Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06559
Décisions déférées à la Cour :
- Jugement du 25 Avril 2006 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/08233
- Arrêt du 26 Avril 2007 - Cour d'Appel de Paris - RG n° 06/08846
- Arrêt du 10 Décembre 2009 - Cour de Cassation - RG n° 1985 F - D
DEMANDEURS A LA SAISINE
Monsieur [Y] [C] [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour
assisté de Me Slimane GACHI, avocat au barreau de Paris, toque : G 0444
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/3752 du 24/02/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Madame [U] [S] [E] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour
assistée de Me Slimane GACHI, avocat au barreau de Paris, toque : G 0444
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
SOCIETE MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE ASSURANCES CAUTION-PROTECTION CHOMAGE prise en la personne de son président du conseil d'administration
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par la SCP LAGOURGUE ET OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Eugénie ZYLBERWASSER-ROUQUETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2390
POUR DÉNONCIATION
S.A. CREDIT LYONNAIS, pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2], et encore [Adresse 3]
[Localité 5]
assignée et défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
*************
Par acte notarié en date du 13/05/1993, les époux [W] ont acquis un pavillon d'habitation, à titre de résidence principale, financé à l'aide d'un prêt, de 477.000FF
(72.718,18 €), remboursable en 240 échéances mensuelles, souscrit auprès du Crédit Lyonnais. Ce prêt était garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle . Le 25.02.1993, Monsieur [W] a adhéré, par l'intermédiaire du CIRCI, à l'assurance du Groupe MNCAP ( Mutuelle Nationale des Constructeurs et Accédants à la Propriété), afin d'être garanti contre les risques décès, incapacité de travail, invalidité et protection chômage . Parallèlement, il a demandé le 25/2/1993, le bénéfice de la garantie de bonne fin financière du Famug auprès de la MNCAP. A la suite de la réforme du code de la nationalité, les crédits cautionnés par le Famug ont été transférés à la MNCAP-AC, le 1/1/2003 .
Les échéances d'avril et mai 1995, puis celles des mois de juillet et août n'ont pas été acquittées . Le 29/8/1995, le Crédit Lyonnais a informé la MNCAP de ce que Monsieur [W] était redevable d'une somme de 22.918,61 € représentant les dernières échéances impayées par ce dernier . Le 18/1/1999, la MNCAP a confirmé au Crédit Logement, mandataire du Crédit Lyonnais, que le Famug s'était porté caution 'en garantie des pertes finales' et ne pouvait en conséquence intervenir qu'après 'épuisement des actions amiables et contentieuses de recouvrement de créances, à la charge des organismes prêteurs et présentateurs'. Le 18/01/1999, la banque a prononcé la déchéance du terme pour non paiement des échéances du prêt . Le 11/3/1999, Monsieur [W] a informé le CIRCI de son licenciement, intervenu le 18/12/1998, pour motif économique . La MNCAP est intervenue en garantie au titre de l'assurance protection chômage pour la période du 18/12/1998 au 31/1/2000 et a versé à Monsieur [W] la somme de 6.925,67 € .
Le 7/6/1999, le Crédit Logement a confirmé à la MNCAP l'engagement d'une procédure de saisie immobilière sur le bien de Monsieur [W] suite à des impayés constatés depuis décembre 1997 . Par exploit du 16/6/1999, le Crédit Lyonnais a fait délivrer un commandement de saisie immobilière, suivi d'une sommation, le 13/12/1999, d'assister à l'audience éventuelle du 20/1/2000 et à celle d'adjudication du 24/2/2000 .
Par acte du 11/4/2000, les époux [W] ont assigné le Circi, le Crédit Logement, et le Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Meaux afin de voir juger que la procédure de saisie immobilière avait été engagée à tort et obtenir le paiement des sommes qu'ils estimaient leur être dues . Ils ont invoqué également la mise en oeuvre du contrat d'assurance et du contrat de cautionnement MNCAP.
Par jugement du 26/4/2001, le tribunal de grande instance de Meaux les a déboutés de leurs demandes . Le 12/12/2003, la cour d'appel a confirmé cette décision .
Entre-temps, le 19/6/2000, le Circi a informé le Crédit Logement de la résiliation du contrat d'assurance . Parallèlement, le Circi a demandé au Crédit Logement la restitution des prestations versées au titre de la garantie protection chômage .
Le bien immobilier a été vendu à l'audience du 18/3/2004.
