Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 27 OCTOBRE 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12648
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 08/01431
APPELANT
Monsieur [E] [T]
demeurant : [Adresse 3]
représenté par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour
INTIMEE
Société AFFICHAGE [Z]
ayant son siège : [Adresse 2]
représentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre BONFILS, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1740,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Patricia POMONTI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, présidente
Madame Patricia POMONTI, conseillère
Madame Irène LUC, conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société Affichage [Z] est une entreprise d'affichage publicitaire, spécialisée dans l'affichage publicitaire temporaire et le fléchage permanent d'annonceurs locaux et régionaux, créée le 31 mai 1991, et actuellement gérée par Monsieur [W] [Z].
Monsieur [E] [T] a travaillé en qualité d'agent commercial pour cette société à partir du 10 novembre 2001, dans le cadre d'un contrat verbal.
Il était chargé de la promotion des campagnes d'affichages, l'implantation de panneaux, de préenseignes avec recherche d'affichages et d'emplacements avec un commissionnement à hauteur de 10 à 15% selon la nature de la prestation.
Des commissions ont été allouées à cet agent pour les années 2002 à 2007. En 2008, la société Affichage [Z] a réclamé à son agent commercial un trop-perçu de commissions, s'élevant à 104.042, 80 €, et ne lui 'a pas versé de commissions pour l'année 2008.
Par acte d'huissier en date du 16 décembre 2008, la société Affichage [Z] a fait assigner à jour fixe Monsieur [E] [T], afin d'obtenir sa condamnation à rembourser le trop-perçu susmentionné avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date d'encaissement des sommes indues.
Ce dernier a à son tour saisi le juge des référés, afin d'obtenir le paiement de commissions.
Le 27 janvier 2009, Madame le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Auxerre s'est déclarée incompétente et a renvoyé M. [E] [T] devant le tribunal de grande instance d'Auxerre.
Par jugement du 25 mai 2009 le Tribunal de grande instance d'Auxerre a rejeté les conclusions et pièces communiquées tardivement par la société Affichage [Z] le matin de l'audience du 23 mars 200, l'a condamnée à payer à Monsieur [E] [T] la somme de 5 677, 26 euros au titre des commissions dues pour l'exercice 2008, et a débouté Affichage [Z] de l'intégralité de ses demandes et Monsieur [E] [T] de ses autres demandes.
Vu les appels interjetés les 8 et 10 juin 2009 par Monsieur [E] [T] et la société Affichage [Z],
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2009 par lesquelles Monsieur [E] [T] demande à la Cour de :
- dire Monsieur [E] [T] recevable et bien fondé en son appel et y faire droit,
- confirmer partiellement le jugement rendu le 25 mai 2009 par le Tribunal de grande instance d'Auxerre, et ainsi,
- débouter la société Affichage [Z] de l'intégralité de ses demandes,
- infirmer partiellement le jugement rendu le 25 mai 2009 par le tribunal de grande instance d'Auxerre, et ainsi,
- condamner la société Affichage [Z] à verser à Monsieur [T], la somme de 38.205, 10 € TTC, au titre de ses commissions impayées de janvier 2008 au 9 mars 2009, pour les contrats conclus antérieurement à la rupture du contrat de collaboration unissant Monsieur [T] à la société Affichage [Z],
- condamner la société Affichage [Z] à verser la somme de 19.590, 35 € TTC à Monsieur [T] au titre des commissions dues pour les contrats de location conclus sur trois ans,
- condamner la société Affichage [Z] à remettre à Monsieur [T] un relevé des commissions dues, lequel mentionnera tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé, depuis le 10 novembre 2001 à la date de fin de collaboration de Monsieur [T], et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- condamner la société Affichage [Z] à verser à Monsieur [T],
- la somme de 100.000 €, à titre d'indemnités pour rupture de son contrat d'agent commercial,
- la somme de 14.500 €, à titre de préavis,
- la somme de 30.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour violations de ses obligations légales et contractuelles,
- la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir la condamnation de la société Affichage [Z] des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir.
