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03/11/2011 | FRANCE | N°08/04697

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 03 novembre 2011, 08/04697


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2011



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04697



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2008 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2007F00015





APPELANTS



S.A. ASSISTANCE TECHNIQUE LEVAGE

ayant son siège : [Adresse 2]



S.A.R.L. ATL PLATES-FOR

MES

ayant son siège : [Adresse 2]



Monsieur [H] [S]

demeurant : [Adresse 7]



représentés par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistés de Me Silvio ROSSI-ARNAUD, avocat au barr...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2011

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04697

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2008 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2007F00015

APPELANTS

S.A. ASSISTANCE TECHNIQUE LEVAGE

ayant son siège : [Adresse 2]

S.A.R.L. ATL PLATES-FORMES

ayant son siège : [Adresse 2]

Monsieur [H] [S]

demeurant : [Adresse 7]

représentés par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistés de Me Silvio ROSSI-ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant pour la SELARL BOTTAI & ASSOCIES,

INTIMES

SOCIETE CHANTIERS LEVAGE MANUTENTION

ayant son siège : [Adresse 5]

Monsieur [Y] [TB]

demeurant : [Adresse 4]

SOCIETE LORLEV

ayant son siège : [Adresse 11]

SOCIETE ATOUT LEVAGE

ayant son siège : [Adresse 3]

représentés par la SCP MONIN ET D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistés de Me Dominique MATHONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : A 773,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Patricia POMONTI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, présidente

Madame Patricia POMONTI, conseillère

Madame Irène LUC, conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SA Assistance Technique Levage ( ATL) a pour objet une activité de prestation de services et de négoce en matière de levage, manutention et transport Elle a pour principaux associés, Monsieur [H] [S], son président, et la SARL ATL Plates-Formes. Elle exerçait l'essentiel de son activité dans le cadre d'un établissement secondaire en région parisienne sis à [Adresse 8].

M.[H] [S] président du conseil d'administration de ATL et gérant de SARL ATL Plates-Formes, envisageant de prendre sa retraite, a recherché un repreneur.

Monsieur [Y] [TB] dirige la SA Lorlev qui a des participations dans 6 sociétés spécialisées dans le levage dont Atout Levage en région parisienne nord et a cherché à étendre son groupe dans ce secteur géographique.

C'est dans ces conditions que M.M [S] et [TB] sont entrés en relations.

Le 30 mars 2006, Monsieur [Y] [TB], a adressé à Monsieur [H] [S] un courriel, lui demandant de lui transmettre des données confidentielles de l'entreprise parmi lesquelles « l'organigramme, la liste du personnel avec indication des fonctions, âge, ancienneté et salaire, l'organisation commerciale et la management, avec un court CV des principaux cadres dirigeants ».

Il n'a plus donné de nouvelles à M.[S], faisant néanmoins effectuer un audit par l'expert comptable de Lorlev qui concluait défavorablement au projet de reprise.

En juin 2006, n'ayant aucune réponse de ses précédents interlocuteurs, Monsieur [H] [S] et la société Mediaco, autre acteur de ce secteur d'activité, se sont rapprochés afin d'envisager la reprise d'ATL par cette dernière.

Le 29 août 2006, un protocole d'accord d'acquisition a été signé entre ces derniers pour un prix d'acquisition de 5.700.000 euros, sous conditions suspensives de la confirmation par un audit et de la non survenance dans la période transitoire comprise entre la date de l'accord et le jour de la réalisation effective de la cession, d'un événement susceptible d'affecter la valeur de la société.

Toutefois la société ATL était alors confrontée à un départ massif de salariés dont son technico commercial.

Mediaco a pris acte de la démission de sept employés sur douze de la société ATL, et malgré un audit satisfaisant de la société ATL, a annoncé , par courrier en date du 28 novembre 2006, qu'elle renonçait à cette acquisition.

Le 13 septembre 2006, la société Atout Levage du groupe Lorlev a repris la société Chantiers Levage Manutention (CLM), sise à [Localité 9] (Essonne), Monsieur [TB] étant nommé président le jour même.

Par un constat d'huissier du 22 décembre 2006, dressé dans les locaux de la société CML à Morangis, il a été remis les deux dernières pages du registre d'entrée et de sortie du personnel et les déclarations d'embauche de M.M [C], [L], [K], [X], [R] et [V] ainsi que de Mme [D] , tous anciens salariés de ATL : il a été constaté la présence sur place de M. [L] et de Mme [D], Mme [F] indiquant que les autres personnes étaient sur des chantiers.

Dans ces circonstances, les sociétés ATL et ATL Plates-Formes ainsi que Monsieur [H] [S] ont, les 28 et 29 décembre 2006 assigné la société CLM et Monsieur [TB] agissant personnellement et en tant que dirigeant de la SA Lorlev et de la société Atout Levage devant le Tribunal de commerce d'Evry pour concurrence déloyale, débauchage massif de personnel et désorganisation d'entreprise.

