La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2011 | FRANCE | N°09/10345

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 10 novembre 2011, 09/10345


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 10 Novembre 2011



(n° 6, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10345



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Août 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/06638





APPELANTE

SARL SKEEN

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Karen AZRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0067


r>



INTIMEE

Mademoiselle [X] [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de M. Michel MENARD (Délégué syndical ouvrier)







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 10 Novembre 2011

(n° 6, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10345

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Août 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/06638

APPELANTE

SARL SKEEN

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Karen AZRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0067

INTIMEE

Mademoiselle [X] [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de M. Michel MENARD (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle BRONGNIART, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Conseiller le plus ancien en remplacement de la Présidente empêchée et par Madame Véronique LAYEMAR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Mlle [V] était embauchée par la SARL SKEEN suivant contrat à durée déterminée (CDD) de professionnalisation conclu le 2 juillet 2007, à effet depuis cette date et jusqu'au 30 juin 2009, en qualité de vendeuse, en vue de l'obtention du "Brevet Technicien Supérieur en Management des Unités Commerciales", avec application de la Convention Collective Nationale des Commerces de Gros, et moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 152 €.

La salariée était interpellée, aux termes d'un premier mail en date du 15 octobre 2007, sur un certain nombre de dysfonctionnements, puis se voyait notifier, par LRAR du 19 octobre 2007, un avertissement, à raison de divers manquements à ses obligations professionnelles.

L'intéressée était ensuite convoquée, par LRAR du 6 novembre 2007, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 15 du même mois, sans que cette procédure ait toutefois été menée à son terme.

Par mail du 17 décembre 2007, l'employeur demandait à la salariée de ses nouvelles, tout en lui ayant alors indiqué que, malgré sa mise à pied, son salaire du mois de novembre 2007 était disponible au siège de l'entreprise.

La salariée répondait, par mail du 24 décembre 2007, à son employeur en lui demandant de lui envoyer, comme d'habitude, son chèque en paiement de son salaire du mois de novembre 2007.

Mlle [V] devait ultérieurement rappeler, par courrier du 28 janvier 2008, être demeurée dans les liens du contrat de travail conclu avec la SARL SKEEN, sans toutefois avoir perçu aucun salaire depuis octobre 2007.

Convoquée, par LRAR du 13 février 2008, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 22 février 2008, la salariée se voyait notifier la rupture par anticipation de son CDD, pour faute grave, par LRAR du 26 février 2008.

Elle saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS, ayant, par jugement du 27 août 2009, statué en ces termes :

- condamne la SARL SKEEN à payer à Mlle [X] [V] la somme de 22 771,00 €, à titre de dommages-intérêts, pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée ;

- déboute Mlle [V] du surplus de ses demandes ;

- déboute la SARL SKEEN de sa demande reconventionnelle et la condamne aux dépens.

Régulièrement appelante de cette décision, la SARL SKEEN demande à la Cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages-intérêts de Mlle [V] pour rupture anticipée abusive de son contrat de travail ;

- constater que Mlle [V] ne s'est plus présentée à son poste de travail à compter du 16 novembre 2007 ;

- juger en conséquence que le licenciement pour faute grave en date du 26 février 2008 de Mlle [V] est justifié ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mlle [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre de sa prétendue perte de chance ;

- faire sommation à Mlle [V] d'avoir à justifier de sa situation professionnelle depuis la cessation de sa collaboration avec la SARL SKEEN, à savoir depuis le 16 novembre 2007 ;

A titre subsidiaire :

- dire que la SARL SKEEN et Mlle [V] ont rompu le contrat de cette dernière de manière anticipée d'un commun accord à compter du 16 novembre 2007 ;

En tout état de cause :

- débouter Mlle [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mlle [V] à verser à la SARL SKEEN la somme de 1 000,00 €, au titre de l'article 700 du CPC ;

- condamner Mlle [V] aux entiers dépens de la procédure.

