Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05698
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07611
APPELANTS
Monsieur [X] [G] [Z] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour
assisté de Me Pierre-Yves LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE
Madame [R] [N] [O] épouse [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre-Yves LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE
INTIMÉE
S.A. LE CRÉDIT LYONNAIS, agissant poursuites et diligences de son directeur général
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Me Danielle TARDIEAU-NAUDET, avocat au barreau de , toque : R010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente, ainsi que devant Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, président
Madame Marie-Josèphe JACOMET, conseiller
Madame Caroline FEVRE, conseiller
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
***************
Vu le jugement rendu le 27/1/2010 par le tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, a débouté les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés à verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur [X] [T] et Madame [R] [O] épouse [T] à l'encontre de ce jugement ;
Vu les conclusions signifiées le 28/3/2011 par les époux [T] qui demandent à la cour de réformer le jugement déféré, de condamner le Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 107.478,76 € en principal, outre intérêts de droit à compter du 28/3/2007, celle de
50.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures signifiées le 17/5/2011 par le Credit Lyonnais qui conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que Monsieur et Madame [T] étaient associés à part égale de la société Charlyvel, dont Monsieur [T] était le gérant, qui avait pour activité la fabrication de prêt à porter féminin ; que cette société avait obtenu de la Bred divers concours financiers ; que Monsieur [T] et son épouse avaient cautionné ses engagements, par actes sous seings privés du 7/7/1993, à hauteur de 300.000 Ff (45.735 €) chacun ; qu'en 1996, la société a reçu des commandes d'un montant total supérieur à 236.000 € d'une société Kar'l Daso ; que cette dernière s'est engagée à régler les factures par traites ; qu'à l'échéances, ces traites ont été rejetées par la banque de la société Kar'l Daso, le Crédit Lyonnais, pour défaut de
provision ; qu'en février 1997, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de cette société ; qu'il s'est avéré que les dirigeants de cette société avait monté une escroquerie dite 'à la carambouille' ; qu'une instruction a été ouverte, dans le cadre de laquelle, outre les dirigeants de la société, un préposé de l'agence Bonne Nouvelle du Crédit Lyonnais, gestionnaire du compte de la société, a été mis en examen ; que ce dernier a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre et condamné pour complicité d'escroquerie, le 29/5/2002 ; que le Crédit Lyonnais a été déclaré civilement responsable des agissements de son préposé et solidairement tenu au paiement des réparations dues par ce dernier, par le tribunal correctionnel ; que par arrêt du 14/1/2004, la cour d'appel de Versailles a confirmé pour l'essentiel ces dispositions, en ramenant simplement le préjudice indemnisé au montant des factures hors taxes majoré d'une somme supplémentaire de 10 % au titre du préjudice financier ; que le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt a été rejeté; que la société Charlyvel, qui avait déposé plainte au cours de l'enquête de police, ne s'est pas constituée partie civile dans le cadre de la procédure judiciaire ;
Considérant que le tribunal de commerce de Paris a ouvert, le 13/3/1997, une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Charlyvel,et a désigné Maître [V] en qualité de liquidateur judiciaire ; que le 27/3/1997, la société Charlyvel a assigné la Bred pour voir constater le caractère inconsidéré des concours qu'elle avait consentis, succédant à la fournitures de renseignements erronés, et pour qu'elle soit condamnée à couvrir l'insuffisance d'actif ; que la Bred a assigné en intervention forcée et aux fins de mise en cause avec appel en garantie, le Crédit Lyonnais ; que les époux [T] sont intervenus volontairement à l'instance pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice personnel constitué par la perte de leurs capitaux propres, de leur compte courant et par la perte de chance de développer l'activité et d'en tirer les bénéfices financiers escomptés ; que par jugement du 2/10/1998, le tribunal de commerce de Paris a sursis à statuer sur l'assignation délivrée au Crédit Lyonnais dans l'attente de l'issue du procès pénal ; que par jugement du 16/4/1999, le tribunal de commerce de Paris a débouté Maître [V] ès qualités et les époux [T] de leurs demandes ; que par arrêt du 28/9/2001, la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision ; que l'appel en garantie contre le Crédit Lyonnais est devenu sans objet ;