Monsieur [E] [T] demande à ce que la décision du Tribunal soit confirmée dans la mesure où il estime que la société Affichage [Z] ne justifie pas du trop-perçu , aucune des pièces versées par la société Affichage [Z] ne constituant un commencement de preuve de ces assertions et cette société ne justifiant pas de la méthode de calcul lui permettant d'obtenir le montant de 104 042, 80€.
Le requérant souligne que la charge de la preuve pèse sur ladite société.
Monsieur [T] demande que la Cour condamne la société Affichage [Z] à lui payer la somme de 38 205, 10 € TTC à titre de commissions impayées de janvier 2008 au 9 mars 2009, le paiement des commissions afférents aux contrats de durée triennale.
En outre, l'appelant affirme qu'il doit avoir le droit de percevoir des indemnités pour rupture du contrat d'agent commercial en raison de l'absence de respect du délai de préavis.
Monsieur [T] demande enfin une allocation de dommages-intérêts en raison de la violation de l'obligation de paiement des commissions, de délivrance des documents comptables afférents et de l'obligation de loyauté.
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 mai 2011 par lesquelles la société Affichage [Z] demande à la Cour de :
- confirmer la décision rendue le 25 mai 2009 par le tribunal de grande instance d'Auxerre en ce qu'elle a jugé que les demandes de répétition de commissions indues n'étaient pas prescrites et rejeté les demandes reconventionnelles de M. [E] [T],
- réformer la décision rendue le 25 mai 2009 par le Tribunal de grande instance d'Auxerre en ce qu'elle a rejeté la demande de paiement de la société Affichage [Z],
- condamner Monsieur [E] [T] à payer à la société Affichage [Z] la somme de 102.362, 64 € TTC sous déductions des commissions reconnues à Monsieur [E] [T] pour la somme de 5 677, 26 € TTC,
- allouer à la société Affichage [Z] une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Affichage [Z] demande à la Cour de condamner Monsieur [E] [T] à lui payer la somme susmentionnée qui provient d'un trop-perçu de commissions au cours des années 2002 à 2007 et de la facturation indue de commissions de M. [E] [T].
La demanderesse affirme par ailleurs que M. [T] ne peut prétendre se voir allouer des commissions sur les 318 baux d'emplacements publicitaires qu'il se prévaut avoir établis.
SUR CE
sur la demande de la société [Z] au titre du trop perçu
Considérant que la société [Z] n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure et la juste application de la loi et des principes régissant la matière sauf à apporter les observations suivantes;
Considérant que la société [Z] distingue dans le montant trop perçu une somme de 6 63,88€ au titre de prestations publicitaires en tacite reconduction de 2005 à 2008 et celle de 102 362,64€ pour des prestations réalisées hors intervention de M.[T] de 2002 à 2008
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen de la prescription pour les commissions antérieures à 2003 qui n'est pas repris en cause d'appel.
Considérant que la société [Z] fait valoir qu'il s'agit de contrats de location d'emplacement publicitaire signés par son dirigeant à partir de janvier 2002 dont elle produit en cause d'appel une copie et qui ont eu pour objet la location d'emplacements pour y installer des panneaux et des préenseignes pour une durée de 3 ans avec reconduction tacite par période d'un an ;
Que pour les autres il s'est aussi agi de contrats signés entre le client et M.[Z] lui-même sans intervention de M.[T] ou de clients anciens de la société existant avant l'arrivée de M.[T].