Par jugement du 13 février 2008, le tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté la SA Assistance Technique Levage « ATL », Monsieur [H] [S] et la SARL ATL Plates-Forme de la totalité de leurs demandes

- débouté Monsieur [Y] [TB] et la SAS Chantiers Levage Manutention « CLM » de leur demande de dommages et intérêts, la disant non fondée

- condamné solidairement la SA Assistance Technique Levage « ATL », Monsieur [H] [S] et la SARL ATL Plates-Forme à payer aux défendeurs, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 4 mars 2008 par la SA Assistance Technique levage, la SARL Alt Plates-Formes et Monsieur [H] [S].

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 juin 2011 par lesquelles la SA Assistance Technique Levage, la SARL ATL Plates-Formes et Monsieur [H] [S] demandent à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement et, statuant à nouveau de juger que :

- la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage, se sont solidairement rendus coupables d'actes de concurrence déloyale, tenant à un débauchage massif et abusif de salariés, au préjudice des sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Forme, ainsi que de Monsieur [H] [S],

- par ces actes de concurrence la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du Groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage, ont solidairement commis une faute,

- la faute solidairement commise par la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage, a causé un préjudice aux sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Forme, ainsi qu'à Monsieur [H] [S],

- le préjudice subi par les sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Forme, ainsi que par Monsieur [H] [S] tient d'une part, en une désorganisation d'entreprise et, d'autre part, à l'échec de la réalisation du protocole de cession de titres conclu avec la société Mediaco,

- le préjudice subi par Monsieur [H] [S] consiste également en une perte de salaires et se trouve doublé d'une dimension morale,

- la désorganisation d'entreprise subie et le défaut de réalisation du protocole de cession de titres sont la conséquence directe de la faute et des agissements de la société Chantiers Levage Manutention et de Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage,

Condamner in solidum la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du goupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage à verser à :

- la société Assistance Technique Levage une somme de 1.000.000 d'euros en réparation de son trouble commercial,

- la société ATL Plates-Forme une somme de 2.552.460 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation à compter du 31 décembre 2006, pour compenser la perte sur le prix de vente,

- Monsieur [H] [S]

- une somme de 3.147.540 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation à compter du 31 décembre 2006, pour compenser la perte sur le prix de vente,

- une somme de 728.000 euros pour compenser la perte sur salaires,

- une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,

Condamner in solidum la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du goupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage, à verser aux sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Forme, ainsi qu'à Monsieur [H] [S] une somme de 15.000 euros, chacun, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir, dans cinq journaux et dans cinq revues spécialisées, ou non, au choix des appelants, sans que le coût de chaque publication, qui devra intégralement et solidairement être supporté par les intimés, ne puisse excéder la somme de 5000 euros HT.

Débouter la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Sur l'existence d'un acte de concurrence déloyale :

Sur l'existence de fautes : les concluantes rappellent qu'un débauchage, massif ou non, devient abusif lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de man'uvres déloyales contraires à la probité commerciale. Le caractère abusif de ce débauchage doit être apprécié à travers un faisceau d'indices.

Les appelantes relèvent de nombreux indices caractérisant une faute, notamment la demande de communication de données confidentielles le 30 mars 2006 au prétexte de réaliser un audit, la démission et le recrutement de Monsieur [L], cadre responsable commercial ou encore le fait que les salariés concernés aient démissionné postérieurement à la reprise de la société CLM.

Elles font valoir la faute personnelle de Monsieur [TB], d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales, ayant consisté à faciliter la commission d'actes de concurrence déloyale de la part de trois sociétés dont il assure la direction, en utilisant les informations portées à sa connaissance, à la suite à sa demande de communication du 30 mars 2006, pour débaucher massivement et abusivement les salariés de la société ATL.

Sur l'identification d'un lien de causalité : le débauchage massif et abusif de salariés aurait causé d'une part la désorganisation totale de l'entreprise ce qui l'a conduit à cesser son activité et d'autre part a empêché la reprise de la société ATL par la société Mediaco.

Sur le préjudice :

Le préjudice de la société ATL : le préjudice consiste pour cette entreprise en la cessation de son activité. En effet, elle n'a pu poursuivre son travail car elle a perdu très vite l'essentiel de ses salariés qu'elle n'a pu remplacer compte tenu de la pénurie de main d'oeuvre dans ce secteur d'activité.

Le préjudice des actionnaires de la société ATL : Il s'agit d'un préjudice de perte de chance de Monsieur [S] et de la société ATL Plates-Formes de percevoir le prix de vente fixé dans le protocole de cession de titres conclu avec la société Mediaco. Seul le débauchage massif aurait empêché la conclusion de ce contrat.

Sur la réponse à l'argumentaire adverse :

Elles contestent l'analyse de la situation économique et financière de la société ATL et metttent en cause l'audit réalisé par l'expert comptable de Lorlev;

Elles relatent tout particulièrement le débauchage de Monsieur [L] en raison de sa position stratégique au sein de ATL, faisant état de manoeuvres pour le dissimuler sous couvert d'annonces d'emploi opportunes, d'un audit à posteriori, d'une attestation de Madame [D] ou encore d'une rémunération déguisée.

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 juin 2011 par lesquelles la société Chantiers Levage Manutention, Monsieur [Y] [TB] et la société Lorlev SA Lorraine Levage demandent à la Cour :

- d'infirmer la décision du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'elle a débouté Monsieur [Y] [TB] et la SAS Chantiers Levage Manutention de ses demandes de dommages et intérêts et condamner solidairement les appelants à verser aux intimés la somme de 30.000 euros pour abus de droit d'ester en justice,

- de la confirmer pour le surplus et de condamner solidairement la SA Assistance Technique Levage, Monsieur [H] [S] et la société Atl Plates-Forme à payer 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur l'absence d'acte de concurrence déloyale :

Sur la faute : Les concluantes considèrent d'abord que la charge de la preuve incombe à la société ATL et à ses actionnaires. Or, celle-ci doit prouver l'existence de man'uvre et ne peut se contenter d'apporter de simples présomptions graves, précises et concordantes. Elles font observer que les salariés n'avaient pas de clause de non-concurrence et ont respecté leur préavis et prétendent que les appelants seraient ainsi eux-mêmes responsables de la démission massive du personnel, en procédant à la vente de toutes leurs grues au fur et à mesure entre 2005 et 2006, marquant leur choix de cesser leur activité en incitant les salariés à partir et leur permettant de plus aux appelants de se « débarrasser » de leur personnel à moindre frais.

Sur le préjudice :

Les intimées considèrent qu'il n'existe aucun préjudice commercial lié au départ des salariés de chez ATL car d'une part une partie des clients les plus importants de ATL était déjà des clients de CLM, d'autre part, CLM n'aurait pas détourné la clientèle à son profit.

Il n'existerait pas non plus, selon les défenderesses, de préjudice de perte de chance en raison de la remise en cause de la cession de ATL à Mediaco. La proposition de cette dernière ne serait pas sérieuse. Elle n'aurait en effet eu aucun intérêt à acheter une telle entreprise car elle était déjà implantée dans cette région. La somme démesurée de 5.700.000 euros n'aurait été proposée par Médiaco pour le rachat de ATL que pour dissuader sa concurrente directe, à savoir Lorlev, de racheter ATL. L'abandon du projet d'achat de cette dernière ne serait que la preuve de la stratégie de Mediaco.

Sur les conclusions adverses :

Les défenderesses exposent que les appelantes ont transmis les mêmes informations confidentielles à Mediaco afin de lui permettre de réaliser son audit.

Elles affirment que ce ne sont pas 7 personnes sur 12 que Monsieur [TB] a embauchées chez CLM, mais 6 personnes sur 19 et que ces recrutements ont été régulièrement précédés d'annonces d'embauche.

Elles soutiennent que la proposition de Mediaco à la société ATL était d'autant moins fondée que Monsieur [S] était un ancien cadre dirigeant de cette entreprise, qu'il l'a assignée et a obtenu sa condamnation devant le Conseil des prud'hommes.

Elles font valoir que l''arrêt de l'activité a été décidé antérieurement au départ de ces salariés, l'appelante ayant vendu progressivement une partie de ses grues et ensuite laissé partir ses salariés sans essayer de les remplacer.

Elles ajoutent que la société CLM présentait une situation économique et financière beaucoup plus saine que celle de ATL et que, si Mediaco a décidé de résilier le protocole en raison du départ de 5 personnes chez CLM, il est fort probable qu'elle en aurait fait autant avant le 31 décembre 2006 en raison à la fois du départ de quatre autres personnes totalement imputable à ATL et de l'absence de diligence de cette dernière pour remplacer les 9 personnes ainsi parties.

Sur ce

sur la concurrence déloyale

Considérant qu'il convient de relever qu'à l'occasion de discussions sur la reprise de ATL au sein du groupe Lorlev, par courriel du 30 mars 2006 M.[TB], président du groupe Lorlev a demandé à M.[S] communication de données confidentielles « pour établir une évaluation de votre société » ;

Qu'il a été précisé une liste d'informations par rubrique à savoir :

- des informations juridiques (statuts, liste exhaustive des actionnaires avec le nombre d'actions détenues), liste des filiales et participations éventuelles

- les activités de l'entreprise (description des activités, décomposition du parc, évolution historique du parc, risques, avantages, principaux concurrents : forces et faiblesses par rapport aux concurrents, principaux fournisseurs, litiges clients/fournisseurs, montant, commentaires)

- organisation de l'entreprise (organigramme, liste du personnel avec indication des fonctions, âge, ancienneté et salaire, organisation commerciale, management :court CV des principaux cadres dirigeants)

- moyens d'exploitation (terrains et immeubles, principaux matériels et installations)

informations financières (rapport d'évaluation, le cas échéant, trois derniers bilans + annexes + rapports des commissaires aux comptes, prévisionnel 2004 et au delà si possible, investissements prévus, nature, montants, évolution de la trésorerie, détail du parc, retraitement des crédits baux, plus-values latentes...),

- autres informations (litiges en cours, derniers contrôles URSSAF et fiscal) ;

Que par ce même courriel, M.[TB] indiquait « je reprendrai contact avec vous mi avril pour fixer une date de rendez vous sur [Localité 10] » ;

Que M. [S] indique avoir communiqué la totalité des renseignements souhaités mais n'avoir ensuite eu aucune nouvelle de son interlocuteur ce qui n'est pas contesté ;

Qu'il convient de relever que cette liste était extrêmement détaillée et portait sur des renseignements confidentiels qui ne présentaient aucun intérêt dans le cadre d'une première approche destinée à apprécier la valeur financière de l'entreprise ;

Que M.[TB] indique avoir immédiatement donné mission à son expert comptable de réaliser un audit sur la base des documents qu'il lui remettait ;

Qu'il verse une première attestation de celui-ci qui indique « Je suis expert comptable de la société Atout Levage basée [Adresse 1] . M.[W] [TB] m'a demandé début mai 2006 de réaliser une étude de faisabilité au sein de la Société ATL et ce dans le cadre d'un projet de croissance externe au sud de [Localité 10]. Je suis intervenu au siège de la société ATL situé à [Localité 6] le 19/5/2006;Monsieur [H] [S], dirigeant d'ATL m'a remis l'ensemble des documents comptables et financiers me permettant d'arrêter une valorisation de cette société.Lors du déjeuner avec Monsieur [H] [S] ce dernier m'a fait part d'un prix de cession de 2 500 000 à négocier » ;

Qu'il convient de constater, outre les divergences entre les dires de M.[TB] et l'attestation de l'expert comptable, que l'audit effectué a pris pour base les comptes annuels de la société ATL lesquels étaient librement accessibles par simple consultation au greffe du tribunal de commerce ;

Que l'audit produit par M.[TB] n'est ni daté ni signé ;

Que, de plus, au terme de l'attestation, cet audit ne pouvait se baser que sur des pièces remises le 19 mai 2006, alors qu'il mentionne un endettement de 1 617 000€ au 31 mai 2006 et dans ses conclusions évoque « l'impact réel du départ du responsable commercial non maitrisé », étant observé que ATL ne comptait qu'un seul responsable commercial, M.[L] qui n'a démissionné que le 23 septembre 2006 ;

Que dans une nouvelle attestation , l'expert comptable confirme la réalisation de cet audit et explique que d'une part s'il a écrit dans son rapport « endettement de 1 617 00€ au 31 mai 2006 », il s'agit en réalité « d'une projection en effet les derniers comptes arrêtés datant de décembre 2005 » et d'autre part qu'il a évoqué comme responsable commercial M.[P], directeur d'agence, pourtant licencié en janvier 2006 pour faute grave ;

Que la cour relève ces discordances et observe qu'en toutes hypothèses les demandes faites personnellement par M.[TB] ont dépassé les besoins de l'étude de faisabilité confiée à son expert comptable et a constitué un véritable déshabillage de l'entreprise;

Qu'il s'ensuit que la demande de M.[TB], accompagnée de l'engagement d'un prochain rendez-vous y faisant suite, n'a donc été guidée que par le seul dessein d'accéder à des données confidentielles notamment celles relatives au personnel, l'audit ne s'étant nullement appuyé sur ces pièces ;

Qu'ainsi M.[TB] a profité du projet de cession de la société ATL pour obtenir des renseignements confidentiels la concernant et l'un de ces éléments essentiels à savoir son personnel ;

Que les renseignements ainsi recueillis devaient se révéler extrêmement précieux pour M.[TB] dans la conduite de son projet d'extension de son groupe en région parisienne ce qui est démontré par l'analyse comparative de la situation salariale de la Société ATL et de la société CML dont M.[TB] décidera de la reprise ;

Qu'en mai 2006 la société ATL comptait un effectif de 18 salariés dont deux cadres administratifs, Mme [M] [D], cadre responsable et M.[E] [L], cadre technico commercial, ce dernier présent dans l'entreprise depuis plusieurs années et 10 grutiers ;

Que la situation salariale de CML se caractérisait, avant sa cession, par le départ, plusieurs mois auparavant, de son seul cadre technico commercial ;

Qu'ainsi Mme [F], salariée de CLM depuis 1982 indique , concernant :

1°) l'embauche de M.[V], grutier au sein de ATL, celui-ci a contacté CLM en janvier 2006 voulant quitter ATL « car la grue de 70 tonnes qu'il conduisait avait été vendue et non remplacée; qu'il avait rappelé au mois de mai 2006 mais que CML n'avait toujours aucun poste de grutier à pourvoir, et seulement une possibilité avec un départ à la retraite programmée au 31/08/2006 ; qu'elle ajoutait « nous avons recontacté M.[G] [V] et il est rentré dans la société le 20.06.2006 et a travaillé avec [B] [TF] jusqu'à son départ le 31.08.2006 ([G] [V] ne connaissait pas les matériels de marque Grove et Liebherr) » ;

2°) les mouvements de personnel« la recherche de grutiers en région parisienne est très délicate étant donné que les offres sont nettement supérieures aux demandes et les mouvements de personnel de société à société très courant ; Je vous donne un exemple :le 11/04/2006 notre commercial quitte notre société. Il va travailler chez un confrère Action Levage et essaie de débaucher plusieurs grutiers; deux d'entre eux le suivront dans sa nouvelle société soit [U] [T] le 04/10/2006, [A] [N] le 20/10/2006.Ces deux défections expliquent également nos embauches du mois d'octobre 2006 » ;

Qu'il résulte de cette attestation que, pour les postes de grutiers, lorsque M.[V] s'est manifesté, CML n'avait pas besoin de ses compétences qui étaient spécifiques au type de grue utilisée chez ATL, ne lui a fait aucune proposition et l'intéressé n'a pas pour autant quitté ATL ce qui démontre que la vente de la grue avec laquelle il travaillait n'était en rien déterminante de la pérennité de son emploi au sein de ATL ; qu'il résulte de cette attestation que c'est CML qui est venu le chercher et a assuré sa formation et ce alors que M.[TB] avait été mis en possession de renseignements sur le profil de ce salarié, et ce peu avant la reprise de CML par Atout Levage ;

Qu'elle met en évidence que le poste de technico commercial était en revanche vacant dans cette société depuis plusieurs mois et qu'il s'agit d'un poste clé, le départ du cadre concerné pouvant entrainer celui de salariés opérationnels ;

Qu'il est dès lors pour le moins étonnant que la première offre pour pourvoir au remplacement d'un poste aussi essentiel que celui de technico commercial, libre depuis plusieurs mois, ne soit intervenue que le 18 septembre 2006 soit 5 mois après et qu'en revanche 5 jours après M.[L] qui occupait des fonctions identiques au sein de ATL ait brutalement démissionné, demandant à être dispensé de préavis ; qu'il ne peut l'avoir fait qu'en ayant la certitude d'une embauche assurée ;

Qu'il sera effectivement embauché par CLM le 24 octobre 2006 dans des conditions plus avantageuses ;

Qu'au sein de ATL il a perçu du 1er janvier au 30 septembre 2006 une rémunération cumulée de 24 750€ tandis que pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2007, chez CML, son salaire cumulé s'est élevé à 31 370€ soit une augmentation de 26,7% ; qu'il a bénéficié dans les deux cas d'un véhicule de fonction ; que l'argument selon lequel son véhicule de fonction était un véhicule quatre places chez ATL et n'était plus qu'un véhicule deux places ne démontrant pas une régression de l'avantage dès lors que CML n'apporte aucune précision sur le véhicule dont il s'agit ;

Qu'en décembre 2007 il a perçu un 13ème mois soit 3 200€ ce qui démontre que son salaire mensuel correspond à ce montant alors qu'il n'était que de 2 750€ chez ATL ;

Que de plus au cours de l'année 2007 il a été gratifié d'une prime exceptionnelle pour des montants allant de 350 à 1 150€ ;

Que ces éléments mettent en évidence une volonté manifeste de dissimuler la réalité des avantages financiers qui lui ont été octroyés et qui ont été décisifs de son départ de chez ATL ;

Que la brutalité de sa démission, sa demande à être dispensé d'exécuter son préavis ne peuvent résulter que de l'assurance d'une embauche à la clé ; qu'elle a précédé de quelques jours la désignation de M.[TB] à la tête de CML ;

Que, son départ présentait un caractère incitatif pour les autres salariés ;

Qu'à partir du 23 septembre soit 10 jours après la prise de contrôle de CML et la nomination de M.[TB] aux fonctions de Président soit en l'espace de 7 semaines , 7 des 12 employés opérationnels de ATL vont démissionner et rejoindre ATL dans les jours suivants dont 5 grutiers et un cadre à savoir ;

- [D] [M] : démission le 9 novembre /recrutement le 20 novembre soit 11 jours après,

- [L] [E] : démission le 23 septembre /recrutement le 24 octobre soit 31 jours après,

- [K] [O] :démission le 27 octobre /recrutement le 3 novembre soit 6 jours après

- [X] [J] :démission le 10 novembre /recrutement le 20 novembre soit 10 jours après,

- [C] [I] :démission le 29 septembre /recrutement le 6 octobre soit 7 jours après,

- [R] [Z] :démission le 14 novembre /recrutement le 1er décembre soit 16 jours après ;

Que cette concomitance répétée ne peut constituer une simple coïncidence mais caractérise une politique salariale d'embauche massive au regard de la masse salariale de chacune des sociétés et portant sur un personnel ciblé ;

Que de plus ces embauches sont intervenues dès la reprise de la société CML sans qu'il soit démontré de besoins immédiats de grutiers à la hauteur de l'embauche effectuée, l'attestation de Mme [F] relatant au plus un besoin de deux grutiers supplémentaires en raison de démissions imprévues ;

Que les annonces passées par Atout Levage ne démontrent pas que CML a procédé à la recherche en nombre de salarié, ni à des entretiens d'embauche qui n'auraient pas manqué de mettre en concurrence des candidats autres que des salariés venant exclusivement de ATL ;

Que de plus il convient de relever que tous les salariés démissionnaires de ATL ont été embauchés par CML et que celle-ci n'a procédé à aucune autre embauche soit 7 salariés tous qualifiés en 7 semaines ;

Qu'ainsi s'agissant du poste de M.[L], elle justifie d'une seule annonce pour un poste de technico commercial parue les 18 et 25 septembre alors qu'il a démissionné le 23 septembre ce qui laisserait supposer une démission sans assurance d'emploi ;

Que la même observation peut être faite pour M.[X] qui a démissionné un jour après la parution de l'offre et pour M.[R] qui a démissionné 5 jours après ;

Que M.M [K] et [C] ont démissionné avant la parution des offres ;

Que Mme [D] indique qu'à la suite d'une demande téléphonique de sa part, CML lui a indiqué « qu'une annonce dans le Républicain était en parution » ;

Que si des salariés sont libres de quitter leur entreprise et si M.[TB] évoque des conflits sociaux pour expliquer le départ des salariés, il ne produit d'autres attestations que celles des anciens salariés qu'il a recrutés ;

Que s'agissant de Mme [D], ancienne salariée de ATL, recrutée par CML, elle ne relate aucun conflit et son attestation démontre qu'elle a démissionné avant même la parution des annonces par CML ; que par ailleurs elle n'indique pas que son nouveau salaire a été moindre que celui perçu chez ATL et la seule production de deux bulletins de salaire, l'un de ATL, l'autre de CML étant insuffisant pour en faire la démonstration d'autant que le bulletin de salaire de CML comprend un congé de 5 jours pris sans solde ;

Que la société ATL justifie que les seuls licenciements auxquels elle a procédé, étaient fondés sur des motifs légitimes ;

Que de plus la démission n'ouvre pas droit pour les salariés aux indemnités ASSEDIC et aurait constitué un risque important pour ceux-ci, lequel ne peut s'expliquer que par l'assurance qu'ils avaient d'être réembauchés ;

Que de plus M.[L], en renonçant à son préavis , a perdu la rémunération afférente ; que ce renoncement ne pouvait qu'être induit par la certitude d'une embauche quasi immédiate ;

Que si l'ensemble de ces salariés étaient libres de quitter ATL pour une autre entreprise , il n'est pas démontré qu'ils aient répondu à d'autres demandes alors même qu'il n'est pas contesté que les offres d'emplois sont nombreuses dans ce secteur ;

Que la programmation d'une reprise de ATL par Mediaco ne saurait expliquer ces départs brutaux dès lors que Médiaco est la première société de levage en France et compte 1 500 salariés et 600 grutiers en région parisienne et que CML était une entreprise beaucoup plus modeste qui avait connu des pertes en 2004 et qui, si elle avait renoué avec des bénéfices depuis lors, était néanmoins nécessairement en difficulté en l'absence de technico commercial depuis plusieurs mois ;

Que ATL démontre qu'elle avait une politique d'investissement importante soit pour les exercices 2005 et 2006 plus de 1 150 000€ et que les ventes de grues auxquelles elle a procédé ne mettaient pas en péril l'emploi de ses grutiers ce qui résulte de l'attestation de Mme [F], salariée de CML concernant le cas du grutier [V] ;

Que, de plus, M.[S] avait négocié avec Mediaco son maintien en activité comme cadre salarié démontrant ainsi son souhait de voir pérenniser son entreprise ;

Que l'examen comparatif des sociétés ATL et CML avant l'opération de rachat met en évidence qu'au titre des trois exercices précédents, ATL a eu un chiffre d'affaires annuel constant de 3 500 000 € et que tous ses exercices sont bénéficiaires tandis que CML dont le chiffre d'affaires annuel est de 2 300 000€ a subi une perte en 2004 ;

Que M.[TB] affirme que la reprise de ATL était trop onéreuse et ce avant même d'avoir entamé la moindre négociation sur le prix alors que son expert comptable précise que le prix restait à 'négocier' ;

Que le chiffre d'affaires de CML, au titre de son premier exercice suivant son rachat et la reprise des salariés de ATL atteindra subitement la somme de 3 781 406€, chiffre correspondant à la production jusque là engendrée par ATL ce qui démontre l'impact des recrutements ciblés opérés, d'autant que M.[TB] explique que CML et ATL partageaient un certain nombre de clients importants ; que dès lors le départ de son personnel mettait ATL dans l'impossibilité de les satisfaire, ceux-ci, déjà clients de CML, étaient de fait conduits à s'adresser à celle-ci avec l'avantage d'y retrouver des salariés dont ils avaient l'habitude ;

Qu'il s'ensuit que M.[TB], son groupe et la société CML ont utilisé leur parfaite connaissance du tissu salarial de ATL, obtenue dans des conditions déloyales et en ont fait un usage abusif pour conduire la politique de recrutement de CML, octroyant au cadre technico commercial de ATL des avantages financiers déterminants ; que ce débauchage n'a pu que déstabiliser le reste du personnel, s'agissant d'une petite équipe et a permis à CML de poursuivre ses recrutements parmi des salariés ciblés au sein de ATL, de dépouiller celle-ci de son potentiel et de dissuader son repreneur d'en poursuivre l'acquisition ;

Que, par cette stratégie déloyale, ils ont vidé ATL d'une partie de sa substance en la privant de son potentiel humain contribuant à sa désagrégation au profit d'une société concurrente dont ils étaient les repreneurs et du groupe dont M. [TB] assurait la direction ;

Que M. [TB] a ainsi manifestement abusé de sa position de dirigeant du groupe pour obtenir et utiliser les renseignements confidentiels remis par M. [S] ; qu'il y a lieu de retenir sa responsabilité à titre personnel et ès-qualités ;

Que de ce fait Mediaco a abandonné sa proposition de reprise qu'elle avait renouvelé par courrier du 9 octobre 2006 soit après la reprise de la société CML par le groupe Lorelev et ce dans le cadre d'une stratégie de développement en région parisienne ;

Que le 26 novembre 2006 Mediaco écrit « ainsi en quelques semaines la société a perdu la moitié de ces grutiers opérationnels et ses deux seuls cadres dirigeants. La valeur de cette société aujourd'hui en plein bouleversement n'a bien entendu , plus aucun rapport avec celle de la société organisée que nous avions convenu de reprendre » ;

Considérant qu'aucun élément ne permet de douter du sérieux de la proposition faite par Mediaco, ni de supposer que celle-ci était uniquement destinée à faire obstacle à une reprise par le groupe Lorlev dès lors que ce dernier n'a, à aucun moment, mené des négociations ;

Que le fait que M.[S] ait été salarié de la société Mediaco avec laquelle il a eu un litige prud'homal n'apporte pas davantage la preuve que Mediaco n'aurait pas poursuivi son projet, pas plus que le licenciement de quatre salariés en décembre 2006 après son renoncement ;

Considérant en conséquence que le débauchage massif et abusif portant sur un total de 7 salariés, opéré sur une brève période a désorganisé ATL, faussant le jeu de la libre et loyale concurrence en faisant perdre aux titres de la société ATL leur valeur de marché, celles-ci devant découler de la confrontation loyale de l'offre et de la demande laquelle n'a pas pu avoir lieu en raison la dévalorisation de CML résultant de la perte d'un élément stratégique à savoir l'essentiel de son potentiel humain opérationnel.

sur le préjudice

Considérant qu'aucun élément ne permet de douter du sérieux de la proposition faite par Mediaco ;

Considérant que la société ATL expose avoir subi un préjudice résultant de sa désorganisation ;

Qu'en perdant dans un bref délai 7 de ses salariés et alors qu'elle se trouvait dans une perspective de reprise , la société ATL a subi une désorganisation et à l'évidence n'a pas pu répondre aux demandes de ses clients ;

Que si elle fait état de la difficulté de remplacer ce potentiel et si elle affirme qu'elle n'a, en conséquence, eu d'autre choix que de vendre son matériel pour honorer ses engagements et éviter un dépôt de bilan, cessant de fait son activité, elle ne justifie pas que cette option résulte d'une impossibilité de se réorganiser dans la mesure où elle n'apporte aucun élément permettant à la cour de constater qu'elle a cherché à pallier le départ de ses salariés par de nouveaux recrutements ; que son choix de vendre progressivement son matériel après avoir été victime du débauchage d'une partie essentielle de son personnel constitue un choix de gestion ; qu'au cours de la période postérieure, la société n'a pas enregistré de perte ; qu'elle ne saurait demandé réparation du fait de son inactivité ;

Qu'il y a lieu d'observer que ses résultats financiers ont été respectivement de 46 003€ en 2005 et de 42 901€ en 2004 ; que ceux-ci résultaient notamment de l'efficacité de son personnel et que le débauchage l'a privée d'un tel résultat pendant le temps nécessaire à sa réorganisation ;

Qu'en conséquence la cour estime le montant du préjudice de la société ATL en réparation de son trouble commercial à la somme de 45 000€ ;

Que les actionnaires, M.[S] et la société ATL Plates-Formes font état de leur préjudice personnel dès lors qu'en vertu du protocole de cession de titres conclu avec Mediaco, ils devaient respectivement recevoir les sommes de 3 147 540€ et 2 552 460€ soit un total de 5 700 000€ ;

Que ceux-ci ont dès lors perdu un chance de percevoir ce prix ;

Que par un courrier recommandé du 9 octobre 2006 , Mediaco a écrit « les opération d'audits juridiques et comptables des 25 et 26 septembre derniers se sont parfaitement déroulées,..leurs premières conclusions sont conformes à nos attentes et ne révèlent pas de risques susceptibles de remettre en cause nos accords; la réalisation de la cession devrait ainsi respecter les délais prévus par le protocole » ;

Que ce protocole prévoyait que M.[S] serait recruté par contrat à durée indéterminé en tant que directeur moyennant une rémunération annuelle nette de 104 000€ outre divers avantages ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les négociations avec Mediaco étaient avancées et que le repreneur ne faisait aucune remarque sur le prix ;

Que toutefois la réparation de ce préjudice ne peut correspondre au prix de vente des actions, étant observé que ATL Plates-Formes et M.[S] sont toujours en possession de leurs titres ;

Que s'agissant du contrat à durée déterminé promis à M.[S], il convient de relever que celui-ci a expliqué la cession de ses titres par son désir de prendre sa retraite ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait arguer d'une perte de chance d'obtenir ce contrat ; que par ailleurs la société ATL ayant poursuivi son activité, fût-ce momentanément par la revente des matériels de la société, il avait la possibilité d'avoir un statut de dirigeant salarié ; qu'il y a lieu de rejeter ce chef de demande ;

Qu'il convient en conséquence de fixer le préjudice résultant de la perte de chance de céder leurs titres à 1 500 000€ pour M.[S] et à 1 200 000 pour la société ATL Plates-Formes ;

Considérant que M. [S] a subi un préjudice moral que la cour estime à 10 000€ ;

Considérant que les faits caractérisent un comportement déloyal et ont causé un trouble commercial à l'occasion d'une opération de cession d'entreprise, troublant l'ordre économique ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de publication mais de la limiter à cinq journaux ou revues spécialisées ;

Et considérant que M.[S] et la société ATL ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de la société CML et de M.[TB] à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 13 février 2008 par le tribunal de commerce d'Evry,

Dit que la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage se sont solidairement rendus coupables d'actes de concurrence déloyale tenant à un débauchage massif et abusif de salariés au préjudice des sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Formes ainsi que de M.[H] [S],

Que la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev, ainsi que de la société Atout Levage ont solidairement commis une faute qui a causé un préjudice aux sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Formes ainsi qu'à M.[H] [S],

Condamne in solidum la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage à payer :

- la somme de 45 000€ à la société ATL en réparation de son préjudice commercial,

- la somme de 1 500 000 à M.[S] au titre de sa perte de chance de céder ses titres, assorti des intérêts légaux avec capitalisation à compter du 31 décembre 2006,

- la somme de 10 000€ en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 1 200 000€ à la société ATL Plates Formes assorti des intérêts légaux avec capitalisation à compter du 31 décembre 2006,

Rejette toute autre demande, fin ou conclusion,

Condamne in solidum la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage à payer aux sociétés Assistance Technique Levage et ATL Plates-Formes ainsi qu'à M.[H] [S] la somme de 15 000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Chantiers Levage Manutention et Monsieur [Y] [TB], ce dernier agissant à titre personnel et pour le compte du groupe Lorlev ainsi que de la société Atout Levage aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Ordonne à titre de réparation complémentaire la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues spécialisées au choix des appelants sans que le coût de chaque publication qui sera intégralement et solidairement supporté par les intimés ne puisse excéder la somme de 5 000€.

Le Greffier

A. BOISNARD

La Présidente

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/04697
Date de la décision : 03/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°08/04697 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-03;08.04697 ?
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