COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 8 NOVEMBRE 2011
(no 327, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09453
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 mars 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 03302
APPELANT :
Monsieur Georges X...... 92190 MEUDON représenté par Me HANINE SOUS LA SUPPLEANCE DE MME ETEVENARD, avoué à la Cour assisté de Me Anne-Sophie RIAUD plaidant pour la SELAS ENTEGON, avocats au barreau de PARIS-Toque P576
INTIMEE
SCP Y... ... 75015 PARIS représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour assistée de Me Stéphanie BACH plaidant pour la SCP RONZEAU et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS-Toque P499
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 septembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. X... était titulaire dans une SCI Saint Honoré d'Eylau de parts lui donnant vocation à devenir propriétaire d'un box ultérieurement devenu le lot no418. A la suite de l'exercice par les différents titulaires de leur droit de retrait, les lots correspondants leur ont été attribués, M. X... exerçant son droit de retrait par acte du 14 février 2000 reçu par la SCP Y....
L'acte en question comportant une erreur de numérotation des parts correspondant au lot, un acte rectificatif a été établi le 31 janvier 2003. Ces deux actes ont été régulièrement publiés à la conservation des hypothèques.
Auparavant M. X... avait procédé à divers échanges de lots avec d'autres copropriétaires et la société ACTIPIERRE, acquéreur de certains d'entre eux en 1995, s'est retrouvée propriétaire des lots no402, 403 et 419. Faute d'annexion de plans aux actes initiaux de division de la copropriété, cette société a cependant occupé le lot no418.
M. X... a engagé une procédure en revendication de ce lot en 1996 et, par arrêt confirmatif du 17 mai 2006, rendu après expertise, son action a été déclarée irrecevable au motif qu'il ne pouvait se prévaloir de sa qualité de propriétaire puisque la SCI, non immatriculée, était dépourvue de personnalité juridique, l'acte passé en 2003 étant, dès lors, " sans valeur " et l'acte de 2000 ne lui ayant pas conféré la propriété du lot litigieux.
C'est dans ces conditions que M. X... a recherché la responsabilité de la SCP notariale Y... à laquelle il demande la réparation de son préjudice de perte de jouissance du lot, des loyers afférents pendant 9 ans et des frais de procédure et d'avocats qu'il a été contraint d'engager, ainsi que de son préjudice moral.
Par jugement du 17 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a, retenant la double faute de la SCP Y..., condamné celle-ci à payer à M. X... la somme de 8 000 € de dommages et intérêts pour ses préjudices matériel et moral à l'exclusion de celui afférent aux frais de procédures, non justifiés, et de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par M. X... en date du 27 avril 2010,
Vu ses dernières conclusions déposées le 31 août 2011 selon lesquelles il demande l'infirmation du jugement sur le quantum des condamnations et, au motif des fautes commises dans les deux actes de 2000 et 2003, la condamnation de la SCP Y... à lui payer les sommes de 216 152, 60 € en réparation de son préjudice matériel et de 120 000 € en réparation de son préjudice moral ainsi que de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 9 septembre 2011 par lesquelles la SCP Y..., appelante incidente, qui n'émet aucune demande quant au jugement, sollicite, sous de nombreux constats sans portée juridique, le " débouté " de M. X... de ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que M. X... fait valoir que, au cours de la procédure judiciaire et pour faire admettre son droit de propriété sur le lot 418, il a demandé en 2000 à l'étude notariale d'établir un acte de retrait mais celle-ci a commis une erreur dans la retranscription des numéros des parts et lui a donc attribué un lot erroné, le no637, le privant alors de la preuve de son droit ; que l'acte rectificatif de 2003 a mentionné les bons numéros de lots mais le notaire a omis de vérifier l'immatriculation de la SCI de sorte que l'acte s'est retrouvé nul, la société n'ayant plus de personnalité morale depuis le 1er novembre 2002, ce qu'a décidé la cour dans son arrêt de 2006 ; que le cumul de ces deux fautes, privant les actes de toute efficacité, a été la cause directe de l'échec de ses procédures judiciaires et de l'éviction de son lot, qu'il a donc perdu une chance sérieuse de gagner son procès et perdu la jouissance de son lot au terme d'une longue procédure judiciaire, l'ensemble devant être indemnisé, notamment les frais d'expertise, d'avoués et d'avocats, la valeur locative du lot ayant été établie par le rapport d'expertise ; qu'il a également subi un préjudice moral lié à l'obligation d'intenter une procédure, longue, et à la croyance durant 10 ans en son titre ;
