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15/11/2011 | FRANCE | N°08/20814

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 15 novembre 2011, 08/20814


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISEaux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2011
(no 335, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20814
Décision déférée à la Cour :Jugement du 10 septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 07/01624

APPELANTS
Monsieur Ahmed X... agissant en qualité d'ayant droit de son fils Ali X... né le 11 Septembre 1971 à LAON, de nationalité Française, décédé le 14 Février 1998...02000 LAONreprésenté par la SCP MENARD SC

ELLE MILLET, avoués à la Courassisté de Me Jean-Marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISEaux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2011
(no 335, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20814
Décision déférée à la Cour :Jugement du 10 septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 07/01624

APPELANTS
Monsieur Ahmed X... agissant en qualité d'ayant droit de son fils Ali X... né le 11 Septembre 1971 à LAON, de nationalité Française, décédé le 14 Février 1998...02000 LAONreprésenté par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Courassisté de Me Jean-Marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227
Madame Françoise Z... épouse X... agissant en qualité d'ayant droit de son fils Ali X... né le 11 Septembre 1971 à LAON, de nationalité Française, décédé le 14 Février 1998...02000 LAONreprésentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Courassistée de Me Jean-Marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

INTIMES
L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESORDirection des Affaires Juridiques du Ministère de l'Economieet des Finances 6 rue Louise Weiss75703 PARIS CEDEX 13représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Courassisté de Me Benoît CHABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0039 qui a fait déposer son dossier

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DU TGI DE PARIS représenté par Monsieur le PROCUREUR GENERAL de la Cour d'Appel de PARIS4 boulevard du Palais75001 PARIS
Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 octobre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambreMadame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLICMadame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites

ARRET :
- contradictoire- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,
Considérant que, le 14 février 1998, vers six heures du matin, alors que le brouillard était épais, Ali X..., qui conduisait son véhicule sur la route nationale 44, hors de l'agglomération de Crépy-en-Valois (Aisne), a percuté un véhicule circulant en sens inverse, que son propre véhicule a pris feu et qu'il est décédé des suites de l'accident ;Qu'après une enquête au cours de laquelle les militaires de la gendarmerie ont entendu le passager du véhicule conduit par Ali X... et le conducteur et le passager de l'autre véhicule, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Laon a classé l'affaire sans suite en estimant qu'Ali X... avait commis une faute de conduite ;Que, le 1er mars 1999, M. Ahmed X... et Mme Françoise Z..., son épouse, père et mère d'Ali X..., ont déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction au Tribunal de grande instance de Laon, suivie d'un réquisitoire introductif du 30 avril 1999 et d'une ordonnance de désignation du juge d'instruction en date du 6 mai de la même année ;Que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 24 novembre 2005 et que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Amiens, après avoir ordonné un complément d'information, a rendu un arrêt confirmatif le 11 avril 2006 ; que M. et Mme X... ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt ; qu'ils se sont désistés de ce recours ;Considérant que, pour rechercher la responsabilité de l'Etat, M. et Mme X... ont invoqué un déni de justice caractérisé par la durée excessive de la procédure d'instruction et une faute lourde liée au fonctionnement défectueux de la justice puisque, malgré les « zones d'ombre » affectant l'affaire, le juge d'instruction n'a pas fait procéder aux mesures appropriées et notamment à l'autopsie de leur fils et à l'expertise du véhicule ;Qu'à cette fin, M. et Mme X... ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 septembre 2008, les a déboutés de leurs demandes ;
Considérant que, par arrêt du 18 mai 2010, la Cour a sursis à statuer sur les demandes présentées par M. et Mme X... contre l'Agent judiciaire du Trésor et invité M. le Procureur général à produire le dossier de l'instruction ; qu'il a été satisfait à cette demande ;
Considérant qu'en cet état, M. et Mme X..., qui sollicitent chacun la somme de 50.000 euros en réparation de leur préjudice moral, reprennent l'argumentation développée devant les premiers juges en soulignant la longueur excessive de l'instruction, imputable au juge d'instruction et au ministère public qui a d'abord classé l'affaire sans suite, et en soutenant qu'au regard des incohérences ou contradictions affectant les déclarations des témoins ou certaines constatations matérielles et, plus de sept ans après les faits, « les éléments qui pouvaient conduire à valider une autre hypothèse que l'accident de la circulation avaient disparu » et ce, alors qu'eux-mêmes n'ont eu aucune attitude dilatoire ;
Considérant que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement aux motifs que, comme l'a énoncé la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Amiens, « les parents de la victime tendent à soutenir la thèse d'une machination et du camouflage des circonstances de l'accident en raison d'une enquête conduite avec partialité » alors que toutes les investigations utiles à la manifestation de la vérité ont été accomplies et que la durée de l'instruction s'explique par les nombreux actes sollicités par les parties civiles et les recours qu'elles ont exercé ;
Considérant que M. le procureur général, à qui le dossier a été communiqué, conclut à la confirmation du jugement aux motifs qu'il n'existe, en la cause, ni déni de justice, ni faute lourde qui serait caractérisée par l'incapacité du service de la justice à remplir sa mission alors surtout que tous les éléments de l'enquête font apparaître que l'accident est dû à une collision frontale des deux véhicules ;
SUR CE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, «l'Etat est tenu de réparer le fonctionnement défectueux du service de la justice» et que, «sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice» ; qu'il s'infère de ce texte que la faute lourde est caractérisée par un fait ou une série de faits qui révèle l'incapacité du service de la justice à remplir sa mission ; que constitue un déni de justice, non seulement le refus ou le défaut de statuer, mais également l'absence de décision prise dans un délai raisonnable ou prise avec un retard qui n'est pas justifié par les circonstances particulières de l'affaire ;
Considérant qu'en l'espèce, il ressort des procès-verbaux dressés par les militaires de la gendarmerie de la brigade territoriale de Laon que, compte tenu tant des constatations matérielles que des déclarations des personnes impliquées ou ayant assisté à l'accident, Ali X... est décédé carbonisé dans son véhicule et que l'incendie s'est produit lors du choc frontal ; que ces circonstances établissent avec certitude l'origine accidentelle du décès de sorte qu'il était inutile de procéder à l'autopsie du corps d'Ali X... et à l'expertise technique du véhicule ;Que, quoique M. et Mme X... soulignent certaines circonstances de l'accident, telles que l'absence de traces de freinage, l'absence d'incendie du véhicule adverse, les divergences des témoins quant à la conscience d'Ali X... dans les instants qui ont suivi l'accident, ou encore le temps exagérément long mis par les secours pour se rendre sur les lieux, il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier, ni d'aucune explication que le décès de leur fils serait dû à un événement autre que l'accident de la circulation constaté par les enquêteurs ;Qu'il suit de là qu'en ne faisant pas procéder à l'autopsie du corps d'Ali X... et à l'expertise technique du véhicule, le procureur de la République et, au cours de l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction n'ont commis aucune faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat alors surtout que ce magistrat et la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Amiens ont procédé ou fait procéder à divers actes réclamés par M. et Mme X... et qu'aucun fait susceptible de faire douter de la réalité de l'accident n'a été découvert ;
Considérant que, toutefois, il ressort du dossier d'instruction que M. et Mme X... ont déposé plainte avec constitution de partie civile par une lettre parvenue au doyen des juges d'instruction le 1er mars 1999 ; que le juge d'instruction désigné par ordonnance du 6 mai 1999, n'a accompli aucun acte avant le 12 mai 2000, date à laquelle il a entendu M. et Mme X... ; qu'il ne s'est fait communiquer la procédure d'enquête que le 12 mai 2000 ; qu'à compter de cette date, il n'a accompli aucun acte avant le 6 février 2001, date de réception d'une lettre des parties civiles qui sollicitaient une audience afin d'être informés de la suite donnée à leur plainte ; que, le 13 septembre 2001, le juge d'instruction a donné commission rogatoire aux services de police de Laon afin de poursuivre l'enquête ; Que l'instruction n'a commencé véritablement qu'à cette date du 13 septembre 2001 ; que, si, elle s'est terminée par l'arrêt confirmatif de non-lieu rendu le 11 avril 2006 par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Amiens, M. et Mme X... s'étant désistés du pourvoi en cassation qu'ils ont formé, il n'en demeure pas moins que, de la fin de l'année 2001 au début de l'année 2006, les juridictions saisies ont enquêté sur les circonstances du décès d'Ali X... en accomplissant notamment les actes d'instruction demandés par ses père et mère, parties civiles, qui, en outre, ont exercé des voies de recours ;Qu'il suit de là que le retard accumulé pendant la période comprise entre le 16 mai 1999, date de désignation du juge d'instruction, et le 13 septembre 2001, date de délivrance de la commission rogatoire, n'est pas justifié par les circonstances particulières de l'affaire et que, dès lors, il est constitutif d'un déni de justice au sens des dispositions susvisées ;
Considérant que le retard imputable au mauvais fonctionnement du service de la justice a causé à M. et Mme X..., chacun un préjudice moral personnel et direct qui doit être réparé par une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, l'Agent judiciaire du Trésor sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à payer à M. et Mme X... les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 4.000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 10 septembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris ;
Faisant droit à nouveau :
Condamne l'Agent judiciaire du Trésor à payer à M. Ahmed X... et Mme Françoise Z..., son épouse, chacun la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute l'Agent judiciaire du Trésor de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à M. et Mme X... la somme de 4.000 euros ;
Condamne l'Agent judiciaire du Trésor aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par la S.C.P. Ménard et Scelle-Millet, avoué de M. et Mme X..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/20814
Date de la décision : 15/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-11-15;08.20814 ?
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