Considérant que l'activité de M.[T] a consisté à rechercher des emplacements à la demande de clients souhaitant effectuer une signalisation autour de leur magasin, à louer des emplacements dont disposait la société [Z] et enfin à organiser le travail matériel de pose ;
Que M.[T] verse des attestations de clients faisant état de l'effectivité des relations professionnelles entretenues, des bons d'achat et des factures revêtues de son tampon et de sa signature, produisant 318 contrats de bail ;
Qu'il n'est pas contesté que la société [Z] possédait ses propres emplacements qu'elle louait ; que la tâche de M.[T] consistait d'une part à rechercher de nouveaux locataires, d'autre part de nouveaux emplacements ; que dès lors la seule signature du contrat de location d'un emplacement ne démontre pas que M.[T] n'est pas intervenu ;
Qu'ainsi si la société [Z] vise le contrat signé avec le concessionnaire Peugeot de Joigny comme ayant été signé par M.[Z], M.[T] produit un bon à tirer de l'enseigne mettant en évidence son intervention dans l'installation matérielle ;
Que s'agissant des contrats avec le client Carrefour les échanges de mails entre M.[Z] et M. [T] démontrent l'activité de ce dernier auprès de ce client, M.[Z] lui ayant écrit le 21 novembre 2006 « je vous confirme les blocages des panneaux suivants suite aux propositions que vous avez faites à M.[B] :
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Adresse 8]
Le magasin ouvre ses portes le 6 décembre et les panneaux devront être en place avant cette date.Je vous remercie de bien vouloir programmer dès à présent la date de pose (pièce 138) ;
Qu'il convient encore de relever que par mail du 10 avril 2006 concernant Carrefour, [W] [Z] écrit à [E] [T] « Merci de me proposer un taux de négociation optimal » ;
Que s'agissant de la société Sodiva si le contrat a été signé par [W] [Z] , il résulte des pièces produites par [E] [T] que celui-ci était en relations directes avec le service marketing qui lui a retourné le 29 mai 2008 trois propositions commerciales validées pour des pré enseignes sur les sites d'[Localité 5] et de [Localité 9] ;
Que par un mail ayant pour objet les pré enseignes [Localité 4] il transmet des photos pour la pose et des instructions pour la modification des implantations existantes ;que concernant les pré enseignes Mac Donalds et Renault il justifie de son intervention à l'occasion de leur mise en place ;
Qu'ainsi, quand bien même un contrat a été signé par M.[Z], [E] [T] justifie de son activité auprès des clients et notamment le suivi des prestations, et apporte la preuve de ses interventions auprès des clients dans les hypothèses mêmes où il n'est pas le signataire du contrat ;
Qu'enfin la cour observe que les factures émises par M.[T] au titre de ses commissions sont précises et détaillées et impliquent une connaissance de la prestation qui, à défaut de signature personnelle du contrat, ne peut résulter que d'une intervention effective et que, si tel n'avait pas été le cas, la société [Z] qui est une petite entreprise qui n'emploie que trois salariés, n'aurait pas manqué de le déceler rapidement au regard même du montant des commissions facturées ;
Considérant en conséquence que la société [Z] à qui incombe de faire la preuve qu'elle aurait versé à tort des commissions à son agent fait défaut ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il rejette sa demande.
sur les demandes de M. [T]
Considérant que M.[T] expose avoir conclu des contrats de location d'une durée de trois ans et que des commissions lui restent dues à ce titre selon le détail qu'il produit au titre des années 2008 et 2009 ;
Que la société [Z] ne conteste pas avoir cessé de verser toute commission à son agent en 2008 alors qu'elle ne lui a notifié la résiliation de son contrat que le 21 juin 2008 ;
Que M.[T] verse l'état des commissions impayées de janvier 2008 au 10 septembre 2008 et les factures afférentes ainsi que celles du 10 septembre au 9 mars 2009 soit un montant de 38 205,10€ ;
Que ces factures sont circonstanciées et étayées par les attestations des clients concernant les interventions de M.[T] et l'effectivité de contrats conclus après la résiliation dont il est à l'origine ; que la société [Z] n'apporte aucun élément contraire ; qu'il y a lieu d'accueillir sa demande ;
Que M.[T] fait état de locations d'emplacement publicitaire conclus en mars et avril 2008 d'une durée de trois ans soit une somme de 19 590,35€ dont il fournit la liste détaillée sans qu'elle soit contestée par la société [Z] ;
Qu'il y a lieu en conséquence de lui allouer également cette somme et d'infirmer le jugement entrepris.
sur la rupture de son contrat et les indemnités
Considérant que la société [Z] a rompu les relations commerciales par courrier recommandé du 21 juin 2008 ;
Que ce contrat ayant débuté en 2001, M.[T] a droit à un préavis de trois mois et à une indemnité de rupture de deux annuités de commissions, réclamant à ce titre les sommes respectives de 14 500€ et de 100 000€ ;
Considérant que la société [Z] ne fait aucune observation sur ces montants ;
Qu'il y a lieu de faire droit à cette demande et de réformer le jugement entrepris.
sur la demandes de dommages et intérêts
Considérant que la société [Z] qui a résilié le contrat de son agent ne lui a pas délivré les documents comptables lui permettant de calculer ses droits et a cessé de lui verser ses commissions au titre des années 2008 et 2009 ;
Qu'il convient de relever la mauvaise foi de [Z] qui, en réponse aux demandes de M.[T] lui a écrit par courrier du 26 juin 2008 « vous ne pouvez vous prévaloir d'aucun mandat vous autorisant à commercialiser nos produits de communication et à assurer des locations d'emplacements publicitaires pour le compte de notre société » , puis par courrier du 25 juillet 2008 « Nous vous indiquons que nous réunissons actuellement l'ensemble des éléments de facturation depuis le 10 novembre 2001 à ce jour et serons en mesure de vous les communiquer d'ici la fin août septembre 2008 » ;
Qu'il s'ensuit que la société [Z] a manqué à ses obligations d'information et de paiement des commissions dues ;
Considérant que M.[T] affirme que son secteur géographique portait sur les départements 10, 89, 21 et 77 sur lesquels il bénéficiait d'une exclusivité et que l'intervention d'un autre agent constituait une violation de celle-ci ;
Qu'il a effectivement écrit le 27 juin 2008 à la société [Z] pour relater l'intervention d'un autre agent sur son secteur, faisant état de l'exclusivité dont il bénéficiait ce qu'il a rappelé par deux nouveaux courrier des 8 et 29 juillet 2008 ;
Que si ces courriers sont postérieurs à la notification de la résiliation, ils font état du non respect de la clause d'exclusivité par des agissements antérieurs ;
Que la société [Z] n'a pas répondu à cette observation et ne conteste ni cette exclusivité, ni l'intervention d'un autre agent sur le secteur de M. [T] avant la résiliation ;
Qu'ainsi est caractérisé le comportement déloyal de la société [Z] ;
Que, de la sorte, elle a d'une part empêché son agent de poursuivre paisiblement son activité, d'autre part elle l'a privé de ses commissions, le mettant à l'évidence dans une situation financière difficile dont il justifie, s'étant retrouvé débiteur tant en ce qui concerne ses comptes professionnels que personnels et ayant demandé des délais de paiement au trésor public ;
Qu'il y a lieu de chiffrer à la somme de 30 000€ la réparation de son préjudice et de réformer en ce sens le jugement entrepris ;
Considérant que les demandes au titre des commissions dues ainsi que les demandes indemnitaires de M.[T] ont été satisfaites, qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de condamnation sous astreinte de la société [Z] à lui fournir un relevé des commissions dues ;
Et considérant que M.[T] a engagé des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de la société [Z]à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T],
Statuant à nouveau,
Condamne la société [Z] à payer à M.[T] les sommes de :
- 38 205,10€ TTC au titre de ses commissions impayées de janvier 2008 au 9 mars 2009 pour les contrats conclus antérieurement à la rupture du contrat de collaboration,
- 19 590, 35€ TTC au titre des commissions dues pour les contrats de location conclus sur trois ans,
- 100 000€ à titre d'indemnités pour rupture de son contrat d'agent commercial,
- 14 500€ à titre d'indemnité de préavis,
- 30 000€ à titre de dommages et intérêts,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société [Z] à payer la somme de 5 000€ à M.[T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [Z] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN