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08/11/2011 | FRANCE | N°10/01239

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 08 novembre 2011, 10/01239


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 08 Novembre 2011

(n° 7 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01239



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/04599





APPELANTE



SA LA COMPO PHOTO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SELARL LOREAL-BEJARANO, socié

té d'avocats au barreau de Paris, toque P 285 substitué par Me Richard FAVIER





INTIME



Monsieur [I] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Agnè...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 08 Novembre 2011

(n° 7 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01239

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/04599

APPELANTE

SA LA COMPO PHOTO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SELARL LOREAL-BEJARANO, société d'avocats au barreau de Paris, toque P 285 substitué par Me Richard FAVIER

INTIME

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mademoiselle Véronique LAYEMAR, greffier présent lors du prononcé.

[I] [Y] a été embauché suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 3 septembre 2001, prenant effet à cette date, par la société COMPO PHOTO, en qualité de chef d'atelier, catégorie cadre groupe II, moyennant une rémunération brute mensuelle qui s'élevait en dernier lieu à 3'917,'94'€, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective de l'imprimerie et des industries graphiques.

Convoqué à un entretien préalable fixé au 4 novembre 2008 en vue d'un licenciement pour motif économique par lettre du 24 octobre 2008, [I] [Y] acceptait le 18 novembre 2008 une convention de reclassement personnalisé avant de se voir notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée du 24 novembre 2008.

Contestant ce licenciement, [I] [Y] a saisi le 2 décembre 2008 le conseil de prud'hommes de Bobigny, section encadrement, qui, par jugement rendu le 21 janvier 2010, a requalifié son licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société COMPO PHOTO à lui payer la somme de 40'000'€ à titre d'indemnité à ce titre ainsi que celle de 1'500'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en le déboutant du surplus de ses demandes.

La cour est saisie de l'appel de cette décision, interjeté le 10 février 2010 par la société COMPO PHOTO.

Par conclusions développées à l'audience du 4 octobre 2011, auxquelles il est référé expressément pour l'exposé des moyens, la société COMPO PHOTO demande à la cour:

* d'infirmer le jugement sus-visé en ce qu'il l'a condamnée à payer à [I] [Y] la somme de 40'000'€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ordonnant le remboursement à l'organisme concerné les indemnités de chômage qui lui ont été versées dans la limite de six mois,

* de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [I] [Y] de ses autres demandes.

Par conclusions visées par le greffier, reprises et soutenues oralement à l'audience du 4 octobre 2011, auxquelles il est également fait référence pour l'exposé des moyens, [I] [Y] sollicite' la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu de motif réel et sérieux et son infirmation en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et le recevant en son appel incident, demande à la cour de :

* porter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour non respect des critères d'ordre des licenciements à la somme de 95'000'€,

* de condamner la société COMPO PHOTO à lui verser les sommes suivantes :

- 117'643,'32'€ à titre de rappel de paiement des heures supplémentaires de 2004 à 2008,

- 11 764,'33'€ à titre de congés payés afférents,

- 22'954,'72€ à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos compensateur,

- 23'507,'64'€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L'8223-1 du code du travail,

- 4'000'€ à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* d'ordonner la remise d'une attestation destinée au Pôle Emploi, d'un certificat de travail ainsi que la remise de bulletins de salaire de 2004 à novembre 2008, conformes, sous astreinte de 50'€ par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir et de dire que la cour se réservera le droit de liquider l'astreinte,

* d'ordonner la capitalisation des intérêts.

SUR CE

Sur le licenciement

Dans la lettre de licenciement datée du 24 novembre 2008, qui fixe les limites du litige, la société COMPO PHOTO, après avoir rappelé qu'elle avait informé le 4 novembre 2008 [I] [Y] du projet de licenciement économique le concernant et qu'elle lui avait proposé de bénéficier d'une convention de reclassement personnalité, indique :

«(') Ces dernières années, les métiers de l'imprimerie ont du évoluer pour s'adapter aux diverses contraintes liées à la conjoncture et aux habitudes de nos clients.

Nous avons déjà suivi cette évolution technologique au niveau du service montage en procédant à l'acquisition de notre matériel CTP en février 2002.

Immanquablement, la mutation technologique s'est également produite en service machine.

Nous avons mis en production, en juin 2008, une machine à imprimer Manroland, 4 couleurs avec vernis acrylique. Notre service machine composé de 10 personnes que vous aviez à encadrer en 2001, avec 3 machines en fonction, se réduit en conséquence à 5 personnes et 2 machines en production.

Cette mutation technologique de notre matériel entraîne la réorganisation totale du service et nous conduit à devoir supprimer par voie de conséquence votre poste de chef d'atelier

Après réflexion, vous avez décidé d'accepter cette convention et vous nous avez remis votre bulletin d'adhésion le 18 novembre 2008.

Nous vous rappelons que du fait de cette adhésion, nous constatons par la présente, en application de l'article L 1233-67 du code du travail, la rupture de votre contrat de travail d'un commun accord avec effet au 18 novembre 2008, date d'expiration du délai de réponse imparti»

S'il est indiqué dans cette lettre les raisons pour lesquelles elle a décidé de procéder au licenciement économique de son salarié en raison notamment de la mutation technologique dans le service machine, en revanche aucune indication n'est donnée sur les recherches de reclassement de celui-ci alors que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient.

En l'absence de précision sur la recherche de reclassement qui aurait été effectuée par la société COMPO PHOTO, il convient de confirmer le jugement rendu le 11 février 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a requalifié le licenciement économique de [I] [Y] et dit que celui-ci était sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité complète.

C'est par une exacte appréciation du préjudice que la cour adopte que le jugement déféré a alloué à [I] [Y] la somme de 40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel des heures supplémentaires

Conformément au contrat de travail établi le 3 septembre 2001, l'ensemble des bulletins de salaire de [I] [Y] versés aux débats mentionnent que celui-ci effectuait 152,'25'heures de travail par mois sans mention d'aucune heure supplémentaire, alors que celui-ci, indiquant qu'il en a toujours effectuées, produit aux débats un tableau détaillé pour les années 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008 précisant qu'il travaillait du lundi au vendredi de 6 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures, ce qui représente 50 heures hebdomadaires de travail.

A l'appui de ses dires, il verse aux débats :

* une première attestation d'[T] [O], chef d'atelier dans l'entreprise selon lequel [I] [Y] «effectuait des heures supplémentaires sur le lieu de travail. Le matin 6 heures jusqu'à 17 voir plus avec une coupure d'1 heure pour le repas durant ses années de présence au sein de l'entreprise depuis le 3 septembre 2001 jusqu'en septembre 2008»,

* une seconde de [J] [U], directeur de production depuis avril 2002 et toujours employé de la société COMPO PHOTO le 1er mars 2010, lors de l'établissement de l'attestation, certifiant que «[I] [Y] assurait une présence quotidienne dans l'entreprise de 6 heures à 16 heures, 17 heures, voir plus avec une coupure d'un heure pour le repas pour assurer ses fonctions de chef d'atelier et ce depuis (sa) prise de fonctions jusqu'à septembre 2008».

La société COMPO PHOTO s'oppose à la demande en paiement de la somme de 117'643,'32'€ correspondant à 60 heures supplémentaires par mois pour la période de septembre 2004 à octobre 2008 auxquels s'ajoutent 11,764,'33'€ au titre des congés payés afférents, en faisant valoir que le décompte produit par [I] [Y] est «invérifiable», que les attestations sont «inexploitables», que les fiches de salaire mentionnent des jours d'absence qui ne s'accompagnent d'aucune retenue et qu'il s'agit d'une demande tardive intervenue quatre jours après la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable, mais ne verse cependant aux débats aucun témoignage infirmant ces affirmations, ni ne communique aucun planning hebdomadaire avec les horaires de travail dans l'atelier de [I] [Y].

S'il est exact que [I] [Y] n'établit pas, comme il le soutient, qu'il aurait formé des demandes en paiement d'heures supplémentaires avant le 28 octobre 2008, ce seul fait est insuffisant pour en déduire qu'il s'agirait d'une demande infondée dès lors que rien ne s'oppose à ce que cette demande soit formée lors de la rupture du contrat de travail, s'agissant d'une période non prescrite.

Par ailleurs, la non retenue pour les jours d'absences ne permet pas à l'employeur de s'exonérer du paiement des heures supplémentaires effectuées par ses salariés les autres jours.

Il sera en revanche observé que l'examen des bulletins de salaire établit que [I] [Y] n'a pu effectuer d'heures supplémentaires lors de ses absences dans l'entreprise, soit 47 jours (7 jours d'absence, 33 jours de congés payés et 7 jours de maladie) en 2004, 50 jours (7 jours d'absence, 37 jours de congés payés et 26 jours de maladie) en 2005, 35 jours (3 jours d'absence et 32 jours de congés payés) en 2006, 37 jours (9 jours d'absence et 31 jours de congés payés) en 2007, 62 jours (4 jours d'absence, 30 jours de congés payés et 28 jours de maladie)en 2008, étant précisé par ailleurs qu'il n'est pas établi que les dépassements de l'horaire initialement prévu aient été aussi réguliers que ne l'indique [I] [Y].

Compte tenu de l'ensemble de ces documents, la cour a les éléments pour fixer à la somme de 60'000€ le montant des heures supplémentaires dues à [I] [Y], somme à laquelle il convient d'ajouter celle de 6'000'€ au titre des congés payés afférents.

Sur la demande formée au titre des repos compensateurs

La demande en paiement d'heures supplémentaires étant accueillie partiellement, [I] [Y] est nécessairement considéré comme n'ayant pas été en mesure de formuler du fait de son employeur, une demande portant sur le repos compensateur auquel ces heures lui donnaient droit, il convient en conséquence de lui allouer la somme de 5'000 € à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice résultant de la privation de l'exercice de ce droit.

Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

[I] [Y] sollicite, sur le fondement des dispositions des articles L.8221-5 et L 8223-1 du code du travail le paiement de la somme de 23 507, 64 € correspondant à six mois de salaire.

Toutefois, aux termes des dispositions de ces articles, les manquements visés ne sont caractérisés que s'il est établi que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à ses obligations ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il convient en conséquence de rejeter la demande formée à ce titre par [I] [Y].

Sur les frais et dépens

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile étant réunies au bénéfice [I] [Y], il convient de condamner la société COMPO PHOTO à lui payer la somme de 2'500 euros à ce titre, en sus de celle allouée par les premiers juges.

La société COMPO PHOTO sera déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [I] [Y] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau,

Condamne la société COMPO PHOTO à payer à [I] [Y] :

- la somme de 60 000 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- celle de 6 000 € au titre des congés payés y afférents,

- ainsi que 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos compensateur,

avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2008,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Condamne la société COMPO PHOTO aux dépens d'appel et à verser à [I] [Y] la somme de 2'500'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/01239
Date de la décision : 08/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°10/01239 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-08;10.01239 ?
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