Que la SCP Y... rétorque que le fait générateur du préjudice trouve sa source dans les échanges de lots intervenus dans les années 1970 et la revendication de la société Actipierre, acquéreur du lot litigieux ; que les procès-verbaux des assemblées générales qui se sont tenues de 2000 à 2009 démontrent que M. X... est le seul propriétaire du lot en question, ce qu'a également relevé l'expert désigné, et qu'il n'a pas suivi les conseils de son notaire pour entamer des démarches efficaces ni attrait celui-ci dans sa procédure pour faire valoir des arguments utiles, alors que la SCI n'avait pas à intervenir dans l'acte rectificatif, ce qui aurait assuré son efficacité ; que les frais de procédure engagés sont sans lien avec la faute reprochée ;
Considérant que, contrairement à ce qu'affirme M. X... et comme l'a exactement retenu le tribunal, l'échec de l'action en revendication ne trouve pas sa source dans les fautes qu'il impute à la SCP Y..., acquises, mais dans les échanges de lots qui ont eu lieu entre les copropriétaires, anciens porteurs des parts, comme dans l'absence, constatée par l'expert, de plans qui auraient permis de mieux les isoler ou dans l'attitude de la société Actipierre qui, bien que n'ayant jamais acquis ce lot selon les actes qu'elle a passés, l'a effectivement occupé ;
Que le jugement déféré a également justement retenu que l'irrecevabilité constatée par le jugement initial du 15 décembre 1999 ne trouve pas non plus son origine dans les actes litigieux puisque M. X... n'avait pas encore exercé sa faculté de retrait à leur date ;
Considérant que l'arrêt avant dire droit du 20 novembre 2001, produit en cause d'appel, ne permet pas d'affirmer, comme le fait M. X..., que l'expertise était ordonnée à cause de l'erreur de l'acte de 2000, qui n'y est pas évoquée, cet acte justifiant alors sa qualité pour agir et former appel, mais du fait de la situation complexe liée aux échanges, rappelés par l'arrêt, qui nécessitait de déterminer, par voie d'expertise, la consistance exacte du lot no418 sur lequel le droit de propriété de M. X... n'était pas discuté ;
Considérant que, pour ces motifs, plus amplement développés par les premiers juges, ils ont, à raison, considéré que la perte de chance pour M. X... de voir triompher son action en revendication, consacrée par l'arrêt confirmatif du 17 mai 2006 concernant l'irrecevabilité de son action, résulte des erreurs commises à l'occasion de la réception des actes ;
Considérant que, comme l'a énoncé à propos le jugement, le droit de propriété de M. X... sur le lot no418 n'est pas contestable, deux actes successifs le mentionnant comme tel, les procès-verbaux des assemblées générales successives de la copropriété le citant comme propriétaire, les publications à la conservation des hypothèques en attestant, le rapport de l'expert l'explicitant sans ambiguïté et la société Actipierre n'ayant aucun titre sur ce lot pour ne l'avoir jamais acquis ; qu'il n'est donc pas privé, comme le fait justement valoir la SCP Y..., de la possibilité de faire reconnaître son droit en suivant la procédure qu'elle lui a suggéré dès lors qu'il est et a toujours été propriétaire du lot litigieux ; qu'en revanche, du fait des actes erronés, il n'a pu le faire, comme il l'espérait, à la date du 17 mai 2006, perdant, avec la jouissance de son lot durant un temps, le profit qu'il espérait tirer de la location dudit lot ;
Que dès lors le tribunal, en énonçant que le préjudice matériel de M. X... imputable à la SCP Y... devait être évalué à la somme de 5 000 € représentant l'absence de jouissance du lot selon l'évaluation de l'expert, ne peut qu'être approuvé, alors que, si cette perte de jouissance est bien due au fait de l'occupation indue par la société Actipierre, il n'en demeure pas moins qu'elle aurait pu trouver son terme dès l'arrêt de 2006 sans l'erreur commise ;
Considérant, s'agissant des frais engagés pour la procédure, qu'ils ne sont la conséquence que partiellement de la faute du notaire dès lors qu'elle a été initiée pour répondre à l'occupation illicite du lot par la société Actipierre ; qu'au vu des éléments produits en cause d'appel, et alors que M. X... ne produit pas de factures acquittées mais seulement des " notes " d'honoraires, dont certaines au profit d'une " SA JIM " et non de lui personnellement, son préjudice à ce titre sera arrêté à la somme de 3 000 € ; qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter les frais d'expertise, qui lui est largement favorable au demeurant, non liés, comme il a été dit, à l'erreur commise ;
Considérant que le jugement, qui a évalué le préjudice moral de M. X... à la somme de 3 000 € au terme de motifs pertinents, ne peut qu'être, là aussi, approuvé ; Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. X..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement sauf quant au quantum des condamnations prononcées,
Le réformant quant à ce et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la SCP Y... à payer à M. X... la somme de 11 000 € (onze mille euros) de dommages et intérêts,
La condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.