RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 27 Octobre 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05294 LMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juin 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 09-01266/B
APPELANTE
CAISSE NATIONALE DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS venant aux droits de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales
RSI PARTICIPATIONS EXTERIEURES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Régis WAQUET, avocat au barreau de NANTERRE, toque : PN 95
INTIMÉE
SA MATINES
Les Mercuriales
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Daniel ROTA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : PN702 pour le Cabinet FIDAL
Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
Service juridique
[Adresse 2]
[Adresse 2]
régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mme Michèle SAGUI, lors des débats
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
La Caisse du Régime Social des Indépendants- RSI-venant aux droits de la Caisse Organic Recouvrement a, par lettre recommandée avec avis de réception du 15 juin 2010 régulièrement interjeté appel d'un jugement rendu le 1er juin 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui a :
-dit l'action de la société Matines recevable comme non prescrite,
-ordonné au RSI de restituer à la société Matines la somme de 1 509 471,27 € au titre de l'excédent de contribution sociale de solidarité des sociétés versé de 1991 à 2002,
-rejeté la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffit de rappeler qu'en vertu des articles L 651-4 et D651-4 du code de sécurité sociale, la Caisse nationale du RSI est chargée du recouvrement de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle sur les sociétés ; que les dispositions de l'article D 651-3 du même code instituaient un plafonnement de cette contribution en faveur des sociétés exerçant certaines activités de négoce limitativement énumérées ; que, par arrêt du Conseil d'Etat en date du 30 juin 2006, les dispositions de cet article ont été déclarées illégales ; qu'estimant avoir versé indûment la part de contribution excédant le plafonnement dont elle aurait dû bénéficier si les dispositions annulées ne lui avaient pas été appliquées, la société Matines a, dans un premier temps, demandé au RSI le remboursement de la somme de 215.227,25 euros correspondant à l'année 2003 ; que la caisse nationale du RSI s'était opposée à cette demande en invoquant la prescription de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a fait droit à cette demande par un jugement du 23 septembre 2008, rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et que cette décision a été confirmée par cette Cour dans un arrêt du 3 décembre 2009 ;
Dans un deuxième temps la société Matines a sollicité le remboursement de la somme de
1 509 471,27 € au titre de l'excédent de contribution sociale de solidarité des sociétés versé de 1991 à 2002, demande à laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a de nouveau fait droit sur la base des dispositions des articles L 651-6 et L 243-6, alinéa 1er du Code de la Sécurité Sociale.
La caisse nationale du RSI a fait déposer au greffe le 15 septembre 2011 et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement, d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de condamner la société Matines à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que la prescription prévue par l'article L243-6, alinéa 2er, du code de la sécurité sociale fait obstacle à l'action en répétition des sommes indûment versées de 1991 à 2002 que la société Matines n'a pas engagée dans le délai prévu par les textes s'agissant d'une période antérieure puisqu'elle porte sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où l'arrêt du Conseil d'Etat est intervenu.
Elle précise, en effet, que c'est à tort que la société Matines se prévaut des seules dispositions de l'article L 243-6, alinéa 1er précité auquel renverrait l'article L 651-6, et selon lequel la prescription de l'action en remboursement des cotisations indûment versées est de trois ans à compter de la date à laquelle elles ont été acquittées.
Subsidiairement elle prétend que le point de départ de la prescription ne pourrait être appréciée au jour de la décision du Conseil d'Etat ayant annulé les dispositions restrictives sur le plafonnement de la contribution mais doit toujours être fixé à compter du paiement de chaque terme prétendument indû, l'arrêt du 3 décembre 2009 ne pouvant être suivi dès lors que la société Matines ne justifie d'aucune impossibilité à agir avant la décision du 30 juin 2006 ;
La société Matines a fait déposer au greffe le 13 juillet 2011 et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation du RSI à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle rappelle que le plafonnement de la contribution sociale de solidarité prévu par les articles L 651-3 et D 651-3 du code de la sécurité sociale aurait dû lui être appliqué et qu'elle en a été indûment privée jusqu'à l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2006 annulant les dispositions réglementaires lui ayant jusqu'alors empêché d'en bénéficier.
Elle soutient que lorsque l'obligation de remboursement des cotisations est soumise au délai de prescription trentenaire de droit commun et que, si ce remboursement naît d'une décision juridictionnelle ayant révélé l'illégalité de la règle de droit, le point de départ de la demande de restitution n'est pas celui fixé à l'alinéa 2 de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale mais la date de cette décision juridictionnelle et qu'en ce cas, l'action en restitution de la contribution indûment versée est soumise au délai de prescription de trois ans de l'alinéa 1er de ce texte dès lors que le législateur n'a pas étendu l'application des dispositions de l'article L 243-6, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la contribution sociale de solidarité, l'article L 651-6 du même code n'ayant pas été lui-même modifié, de sorte qu'il en résulte qu'aucun renvoi aux dispositions de l'alinéa 2 ne peut être revendiqué ; qu'en attestent les divers rapports des commissions parlementaires qui mettent en lumière l'intention du législateur de distinguer entre la prescription de l'action et celle de la dette ;
Subsidiairement, elle indique que vainement est-il soutenu que le point de départ de la demande de restitution ne pourrait être celui de la décision du Conseil d'Etat ;
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR,
Considérant qu'il n'est pas argué que l'arrêt du 3 décembre 2009 rendu par cette Cour-qui porte sur des périodes différentes-ait l'autorité de chose jugée, quand bien même le bénéfice en est revendiqué par la société Matines ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 651-6, alinéa 2, du code de la sécurité sociale "Les dispositions du premier alinéa de l'article L 243-6 sont applicables à la contribution sociale de solidarité" ;
Considérant que ce dernier article prévoit que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ;
Considérant que le second alinéa de l'article L 243-6 dispose : "Lorsque l'obligation desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non conformité de la règle de droit dont il a été fait application....la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non conformité est intervenue ";
Considérant qu'ainsi, les demandes de remboursement des contributions sociales de solidarité sont soumises au délai de prescription fixé par l'article L 243-6 et non au délai de prescription de droit commun ;
Considérant que toutefois, cette prescription ne peut courir avant la naissance de l'obligation de remboursement ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Matines n'avait pas la possibilité d'exercer son action en remboursement de la contribution litigieuse avant la décision du conseil d'Etat du 30 juin 2006 ayant déclaré que l'article D 651-3 du code de la sécurité sociale est entaché d'irrégularité en tant qu'il énumère limitativement les activités bénéficiant du plafonnement de la contribution sociale de solidarité des sociétés ;
Considérant qu'en effet, lorsque le caractère indû de la contribution sociale est révélé par une décision juridictionnelle ayant annulé, en raison de leur non-conformité à une règle de droit supérieur, les dispositions réglementaires qui en constituaient le fondement, la prescription ne peut courir qu'à compter du jour de cette décision juridictionnelle ;
Considérant que la demande de la société Matines a été introduite moins de trois ans après l'annulation par le conseil d'Etat des dispositions du décret en exécution desquelles la contribution sociale avait été acquittée ;
Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par le RSI ;
Considérant en revanche que s'agissant des périodes de cotisations pouvant faire l'objet d'un remboursement, il ne peut être argué que les dispositions de l'article L 243-6, alinéa 2, du code de la sécurité sociale qui en limitent l'étendue à la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ne s'appliquent qu'aux seules cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales au motif que l'article 651-6 du code de sécurité sociale précité ne viserait que l'alinéa 1er de l'article L 243-6 à l'exclusion du deuxième alinéa ;
Considérant en effet que dès lors qu'il est demandé le remboursement de sommes indûment payées sur le fondement de leur non conformité au regard d'une décision juridictionnelle, en l'espèce l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 30 juin 2006, les dispositions du second alinéa de l'article L 243-6 du Code de la Sécurité Sociale sont seules applicables ;
Considérant que peu importe que l'article 651-6 du Code de la sécurité sociale précité n'ait visé que l'alinéa 1er de l'article L 243-6 dudit Code, cet article étant antérieur à la rédaction du deuxième alinéa, issu de la loi du 18 décembre 2003, et faisant d'évidence corps avec le premier comme en atteste la formule "desdites cotisations", renvoyant au texte qui précédait ; qu'en conséquence l'article 651-6 précité mentionnant ce premier alinéa s'applique, de par l'ajout du second, à l'ensemble des deux, sans nécessité d'une mention supplémentaire autre que celle des "desdites cotisations" ;
Considérant qu'il en découle que si l'action intentée par la société Matines n'était pas prescrite, les demandes portant sur les années 2002 et antérieures exclues par l'application de ces textes le sont ;
Considérant en conséquence que le jugement est infirmé ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Matines à payer au RSI la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la propre demande de l'intimée de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable et bien fondé,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit les demandes de la société Matines prescrites,
Condamne la société Matines à payer au Régime Social des Indépendants la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes.
Le Greffier, Le Président,