Considérant que la Bred a réclamé, à compter du mois de juillet 2002, et obtenu, l'exécution des engagements de caution des époux [T] ; que des pourparlers ont été engagés avec le Crédit Lyonnais, qui avait accepté d'indemniser des victimes qui ne s'étaient pas constituées partie civile devant la juridiction pénale ; que par courrier du 28/3/2007, la banque a dit qu''elle (n'était) pas opposée à une solution transactionnelle pour indemniser les cautions à hauteur de 107.478,76 € sous réserve que le liquidateur renonce à tout recours'; qu'après que le tribunal de commerce de Paris ait prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire, les époux [T], qui n'ont pas été indemnisés par le Crédit Lyonnais, auprès duquel le liquidateur ne s'est pas manifesté, ont saisi, le 15/5/2008, le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir la condamnation de la banque ; que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré ;
Considérant que le Crédit Lyonnais, qui, sur le fond conclut à la confirmation du jugement, prétend, d'abord, que l'action est prescrite puisqu'engagée plus de dix ans après la manifestation du dommage ;
Considérant que les époux [T] justifient leur demande en paiement à l'encontre du Crédit Lyonnais en ' invoquant l'existence d'un aveu judiciaire, en justifiant le caractère infondé de l'exception de prescription opposée à leur demande par le Crédit Lyonnais, et en justifiant de l'existence incontestable d'un lien direct entre les agissements délictuels du préposé du Crédit Lyonnais et de la liquidation judiciaire de la société Charvel qui est à l'origine de leur préjudice' ;
Considérant que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, le dommage dont les époux [T] réclament l'indemnisation est constitué par la mise en jeu de leurs engagements de caution ; qu'il s'est manifesté au jour de la liquidation judiciaire de la société Charvel, soit le 13/3/1997, date à laquelle le tribunal de commerce de Paris a constaté l'état de cessation des paiements, c'est à dire l'impossibilité pour la société de faire face à son passif exigible à l'aide de son actif disponible ; que les époux [T] ne peuvent pertinemment invoquer le fait que la conscience du dommage ne leur est apparu qu'au jour où la Bred les a mis en demeure de payer, puisqu'ils connaissaient la portée des engagements, clairs, précis, chiffrés, qu'ils avaient souscrits en juillet 1993 et que, compte tenu de leur qualité d'associés et de gérant de la société, ils ont nécessairement été informés de la liquidation judiciaire, fait d'autant moins contestable que la procédure a été ouverte sur déclaration de la cessation des paiements ; que les époux [T] n'ont pas été empêché d'introduire une action en responsabilité contre la banque ; que leur droit d'agir n'était pas suspendu ; qu'aucune des pièces versées aux débats ne révèle une reconnaissance non équivoque de responsabilité de la part du Crédit Lyonnais ; que, notamment, ne saurait être considéré comme telle le projet de transaction envisagé sous la condition formelle, et non réalisée, de la renonciation du liquidateur à tout recours ; qu'ils n'invoquent aucun acte interruptif de prescription ; qu'ils ne peuvent sérieusement prétendre que la prescription n'a pu courir contre eux qu'à partir du moment où le jugement de condamnation est devenu définitif et qu'enfin la procédure pénale aurait suspendu le cours de l'action civile qu'ils souhaitaient engager, puisqu'il doit être relevé que la juridiction pénale a retenu comme préjudice direct indemnisable, celui subi par la société, c'est à dire le montant des factures impayées hors TVA, et non pas le préjudice personnel subi par les associés ou les dirigeants ; qu'il s'évince de ce qui précède que l'action engagée le 15/5/2008 est
prescrite ;
Considérant que compte tenu du sort réservé au recours les époux [T] doivent être déboutés de toutes leurs demandes et condamnés aux dépens ; que l'équité ne commande pas pour autant leur condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Déclare l'action engagée par les époux [T] prescrite,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Monsieur [X] [T] et Madame [R] [O] épouse [T] aux dépens d'appel et admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT