RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 27 Octobre 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05376 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de [Localité 7] RG n° 09-00081
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SAONE ET LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : R295
INTIMÉE
S.A.S PONTICELLI FRERES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Laurence LAUTRETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097
Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 4]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*********
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire d'un jugement rendu le 27 mai 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 7] dans un litige l'opposant à la société Ponticelli Frères ;
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que M. [L], employé par la société Ponticelli Frères en qualité de soudeur en tuyauterie, a établi une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'une surdité ; qu'après enquête, la caisse primaire a décidé de prendre en charge cette maladie au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles ; que la société Ponticelli a contesté l'opposabilité de cette prise en charge devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'elle a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 27 mai 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 7] a décidé que la prise en charge de la maladie de M. [L] est inopposable à la société Ponticelli Frères.
La caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions demandant à la Cour d'infirmer le jugement et de déclarer la prise en charge de la maladie dont M. [L] est atteint opposable à l'employeur.
Elle considère que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa décision de prise en charge était intervenue, le 26 août 2008, date de la rédaction de la fiche de colloque médico-administratif, alors qu'elle n'a été prise qu'à l'issue de la procédure contradictoire d'instruction, le 8 septembre 2008. Elle fait, en effet, observer que la fiche médico-administrative prise en considération par le tribunal pour fixer la date de prise en charge n'est qu'un document préparatoire à cette décision qui relève de son pouvoir exclusif. Elle ajoute que ce document, soumis à aucun formalisme, figurait dans le dossier mis à la disposition de l'employeur dans la période qui lui a été laissée pour prendre connaissance des éléments lui faisant grief et que ce n'est qu'à l'issue de cette phase de consultation que la décision a été prise. Enfin, elle soutient qu'en l'espèce, après enquête et avis médical, l'ensemble des conditions du tableau n°42 étaient bien réunies pour reconnaître l'origine professionnelle de la maladie.
La société Ponticelli Frères a fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à la confirmation du jugement. Elle reproche à la caisse primaire de ne pas avoir respecté les dispositions légales et réglementaires de prise en charge de la maladie déclarée par M. [L]. Elle conteste d'abord l'origine professionnelle de cette maladie au motif que l'intéressé n'avait pas pu être exposé aux bruits lésionnels susceptibles de provoquer l'atteinte auditive du tableau n° 42 car il était équipé de protections auditives. Elle soutient ensuite que les conditions du tableau n° 42 ne sont pas réunies dès lors qu'il n'existe pas de diagnostic sur le caractère irréversible de l'hypoacousie, qu'il n'est pas établi que les examens aient été pratiqués en cabines insonorisées avec un audiomètre calibré et que l'audiogramme réalisé ne démontre pas l'origine professionnelle de la surdité. Elle conteste également le respect du délai de prise en charge dans la mesure où, à l'époque de la constatation médicale de la maladie, M. [L] disposait de bouchons de protection empêchant son exposition aux bruits lésionnels. Enfin, elle prétend ne pas avoir été en mesure de prendre connaissance du dossier et de présenter ses observations préalablement à la décision précoce de la caisse intervenue, selon une position commune finale, dès le 26 août 2008 et souligne qu'en vertu de l'article L 315-2 du code de la sécurité sociale, les avis rendus par le service médical s'imposent à l'organisme de prise en charge.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR :
Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article L 461-1,alinéa 2, du code de la sécurité sociale, toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau est présumée d'origine professionnelle ;
Considérant qu'il en résulte que la surdité d'un salarié est présumée imputable au travail lorsqu'il a été exposé, au cours de son activité, aux bruits figurant sur la liste du tableau n°42 et que son déficit audiométrique bilatéral a été constaté dans les conditions de ce tableau ;
Considérant qu'en l'espèce, l'enquête administrative de la caisse primaire confirme qu'au cours de son activité professionnelle de soudeur en tuyauterie, M. [L] était exposé aux bruits lésionnels provoqués par les travaux de meulage, tronçonnage, martelage, burinage, cisaillage, ébarbage, polissage et découpage par procédé arc-air mentionnés au 1° de la liste du tableau n° 42;
Considérant que le seul fait que la société Ponticelli mettait à la disposition de l'intéressé des bouchons auditifs de protection ne suffit pas à écarter la réalité de son exposition professionnelle ; que cela confirme, au contraire, la présence d'un tel risque au sein de l'entreprise ;
Considérant ensuite que la constatation médicale de la surdité de perception bilatérale de M. [L] résulte des examens prévus et pratiqués dans les conditions prescrites par le tableau n° 42 ; qu'il ressort, en effet, des pièces du dossier que ce diagnostic a été établi au vu des audiométries tonale et vocale réalisées plus de 3 jours après la cessation de l'exposition aux bruits lésionnels et faisant apparaître un déficit auditif bilatéral d'au moins 35db sur la meilleure oreille ;
Considérant que, selon l'avis du médecin-conseil, les conditions médicales réglementaires du tableau n°42 sont réunies et la maladie en cause correspond au déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible désigné par ce tableau ;
Considérant enfin, que c'est à tort que l'employeur estime que le délai de prise en charge de cette maladie n'a pas été respecté au seul motif qu'à la date de la constatation médicale de cette maladie, l'intéressé était équipé de protections auditives alors que cet équipement ne suffisait pas à faire cesser son exposition aux risques ;
Considérant qu'ainsi, la surdité dont est atteint M. [L] a bien été contractée dans les conditions du tableau n°42 et bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail ; que l'employeur qui ne se prévaut d'aucune cause étrangère susceptible de l'avoir provoquée, sera donc débouté de sa contestation de l'origine professionnelle de la maladie ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la caisse primaire doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, aviser l'employeur des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief ainsi que de la fin de la procédure d'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle entend prendre sa décision ;
Considérant qu'en l'espèce, la caisse primaire a adressé à la société Ponticelli, le 26 août 2008, la lettre de clôture de l'instruction en l'invitant à venir consulter le dossier et présenter ses observations ;
Considérant que pour contester le respect du principe du contradictoire, l'employeur soutient que la fiche médico-administrative établie le 26 août 2008 démontre qu'à cette date la prise en charge de la maladie était d'ores et déjà décidée ;
Considérant cependant que cette fiche médicale ne comporte que l'avis du service médical ; qu'il s'agit d'un élément du dossier devant figurer parmi les pièces communiquées aux parties, conformément à l'article R 441-13 du code de la sécurité sociale, et non de la reconnaissance de la maladie professionnelle qui relève exclusivement du pouvoir de décision de la caisse primaire en tant qu'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'à cet égard, il importe peu que ce document fasse référence à une position commune finale et que l'article L 315-2 du code de la sécurité sociale dispose que les avis du service médical s'imposent à l'organisme de prise en charge ;
Considérant qu'ainsi l'avis favorable du service médical ne constitue pas la décision par laquelle l'organisme de sécurité sociale prend en charge la maladie professionnelle et cet avis pouvait donc être rendu et communiqué à l'employeur préalablement à la véritable décision de la Caisse, sans que le principe du contradictoire soit méconnu ;
Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges se sont fondés sur la délivrance de cet avis pour décider que les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale n'avaient pas été respectées et que la prise en charge de la maladie de M. [L] était en conséquence inopposable à l'employeur ;
Que leur jugement sera donc infirmé ;
PAR CES MOTIFS :
- Déclare la caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
- Déclare la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 25 mai 2008 par M. [L] opposable à la société Ponticelli Frères.
Le Greffier, Le Président,