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25/10/2011 | FRANCE | N°10/08792

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 25 octobre 2011, 10/08792


COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 25 OCTOBRE 2011
(no311, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08792
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 08/05565

APPELANT
Monsieur Bruno X......24130 LA FORCEreprésenté par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Courassisté de Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de Marseille

INTIMES
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESORBâtiment Condorcet - TELEDOC 3536 Rue Louise Weiss75703 PARIS CEDEX 13représenté pa

r Me Frédéric BURET, avoué à la Courassisté de la Me Marie-Agnès PERRUCHE, avocat au barreau de PA...

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 25 OCTOBRE 2011
(no311, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08792
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 08/05565

APPELANT
Monsieur Bruno X......24130 LA FORCEreprésenté par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Courassisté de Me Nicolas BRANTHOMME, avocat au barreau de Marseille

INTIMES
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESORBâtiment Condorcet - TELEDOC 3536 Rue Louise Weiss75703 PARIS CEDEX 13représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Courassisté de la Me Marie-Agnès PERRUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 229ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN

Le MINISTÈRE PUBLICpris en la personne deMonsieur LE PROCUREUR GÉNÉRALprès la Cour d'Appel de PARISélisant domicile en son parquetau Palais de Justice34 Quai des Orfèvres75001 PARIS
Madame ARRIGHI DE CASANOVA, avocat général, a déposé des conclusions écrites

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 septembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambreMadame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLICMadame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a a déposé des conclusions écrites

ARRET :
- contradictoire- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************
M. X..., ancien gardien de la paix affecté au commissariat du Raincy, avait été mis en examen le 28 janvier 1989 et placé sous contrôle judiciaire du chef de recel de vol dans le cadre d'une information ouverte au tribunal de grande instance de Bobigny le 17 novembre 1988 et relative à un trafic de voitures volées et maquillées.
Il a recherché la responsabilité de l'Etat pour n'avoir pas été jugé et n'avoir pas pu, donc, se défendre des accusations portées et lui a demandé la réparation de ses préjudices matériel, du fait de la suspension administrative qu'il a subie, et moral pour le stress qu'il a vécu dans l'attente hypothétique d'être jugé.
Par jugement du 20 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Paris a, estimant que la demande n'était pas atteinte par la prescription quadriennale, que désormais la prescription pénale a joué en faveur de M. X... depuis 2003, son inaction ayant contribué à ce que la prescription produise ses effets, condamné l'agent judiciaire du Trésor à lui payer la somme de 10 000 € pour déni de justice outre celle de 2 500 € d'indemnité de procédure.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par M. X... en date du 16 avril 2010,
Vu ses dernières conclusions déposées le 2 août 2010 selon lesquelles il demande la réformation du jugement sauf en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de l'Etat et, à titre principal et avant dire droit au fond, la désignation d'un expert afin de reconstituer sa carrière jusqu'à sa retraite et de calculer celle-ci, le cas échéant la désignation complémentaire d'un psychiatre pour déterminer les "effets de l'absence de décision pénale sur le cours de son existence", à titre subsidiaire la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui payer les sommes de 150 000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en réparation de son préjudice moral et de 200 000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en réparation de son préjudice matériel outre celle de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Vu les dernières conclusions déposées le 20 avril 2011 par lesquelles l'agent judiciaire du Trésor sollicite la confirmation du jugement et, aux constats de ce que l'inertie de l'appelant a contribué à la réalisation de son propre dommage et de ce qu'il ne démontre pas son préjudice matériel, le débouté de M. X... de toutes ses demandes y compris fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 24 mai 2011 aux termes desquelles le ministère public est à la confirmation du jugement,

SUR CE,
Considérant que M. X... soutient que, lors du jugement de l'affaire dans laquelle il avait été mis en examen, le 8 mars 2000, il était absent sous couvert d'un certificat médical de sorte que le tribunal avait disjoint son cas, comme celui de deux autres personnes, qu'ultérieurement deux autres jugements sont intervenus pour ces prévenus, les 15 novembre 2000 et 15 janvier 2003, sans qu'il soit jamais convoqué de sorte que l'acquisition de la prescription prévue à l'article 8 du code de procédure pénale n'est pas certaine ; que de toutes façons, outre la longueur de la procédure, il a été suspendu de ses fonctions au cours de l'année 1993 dans l'attente de l'issue de celle-ci et que l'instance disciplinaire entamée n'a jamais connu de dénouement ; que l'acquisition de la prescription pénale à son profit ne peut avoir pour effet d'atténuer la responsabilité de l'Etat à son égard dès lors qu'elle est due à sa carence ; qu'au moment de sa mise en examen il était en position de disponibilité depuis le 1er mai 1987 et qu'il a demandé sa réintégration le 29 janvier 1993 mais que le conseil de discipline a décidé alors, le 30 juin 1993, de surseoir dans l'attente de l'issue de l'information ; que la prescription pénale n'a pas commencé à courir le 8 mars 2000, date du jugement pour lequel il était convoqué, mais, au mieux, le 15 janvier 2003, date du dernier jugement intéressant une autre personne et manifestant que les poursuites continuaient ; qu'il souligne qu'il n'est pour rien dans la survenance de cette prescription ;
Que pour s'y opposer l'agent judiciaire du Trésor rappelle que, depuis l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 175-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 1er mars 1993, M. X... avait la possibilité de solliciter du juge d'instruction son renvoi devant la juridiction de jugement ou toute mesure utile sur le fondement de l'article 82-1 du même code, ce dont il s'est abstenu ; que de même, après que son sort ait été disjoint pour motif médical, il pouvait, après récupération, faire savoir qu'il souhaitait être jugé, ce qui lui aurait permis de faire valoir ses droits comme il le prétend ; qu'aucune pièce ne démontre l'incidence de la procédure pénale sur sa non-réintégration et qu'une expertise, telle que sollicitée, n'a pas à pallier sa propre carence ;
Que le ministère public admet la longueur anormale de la procédure suivie, le délai de 10 ans ne pouvait s'expliquer que partiellement par la nature des faits, et, partant, le déni de justice invoqué ; qu'il s'oppose cependant aux demandes de l'appelant car, outre le fait que le déni a abouti à la prescription en sa faveur, ce qui doit entrer en ligne de compte pour évaluer son préjudice, il ne démontre pas ni que sa carrière professionnelle dépendait de son jugement ni surtout qu'il ait fait quelque démarche que ce soit pour accélérer le cours de la procédure ou le jugement, cette inertie contredisant ses affirmations quant à l'importance à ses yeux d'une issue rapide ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
Que cette responsabilité ne peut être engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ;
Que constitue un déni de justice tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable ; qu'il doit s'apprécier à la lumière des circonstances propres à chaque espèce ; qu'en particulier il doit être pris en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures mises en oeuvre par les autorités compétentes ;
Considérant à cet égard qu'il n'est ni contestable ni contesté que le fait, pour un mis en examen, de devoir attendre plus de dix ans l'aboutissement de la procédure qui le concerne sans d'ailleurs même que cet aboutissement se concrétise par une décision juridictionnelle, quelle que soit sa teneur, caractérise un déni de justice au sens du texte précité, qui doit recevoir réparation ;
Que pour apprécier l'ampleur de la réparation adéquate il convient de relever que M. X..., qui avait à sa disposition, en tant que mis en examen, des possibilités juridiques pour intervenir sur le cours de la procédure, telles que celles mises en avant par l'agent judiciaire du Trésor notamment, s'est abstenu de toute démarche pour accélérer celle-ci ou, à tout le moins, pour obtenir d'être jugé, comme il affirme l'avoir souhaité, alors que, durant la même période, ses co-prévenus dont le sort avait été, comme pour lui, disjoint du fait de leur absence, étaient appelés, sur leur opposition, pour qu'il soit statué sur leur culpabilité ; que cette inertie contredit, à l'évidence, ses protestations affligées sur l'inexorabilité du temps judiciaire qui est passé sans que lui soit enfin donnée l'opportunité de s'expliquer sur les faits reprochés ;
Que dès lors le jugement, qui a accordé à M. X... la somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du déni de justice ainsi caractérisé par l'attente d'un hypothétique jugement sur sa culpabilité jusqu'à ce qu'intervienne la prescription de l'action publique à son profit le 8 mars 2003, ne peut qu'être approuvé ;
Considérant que M. X..., qui invoque également un préjudice matériel tenant au fait que les instances disciplinaires ont refusé de le réintégrer dans l'attente de la décision pénale le concernant, ne produit, à l'appui de ses dires, aucun document susceptible de les conforter ;
Qu'en effet, s'il justifie avoir demandé le 29 janvier 1993, au terme de six années de disponibilités pour convenances personnelles, sa réintégration et s'il verse aux débats une note du 19 avril du secrétariat général de l'administration de la police formulant un avis négatif et un document, sans en-tête officiel, comprenant les mots "conseil de discipline séance du 30 juin 1993" il convient de constater, comme le soulignent l'agent judiciaire du Trésor et le ministère public, que la note du 19 avril s'appuie, pour formuler le fait "qu'aucune suite favorable ne peut être réservée à la demande" sur "les résultats de l'enquête administrative" et indique être "dans l'attente de l'avis du conseil de discipline", ce qui témoigne que, à cette date et pour cause, la position dudit conseil ne constituait pas le motif du refus ; que s'agissant du document qui émanerait du conseil de discipline, qui se limite à énoncer, comme "motif de comparution" l'interpellation et les faits reprochés à M. X... ainsi que le fait que "une affaire judiciaire est actuellement en cours" mais ne comporte aucun avis à la suite de ce constat et que le procès-verbal, au demeurant non daté, qui reprend très précisément ces termes sous forme dactylographiée, contient une troisième page, manuscrite celle-ci, sans aucune mention d'identification ni de lien avec la précédente, indiquant un sursis à statuer, dont rien, de plus, ne permet d'affirmer qu'elle concerne la même affaire ; qu'il s'en infère que, contrairement à ce qu'avance M. X..., la preuve n'est nullement rapportée que le refus de réintégration est uniquement lié à l'attente d'une décision judiciaire le concernant alors au surplus que non seulement il n'allègue pas avoir, postérieurement, effectué d'autres démarches en ce sens, mais encore, comme l'agent judiciaire du Trésor le fait valoir exactement, il se garde bien de fournir quelque élément que ce soit sur sa situation personnelle et professionnelle depuis lors ;
Que l'agent judiciaire du Trésor observe à propos à cet égard que, en l'absence de lien entre la procédure pénale et disciplinaire, la demande d'expertise de M. X... ne saurait être accueillie pour pallier sa carence "s'agissant d'un préjudice incertain résultant d'une situation fictive générant des droits hypothétiques" ;
Considérant que, dans ces conditions, la décision des premiers juges ne peut qu'être confirmée ;
Considérant que l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application, en appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement,
Condamne M. X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/08792
Date de la décision : 25/10/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-10-25;10.08792 ?
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