Les époux [W] ont assigné le Crédit Lyonnais, la MNCAP et Monsieur [P] [M], adjudicataire, devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement rendu le 25/4/2006, cette juridiction a, dans ses dispositions essentielles, donné acte au Famug de ce qu'il est devenu la MNCAP-AC, s'est déclaré incompétente pour connaître des demandes formées par les époux [W] en nullité du commandement à fin de saisie immobilière et de ses suites, a constaté que les époux [W] restaient débiteurs de mensualités impayées à hauteur de la somme de 40.943,48 FF lors du prononcé de la déchéance du terme, a constaté que cette somme était en tout cas largement supérieure au montant des sommes ayant figuré sur les relevés de comptes au titre de divers frais et agios en 1995 et 1996, a constaté que la déchéance du terme avait été régulièrement prononcée le 18/1/1999 et a débouté les époux [W] de toutes leurs demandes à l'encontre du Famug devenu la MNCAP-AC .
Par arrêt rendu le 26/4/2007, la 15éme chambre Section B de la cour d'appel de Paris
a confirmé le jugement entrepris, et y ajoutant, a condamné les époux [W] à payer à la MNCAP-AC la somme de 6.925,27 € .
Le 10/12/2009, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt susvisé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a rejeté les demandes présentées par les époux [W] contre la MNCAP et y ajoutant les a condamnés au paiement de la somme de 6925,27 €, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient et les a renvoyés devant la cour d'appel de Paris autrement composée .
Par conclusions signifiées le 26/5/2011, Madame [U] [S] [E] épouse [W] et Monsieur [Y] [W], demandeurs à la saisine, demandent à la cour de rejeter l'exception d'irrecevabilité présentée par la MNCAP, au fond d'infirmer le jugement déféré, et de condamner la MNCAP à leur payer les sommes de 506.422,07 € au titre de la réparation de leur préjudice matériel, 350.000 € au titre de la réparation de leur préjudice moral, 80.000 € au titre des frais de procédure, avec intérêts au taux légal à compter du 26/5/2005 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, ainsi que celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Par conclusions signifiées le 17/6/2011, la MNCAP, défenderesse à la saisine, demande à la cour de déclarer les époux [W] irrecevables en leur appel, au fond, de confirmer le jugement entrepris et de les condamner à lui verser la somme de 6. 925,27 € et celle de 3.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Les époux [W] ont dénoncé leurs conclusions au Crédit Lyonnais par acte signifié à personne le 30/5/2011.
SUR CE
Considérant que c'est par suite d'une erreur purement matérielle que la MNCAP
demande à la cour de déclarer l'appel des époux [W] irrecevable ; qu'en réalité elle soutient que les demandes qu'ils forment sont irrecevables, car nouvelles en appel ;
Considérant que les appelants prétendent 'que la responsabilité contractuelle de la MNCAP est d'autant plus évidente qu'elle est triple; (qu'elle) est due en sa qualité d'assureur du prêt, de caution et de garantie de bonne fin financière' ; que, tout d'abord, la qualité d'assureur de la MNCAP n'a jamais été contestée ; que l'adhésion à l'assurance de groupe souscrire par le Crédit Lyonnais auprès de la MNCAP, avait précisément pour but de les garantir contre les risques décès, incapacité de travail, invalidité et chômage ; que la MNCAP a résilié de façon brutale et fautive en violation des disposition d'ordre public de l'article
L 141-3 du code des assurances, le contrat d'assurance par courrier en date du 19 juin 2000, ce que la cour de cassation a constaté ; qu'elle a commis une faute et doit donc les
indemniser ; qu'ils ont, ensuite, le 25 février 1993, conclu avec la MNCAP un contrat de cautionnement qui n'a jamais été exécuté ; qu'enfin la MNCAP s'est abstenue de mettre en 'uvre la garantie de bonne fin financière ; qu'elle doit réparer le grave préjudice qu'ils ont subi et qui se décompose en un préjudice matériel, un préjudice moral ; qu'au titre du premier poste, ils sollicitent la somme de 330.000€ correspondant au préjudice subi du fait de la saisie de leur bien à laquelle doit s'ajouter celle de 33.000 € au titre des frais de notaire et celle de 33.000 € au titre des frais d'agence, celle de 30.000 € au titre des meubles qui n'ont jamais pu être récupérés, celle de 24.840 € , au titre des frais exposés pour se reloger , celle de
12.154 € qui représente la différence entre le montant de l'adjudication ( 96.000 € ) et la créance de la banque ( 83.846 €), soit en tout, 506.422,07 € ; que pour le second poste, ils demandent l'allocation d'une somme de 350.000 €, en précisant qu'ils avaient entrepris des travaux très importants dans ce bien où ils voulaient vivre une retraite paisible, que les conditions de leur expulsion ont été traumatisantes, que leur hébergement s'est fait dans des conditions de grande précarité ; que, selon eux, le lien de causalité entre ces fautes contractuelles et le préjudice qu'ils ont subi est patent, la MNCAP étant' tenue en sa qualité d'assureur, de caution et de garantie de bonne fin financière et cela de manière
