l'argumentation tirée de coupures sans motifs et à répétition est dénuée de portée puisque la société E-KANOPI limite ses demandes aux seules conséquences des interruptions des 13 et 14 05 2010, et que les agissements dénoncés sont postérieurs à cette date ;
Considérant que la circonstance que les règles définies par GOOGLE soient évolutives n'est pas en soi constitutif d'un abus mais lié à l'évolution des pratiques dans un secteur en développement soumis à une forte concurrence, tandis que le caractère flou de ces règles est contredit par les précisions apportées par GOOGLE dans de nombreux documents ce qui résulte de ces écritures, la circonstance que cette société ne justifie pas que E KANOPI en ait eu connaissance n'étant pas suffisante à en démontrer le caractère flou ;
Considérant que vainement encore la société E-KANOPI se prévaut d'agissements discriminatoires au regard des liens commerciaux qu'entretiendrait GOOGLE avec les sites INCREDITMAIL, GMAIL, C CLEANER, d'une part, car les constats d'huissier dont cette société E KANOPI se prévaut datés du 09 06 2010 et 30 09 2010 sont postérieurs aux suspensions, d'autre part, car il n'est ni démontré ni allégué que ces sites soient en situation de concurrence avec ceux exploités par E KANOPI, en sorte que la société E KANOPI n'établit pas l'effet anti-concurrentiel à son encontre des agissements discriminatoires allégués ;
Considérant qu'est encore dépourvu de toute portée l'argumentation tirée d' une captation de clientèle puisque celle alléguée résulterait de l'interruption des sites de E-KANOPI et est donc postérieure à cette interruption ;
Considérant que, eu égard aux demandes se rapportant à la rupture des contrats ADWORDS conclus le 22 01 2010 des seuls quatre sites concernés, la durée de la relation commerciale n'était que de quatre mois, tandis qu'au regard de l'absence de démonstration de violations contractuelles caractérisées et de la spécificité de ces contrats tendant à promouvoir une publicité par voie internet, la durée du préavis ne pouvait qu'être de courte durée, sans pouvoir excéder huit jours ; que cette durée sera donc réunie ;
Considérant qu'en outre, le préjudice subi est celui découlant non de la rupture elle-même mais de la rupture brutale et de l'absence de préavis en sorte que le préjudice indemnisable correspond au seul préjudice subi pendant les huit jours du préavis qui aurait du être accordé sans que la société E-KANOPI puisse exciper sur le fondement de la position quasi monopolistique ou dominante de GOOGLE de ce que la totalité de son préjudice devrait être prise en compte puisque, comme précédemment indiqué, l'abus de cette position dominante n'a pas été caractérisé ;
Considérant qu'il s'ensuit que la société E- KANOPI sera déboutée de sa demande au titre des investissements réalisés qui se rattache non à l'absence de préavis mais à la rupture elle même ;
Considérant que sur la perte de marge, il ya lieu de retenir l'attestation de l'expert comptable de la société E-KANOPI en ce qui concerne les dépenses effectuées et les recettes qu'elles auraient généré, aucun élément ne permettant de remettre en cause sa pertinence et sa sincérité, la circonstance que cette attestation ne respecte pas les règles de forme de l'article 202 du code de procédure civile qui est sans incidence sur sa validité n'affectant pas, en l'espèce son caractère probatoire, que, cependant, n'est ni démontré la perte des ventes encaissées ni le coefficient de marge par dés éléments vérifiables, que seuls peuvent être pris en compte, en conséquence, pour apprécier le préjudice subi les recettes engendrées par rapport aux dépenses exposées, que le compte ADWORDS ayant été ouvert en janvier 2010, seules les valeurs avancées en 2010 peuvent être retenues, qu'il s'ensuit que les dépenses effectuées en 2010 correspondant à l'ensemble du budget annuel étant de 299 785,02 € soit une moyenne par mois de 24 982,08 € et de 6245,52 € pour huit jours et les recettes enregistrées sur une période de quatre mois étant de 419 999 € le manque à gagner sur une période de 08 jours, durée retenue pour le préavis, est de 20 004,41 € [(419 999 / 16) - 6 245,52] tandis que pour les comptes AD SENSE les recettes perdues étaient de l' ordre de 2811 € par jour soit 22 488 € ;
Considérant que vainement, la société E-KANOPI conteste devoir payer les factures de GOOGLE au titre du mois de juin 2010 pour un montant non contesté de 138 000 USD et non US$ en prétendant que du fait de l'interruption des contrats, elle a été privée des recettes correspondant à ces dépenses puisque l'indemnisation du préavis a précisément pour objet de prendre en compte les ressources dont elle a été privées du fait de la rupture brutale des contrats et que, comme indiqué précédemment, la société E- KANOPI ne peut réclamer que l'indemnisation de la rupture brutale et non celle de la rupture elle même ; qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler les factures litigieuses
Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant réformé sur l'application de cet article ;
Considérant que chacune des parties succombant dans une égale mesure dans leur prétentions, supportera ses propres dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SARL E-KANOPI de sa demande d'annulation des factures de la société GOOGLE IRELAND LTD pour un montant de 138 000 USD au titre du mois de juin 2010 ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société GOOGLE IRELAND LTD au titre de la rupture brutale des contrats ADWORDS et ADSENSE litigieux à payer à la SARL E-KANOPI les sommes de 20 004,41 € et 22 488 € à titre de dommages et intérêts ;
Rejette le surplus des demandes ;
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président