Mlle [V] entend voir :

- réformer partiellement le jugement sur le quantum, en ce qu'il a condamné la SARL SKEEN à payer une indemnité égale aux salaires qu'elle aurait perçus du 8 novembre 2007 à la fin du contrat, et porter cette somme à 23 884,81 €, en application de l'article L 1243-1 du code du travail ;

- condamner la SARL SKEEN à payer les sommes de :

* 5 000,00 €, en application de l'article 1382 du code civil ;

* 2 000,00 €, en application de l'article 700 du CPC.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites, visées le 24 juin 2011, et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE,

- Sur la rupture du CDD :

Considérant qu'il est constant que Mlle [V] était embauchée par la SARL SKEEN suivant contrat à durée déterminée (CDD) de professionnalisation conclu le 2 juillet 2007, à effet depuis cette date et jusqu'au 30 juin 2009, en qualité de vendeuse, en vue de l'obtention du "Brevet Technicien Supérieur en Management des Unités Commerciales" ;

Considérant, en droit, aux termes de l'article L 122-3-8 alinéa 1er, devenu L 1243-4, du code du travail, que : "Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure" ;

Considérant en l'espèce qu'à la suite de diverses difficultés nées du comportement de la salariée vis-à-vis des clients, de son manque de communication avec les intervenants de l'entreprise, outre de ses résultats très inégaux sur les différents points de vente où elle intervenait, l'employeur organisait plusieurs entretiens avec l'intéressée ;

Qu'en raison toutefois de l'attitude, selon l'appelante, "délétère", adoptée par Mlle [V] avec plusieurs clients de la société, outre de ses violentes altercations, lui ayant notamment valu de se voir interdire l'accès aux points de vente de SEPHORA, client majeur et prioritaire de la SARL SKEEN, celle-ci l'invitait à prendre contact sans délai avec ce client afin d'avoir une explication ;

Que l'employeur était ainsi amené, le 15 octobre 2007, à adresser à Mlle [V] un mail rédigé comme suit : "Suite à notre entretien du 4 octobre et celui avec [F] [Y] au préalable, au sujet de tes chiffres inégaux de vente, des deux interdictions de magasin et des améliorations à apporter dans ta communication et travail en équipe avec [U] [B] et [E] [I], où en es-tu des trois points sur lesquels nous avons conclu l'entretien, à savoir :

- règlement de l'interdiction au SEPHORA LA DEFENSE par une conversation directe avec la spécialiste soins : as-tu rencontré cette personne ' Qu'a donné votre entretien qu'on a répété ensemble '

- appels réguliers à [U] et [E] lorsque tu travailles dans leurs secteurs : les as-tu appelés cette semaine '

- point sur les chiffres de vente : quels sont tes résultats de vente cette semaine ' As-tu fait appel à [F] [Y] en cas de difficultés de ventes sur le terrain, comme je te l'ai conseillé '"

Que la salariée indiquait, pour toute réponse, par mail du 17 octobre 2007 :

"Les trois points sur lesquels nous avons conclu l'entretien :

- Interdiction au SEPHORA LA DEFENSE : je n'ai pas eu de conversation directe avec la spécialiste soin, puisque ce n'est pas avec elle que j'ai eu le différend. Ceci dit, en y réfléchissant bien, j'estime qu'il n'y a aucun intérêt d'aller la voir au bout d'un mois et demi ' Depuis un mois, cette personne a dû oublier cette petite altercation sans intérêt ;

- Et ensuite, pour être franche, j'ai d'autres problèmes en tête, et de plus en plus de travail et de stress par rapport à mes études pour y penser ;

- Je ne vous cache pas que ce n'est pas un rythme très facile pour moi, mais je me bats et j'essaie de gérer tout ça le mieux possible ;

- En ce qui concerne mes appels à [E] et [U], j'ai pris depuis peu un forfait pour pouvoir toujours avoir du crédit pour les biper. Donc, non, je ne les ai pas appelés, mais désormais je vais pouvoir le faire ;

- Mes résultats de vente la semaine dernière :

12/10 Les Halles : 241 € ;

13/10 Les Halles : 663 € ;

14/10 Louvre : 45 € ;

- Et, pour répondre clairement à votre question, j'ai en effet appelé [F] le 13 pour lui donner mes chiffres."

Que la SARL SKEEN lui indiquait alors, par LRAR en date du 19 octobre 2007, ne pas partager son point de vue, non conforme aux termes de leur entretien tenu le 4 octobre 2007, et lui-même intervenu après une entrevue avec Mme [Y], Responsable Commerciale, en ayant alors réfuté la qualification de "petite altercation sans intérêt" donnée par la salariée au différend l'ayant opposée au magasin SEPHORA LA DEFENSE, par ailleurs rappelé à l'intéressée son obligation d'en référer à MM. [B] et [I] lors de ses interventions dans les magasins de leurs secteurs, également fait état de ses chiffres de ventes de la semaine précédente, d'un niveau inégal, avec de bonnes performances et de très mauvaises, et lui ayant dès lors notifié un avertissement ;

Considérant que, l'appelante, invoquant avoir toutefois été confrontée à une dégradation persistante du comportement de la salariée, en dépit de son soutien et des actions ainsi mises en oeuvre par ses soins, devait ensuite entreprendre de convoquer Mlle [V], par LRAR du 6 novembre 2007, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 15 du même mois ;

Qu'elle poursuit en indiquant qu'à la faveur de cet entretien, la salariée n'avait pas contesté les reproches formulés à son encontre, mais au surplus confirmé ne trouver aucune satisfaction dans l'exercice des ses fonctions de vendeuse, et formellement exprimé le souhait de mettre un terme à sa collaboration avec la SARL SKEEN, tout en ayant lui ayant alors demandé de ne pas mener jusqu'à son terme la procédure de rupture anticipée pour faute grave, afin de lui permettre de trouver un autre employeur qui poursuivrait son contrat de professionnalisation, ce que la société avait accepté pour être conciliante, tout en ayant pris acte, qu'à compter de cette date, Mlle [V] ne se présenterait donc plus à son poste de travail et qu'elle cesserait par suite elle-même de lui payer son salaire ;

Qu'il est encore établi que la SARL SKEEN avait aussi régulièrement pris attache, et ce, dès le 5 décembre 2007, avec l'école de Mlle [V], la société AKOR ALTERNANCE, pour l'informer de la situation, et par ailleurs cherché à contacter la salariée, par mail du 17 décembre 2007, afin qu'elle vienne notamment retirer son salaire du mois de novembre 2007, dont elle devait en définitive demander, par mail du 24 décembre 2007, l'envoi par voie postale ;

Que l'employeur était ainsi demeuré, en dépit de ses nombreux appels, sans nouvelles de la salariée, dont il s'avérait au surplus qu'elle était également absente de ses cours, d'après les divers échanges de mails intervenus, courant décembre 2007 puis janvier 2008, entre l'entreprise et son école ;

Considérant que l'appelante soutient ainsi que Mlle [V], ne s'étant plus jamais présentée à son poste de travail depuis le 16 novembre 2007, avait par-là même encore confirmé sa propre volonté, -déjà précédemment exprimée lors de l'entretien préalable-, de mettre un terme à la relation de travail, avant de néanmoins lui écrire, le 28 janvier 2008, pour lui réclamer alors paiement de ses entiers salaires, en lui rappelant qu'ils restaient dans les liens d'un contrat de travail ;

Considérant que la SARL SKEEN devait, dans ces conditions, convoquer la salariée, par LRAR du 13 février 2008, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 22 février 2008, puis lui notifier, par LRAR du 26 février 2008, la rupture anticipée de son CDD pour faute grave ;

Considérant que cette lettre de rupture, fixant les limites du litige, est motivée, ensemble, par l'absence prolongée et injustifiée de la salariée, constitutive d'un abandon de poste, outre par un manquement grave à son obligation de loyauté ;

* Sur le premier grief :

Considérant qu'il est ainsi et tout d'abord reproché à la salariée son absence prolongée et injustifiée, constitutive d'un abandon de poste ;

Qu'il résulte suffisamment de ce qui précède que l'employeur, antérieurement confronté à d'importantes difficultés avec Mlle [V] quant à son attitude et à la qualité de son travail, l'ayant déjà reçue en entretien, lui avait alors prodigué des conseils, et notamment rappelé la méthode de travail, en vue de lui permettre de se ressaisir ;

Qu'ensuite mais en dépit de la notification, le 19 octobre 2007, d'un avertissement, car devant la persistance de l'intéressée en ce même comportement, la SARL SKEEN avait alors initié, le 6 novembre 2007, une première procédure en vue d'une éventuelle rupture anticipée de son CDD, dont il est toutefois indéniablement acquis aux débats qu'elle restait sans suite, après que Mlle [V] eut exprimé, à la faveur de l'entretien préalable en date du 15 novembre 2007, sa propre volonté de quitter l'entreprise, en ayant alors sollicité de son employeur qu'il ne poursuive pas la procédure jusqu'à son terme, non sans avoir affirmé cesser ses fonctions, et d'ailleurs fait part de son absence de satisfaction à les exercer ;

Que la SARL SKEEN acceptait, dans ces conditions, de ne pas notifier dès cette époque à la salariée la rupture pour faute grave de son CDD, afin de ne pas la mettre en difficulté avec son école et de ne pas compromettre sa formation professionnelle, l'employeur précisant que l'intéressée lui avait alors expressément spécifié être dans l'attente d'une réponse d'une autre société susceptible d'avoir pu prendre la suite de son contrat de professionnalisation, ce dont il est au demeurant dûment justifié dans les termes d'un mail adressé par l'appelante le 5 décembre 2007 à son école, la société AKOR ALTERNANCE, lui ayant alors elle-même demandé de suspendre la procédure de rupture ;

Qu'il est, pour autant, dûment établi que, depuis cet entretien préalable en date du 15 novembre 2007, et donc à partir du 16 novembre 2007, Mlle [V] ne devait plus jamais se présenter à son poste de travail, ni même seulement reprendre contact avec son employeur, ni davantage répondre à ses interrogations, du moins avant le 24 décembre 2007, puis le 28 janvier 2008, et, en tout dernier lieu, le 1er mars 2008, pour réclamer le paiement de ses entiers salaires à partir du mois d'octobre 2007 ;

Que l'appelante souligne à cet égard que les premiers juges ont à tort énoncé que l'absence de la salariée à son poste de travail n'avait jamais tenu qu'à la seule volonté de son employeur de l'en éloigner par sa mise à pied conservatoire, confortée par l'absence de remise de tout planning pour les jours suivants ;

Qu'en effet, si tant est que la SARL SKEEN eût certes prononcé, dès le 6 novembre 2007, une mise à pied conservatoire à l'encontre de Mlle [V], eu égard à la gravité de son comportement et au manque de professionnalisme dont elle avait alors fait preuve, il reste que cette mesure, par essence provisoire, -car n'ayant jamais pu être prise que pour la seule durée de la procédure de rupture anticipée-, était nécessairement devenue sans objet à l'issue de l'entretien préalable s'étant tenu le 15 novembre 2007, à partir du moment où, la salariée y ayant expressément manifesté sa propre volonté de voir mettre un terme à la relation de travail sans toutefois que la procédure initiée à son encontre eût été menée à son terme par le prononcé effectif de la rupture anticipée de son CDD pour faute grave, l'employeur avait effectivement accepté de ne pas y donner suite, ainsi que tel avait bien été en l'occurrence le cas ;

Qu'il est d'ailleurs pour preuve de la réalité de cette situation de fait que l'intéressée devait par la suite changer d'orientation professionnelle, pour être passée de la qualité de vendeuse au sein de la SARL SKEEN à un poste d'assistante de gestion auprès de la société LA RENOVATRICE, avec laquelle il est justifié de la conclusion en date du 27 août 2010 d'un contrat de professionnalisation à effet du 13 septembre 2010 au 31 juillet 2012, et alors même qu'elle avait entre-temps également travaillé pour la marque THIERRY MUGLER au sein des magasins SEPHORA, ce qui est encore démontré par un mail envoyé le 30 janvier 2008 par la SARL SKEEN à l'école AKOR ALTERNANCE ;

Qu'il est enfin dûment établi que l'appelante avait par ailleurs cherché, par plusieurs fois, à entrer en contact avec la salariée, afin de régulariser définitivement sa situation, mais en vain, car sans toutefois avoir jamais pu y parvenir ;

Qu'il apparaît, de même, que l'employeur était aussi entré en contact suivi et régulier avec la société AKOR ALTERNANCE, école de la salariée, n'ayant pas davantage eu de nouvelles de sa part ;

Qu'il est ainsi justifié, contrairement aux énonciations du jugement entrepris, que l'intéressée avait signifié à son employeur son intention de ne pas poursuivre son contrat, comme de le voir abandonner la procédure de rupture anticipée de son CDD pour faute grave, afin de ne pas compromettre sa formation professionnelle, et ce, dans l'attente d'une réponse d'une tierce société ;

Considérant qu'il s'ensuit, en l'état de cet abandon effectif par Mlle [V], dès le 16 novembre 2007, de son poste de travail, que la SARL SKEEN s'était légitimement abstenue de la rendre destinataire de tout planning de travail, puisque, aussi bien, et conformément à son souhait, la salariée ne faisait censément plus partie, à compter de cette même date du 16 novembre 2007, des effectifs de l'entreprise, et avait d'ailleurs définitivement cessé de se tenir à la disposition de son employeur ;

Que, dès lors, et dans un tel contexte, Mlle [V] ne saurait utilement prétendre avoir attendu la levée de sa mise à pied conservatoire pour reprendre son poste, alors même qu'elle n'avait ensuite jamais émis le moindre souhait de poursuivre son activité au sein de la SARL SKEEN ;

Considérant, le premier grief ainsi articulé à l'encontre de Mlle [V], pris de son absence prolongée et injustifiée, constitutive d'un abandon de poste, étant donc fondé, et caractérisant, à lui seul, une faute grave, que la rupture anticipée de son CDD y puise d'ores et déjà une suffisante justification ;

* Sur le second grief :

Considérant, ensuite, que la salariée se voit également imputer à faute d'avoir encore failli à son obligation de loyauté, dès lors qu'ayant indiqué, lors de son entretien préalable du 15 novembre 2007, cesser ses fonctions, la SARL SKEEN devait, pour cette raison, accepter de ne pas poursuivre la procédure de rupture anticipée de son CDD pour faute grave, afin de ne pas compromettre sa situation vis-à-vis de son école, ni sa formation professionnelle, sans que l'intéressée se fût depuis lors représentée dans la société, à laquelle elle n'avait plus donné aucune nouvelle, à tel point que son employeur devait l'inviter à venir chercher son bulletin de paie du mois de novembre 2007, dont elle devait finalement alors demander l'envoi par courrier ;

Que, dans ces conditions, Mlle [V] ne peut prospérer à soutenir, après plus de trois mois d'absence constante de son poste de travail, et de total mutisme auprès de son employeur, ayant par-là même consacré sa volonté précédemment exprimée de cesser avec celui-ci toute relation de travail, que ses salaires lui seraient néanmoins dus depuis le mois d'octobre 2007, alors même qu'elle avait en tout état de cause définitivement cessé de se tenir à la disposition de la société ;

Considérant, ce second grief étant donc par ailleurs également fondé, que la rupture anticipée du CDD de Mlle [V] pour faute grave, dès lors d'autant plus caractérisée, ayant en effet aussitôt rendu impossible toute poursuite de la relation de travail, n'en est que de plus fort justifiée, et sera donc jugée comme telle, -sans qu'il y ait par suite lieu d'avoir plus amplement égard à la demande de l'employeur ayant pour le surplus autrement tendu à voir délivrer sommation à la salariée de justifier de sa situation professionnelle depuis la cessation de sa collaboration avec elle, soit à compter du 16 novembre 2007-, nonobstant toutes énonciations contraires contenues en la décision déférée, qui sera par suite infirmée pour, statuant à nouveau, débouter la salariée de ses prétentions indemnitaires émises au titre du caractère abusif de la rupture anticipée de son CDD, mais toutefois confirmée, pour avoir en revanche d'ores et déjà exactement débouté l'intéressée de sa demande de dommages-intérêts, au titre d'une prétendue perte de chance de poursuivre sa formation, puisque, n'ayant dû qu'à elle-même, car à sa volonté expresse, puis à sa propre attitude, la cessation, à partir du 16 novembre 2007, de toute relation de travail avec la SARL SKEEN, elle reste défaillante à justifier de ce chef d'aucun préjudice indemnisable, y compris même en termes de perte de chance ;

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

Considérant, la SARL SKEEN prospérant ainsi en sa voie de recours, quand Mlle [V] succombe de surcroît en son entière action, que la décision querellée sera derechef infirmée sur le sort des dépens de première instance, pour, statuant à nouveau, et y ajoutant, condamner la salariée aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, mais par ailleurs confirmée relativement quant au sort des frais irrépétibles de première instance, sauf à y ajouter pour dire n'y avoir lieu, en équité ni au regard de la situation économique respective des parties, de faire à présent davantage application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du CPC au profit de l'employeur ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Juge la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée dont Mlle [V] était titulaire valablement intervenue pour faute grave ;

Infirmant partiellement la décision déférée,

Et, statuant à nouveau,

Déboute Mlle [V] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive par anticipation de son contrat de travail à durée déterminée ;

Confirme le jugement entrepris quant au surplus de ses dispositions non contraires aux présentes, soit en ce qu'il a débouté Mlle [V] de ses prétentions indemnitaires émises au titre d'une perte de chance, ainsi, par ailleurs, que sur le sort des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir à présent davantage lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du CPC au profit de la SARL SKEEN ;

Infirmant derechef la décision querellée sur le sort des dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

Et, y ajoutant,

Condamne Mlle [V] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/10345
Date de la décision : 10/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°09/10345 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-10;09.10345 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award