cumulative' ;
Considérant que la MNCAP soutient que les époux [W] sont irrecevables dans leurs demandes formulées, en cause d'appel, à son encontre, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, selon lequel les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Considérant que cette exception constitue une fin de non-recevoir qui peut être opposée en tout état de cause ; qu'elle est donc recevable devant la cour de renvoi;
Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement que les époux [W] ont conclu que : ' la MNCAP a résilié sans droit le contrat d'assurance (qui les liait à eux), qu'elle doit, en sa qualité d'assureur du prêt, les garantir des échéances échues au titre de l'emprunt immobilier à compter du 18 décembre 1998, qu'en sa qualité de caution du prêt, elle doit garantie de toute défaillance dans le remboursement du prêt consenti par le Crédit Lyonnais'; que la Mnacap a répliqué qu'elle était fondée à refuser de prendre en charge le sinistre chômage déclaré puisque la déchéance du terme, prononcée le 18 janvier 1999, avait mis fin au contrat d'assurance et que l'assurance ne pouvait jouer que durant la durée contractuelle du prêt et non pas à partir de la déchéance du terme, étant à préciser que la déchéance du terme a été prononcée pour des impayés antérieurs au licenciement, et à dire que les conditions de son intervention au titre de son engagement de caution n'étaient pas réunies, puisqu'il s'agit en l'espèce d'une garantie pour le prêteur, de bonne fin financière en capital correspondant au remboursement de la perte finale après épuisement des actions amiables ou contentieuses de recouvrement des créances, et, subsidiairement, de dire que si la déchéance du terme avait été irrégulièrement prononcée ses incidences lui seraient inopposables ;
Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que les époux [W] n'ont pas demandé au tribunal de sanctionner les fautes commises par la MNCAP et de lui imputer le préjudice, matériel et moral, par eux subi consécutivement à la saisie et la vente du bien immobilier, cette dernière demande étant dirigée contre le Crédit Lyonnais et l'adjudicataire, mais de faire application des contrats qui, selon eux, contenaient, pour l'un, un engagement de caution, pour l'autre la prise en charge du sinistre chômage que Monsieur [W] avait déclaré ; que les demandes formées devant la cour d'appel n'ont pas le même fondement et tendent à d'autres fins puisqu'il est prétendu que les fautes de la MNCAP sont à l'origine du préjudice consécutif à la vente du bien d'habitation par le Crédit Lyonnais ; qu'elles sont indiscutablement nouvelles ; que les époux [W] ne peuvent pertinemment prétendre que la demande de dommages-intérêts litigieuse constitue l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale, puisqu'elles sont successives, exclusives l'une de l'autre, et fondamentalement distinctes , quant à leur cause et leur objet ; que les demandes des époux [W] doivent, en conséquence, être déclarées irrecevables ;
Considérant, sur la demande reconventionnelle de la MNCAP, que cette partie prétend que le contrat d'assurance étant arrivé à son terme à la date à laquelle le contrat de prêt est arrivé au sien, les garanties ont cessé à compter du 18 janvier 1999, date à laquelle la banque a prononcé la déchéance du terme ; que les sommes qu'elle a versées postérieurement à cette date l'ont donc été indûment ; que selon l'article 1235, alinéa 1er, du code civil tout payement suppose une dette et ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition ; qu'elle est donc parfaitement fondée à solliciter reconventionnellement la répétition de la somme de 6.925,27 € versée indûment à Monsieur [W] pour la période allant du 18 janvier 1999 au 31 janvier 2000 ;
Mais considérant qu'en l'absence de stipulation le précisant, la déchéance du terme du prêt garanti par un contrat d'assurance décès, incapacité de travail, invalidité et chômage n'emporte pas, du seul fait de l'exigibilité immédiate de la créance en remboursement l'extinction des effets du contrat d'assurance ; qu'il est par ailleurs constant que la MNCAP n'a pas mis en oeuvre la procédure prévue par l'article L 141-3 du code des assurances, ni demandé en justice la résiliation du contrat d'assurance ; que, dès lors, la somme dont la restitution est demandée a été versée en exécution du contrat et non pas indûment ; que la MNCAP doit être déboutée de sa demande ;
Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la MNCAP ;
Considérant que les époux [W] qui succombent pour l'essentiel seront condamnés aux dépens : que leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peut être accueillie ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'exception d'irrecevabilité recevable,
Déclare irrecevables car nouvelles en appel les demandes formées par les époux [W],
Déboute la MNCAP de sa demande en restitution de la somme de 6.925,27 €,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne les époux [W] aux dépens , y compris ceux de l'arrêt cassé , dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT