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03/11/2011 | FRANCE | N°10/01009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 03 novembre 2011, 10/01009


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 03 Novembre 2011

(n° 46 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01009



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section ENCADREMENT - RG n° 08/11666





APPELANTE

Madame [V] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Géraud SALABELLE

, avocat au barreau de PARIS, toque : K126

substitué par Me Paul VAN DETH, avocat au barreau de PARIS, toque : J094







INTIMÉE

SAS ASSURESCO

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 03 Novembre 2011

(n° 46 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01009

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section ENCADREMENT - RG n° 08/11666

APPELANTE

Madame [V] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Géraud SALABELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K126

substitué par Me Paul VAN DETH, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

INTIMÉE

SAS ASSURESCO

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe DORMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2330 substitué par Me Valérie GUYOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 564

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise FROMENT, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

Mme Anne DESMURE, conseiller

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant lettre d'embauche en date du 10 mai 1983, [V] [U] a été engagée à compter du 1er juin 1983 par [I] [L] en qualité de chargée de clientèle moyennant une rémunération brute de 6 936,00 Francs par mois, la relation contractuelle étant soumise à la convention collective des cadres et employés salariés des cabinets de courtage d'assurances et de réassurances.

Le 1er juillet 1998, l'agence [L] a apporté son fonds de commerce de courtage d'assurance à la SA ASSURESCO et depuis le 14 novembre 1998, [V] [U] occupait des fonctions de direction et un mandat social.

Le 27 novembre 2003, [V] [U] a été nommée Présidente d'ASSURESCO transformée en SAS avec conseil de surveillance.

A partir du 1er mars 2004, [V] [U] a exercé les fonctions d'attachée de direction, statut cadre.

Le 3 janvier 2008, [V] [U] et [I] [L] ont cédé 51% du capital d'ASSURESCO au groupe ECA et le même jour [V] [U] a été nommée Directeur Général, mandataire social.

Le 23 juillet 2008, [V] [U] a été révoquée de son mandat de Directeur Général et convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique.

Elle a été licenciée le 21 août 2008 pour motif économique.

Contestant notamment son licenciement, elle a, le 2 octobre 2008, saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris, lequel, par jugement du 22 décembre 2009, l'a déboutée de ses demandes, a débouté la SAS ASSURESCO de sa demande reconventionnelle et a condamné [V] [U] aux dépens.

[V] [U] a régulièrement interjeté appel le 2 février 2010 de cette décision qui lui avait été notifiée le 18 janvier précédent.

Assistée de son conseil, elle a, lors de l'audience en date du 22 septembre 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle entend voir infirmer le jugement et condamner, à titre principal, la SAS ASSURESCO à lui payer :

- 4 009,20 € de complément d'indemnité de préavis et 400,92 € de congés payés afférents

- 48 110,40 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

-120 275,40 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- à titre subsidiaire, condamner la SAS ASSURESCO à lui payer 3 233,97 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 11 389,99 € pour les sommes indûment précomptées au titre de l'assurance chômage du 14 novembre 1998 au 23 juillet 2008 et ordonner sous astreinte la communication d'un bulletin de salaires et d'une attestation POLE EMPLOI rectificative

- en tout état de cause, condamner la SAS ASSURESCO à lui payer 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Représentée par son conseil, la SAS ASSURESCO a, lors de cette audience, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle entend voir :

- à titre principal, confirmer la décision déférée

- à titre subsidiaire, dire le licenciement de [V] [U] bien fondé

- à titre très subsidiaire, fixer à 14 199,98 € le montant de l'indemnité de licenciement et débouter [V] [U] du surplus de ses demandes

- en tout état de cause, condamner [V] [U] à lui payer 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Considérant, sur l'existence d'un contrat de travail, qu'un mandat social n'est pas incompatible avec un contrat de travail ; que, toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu, en principe, à rémunération distincte, exercée dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi ; que ces règles sont applicables aux fonctions de dirigeant ;

Considérant que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Considérant que s'il appartient au dirigeant social qui se prévaut d'un contrat de travail d'en apporter la preuve, en revanche, en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, c'est à celui qui entend en contester l'existence de démontrer son caractère fictif ;

Considérant enfin que la novation ne se présume pas ;

Considérant, en l'espèce, qu'il résulte des pièces versées aux débats que [V] [U] avait été engagée par contrat de travail écrit en qualité de chargée de clientèle à temps plein, puis à temps partiel à compter du 1er juin 1992 , puis en qualité d'attachée de direction à compter du 1er mars 1994 et de directeur technique à compter du 1er novembre 1998 et de directeur à compter du 1er janvier 1999, ces deux dernières fonctions étant exercées à temps partiel pour 121,33 heures puis138,37 heures par mois ; qu'elle a successivement été :

- désignée, le 14 novembre 1998, Directeur Général Unique de la société ASSURESCO , alors SA avec conseil de surveillance

- nommée, le 27 novembre 2003, Présidente de la société ASSURESCO, devenue SAS ;

Considérant que la SAS ASSURESCO ne rapporte aucunement la preuve, qui lui incombe, de ce que le contrat de travail initial de [V] [U] était fictif et que cette dernière n'aurait pas exercé les fonctions de chargée de clientèle, puis d'attachée de direction, pour lesquelles elle avait été engagée dans le cadre de son contrat de travail et pour laquelle elle avait été régulièrement rémunérée ; que pas davantage n'est démontrée l'absence pour la période comprise entre le 1er juin 1983 et le 14 novembre 1998, de tout lien de subordination ;

Considérant que [V] [U] était donc, lorsqu'elle est devenue titulaire d'un mandat social, titulaire d'un contrat de travail ;

Considérant que force est de constater que la SAS ASSURESCO ne rapporte pas davantage la preuve, qui lui incombe, de ce que , lorsque [V] [U] a été désignée Directeur Général Unique de la SA ASSURESCO, il y aurait eu novation du contrat de travail en mandat social ; que non seulement [V] [U] n'a jamais renoncé à son contrat de travail mais encore que la société ASSURESCO elle-même n'y avait pas renoncé puisque , dans l'acte de cession de leurs parts par [V] [U] et [I] [L] à la SARL ALCINVEST et à la SARL E.C.A, du 3 janvier 2008, il est expressément rappelé que les acquéreurs reconnaissent avoir connaissance des contrats de travail de [V] [U] , de [Y] [W] et d'[D] [X], cet acte précisant qu'il était convenu qu'au cas particulier de [V] [U], sa rémunération de mandataire sociale serait maintenue en sus de celle résultant de son contrat de travail ;

Considérant dès lors que c'est à tort que la juridiction de première instance a décidé que [V] [U] n'était plus, du fait de ses mandats sociaux, et alors même qu'elle n'avait pas été licenciée lorsqu'elle a exercé les fonctions y afférentes, titulaire d'un contrat de travail, la SAS ASSURESCO étant du reste tellement certaine du contraire qu'elle a procédé à son licenciement ;

Considérant, ceci étant, que la SAS ASSURESCO soutient qu'il n'y a pas eu cumul, du 14 novembre 1998 au 23 juillet 2008, de fonctions techniques, distinctes du mandat social ;

Considérant que si [D] [X], fondé de pouvoir de la SAS ASSURESCO a attesté que [V] [U] n'assurait pas la réception des déclaration de sinistres et pièces, ni l'assistance aux missions d'expertise, ni les études de recevabilité au regard des conditions des polices, ni le chiffrage des indemnités, ni la déclaration et le suivi avec les compagnies et les assurés, ni les règlements, ni l'exercice des recours, ni l'établissement des statistiques, ni les déclarations aux avocats et leur suivi, ni l'archivage, toutes tâches qu'il s'attribue, rien ne permet de contredire le fait que [V] [U] avait pour mission, en sa qualité de salariée, de superviser la gestion production, sinistre, contentieux, d'assurer les relations commerciales avec les compagnies d'assurance et la gestion des mandats de délégation et de veiller à la surveillance qualitative du portefeuille client ; que, du reste, [G] [Z] , nouveau Président de la SAS, a indiqué dans la revue du courtage de juillet/août 2008, que [V] [U] était en charge des risques divers (RC pro, perte d'exploitation, prévoyance) auprès d'une clientèle PME/PMI , de start-up , des clients exerçant en libéral et des sociétés de service ; que l'examen de l'agenda 2007 de [V] [U] confirme la réalité des relations qu'elle entretenait avec les clients et les transporteurs ; que ces fonctions étaient distinctes de celles de mandataire sociale, par ailleurs rémunérées spécifiquement depuis 2002, qu'elle pouvait exercer en sus puisqu'elle n'était qu'à temps partiel pour ses fonctions techniques, ces fonctions de mandataire sociale consistant notamment à assurer l'administration générale de la société dans ses aspects budgétaires, financiers et juridiques ; que du reste, la SAS ASSURESCO ne démontre pas que les fonctions salariales sus-visées auraient été assurées par un autre salarié ;

Considérant que les fonctions salariées de [V] [U] s'exerçaient sous le contrôle du conseil de surveillance qui pouvait notamment, à tout moment, décider de procéder à son licenciement ; que si, en sa qualité de mandataire sociale, elle s'adressait à elle-même, prise en sa qualité de salariée, ainsi d'ailleurs qu'aux autres salariés, divers courriers, notamment pour la mise en oeuvre de la nouvelle convention collective, les décisions qu'ils contenaient étaient agréées par le conseil de surveillance dont le Président était régulièrement présent au sein de la structure ; que l'absence de lien de subordination n'est aucunement démontrée ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir que [V] [U] était bien liée à la SAS ASSURESCO par un contrat de travail, et ce, pendant toute la période de 1983 à 2008 ;

Considérant qu'au regard de son ancienneté et de son statut de cadre, [V] [U] prétend à bon droit à l'octroi d'un 3 ème mois de préavis, lequel est dû, nonobstant l'adhésion de [V] [U] à la convention de reclassement personnalisé, en application des dispositions de l'article L1233-67 du code du travail ;

Considérant de même qu'en application des dispositions de ce texte, [V] [U] a droit à une indemnité de licenciement ; que l'article 37 de la convention collective prévoit que tout salarié ayant au moins 18 mois d'ancienneté dans l'entreprise a droit à une indemnité de licenciement calculée par tranches additionnelles comme suit :

-de 18 mois à 3 ans : un mois de salaire

-de 3 à 10 ans d'ancienneté : 25% du salaire mensuel par année de présence

-entre 10 et 20 ans d'ancienneté : 50% du salaire mensuel par année de présence

-au-delà de 20 ans : 75% du salaire mensuel par année de présence, l'indemnité ne pouvant excéder une année de salaire calculée sur la base du salaire de référence , à savoir le douzième du total des salaires bruts perçus par le salarié au cours des 12 derniers mois précédent la date de rupture du contrat de travail

Considérant que le salaire mensuel calculé sur ces bases, est, au vu des bulletins de salaires versés aux débats de 4020,92 € ; que , le calcul de l'indemnité se faisant par tranches additionnelles, la somme due à [V] [U] à ce titre s'élève à la somme de 46 743,20 € ;

Considérant, sur le bien-fondé du licenciement, que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié que pour avoir une cause économique, le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L 1233-3 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;

Considérant que les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent être réelles et constituer le motif véritable du licenciement ; que leur appréciation prend en compte les difficultés commerciales, financières et les résultats comptables au vu des pièces produites, qui doivent être complètes afin de permettre un examen exhaustif de la situation et afin de vérifier si les difficultés rencontrées sont suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression du contrat de travail ; que tel ne peut en particulier être le cas lorsqu'une entreprise par ailleurs saine rencontre des difficultés passagères ou lorsqu'elle souhaite réaliser des économies, limiter ses coûts ou privilégier son niveau de rentabilité au détriment de la stabilité de l'emploi ;

Considérant que lorsqu'une entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise, peu important, comme en matière de réorganisation, que certaines sociétés du groupe soient installées à l'étranger ; que le secteur d'activité est en principe celui qui correspond à la branche d'activité dont relève la société qui invoque des difficultés économiques pour licencier et il appartient au juge qui prend en compte les sociétés du groupe pour apprécier les difficultés économiques de vérifier au cas par cas que celles-ci relèvent bien du même secteur, ce qui implique l'obligation pour l'employeur de fournir les éléments nécessaires à cette vérification ;

Considérant enfin qu'en application de l'article L 1233-4 du même code, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être personnelles, écrites et précises.

Considérant en l'espèce que la lettre de licenciement était ainsi rédigée :

'Suite à l'entretien préalable qui a eu lieu le 1er août 2008, au cours duquel vous étiez assistée de Madame [P], je suis contraint de vous licenier pour motif économique.

Les raisons de cette décision sont les suivantes :

Vous occupez depuis le 3 janvier 2008 le poste de Directeur Général de la société ASSURESCO, après avoir exercé pendant de nombreuses années et jusqu'à cette date la fonction de Président de cette société.

Comme vous le savez, la société rencontre des difficultés économiques majeures et sa situation s'est considérablement dégradée depuis le début de l'année 2008 :

-le chiffre d'affaires au 30 juin 2008, de 109 489 euros , est en baisse de 23% par rapport à celui de l'an dernier à la même époque

-la trésorerie a chuté de 100 000 à 40 000 euros fin juin 2008, et il existe une forte probabilité de trésorerie zéro fin octobre 2008.

Par ailleurs, à ces difficultés financières d'une extrême gravité, s'ajoutent des pertes considérables qui ne cessent d'ailleurs de se creuser : à fin 2007, la société a enregistré une perte de 35 052 euros et, dans la configuration actuelle, la perte devrait être de l'ordre de 60 000 € fin 2008 et ce malgré les réductions de charges (hors salaires) déjà décidées.

Ces données ne prennent même pas en compte les possibles résiliations de contrats qui pourraient intervenir.

Le travail de développement commercial entamé depuis le début de l'année n'offre aucune certitude en termes de rentrées financières, celles-ci ne pouvant en tout état de cause intervenir qu'à compter de 2009, les éventuels contrats étant pour la plupart à échéance fin décembre 2009.

Force est de constater qu'à lui seul, votre salaire représente le plus gros poste de charges pour la société. (Près de 38%).

Par ailleurs , mes recherches en vue d'un reclassement ne m'ont pas permis d'identifier de solution de reclassement susceptible de vous être proposée, et ce tant en interne qu'en externe.

En effet, d'une part une réduction de votre rémunération est inenvisageable compte tenu des profondes difficultés économiques que nous subissons.

D'autre part, la société ECA, avec laquelle nous collaborons depuis le mois de janvier 2008, ne dispose malheureusement d'aucun poste disponible, même de degré inférieur à votre poste actuel de Directeur Général .

Dans ces conditions, je n'ai d'autre choix , pour tenter d'assurer la survie d'Assuresco, que de supprimer le poste que vous occupez actuellement...'

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le capital de la SAS ASSURESCO est détenu depuis janvier 2008 à hauteur de 26% par la société ALCIVEST et de 25% par la société EURO CONSEIL ASSURANCES, laquelle est détenue à hauteur de 73% par la société ALCIVEST ; que les sociétés ASSURESCO et ECA interviennent dans le même secteur d'activité, à savoir le courtage en assurances, même si la première est spécialisée dans le domaine maritime et la seconde est plus généraliste ; qu'il s'agit bien, au regard de ce qui précède, d'un groupe au sens des articles L1233-1 et suivants du code du travail, les connaissances des différents salariés permettant le passage d'une société à l'autre en ne nécessitant qu'une adaptation aux produits à souscrire ;

Considérant que c'est donc au regard de la situation financière du groupe que le bien-fondé du licenciement doit être apprécié ; que c'est au regard des postes existant dans ces sociétés que l'obligation de reclassement doit s'apprécier, étant observé que l'activité des deux sociétés est complémentaire et exige des compétences du même ordre ;

Considérant que si l'examen du compte de résultat de la SAS ASSURESCO et de ses annexes confirme que le chiffre d'affaires réalisé était passé de 248 389 € en 2007 à 212 387 € en 2008 et que résultat d'exploitation était passé de moins 33 477 € à moins 105 824 €, les charges exceptionnelles n'ayant aucune incidence à ce stade, il n'en demeure pas moins que la seule pièce versée aux débats en ce qui concerne la situation financière de la société ECA n'est pas de nature à établir que cette société était elle-même en difficultés, la fiche infogreffe se bornant à indiquer que le résultat était déficitaire de 336,00 € au 31 décembre 2007, ce qui ne permet pas d'en analyser les causes, et ce qui ne permet pas de déterminer si ce déficit était, ou non, conjoncturel, les résultats de l'année 2008 n'étant pas produits ;

Considérant qu'au regard de ces éléments, rien ne permet de retenir que le groupe avait en 2008, au moment où il a été procédé au licenciement de la salariée, des difficultés rendant ce dernier inéluctable ;

Considérant que c'est donc à tort que la juridiction de première instance a débouté [V] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Considérant qu'au regard notamment de l'ancienneté de [V] [U], de la rémunération qui était la sienne lors du licenciement et de la situation de chômage dont elle justifie jusqau'au 31 août 2009, il y a lieu de lui allouer la somme de 100 000,00 € ;

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision attaquée,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS ASSURESCO à payer à [V] [U] :

- 4 009,20 € d'indemnité de préavis et 400,92 € de congés payés afférents

- 46 743,20 € d'indemnité de licenciement

- 100 000,00 € de dommages-intérêts pour rupture abusive

- 4 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la SAS ASSURESCO à adresser, dans les deux mois de la notification de la présente décision un bulletin de salaires afférent au préavis et aux congés payés subséquents et une attestation POLE EMPLOI rectifiée et tenant compte du préavis et de l'indemnité de licenciement ainsi que de toute l'ancienneté de [V] [U],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS ASSURESCO aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/01009
Date de la décision : 03/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/01009 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-03;10.01009 ?
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